Propos sur l’Académie. Séance publique annuelle

Le 14 décembre 1972

Étienne GILSON

Propos sur l’Académie

 

Quand j’appris que j’aurais l’honneur de vous adresser aujourd’hui la parole, je n’allai pas chercher loin le sujet de mon discours. Je venais de relire le Remerciement de Boileau à l’Académie française, lors de sa réception le 1er juillet 1664.

Quelle idée, direz-vous, de lire des discours académiques ! Mais je cherchais l’homme, et avec un être aussi secret que Boileau c’est dans quelque écrit de circonstance, plutôt qu’en relisant le Lutrin, qu’on peut espérer le rencontrer derrière l’auteur.

Il ne faut pas s’y tromper, celui qui prononce son discours de remerciement à l’Académie le fait rarement sans quelque émotion. Dans le style convenu et sous le costume d’apparat que la circonstance lui impose, l’honneur qu’on lui fait le surprend. Il le dit, et c’est vrai. Une trace de cette émotion parait dans le remerciement de Nicolas Boileau, que la sentimentalité n’étouffait pourtant pas. Ses premiers mots n’ont rien que de banal : « Messieurs, L’honneur que je reçois aujourd’hui est quelque chose pour moi de si grand, de si extraordinaire, de si peu attendu... », mais prenons garde à ce qui suit : « et tant de sortes de raisons semblaient devoir pour jamais m’en exclure... » . Quelles raisons ?

On en voit au moins une. Chapelain est devenu pour nous une figure légendaire. Boileau l’avait définitivement ridiculisé, comme plus tard Voltaire devait décréditer Fréron, mais il avait été l’un des fondateurs les plus efficaces de l’Académie, c’est lui qui avait été son interprète pour rédiger, à la prière de Richelieu, les Sentiments de l’Académie sur le Cid. En 1664, Chapelain était mort depuis trente ans et Louis XIV avait remplacé Richelieu comme protecteur de l’Académie, mais celle-ci souffrait encore des mauvais traitements infligés par Boileau à l’auteur de la Pucelle. Tout le monde n’avait pas lu La Pucelle, mais beaucoup connaissaient les Vers en style de Chapelain composés par Boileau « pour mettre à la fin de l’épopée » :

Maudit soit l’auteur dur, dont l’âpre et rude verve
Son cerveau tenaillant, rima malgré Minerve ;
Et de son lourd marteau martelant le Bon sens,
A fait de méchants vers douze fois douze cents.

Élire Boileau n’était pas introduire dans l’Académie un élément pacificateur. Lui-même traçait d’ailleurs en y entrant le tableau des conditions qu’elle devait remplir pour lui plaire :

Je sais bien, Messieurs, et personne ne l’ignore, que dans les choix que vous faites des hommes propres à remplir les places vacantes de votre savante assemblée, vous n’avez égard ni au rang ni à la dignité ; que le savoir, la connaissance des belles-lettres, ouvrent chez vous l’entrée aux honnêtes gens, et que vous ne croyez pas remplacer indignement un magistrat du premier ordre, un ministre de la plus haute élévation, en lui substituant un poète célèbre un écrivain illustre par ses ouvrages et qui n’a souvent d’autre dignité que celle que son mérite lui donne sur le Parnasse.

On assiste là si je ne me trompe à un événement dans l’ordre de l’histoire sociale. Au nom de tous les Hommes de Lettres Boileau revendique leur égalité en dignité avec les Hommes de Cour. Une sorte de noblesse de plume réclame sa place dans l’ordre social. Un poète vaut un ministre du plus haut rang, pourvu qu’il soit un bon poète et sache juger des choses de l’esprit. Mais qui jugera les juges ? On pouvait craindre qu’introduire un critique aussi sûr de lui-même que Boileau dans une compagnie de lettrés ne préparât des difficultés pour l’avenir.

Il y en eut en effet, par exemple à la séance de juillet 1706, où l’Académie élut M. de Saint-Aulaire, alors qu’on attendait l’élection du marquis de Mimeure, lieutenant général des armées françaises et écrivain à ses heures. Sans qu’il eût fait campagne ni même, je crois, posé sa candidature, on lui prédisait dix-huit voix au premier tour. Les choses se passèrent autrement. Un autre candidat, pour qui j’aurais moi-même voté sans hésiter, le profond esthéticien que fut l’abbé Dubos, obtint trois voix ; parti favori, M. de Mimeure en eut une seule et M. de Saint-Aulaire fut élu. En ce temps-là les femmes n’étaient pas encore candidates à l’Académie, mais certaines faisaient les élections ; cette fois, la grande électrice avait été Mme de Lambert. L’incident n’avait rien de rare et il n’eût retenu l’attention de personne si l’unique voix obtenue par M. de Mimeure n’avait été celle de Boileau.

Une affaire Boileau ne pouvait passer inaperçue, d’autant plus qu’avec ce vote solitaire notre poète s’était mis tout le monde à dos, y compris M. de Mimeure lui-même qui, n’ayant rien demandé, était vexé d’un tel refus. Quand on a commandé à la bataille de Brisach, qui fut une victoire, on peut trouver désagréable, et même un peu ridicule, d’être battu dans une joute académique où l’on ne s’est même pas engagé. M. de Mimeure ne cacha pas son déplaisir, mais, comme l’expliqua Boileau, il ne s’agissait pas là d’une question de personnes, la Poésie était en cause. Mal inspiré, un partisan de M. de Saint-Aulaire avait cru lui gagner la voix de Boileau en lui envoyant un échantillon du talent poétique de son candidat :

Pour adoucir les maux de la vieillesse
Je voudrais seulement avec facilité
Savoir mêler quelque délicatesse
A beaucoup de simplicité.

Boileau bondit à la lecture de ce poème « très mal versifié », où cet « aspirant à la dignité académique » (je cite Boileau) conjurait la volupté « de venir prendre soin de lui pendant sa vieillesse, et de réchauffer les restes glacés de sa concupiscence ». Cette lecture continue Boileau, me mit en colère contre l’auteur d’un tel ouvrage. « Je le portai à l’Académie, où je le laissai lire à qui voulut ; et quelqu’un s’étant mis en devoir de le défendre, je jouai le vrai personnage du Misanthrope dans Molière, ou plutôt j’y jouai mon propre personnage, le chagrin de ce misanthrope contre les méchants vers ayant été, comme Molière me l’a plusieurs fois confessé lui-même, copié sur mon modèle ».

Ainsi, dès 1666, quarante ans avant sa sortie contre M. de Saint-Aulaire, Boileau était déjà l’Alceste de Molière, celui, il faut le redire car lui-même y insiste, que les mauvais vers mettaient littéralement « en colère ». Il s’en était pris alors à Chapelain. On lui avait conseillé la prudence dans ses jugements sur un poète que, lui disait-on, M. Colbert lui-même venait voir ; mais il avait alors répondu vertement : « Et quand le Roi lui-même viendrait le voir, ses vers en seraient-ils meilleurs ? » C’était beau, mais un peu inquiétant. Après tout l’Académie est une compagnie dont les membres se rencontrent chaque semaine. Les critiques les plus sûrs ne font pas nécessairement les confrères les plus agréables. En les entendant procéder à de telles exécutions, on se demande : et de moi, dont il ne dit rien en ce moment, que pense-t-il ?

Les confrères de Boileau n’en savaient rien, heureusement pour eux. Mais nous sommes mieux renseignés. Le 2 juin 1700, dans une lettre au Lyonnais Brossette, Boileau écrivait : « Je suis ravi de l’Académie qui se forme en votre ville. Elle n’aura pas grand peine à surpasser en mérite celle de Paris qui n’est maintenant composée, à deux ou trois noms près, que de gens du plus vulgaire mérite et qui ne sont grands que dans leur propre imagination. »

Ce qu’il y a de redoutable dans les jugements de Boileau, c’est que ce ne sont pas de simples boutades ; on pourrait le croire parce qu’il se fâche, mais il est réellement fâché, comme Alceste. Un mauvais vers l’indigne comme une mauvaise action. C’en est une à ses yeux et ses jugements littéraires sont pour lui autant de jugements moraux. Dans une lettre à Brossette du 1er juillet 1700, il ne s’enquiert de l’état présent de la nouvelle académie lyonnaise que pour avoir occasion de dire ce qu’il pense de celle de Paris. Celle-ci, dit-il vient d’abandonner l’examen de l’Aristippe de Balzac, jugeant l’auteur indigne d’être examiné par une compagnie comme elle. « Voilà une étrange ignominie pour un Auteur qui a été il n’y a pas quarante ans les délices de la France. À mon avis pourtant il n’est pas si méprisable que cette compagnie se l’imagine et elle aurait peut-être peine à trouver à l’heure qu’il est des gens dans son assemblée qui le vaillent. » Et voici la marque du profond critique : « Car quoique ses beautés soient vicieuses, ce sont néanmoins des beautés, au lieu que la plupart des auteurs de ce temps pêchent moins par avoir des défauts que par n’avoir rien de bon. Mandez-moi ce que pense votre Académie là-dessus. Excusez mes patarafes et mes ratures et croyez que je suis très véritablement, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur. Despréaux. »

Je n’ai pu me retenir de lire jusqu’aux derniers mots de cette lettre, parce qu’on y voit un Boileau quelque peu différent de celui de la convention historique, plus épris de la hardiesse des beautés que de la correction du style, et si exigeant envers lui-même qu’il ne peut écrire une simple lettre sans la raturer. Mais cette Académie française qu’il réduisait en pensée à trois ou quatre membres n’était pas faite pour rassurer ses confrères. En suis-je ? Trente-cinq des Quarante pouvaient se le demander.

Des rares échappés du massacre, nous connaissons avec certitude au moins un. C’est Jean Racine, le doux, le tendre, le pacifique, non qu’il manquât de dents pour mordre, mais il mordait rarement. Or lui non plus ne s’aveuglait pas sur l’Académie. Louis Racine rapporte dans ses Mémoires que son père regarda toujours Molière comme un génie unique ; « le roi lui demandant un jour quel était le plus rare des écrivains qui avaient honoré la France pendant son règne, il lui nomma Molière. — Je ne le croyais pas, répondit le Roi, mais vous vous y connaissez mieux que moi ». Or Molière n’était pas de l’Académie. Qu’était-ce donc que cette société si particulière, dont ni la noblesse du sang ni la grandeur des emplois ne suffisaient à ouvrir les portes, ni leur absence à les fermer, mais dont il semble que le métier de comédien excluait le plus rare écrivain de son siècle ?

On trouve cette société décrite par Racine lui-même, dans le discours qu’il prononça en qualité de Directeur de l’Académie, le 2 janvier 1685, lors de la double réception de Messieurs de Corneille et de Bergeret. Ce dernier n’a pas laissé d’écrits célèbres, et le Corneille en question n’était que Thomas Corneille, mais il était le frère cadet de Pierre et son successeur à l’Académie. Racine ne pouvait laisser se perdre une telle occasion de rendre à l’aîné un solennel hommage. Il le fit, j’allais dire, magnifiquement, mais je préfère dire, parfaitement, car la perfection sied mieux à Racine que l’emphase. Du morceau d’anthologie qu’est cet éloge de Pierre Corneille par Racine, je détacherai la louange des Lettres et de l’Académie que le directeur a ce jour-là tissé dans son texte :

Oui, Monsieur, que l’ignorance rabaisse tant qu’elle voudra l’éloquence et la poésie, et traite les habiles écrivains de gens inutiles dans les États, nous ne craindrons pas de le dire à l’avantage des Lettres et de ce corps fameux dont vous faites maintenant partie : du moment que des esprits sublimes, passant de bien loin les bornes communes, se distinguent, s’immortalisent par des chefs-d’œuvre comme ceux de Monsieur votre frère, quelque étrange inégalité que durant leur vie la fortune mette entre eux et les plus grands héros, après leur mort cette différence cesse. La postérité qui se plait, qui s’instruit dans les ouvrages qu’ils lui ont laissés, ne fait point de difficulté de les égaler à tout ce qu’il y a de plus considérable parmi les hommes, fait marcher de pair l’excellent poète et le grand capitaine. Le même siècle qui se glorifie aujourd’hui d’avoir produit Auguste, ne se glorifie guère moins d’avoir produit Horace et Virgile.

Racine patine ici sur une glace dangereusement mince, car s’il a raison, le Siècle de Louis XIV pourra aussi bien se nommer le Siècle de Corneille, et pourquoi pas le Siècle de Racine ? On ne voit pas quel plaisir cette pensée peut avoir fait au Roi Soleil.

Arrêtons-nous un instant sur des qualités de Corneille qui, moins éclatantes aux yeux de l’histoire, ont aussi leur prix : la probité, la piété, la bonté, la sûreté dans l’amitié. Se souvenant à propos qu’il parle en qualité de Directeur de l’Académie, Racine ajoute, peut-être à l’intention de certains de ses confrères dont on veut croire que la race est aujourd’hui éteinte : « Mais ce qui nous touche de plus près, il était un très bon académicien. » Et précisant sa pensée Racine ajoute : « Il aimait, il cultivait nos exercices. » Un peu plus loin Racine fait encore état d’une vertu inconnue d’Aristote et de saint Thomas d’Aquin qu’il nomme « le zèle pour l’Académie ». Parlant des « qualités propres pour l’Académie », il mentionnera, avec l’assiduité à ses exercices, la modestie et cet esprit de douceur, d’égalité, de déférence même, si nécessaire pour entretenir l’union dans les compagnies :

L’a-t-on jamais vu se préférer à aucun de ses confrères ?

L’a-t-on jamais vu vouloir tirer ici aucun avantage des applaudissements qu’il recevait dans le public ? Au contraire, après avoir paru en maître, et, pour ainsi dire, régné sur la scène, il venait, disciple docile, chercher à s’instruire dans nos assemblées, laissait, pour se servir de ses propres termes, laissait ses lauriers à la porte de l’Académie, toujours prêt à soumettre son opinion à l’avis d’autrui, et de tous tant que nous sommes le plus modeste à parler, à prononcer, je dis même sur des matières de poésie.

C’est là pour chacun d’entre nous un excellent examen de conscience à relire avant de se rendre à l’Académie. Peut être y faut-il une certaine proportion de chaque genre d’académicien : un Boileau pour plusieurs Corneille et Racine. Il y a d’ailleurs gros à parier que de la longue amitié qui unit le doux Racine au rugueux Boileau, c’est le premier qui recueillit le plus de fruit. Boileau n’avait que trois ans de plus que Racine, c’est pourtant lui qui apprit à son cadet, qui avait la rime facile, « l’art de rimer difficilement » et même de faire difficilement des vers faciles. Entre le vers de Corneille et le vers de Racine, il y a celui de Boileau.

Dès 1634, lorsqu’elle fixa ses statuts, l’Académie décida dans l’article 26 qu’il serait « composé un Dictionnaire, une Grammaire, une Rhétorique et une Poétique sur les observations de l’Académie ». La formule était heureusement vague, car le seul de ces projets qui se soit révélé viable, le Dictionnaire, confié d’abord à Vaugelas comme maître d’œuvre, devint aussitôt célèbre par sa lenteur. C’est qu’on ne pense pas assez à la nature de ce travail. Personnellement, quand j’ai l’honneur d’y prendre part, j’ai toujours le sentiment qu’on irait plutôt trop vite, car il faut beaucoup de mots pour en définir un seul. Un petit dictionnaire célèbre, et d’ailleurs excellent, définit un bac comme un grand baquet, puis un baquet comme un « petit cuvier de bois », ensuite un cuvier comme une « cuve à lessive », une cuve comme « un grand vaisseau pour la fermentation du raisin », et nous en resterons là, non sans observer que nous en étions déjà là au point de départ, car outre « un grand baquet » un bac est aussi « une sorte de vaisseau ». Si on se laisse dériver au fil des mots, on n’en finit jamais.

Dans sa charmante Lettre à l’Académie publiée un an après sa mort, en 1716, Fénelon consacrait déjà son premier chapitre au Projet d’achever le Dictionnaire. « Le Dictionnaire auquel l’Académie travaille, disait-il d’abord, mérite sans doute qu’on l’achève. » Il est vrai que la langue ne cesse de changer mais, justement, un dictionnaire de la langue de notre temps servira plus tard à comprendre les livres écrits de notre temps.

Quand on demande à nos Anciens pourquoi ils étaient émus et fiers d’entrer à l’Académie, on s’aperçoit qu’au fond eux-mêmes n’en savaient rien. On regrette que dans son discours de réception de l’abbé Colbert, Jean Racine ne s’en soit pas tenu là. Mais rien ne l’arrête :

Vous entrez, Monsieur, dans une compagnie que vous trouverez pleine de ce même esprit, de ce même zèle ; car je le répète encore, nous sommes tous rivaux dans la passion de contribuer quelque chose à la gloire d’un si grand prince ; chacun y emploie les différents talents que la nature lui a donnés. Et ce travail même qui seul nous est commun, ce dictionnaire qui de soi-même semble une occupation si sèche et si épineuse, nous y travaillons avec plaisir. Tous les mots de la langue, toutes les syllabes nous paraissent précieuses, parce que nous les regardons comme autant d’instruments qui doivent servir à la gloire de notre illustre protecteur.

C’est sans doute pourquoi, depuis la mort de Louis XIV, le Dictionnaire n’avance plus aussi vite qu’il devrait.

Sauf respect dû à Jean Racine, qui croirait de pareilles billevesées ? Je voudrais être sûr que lui-même n’y croyait pas entièrement non plus. Mais quand tout est dit, il reste quelque chose de secret dans la nature même de l’Académie française et de son travail.

Saint Augustin disait que toute société est faite d’hommes unis par l’amour commun d’un même objet. Et c’est vrai. D’autres Académies sont unies par leur amour commun de la vérité scientifique, historique, ou morale, ou encore des arts du beau sous toutes ses formes. Quel est donc l’objet de l’amour commun qui lie les membres de notre Académie ? Leur langue, c’est-à-dire, quoi qu’ils aient à dire, le souci de le dire bien. Bien dire, c’est obtenir de l’esprit l’expression de la pensée la plus parfaite dont cette langue soit capable.

Cette expression n’est pas à chercher dans les mots, mais dans la pensée ; ce sont les exactitudes de pensée qui dictent les bonheurs d’expression. « La syntaxe est une faculté de l’âme », disait Valéry. On s’explique par là que le souci commun du bon exercice de cette faculté ait réuni les premiers académiciens. C’est ce qu’ils appelaient « travailler à la pureté de la langue », c’est-à-dire travailler à y introduire tout le nécessaire, et surtout à en exclure le superflu, qui est le plus souvent le tout fait et le convenu. De ce convenu, l’élégant est le pire. On pourrait peut-être encore dire qu’il faut exclure d’un langage pur tout ce qui lui viendrait de lui-même plutôt que du sens. Bref la langue la plus pure est celle qui se moule le plus étroitement sur la pensée, que celle-ci ait pour objet l’abstraction philosophique la plus nue, la vérité scientifique la plus exacte, comme celle des mathématiques, ou au contraire l’image poétique la plus librement inventée. Parce que la pureté de la langue ne fait qu’un avec celle de la pensée, qui est l’homme même, il est bon qu’une société s’unisse pour la cultiver. Tout ce qui mérite d’être dit, vaut la peine d’être bien dit. La cause est belle, il est naturel que même parmi les grands, ses serviteurs ne se sentent jamais tout à fait dignes de la servir.