La langue aime adjoindre aux noms des insectes ou à ceux de leurs larves un épithète de nature qui précise à quelle sous-espèce ils appartiennent, comme on le fait pour le carabe doré ou le criquet pèlerin (et dans ce cas l’adjectif ne peut varier en degré), ou un adjectif qui énonce une caractéristique semblant inhérente à l’espèce ; c’est ainsi que l’abeille est dite industrieuse, ouvrière ou butineuse. Dans la première catégorie, on trouve la fourmi noire et la fourmi rouge, la mante religieuse, la mouche verte ou charbonneuse, le réduve masqué, la lamie longicorne, la punaise verte, la punaise des bois et le psylle suceur. Dans la deuxième, on trouve la fourmi qui n’est pas prêteuse, la cigale qui est insouciante, le hanneton étourdi, le pou tantôt fier et tantôt laid. Quant à la chenille, la larve du papillon, elle relève de la première catégorie puisqu’elle peut être arpenteuse, hérissonne ou processionnaire. Tout cela était figé et semblait donner une image immuable du monde, mais, depuis quelque temps, la paronymie est venue bouleverser ce bel ordonnancement puisque l’on commence à parler de chenille ouvrière. Loin de nous l’idée de vouloir contester les qualités de travailleuse de cette bestiole, mais il convient tout de même de rappeler que l’expression consacrée est cheville ouvrière et qu’elle ne désigne pas un animal mais l’élément d’un assemblage mécanique servant de pivot et, de manière figurée, la personne qui assure la bonne marche d’une affaire.