Discours prononcé lors de la remise des insignes de Grand-croix de la Légion d’honneur à M. Maurice Druon

Le 1 mars 2001

Pierre MESSMER

Remise des insignes de Grand-croix de la Légion d'honneur
à M. Maurice Druon
Secrétaire perpétuel honoraire

Discours de M. Pierre Messmer

le jeudi 1er mars 2001

     La cérémonie qui nous réunit revêt un caractère exceptionnel :

     Les dignités de Grand-croix de la Légion d’honneur sont rares : le code fixe leur nombre à soixante-dix, et soixante-trois dignitaires seulement sont en vie, dont une dizaine dans ce salon.

     Le Président de la République, Grand Maître de l’Ordre, a bien voulu me déléguer ses pouvoirs pour la remise des insignes, ce dont, Maurice et moi, le remercions très sincèrement.

     J’en suis heureux car nous sommes liés l’un à l’autre par un passé commun dont nous sommes fiers. Ensemble, nous avons connu l’honneur de servir la France dans la guerre, aux ordres du Général de Gaulle, l’expérience du gouvernement avec le Président Georges Pompidou et, depuis douze ans, nous participons ensemble à la vie de l’Institut de France.

     Les titres de Maurice Druon sont nombreux et, ce qui est plus rare, ils sont variés.

     Ses titres de guerre vont des combats de la Loire, élève officier à l’École de Cavalerie de Saumur en 1940, jusqu’à la capitulation de l’Allemagne en mai 1945, en passant par la Résistance et la France libre :

     Il rédige avec son oncle Joseph Kessel les paroles du Chant des Partisans qui sera en quelque sorte la Marseillaise de la Résistance.

     Il accompagne les armées de la Libération comme correspondant de guerre.

     Cette guerre l’a marqué en le faisant pénétrer dans un monde de sentiments que les hommes ne peuvent, hors d’elle, connaître ni même soupçonner.

     Ses titres littéraires sont précoces : Maurice commence à publier dès l’âge de dix-huit ans. Sa première œuvre importante est une pièce en trois actes, Mégarée, créée en 1942 au théâtre de Monte-Carlo, mais c’est après la guerre qu’il connaît succès et célébrité grâce à des romans :

     La Dernière Brigade, en 1946, Les Grandes Familles, qui lui valent le Prix Goncourt en 1948, Les Rois Maudits, roman historique en sept volumes dont les deux premiers paraissent en 1955 et le dernier en 1977. La télévision en tirera un film à épisodes qui a connu un immense succès.

     De nombreux essais à partir des années soixante :

     Paris, de César à Saint Louis, Bernard Buffet, L’Avenir en désarroi, Lettres et Nouvelles Lettres d’un Européen, Lettre aux Français sur leur langue et leur âme et d’innombrables articles.

     En 1973, est publié le premier tome de ses œuvres complètes qui comptent 25 volumes très incomplets car Maurice continue de publier, notamment des textes politiques : après Le Pouvoir, livre de notes et maximes paru en 1965, La Parole et le Pouvoir en 1974, La Culture et l’État en 1985, Circonstances et Circonstances politiques, recueils de discours en 1997 et 1998.

     En effet, à partir de 1973, Maurice Druon va goûter à la politique, en y entrant par le haut, comme ministre des Affaires culturelles dans un gouvernement que j’ai dirigé, en 1973 et 1974. Il sera élu député de Paris en 1978 pour l’expiation de ses péchés, dit-il, et à ce titre, siégera aussi au Conseil de l’Europe et à l’Assemblée des Communautés européennes, ancêtre du Parlement européen.

     Je ne peux manquer, ici, dans le Palais de l’Institut, d’évoquer ses titres académiques.

     Dès 1966, Maurice a été élu à l’Académie française dont il est le vice-doyen d’élection au trentième fauteuil, en remplacement de Georges Duhamel, combattant de la Grande Guerre, médecin et grand romancier.

     En trente-cinq ans, il y a beaucoup travaillé. La liste de ses discours, communications, rapports tient à peine dans trois pages de la notice de notre Compagnie.

     Et les quinze années, de 1985 à 2000, au cours desquelles il a été Secrétaire perpétuel ont connu l’épanouissement de ses talents. Il a conforté les liens de confiance et d’amitié avec ses confrères, malgré les différences d’origines, d’opinions politiques et philosophiques, la diversité des chemins suivis dans leurs vies. Grâce au concours de Madame Druon, il a créé, entre tous, un climat vraiment convivial.

     Spécialement doué pour l’affirmation, Maurice s’engage volontiers dans des combats pour la langue française, son enrichissement, sa diffusion dans le monde, sa défense contre ceux qui la dégradent ; pour l’Académie française, afin qu’elle se maintienne au premier rang des grandes institutions de notre pays.

     Car Maurice Druon est un combattant. Il donne des coups et il en reçoit. Et c’est pour de bonnes causes. C’est pourquoi nous l’aimons et nous nous réjouissons de l’honneur qui lui est fait aujourd’hui car il en est digne.