Dire, ne pas dire

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Compresser pour Comprimer

Le 1 juillet 2021

Emplois fautifs

Le verbe latin premere a eu de nombreux dérivés, dont certains sont passés en français, comme comprimer, déprimer, exprimer, imprimer, opprimer ou supprimer (rappelons que les deux verbes primer, aux sens de « tenir la première place » et « récompenser », n’appartiennent pas à cette famille ; ils sont dérivés, l’un, de l’adjectif prime, l’autre, du nom prime).

Mais il en est aussi d’autres qui furent formés à partir de pressum, supin de ce même verbe premere, comme oppresser et presser. À ces formes il convient de ne pas ajouter compresser. Certes existe le nom compression, mais, de même qu’expression, impression ou suppression n’ont pas justifié la création des verbes fautifs expresser, impresser ou suppresser, l’existence du nom compression ne peut légitimer celle d’un verbe compresser.

 

on dit

on ne dit pas

Ses vêtements lui compriment le corps

Il faut comprimer l’artère

Les voyageurs sont comprimés dans le métro

Ses vêtements lui compressent le corps

Il faut compresser l’artère

Les voyageurs sont compressés dans le métro

Il disait qu’il viendra

Le 1 juillet 2021

Emplois fautifs

Dans La Pensée et la Langue, Ferdinand Brunot écrit : « Ce n’est pas le temps principal qui amène le temps de la subordonnée, c’est le sens. Le chapitre de la concordance des temps se résume en une ligne : il n’y en a pas. » Le propos est lapidaire et tranchant, mais notre héritage latin comme l’usage conduisent à le nuancer quelque peu. Rappelons donc qu’en français, quand le verbe de la principale est à un temps du passé, il est de meilleure langue que celui de la subordonnée le soit aussi. On dira ainsi il disait qu’il viendrait (viendrait est ici un futur dans le passé et non un conditionnel) et non il disait qu’il viendra. Cela étant, quand le verbe de la principale est au passé composé, cet usage peut n’être pas respecté si l’on souhaite rapporter plus précisément les propos prononcés. Signalons enfin que les arrêtés de 1901 et 1976 autorisent, le premier, l’emploi du subjonctif présent dans une subordonnée après un verbe au conditionnel, le second, l’emploi du subjonctif présent après un verbe au passé dans la principale : on peut donc dire je voudrais qu’il vienne, je voulais qu’il vienne, mais qu’il vînt reste de meilleure langue.

on dit

on ne dit pas

Le loup savait bien qu’il la mangerait

Il pensait qu’il pourrait le faire

Le loup savait bien qu’il la mangera

Il pensait qu’il pourra le faire

Il n’en fait uniquement qu’à sa tête

Le 1 juillet 2021

Emplois fautifs

En français, la restriction peut s’exprimer par les adverbes disjoints ne … que : Il ne s’occupe que de lui ; elle ne lit que des auteurs étrangers ; ils ne font que ce qui leur plaît. Elle peut aussi l’être à l’aide de l’adverbe uniquement ou encore de l’adverbe seulement : Il s’occupe uniquement de lui ; elle lit uniquement des auteurs étrangers ; ils font seulement ce qui leur plaît. Ces différents tours sont corrects, mais il convient de ne pas les superposer, comme cela s’entend parfois et de rappeler qu’une phrase comme Il n’en fait uniquement (ou seulement) qu’à sa tête est incorrecte.

on dit

on ne dit pas

Le bureau n’est ouvert que le matin ou est ouvert uniquement le matin

Le panda ne mange que du bambou ou mange seulement du bambou

Le bureau n’est ouvert uniquement que le matin

Le panda ne mange seulement que du bambou

Absence de prépositions

Le 3 juin 2021

Emplois fautifs

L’usage des prépositions est une des caractéristiques de la langue française, et celles-ci sont d’autant plus nécessaires que le français n’est pas une langue à flexion. Malheureusement, depuis quelque temps, un jargon technocratique tend à supprimer ces prépositions et à juxtaposer des noms de manière étrange, et ce, même dans des documents à caractère officiel. Nous avons parlé, il y a peu, du malaise voyageur ; ce n’est hélas pas la seule raison de ralentir les passagers (et d’abîmer la langue française), puisque l’on nous informe parfois que ces retards sont provoqués par une panne réseau. Dans telle bibliothèque un panneau nous avertit accès cour interdit, tandis qu’ailleurs on nous propose des informations coronavirus. Aurait-ce vraiment été une perte de temps que de dire ou d’écrire panne de réseau, accès à la cour interdit ou informations sur le coronavirus ?

Faire que… suivi de l’indicatif ou du subjonctif ?

Le 3 juin 2021

Emplois fautifs

La locution verbale faire que… est suivie de l’indicatif quand elle introduit un constat, une conséquence. On dira ainsi : la porosité des sols fait que l’eau ne peut rester en surface ; son assiduité et son sérieux font qu’il a réussi brillamment son examen. Si le fait en question est à venir, on utilisera, en fonction du degré de probabilité qu'il se produise, l’indicatif futur ou le subjonctif présent : son assiduité et son sérieux feront qu’il réussira brillamment son examen ; la chance peut faire qu’il réussisse son examen. Mais la locution faire que… est toujours suivie du subjonctif quand elle a la valeur d’un souhait, d’une prière. C’est d’ailleurs ce qui explique que, d’une part, dans ces emplois le verbe est généralement à l’impératif : Mon Dieu, faites qu’il réussisse. Faites qu’il guérisse, qu’il revienne sain et sauf ; et que, d’autre part, il entre dans la locution : Fasse le ciel que… (fasse le ciel qu’il parvienne à bon port).

Pareil que pour Pareil à

Le 3 juin 2021

Emplois fautifs

Les adjectifs semblable, identique et pareil se construisent avec la préposition à : la cagoule est une coiffure d’enfant semblable à un passe-montagne ; une reproduction dont les dimensions sont identiques à celles de l’original ; des mouchetures pareilles à celles de l’hermine. Ces trois adjectifs sont assez proches, par le sens, de même, mais deux points grammaticaux les distinguent de ce dernier. Semblable, identique et pareil se placent après le nom qu’ils qualifient tandis que même se place avant ; ce point ne pose pas de problème et n’est pas source d’erreurs : tous ces adjectifs restent bien à la place que leur a donnée l’usage. Mais, si, comme on l’a vu, semblable, identique et pareil se construisent avec la préposition à, c’est avec l’adverbe que que se construit même. L’importance et l’emploi fréquent de cet adjectif ont fait que, par analogie, on rencontre trop souvent le tour fautif pareil que.

on dit

on ne dit pas

J’ai un pull pareil au tien ou J’ai le même pull que toi

Il n’est vraiment pas pareil à son père

J’ai un pull pareil que le tien


Il n’est vraiment pas pareil que son père

Je vous joins le contrat signé au lieu de Je vous adresse, je vous envoie le contrat signé

Le 6 mai 2021

Emplois fautifs

Le verbe joindre peut avoir de nombreux sens : « être contigu à » (les terrains qui joignent la rivière), mais cet emploi est aujourd’hui désuet ; « approcher deux choses l’une de l’autre pour qu’elles se touchent ou se tiennent » (joindre des tôles avec des rivets, joindre les mains en signe de supplication) ; « réunir deux ou plusieurs choses pour former un tout » (joindre les pièces justificatives au dossier, joindre l’utile à l’agréable) ; « unir, allier deux personnes, deux familles » (ils sont joints par les liens du sang, se joindre aux manifestants). Dans tous les cas, on joint une chose à une autre, de même nature ou de nature proche, ou une personne en joint une autre. Il convient de ne pas ajouter à ces sens ceux de « faire parvenir, adresser, envoyer ». Rappelons cependant que vous trouverez ci-joint… est correct.

on dit

on ne dit pas

Je vous fais parvenir le document signé, je joins le document signé à mon envoi

Vous devez joindre une lettre de motivation à votre dossier, m’adresser une lettre de motivation

Je vous joins le document signé


Vous devez me joindre une lettre de motivation

Le réalisé pour La réalisation

Le 6 mai 2021

Emplois fautifs

Il existe en français nombre de participes passés substantivés, qu’ils soient féminins, comme arrivée, chevauchée, dictée, jetée, pensée, ou masculins, comme abrégé, comprimé, énoncé, arraché, procédé. Dans tous les cas, c’est l’usage qui a voulu que tel ou tel participe devienne aussi un substantif, le plus souvent pour pallier un manque. Mais depuis quelque temps, apparaissent des participes passés substantivés qui viennent inutilement concurrencer des substantifs déjà existants. On a vu il y a peu le cas de déroulé, que d’aucuns voudraient voir supplanter déroulement. Il en va de même du terme réalisé, que l’on commence à rencontrer en lieu et place de réalisation.

on dit

on ne dit pas

Un travail à la réalisation particulièrement soignée

 

Un travail au réalisé particulièrement soigné

 

On ne peut arrêter les gens de… pour On ne peut empêcher les gens de…

Le 6 mai 2021

Emplois fautifs

Le verbe arrêter peut avoir pour complément d’objet un nom de personne et signifier « bloquer, interrompre dans sa progression ». On dit ainsi La police a arrêté les manifestants à l’entrée de l’avenue, et cette phrase signifie qu’elle les a empêchés d’aller plus avant dans cette avenue, ou Les arrières ont arrêté les avants adverses, c’est-à-dire qu’ils ont mis fin à leur attaque, qu’ils les ont empêchés de poursuivre cette attaque. Ces deux tours sont corrects, mais il convient de ne pas les mêler. Si l’on peut dire arrêter quelqu’un, arrêter quelque chose et empêcher quelqu’un de faire quelque chose, la tournure arrêter quelqu’un de… est incorrecte.

on dit

on ne dit pas

Des barrières arrêtaient la foule, empêchaient la foule de passer

On ne peut pas empêcher les gens d’être mécontents

Des barrières arrêtaient la foule de passer


On ne peut pas arrêter les gens d’être mécontents

Une journée gagnée ou Une journée de gagnée ?

Le 6 mai 2021

Emplois fautifs

Le problème intéressait déjà la toute jeune Académie française et, à ce sujet, Littré écrit : « Les sentimens étaient partagés. Les uns disaient qu’il fallait toujours mettre le de ; les autres, qu’il était mieux de le supprimer : l’usage était aussi peu uniforme que les opinions. » Après avoir signalé qu’il s’agissait de constructions partitives, Littré ajoutait : « Des grammairiens modernes ont prétendu qu’il n’était pas correct de dire : il y a eu cent hommes de tués, et que le de devait être supprimé. La question avait déjà été agitée du temps de Vaugelas, qui déclarait que le de est appuyé par de bons auteurs. Aujourd’hui l’usage l’a consacré, usage qui d’ailleurs n’a rien d’inexplicable grammaticalement. »

Thomas Corneille, quant à lui, considérait que, quand le substantif précédait l’adjectif ou le participe, on ne devait pas utiliser la préposition de ; dans les autres cas, on devait l’employer, et particulièrement quand le pronom en tenait la place du substantif : il y eut cent hommes tués, mais il y en eut cent de blessés.

De nos jours, on continue à employer de avec le pronom en. Dans les autres cas, l’usage et les grammairiens acceptent l’emploi ou l’omission de cette préposition.

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