Réponse au discours de réception de Henry de Montherlant

Le 20 juin 1963

Antoine de LÉVIS MIREPOIX

Monsieur,

Le jour de ses adieux aux combats de l’arène, Rafael El Gallo, matador génial et volontiers superstitieux ayant pris l’épée pour le dernier acte du drame, s’approcha d’un groupe de spectateurs, amis fidèles, dans le dessein de les honorer. Et, comme ils lui étaient également chers, il voulut leur être également agréable, renouvelant à chacun en termes variés la dédicace de son taureau :

— À toi, qui m’as soutenu dans les bons comme dans les mauvais jours.

— À toi, pour ta loyauté !

— À toi, pour ta confiance !

— À vous tous, ma lutte suprême !

Puis il se retourna et marcha vers son adversaire. Brusquement il s’arrête, appelle son frère Joselito qui se tenait à quelque distance et lui dit :

— Occupe-toi de ce taureau. Il a une manière de me regarder qui ne me plaît pas !

Comme s’élevaient de vifs reproches, il murmura :

— Veulent-ils donc me faire tuer par un taureau qui n’est pas de mon style ?

Certes, il est de notoriété publique, Monsieur, que vous n’avez jamais hésité devant un taureau, l’épée de matador à la main. Cependant n’est-ce pas un peu de la sorte que vous avez plusieurs fois écarté l’épée académique ?

En vérité, notre Compagnie se trouvait bien éloignée des desseins meurtriers que El Gallo lisait dans les yeux du fauve, du fauve qui n’était pas de son style ! Seriez-vous superstitieux ?

Au contraire, Monsieur, votre style convient certes à l’Académie qui en était déjà persuadée, même quand il vous arrivait de protester du contraire. Elle a voulu vous placer au-dessus de vos doutes et des contradictions qu’il peut y avoir entre la puissance de l’œuvre et les incertitudes, les tourments, l’affectivité de l’homme. Il est vrai, comme vous le disiez tout à l’heure, que « jusqu’à ce jour, presque tous les écrivains français célèbres ont voulu être de l’Académie et qu’elle est accordée au tempérament national. »

Celui qui a porté notre langue à un tel degré de justesse et de cadence devait donc appartenir, non à ces « quarante qui n’en furent pas et se comptent depuis 1635 », mais à ces quarante qui en sont, dont le nombre vivant se renouvelle depuis trois siècles.

Il faut l’avouer, et ne pas confondre la faiblesse et la lucidité. Si la Vieille Dame n’a pas fait mystère de son penchant pour vous, encore que votre empressement ne parût pas toujours y répondre, c’est qu’elle s’est crue assez sûre d’elle-même et de son prestige, pour se flatter de vous comprendre plus tôt que vous n’alliez la comprendre vous-même. Ne vous a-t-elle pas donné, dans les commencements de votre carrière, le plus petit et le plus grand de ses prix : en 1920 un Prix Montyon et en 1934 le Grand Prix de Littérature ?

Tout s’éclaire aujourd’hui. « C’était écrit », ainsi parle l’Islam qui vous est cher.

L’écrivain qui dit : « J’ai atteint un âge où les seuls soucis d’art sont celui du mot propre et de ne rien ajouter. » et qui, s’imposant cette sévérité, cette exactitude, a su tirer, comme d’une cloche de bronze, un rythme infaillible, n’était-il pas fait pour répondre à cette recherche de la force par la sobriété, suprême hantise de ce sénat du langage où vous siègez aujourd’hui ? Ajoutons que l’indépendance d’esprit reste ici fort jalouse dans la courtoisie des échanges et vous y trouverez une autre et non moins vive raison de votre présence.

D’ailleurs, cette entente, comment pouvait-on la mieux célébrer que vous-même ?

« L’Académie — écriviez-vous à notre Secrétaire perpétuel, touchant les causes qui avaient amené cette séance privée — en se montrant si compréhensive, a prouvé qu’elle n’était pas seulement une maison de courtoisie, mais une maison humaine, ce qui est précieux dans un monde tel qu’il va ces jours-ci. »

Vous évoquez dans votre remerciement la civilisation menacée. Comment ne pas vous accorder avec l’Académie pour affirmer qu’un langage bien ordonné n’offre pas seulement le signe d’une civilisation, mais qu’il en forme l’un des ressorts. Les idées portent et construisent dans la mesure de leur expression. À une fermeté de métal on reconnaît la vôtre. Mais quelle révélation pouvons-nous y trouver de votre pensée, de votre caractère ?

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*   *

Votre œuvre a une telle puissance d’appel que, malgré tant de commentaires, et des plus brillants, et toute vanité repoussée, on espère y trouver encore de quoi satisfaire sa propre recherche.

De la fameuse règle des trois unités qui fit trembler Corneille, s’il en est deux — celles de temps et de lieu — qui ont perdu leur créance, il en reste une en tout son prestige, en toute sa vigueur, c’est l’unité d’action. Elle n’est pas seulement bonne pour le théâtre, pour le roman, elle l’est aussi pour l’histoire, la philosophie, la science. Je me suis obstiné à la poursuivre et dans vos ouvrages et dans votre personne, en dépit des brumes, volontairement déployées, qui les enveloppent.

En surface, nous apparaît un Protée, d’une opinion si mouvante qu’elle échappe à l’instant que l’on croit la saisir.

Ce n’est pas embuscade que d’en parler. Cette mobilité vous est chère : « Il ferait beau voir que n’importe quelle sottise devint bonne et sublime parce qu’on s’y tient ferme. »

Comme le paysan de Luther, écrivez-vous aussi : « étant tombé d’un côté de ma bourrique, je veux dire de moi-même, je n’ai de cesse que je sois tombé de l’autre. » ou bien : « Ne cédons rien. Elle n’a pas cessé de faire son fruit, la vieille doctrine de l’union des contraires. »

L’histoire ne vous donne-t-elle pas raison, surtout celle de notre pays ?

« Aujourd’hui et demain — faites-vous dire à l’Infante de Navarre — ne sont pas fils de la même mère. »

« Vivre toute la diversité du monde, et tous ses prétendus contraires, écrivez-vous encore, c’est la matière de ma poésie qui mourrait d’inanition dans un univers où ne régneraient que le vrai et le juste, comme nous mourrions de soif, si nous ne buvions que de l’eau chimiquement pure. »

Dès lors l’esprit de contradiction ne saurait vous être reproché. C’est une source d’inspiration, soit pour vous-même, soit pour vos personnages.

« Une présence m’écorche — murmure la Reine Jeanne — et la solitude me fait peur. »

Et ailleurs : « L’action et la non-action se rejoindront dans l’éternité. Je construirai et je détruirai ce que j’ai construit... une épigraphe pour ma vie. »

Cependant votre voix nous dit : « Ne me croyez pas... au-delà du moment où je parle. » Bon ! Nous ne croyons pas que vous puissiez détruire ce que vous avez construit.

Et ceci : « Il n’y a pas, ou il n’y a que rarement unité de style dans la vie. »

Par bonheur, avez-vous écrit « rarement », et c’est sur « rarement » que je m’arrête et me propose de vous retenir, en montrant qu’il est peu d’œuvres littéraires qui possèdent plus d’unité de style que les vôtres.

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*   *

Évoquerons-nous l’homme d’un côté, l’œuvre de l’autre ?

Nous ne voulons ni les séparer ni les confondre.

Vous avez mis en garde vos lecteurs contre un rapprochement excessif avec vos personnages. Mais les œuvres d’imagination ne sont pas les seules que votre plume ait données.

Aux commentaires extrêmement personnels qui les accompagnent s’ajoutent des essais à la manière de Montaigne, où -vous ne craignez pas de livrer vos secrètes pensées. Votre réserve dans le privé, votre éloignement de la familiarité laisseraient croire — et ce serait à tort — que vous n’êtes point porté aux confidences. Les particuliers n’en reçoivent guère, mais vous les réservez abondamment au public.

Dans ces deux sortes d’écrits, vos observations sur les autres, vos observations sur vous-même, nous découvrons, sous son masque aux multiples visages, cette unité qui ne se dissimule que pour être plus attentivement observée.

Oh ! Il ne s’agit pas de la prendre pour de la pauvreté, de la monotonie, de la sècheresse. Unité ardente aux cent actes divers, tantôt concentrée, tantôt épanouie, tantôt spontanée, tantôt réfléchie, n’obéissant qu’à elle-même, et pas toujours !

Cette unité, la voici. Vous portez en ce siècle, avec une superbe sans artifice, le défi millénaire de l’Individualisme français. C’est en lui que notre race trouve le meilleur et le pire. Le pire vous divertit parfois, mais au meilleur vous réservez votre plus haut plaisir.

Posons aussitôt qu’à la différence d’individualistes d’autres pays qui narguent la société en adoptant un modèle uniforme, les individualistes français ont ce trait commun de ne se ressembler pas. Votre individualisme possède en outre une large ouverture de latinité et vous mêlez aux nourritures spirituelles de notre hexagone celles d’Espagne, de Portugal et d’Italie.

N’admettant pas le primat de la Société, vous savez, sur certains plans, composer avec elle, sans vous détourner de votre but qui est, ainsi que vous le dites, « de rester seul, délibérément dans une société où chaque jour davantage, l’intérêt évident est de s’agréger. »

Encore faut-il soutenir cette solitude par une puissance d’esprit qui l’égale. Le roi Ferrante s’exprime ainsi : « J’ai dû me faire de ma propre pensée un haut lieu et une montagne. » et plus rudement vous dites : « Le dimanche, où les hommes vont en groupe, est le jour le plus bête de la semaine. »

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Alors, la solitude ?

Nous ne saurions abandonner les riches contradictions. Il s’agit, pour la personnalité, de prendre du champ, non d’ignorer le monde, à la façon d’un anachorète ou d’un cénobite, dont néanmoins l’état quelquefois vous attire, à l’autre extrémité de vos pensées.

N’êtes-vous pas l’auteur de Port-Royal et du Maître de Santiago ? Mais votre feu central, si j’ose dire, c’est Malatesta qui le révèle.

« Il ne s’agit pas seulement de vivre, mais de vivre en étant et en paraissant tout ce qu’on est. »

Transposée de la Renaissance italienne et d’un monde d’actions complètement différent de l’autre, demeure aujourd’hui en vous cette haute résolution. Voilà une idée que n’atteint jamais votre divertissement des contrastes et qui se maintient ferme en tous vos écrits sur vous-même et sur vos personnages.

Primauté incontestée de l’individu qui ne cessera de marquer ses distances avec la société, ce qui ne veut nullement dire qu’il lui soit délibérément opposé, ni étranger ! Vous ne seriez ni romancier, ni dramaturge, ni moraliste si vous détourniez vos regards de vos semblables.

« Il y a, direz-vous, deux sortes d’hommes, ceux qui dirigent et ceux qui sont dirigés. Les premiers sont les créateurs littéraires, artistiques, scientifiques, politiques, en somme les conquistadors de la pensée, de la beauté, de la vérité, du pouvoir. »

Mais, où votre individualisme se défend, c’est par votre refus, maintes fois exprimé, d’intervenir volontairement, de regarder si l’on vous suit ou de faire signe.

L’œuvre de l’écrivain est, selon vous, le fruit qui tombe de l’arbre. Le cueille ou l’abandonne qui voudra. Rien ne vous est plus étranger que le prosélytisme. Vous repoussez le « vouloir plaire » comme le grégarisme, « deux plaies du corps social ».

Au contraire, vous ne craignez pas d’envisager comme une vertu, comme une protection, le mépris. Il n’y a pas lieu d’en être choqué, vous dites pourquoi : « Qui ne méprise pas le mal ou le bas, pactise avec lui. » Ce mépris va plus loin, il s’étend jusqu’à la vanité de l’action, comme en témoigne l’une de ces répliques terribles que la Reine Jeanne adresse au Cardinal Cisneros : « Agir ! La maladie des actes ! On laisse les actes à ceux qui ne sont capables de rien d’autre. »

L’une de vos préoccupations constantes est qu’une foule anonyme ne recouvre pas entièrement l’individu. Vous prenez parti pour lui quand il est menacé par l’État. À cette remarque qu’on lui fait : « Savoir si le roi voudra que vous soyez coupable, ou s’il ne le voudra pas. »

Don Juan répond : « Tu as résumé en quelques mots l’institution de la justice humaine. »

Et, comme un écho à cette opinion du grand séducteur, retentit le sarcasme désabusé des Célibataires : « La caverne d’honnêtes gens qu’est le monde. » L’enlisement de l’individu dans la société que peint ce roman d’une puissance balzacienne, avec votre propre marque, vous ne cessez de le dénoncer par le fait, qu’il s’agisse de vous pencher avec une délicatesse émouvante sur la misère d’une famille d’artisans, ou d’honorer l’ultime étincelle de dignité dans la détresse d’un gentilhomme : « Il se rebiffe au lieu d’accepter et tout son paysage intérieur passe de l’ombre au soleil. »

L’on ne doit pas s’y tromper. Tel est le sens des Célibataires et non le « malheur aux vaincus ». Témoin cet article du Journal des Débats où vous montrez à vos héros malheureux, comme un chemin de salut, cette Association d’Entr’aide de la Noblesse française, dont le dessein est de retenir leur glissement ou de les tirer du fossé.

Le sens de l’humain révèle plutôt de votre part un respect de l’Individualisme des autres qu’une concession à la Société. La formule « Chacun pour soi », donnerait à votre primauté de l’Individuel une insensibilité où il ne vous convient pas de rester enfermé. C’est chacun par soi qu’il vaut mieux dire. Ainsi, le cas échéant, sans se détourner de leur propre but, les individus peuvent-ils se préserver, l’un l’autre, des entreprises de la Société, à condition d’agir gratuitement :

« Il vaut mieux — dites-vous — ne recevoir pas de reconnaissance pour ce que l’on mérite que de voir chez quelqu’un — rien n’est plus gênant — une reconnaissance disproportionnée avec le peu qu’on a fait pour lui. »

S’il y a une réciprocité qui vous tient à cœur, c’est la discrétion. Dès lors, ces avancées éclairées et ménagées, la personne revient sans brisure à elle-même.

« Les gouvernements disent aux garçons, l’équipe, le groupe parce qu’ils songent à leur intérêt. S’ils songeaient aux intérêts des garçons, ils leur diraient : « apprends à être seul. »

Et parfois, ce retrait se hausse jusqu’à l’exclusive de l’orgueil : « Madame, à votre place, murmure Inès à l’Infante de Navarre... — Vous vous oubliez, doña Inès. Personne ne peut se mettre à ma place. »

Il n’y a pas dans cette réplique qu’orgueil du rang, il y a orgueil du moi. De même le moi s’ajoute au rang dans cette réplique de la Reine Jeanne au Cardinal d’Espagne qui se plaint que jamais personne n’ait osé lui parler comme son étrange souveraine. Elle de répondre :

— Cela est naturel !

Si cette femme qui connaît la plus dure des prisons, celle où l’on retient la folie, et qu’elle soit inopérante contre sa liberté d’esprit, qu’en sera-t-il de vos autres personnages qui se maintiendront contre les murailles, contre les encadrements, contre les chaînes, l’un, par son ascétisme, l’autre, par son plaisir, l’autre, par sa cautèle, l’autre, par son courage, l’autre par sa négation, l’autre, par sa foi, aucun par sa médiocrité, car si vous semblez un instant la regarder, c’est pour y mettre une étincelle.

Et vous-même, Monsieur ?

La guerre éclate et vous brûlez d’entrer dans ce que vous nommerez bientôt « l’ordre de la guerre ».

Après un douloureux débat de conscience qui vous a retenu près d’une mère mourante, vous êtes pris dans le service auxiliaire. Vous restez quelques mois secrétaire d’État-major, puis vous faites une demande pour passer dans un poste du service armé.

Incorporé au 360e d’Infanterie et grièvement blessé en 1918, dans les Vosges — vous aviez vingt-deux ans — vous refusez toujours un grade, voulant rester « soldat parmi les soldats, nos frères, dans le tiers ordre de la guerre. »

Plus tard, la vie du soldat, ressentie jusqu’aux moelles, vous inspirera votre Chant funèbre pour les morts de Verdun :

« Cette terre à jamais inapte au frivole... entrée dans une gravité immortelle... plus vivante avec sa croûte de morts qu’aucun des lieux où la vie pullule. »

Et, vue sur l’avenir : « Prenons garde seulement que l’esprit de paix vivra à l’intérieur de l’idée de patrie ou ne vivra pas... ne se fera pas par une réduction de notre respect pour le pays natal, mais par une extension de ce respect aux autres nations... il faudra pousser la paix jusqu’à l’intensité morale de la guerre. »

« Quand on met son cœur contre le cœur de son pays, on entend un monde en marche. »

La guerre finie, vint bientôt le temps de ce qu’on pourrait appeler votre Hégire. Ayant réduit à leur plus simple expression vos attaches matérielles, vous quittez Paris avec deux valises pour habitat et vous vivez dix années, charmé de votre fantaisie et maître de votre univers d’écrivain, loin des facilités, des intrigues... et des confrères.

Cela ne signifie point, vous y insistez, un parti pris de solitude. Loin des salons, loin des cénacles vous recherchez le peuple. Au front c’était le soldat, en Afrique, ce sera l’indigène.

Ce grand antigrégaire que vous êtes, se révèle un ami de la foule. Et les confidences que vous refusez à chacun, et que vous offrez à tous font de votre tour d’ivoire une tour de verre. Croyez, Monsieur, que ceci n’est pas une critique. J’admire à quel point vous restez vous-même sous le feu croisé de vos contradictions et de telle sorte que vous pouvez bien vous jouer d’elles sans qu’aucune morde sur vous.

Vous maintenez que tout créateur véritable rêve d’une vie sans amis et vous entrez dans une équipe de sport. Le sérieux, la règle, la conscience gravitent autour de ce ballon qui vous rappelle la chevalerie du guerrier et ses lois.

Le sport vous a inspiré les Olympiques. On n’avait pas su depuis Pindare chanter l’exercice physique.

L’Ode à Mlle de Pleureur : « O femme, instrument de l’invisible, à genoux devant votre valeur. Qu’ai-je parlé de vos erreurs, de vos misères, de vos petitesses. Vous voilà totalement justifiée ! »

Et vous continuez, chantant une sorte de Jeanne d’Arc du sport.

Que soient ainsi consolées toutes celles qui ont souffert des duretés de Costal dans le cycle des « Jeunes filles ». Elles le sont mieux encore par l’admirable portrait de femme que vous avez mis sur le théâtre cette Inès, tout amour, toute mélodie, toute flamme pure.

De vos Olympiques se dégage un large panorama d’Histoire auquel je voudrais un instant m’arrêter.

Sans doute ai-je ainsi recueilli un de ces fruits de votre verger qui n’intéresse plus l’auteur. Et pourtant je ne me résous pas à abandonner ce passage, bien que vous l’ayez supprimé dans les rééditions des Olympiques. Il m’évoque ce Fils de personne, dont le père se détourne. Que voulez-vous, je lui reste attaché. Le voici : deux philosophies se disputent le monde :

L’une féminine, dans son génie, tend à négliger le corps. Née en Orient, comme les mirages, elle a enfanté l’utopie, l’infini dans le sens d’illimité.

Alexandrisme, Messianisme, Christianisme primitif, Réforme, Révolution française, Romantisme, Cosmopolitisme, Bolchevisme. Sur son sceau est gravé un cœur.

L’autre masculine, fondée sur la nature et la raison, sur l’alliance de l’esprit et du corps ! Elle tient pour le fini, elle tente d’y réaliser l’ordre. Elle atteint son expression dans la Rome de l’antiquité après la conquête de la Grèce. En relèvent, le Catholicisme romain, la Renaissance, le Classicisme, les concepts de tradition et d’autorité.

La première s’est épanouie sur les bords de l’Oronte Syrien, l’autre sur les bords du Tibre.

« Depuis longtemps, écrivez-vous, l’Oronte Syrien se jette dans le Tibre, apportant et le langage et les joueurs de corde, et les instruments à corde du pays qu’il arrose. »

« La plainte de Juvénal est nôtre, on demande une digue contre l’Oronte !... »

« Mon grand-père, zouave pontifical, disiez-vous, défendait, les armes à la main, cette même cause de l’héritage des Césars, non comme tenant du catholicisme, mais comme tenant d’un ordre romain dont le catholicisme fait partie. Le sport a continué dans ma vie ce réalisme de la guerre que marque éternellement le signe du Tibre au milieu d’un monde établi sur le principe de voir les choses telles qu’elles ne sont pas. »

On pourrait vous opposer bien des échappées sur les horizons incertains de l’autre philosophie. Je m’en garderais bien. Souvent, à la suite d’un maître qui vous est cher, et qui pas plus que vous n’était fait pour s’y attarder, vous errez parmi les Jardins sur l’Oronte.

L’ordre du Tibre ne demande pas, selon vous, la suppression de celui de l’Oronte, vous tiendriez pour un malheur d’en être totalement dépourvu : « Garder tout en composant tout ! »

Votre personnalité conserve son armure latine en parcourant la démesure du monde. L’empire des âmes fortes vous plaît avant tout et vous citez deux traits :

« Corbineau, général de Napoléon en Russie, à cheval, désarmé, ordonne à un prisonnier russe :

— Ramasse-moi mon sabre.

Le Russe lui rend son sabre et Corbineau recommence à sabrer. »

« Mme de Mérode allait mourir. Elle demande son ouvrage de broderie.

— Mais, Madame ne sait pas qu’elle va mourir ?

— Hé, ma fille, ce n’est pas une raison pour perdre le temps ! »

Mais, perçant toujours plus avant dans le fond des âmes, vous vous demandez dans quelle mesure la volonté reste un acte libre.

Ferrante, quand il ordonne la mort d’Inès, aperçoit l’horreur de son acte. Il persiste et murmure : « Ma volonté m’aspire ! »

Ce Ferrante, un de vos portraits les plus étranges et les plus vivants dans l’étrange ! Et c’est bien le feu mystérieux dans la personnalité que vous cherchez toujours à percer. En ce souverain despotique et désabusé, on la voit se dissoudre même avant la mort, tandis qu’à l’autre extrémité de votre galerie, un Maitre de Santiago l’aiguise jusqu’à la pointe acérée d’une lame, jusqu’à une victoire implacable.

Entre les deux, que de caractères s’étagent, définis dans leur force, dans leur faiblesse, dans la maladie ou dans le secret de leur cœur. Et je remarque combien vous êtes soucieux de les situer. Ceci, à la différence de nos classiques, dont les personnages évoluent à peu près dans le même milieu, dans le même décor. On sait que la couleur locale n’intéressait pas le XVIIe siècle. Mais il s’agit, pour vous, de quelque chose de plus que cela. Disons la couleur sociale, disons le fond du tableau, toujours soigné, non pour esquiver les caractères, mais pour les faire mieux ressortir.

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* *

Et voici où je veux en venir.

Sur quel fond, sur quel décor s’affirme votre personne ?

N’est pas individualiste qui veut. Il faut trouver matière à l’être, sinon l’on tourne à vide, comme ces « dandys » ou ces « lions » de l’époque romantique qui ne s’affirmaient que par l’excentricité. Mais quand on a, au suprême degré, des motifs d’« être soi » on voudrait ne devoir l’édifice de sa vie qu’à soi-même. Vous avez exprimé souvent ce désir, cette conviction, mais grâce à votre sens de l’humain, vous n’avez tranché ni vos liens avec les vivants, ni vos liens avec les morts.

Vous n’accepteriez pas qu’on vous donnât pour un traditionaliste, mais vous avez mis, comme un objet familier, votre tradition parmi vos confidences.

J’ai relu plusieurs fois cette méditation sur la tombe familiale de Montherlant. Elle porte des armoiries : une tour qui flambe et deux glaives. Aucun nom n’apparaît sur cette pierre usée. Elle abrite un aïeul inconnu. Loin de songer à rechercher son histoire, vous ne voulez pas, comme Alfred de Vigny que, par le lustre de votre plume « il descende de vous ». Mais cette âme endormie ne vous est certainement pas indifférente.

Il n’est point nécessaire de suivre sous la terre, ou sous le temps ses racines pour sentir la mystérieuse existence du passé. Vous dites « Je n’ai que l’idée que je me fais de moi. »

Mais vous avez la sensibilité que vos morts vous ont faite.

D’ailleurs, il n’est pas que des inconnus à qui vous songiez. Vous avez aimé ce souvenir que j’évoquais devant vous d’un élégant chef d’escadrons de Hussards, du temps de la tunique bleu ciel et des brandebourgs, que je voyais galoper sur la piste du quartier de Meaux. Il s’appelait Riancey, c’était votre grand oncle, dont le père, votre aïeul avait été l’un des chefs du parti légitimiste et l’un des promoteurs de la loi Falloux.

« Seulement pour les lys » murmurait la devise à demi effacée que vous lisiez sur la tombe de Montherlant.

Évocation du service, à quoi vous ajoutez « inutile », mais, puis-je dire, comme les lys eux-mêmes « qui ne travaillent ni ne filent ». Inutilité, peut-être, mais choix de la meilleure part. Inutilité dans une lointaine rétrospective qui s’efface, mais pleine de signification forte si l’on compte ce mouvement qui est resté en vous, l’un des plus désintéressés qui soient, et dont la raison d’être est la gratuité, l’inutilité superbe, je veux dire le point d’honneur !

On le voit percer en toutes vos défenses, en toutes vos attaques, c’est lui qui a le pouvoir de faire que votre indépendance jalouse tressaille et se retourne vers l’inquiétude humaine.

Vous le distinguez et le sentez dans les moindres choses. Dans ce trait, par exemple : Un petit bourgeois se mourait sur un pliant, dans la rue et murmurait : « J’ai honte ! » Il vous a laissé, dites-vous, une émotion respectueuse : « C’était le mot d’un être poli et discret qui tenait pour un manque de tact de mourir parmi les femmes et les enfants ! »

 

Le point d’honneur règne d’abord et avant tout sur la rigueur de votre art, sur votre intransigeante fidélité à ce que vous nommez « la part essentielle de l’écrivain ». C’est à ces prémisses et à leur développement qu’il doit indéfectiblement se tenir et ne s’en écarter que dans les dangers de la patrie parce que le sort des lettres est soudé à celui de la nation.

Le point d’honneur ! dès votre jeunesse, il animait votre impatience à courir aux armées. Il instillait, si j’ose dire, dans l’impératif du devoir à la patrie, incontesté sans doute, mais d’ordre général, une ferveur individuelle.

« Les générations françaises, écrivez-vous, ont continué à mourir, non pas pour rien, mais pour l’honneur. »

C’est donc ce lien qu’elles se transmettent. Voilà par où vous regardez vers la continuité !

Votre dernier mot n’est pas de « voguer sur les mers du néant ». Vous n’auriez point écrit la lettre d’un père à son fils, ni dépeint les tourments de Costal quand il se sent déchiré entre le temps qu’il doit à son art et celui qu’il doit à sa paternité. D’autre part quel hommage à la continuité de la mère : « Dans le sein de la force des mères est assise la force des fils. »

Vous n’auriez pas dit : « Je crois que la plupart des enfants sont des inspirés, des moyens pris par Dieu pour s’exprimer. Le monde, nomme Bélisaire, vient vers nous appuyé sur un enfant. »

Et avec les enfants vous avez exalté le bonheur, combattu la superstition de la souffrance, célébré le courage, le mérite, la valeur d’être heureux.

*
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Ne quittons pas le point d’honneur sans qu’il nous conduise à cette épopée sur laquelle se module toute votre symphonie d’écrivain, un grand rond de lumière, le taureau et son apothéose.

Peut-être votre dernier roman, cette incursion dans les ténèbres d’une âme où le bronze du style rend un son si tragique, m’eût-il laissé craindre que l’exaltation de l’arène aurait, auprès de vous, perdu de son crédit ? Mais il n’en est rien. Vous m’avez rassuré par votre dédicace. Cette vision de chute n’est pas la vôtre. C’est votre héros, non pas vous, qui l’ajoute à tous ses sombre abandons.

Votre jeunesse a débouché sur le sable ardent. Toute votre vie en a gardé les principes.

Nous savons bien ce que ces principes ont souffert. Mais quelle déplorable manière de les célébrer, celle qui consiste à ne voir que leurs altérations, qui furent de tout temps, sans regarder ces quelques minutes de vérité, qui, elles aussi sont de tout temps et restent le ferment de la noble fête. Le point d’honneur, c’est toujours sa loi.

Honte à celui qui l’enfreint, gloire à celui qui la respecte ! Comme vous avez su retenir, des dix minutes de chaque combat, le profil d’une destinée ! Ainsi présentez-vous celle du Cardinal d’Espagne au moment qu’elle se résout :

Au premier acte, il apparaît « levantado », comme le taureau qui bondit dans l’arène défiant tout ce qu’il voit.

Au second acte, il se montre « parado » où si l’on veut, il se ramasse après avoir éprouvé, comme le taureau, les piques et les banderilles, lui, les insinuations cruelles des courtisans et les rebuffades terribles de sa souveraine.

Au troisième acte, on le trouve « aplomado », alourdi par la lutte, mais toujours redoutable à approcher. Et il finit, comme si souvent le taureau, se relevant sous les coups maladroits, jusqu’à ce que la lettre du jeune roi lui apporte le coup mortel.

Que de comparaisons vivaces se rencontrent dans l’arène où vous tenez la plume après celle où vous avez tenu l’épée !

Ainsi à propos du Fils de personne : « J’ai fait aller ces quatre actes où je voulais, comme un matador avec sa muleta fait tourner autour de lui un taureau facile. »

Et ceci : « J’y retournai, comme un torero blessé par la bête se relève avec rage et saignant se jette sur elle... »

Ou encore : « Sortir de sa tranquillité pour appeler sur soi le taureau, du pied, du cri et de la cape, c’est une tentation qui revient périodiquement dans ma vie. »

La formule de cet art de la muleta, tout de divination, de tact, de science :

Parar qui est retenir ;

Templar qui est assouplir ;

Mandar qui est s’imposer, comme on la retrouve chez vous ! Ainsi se développent sur le théâtre vos combinaisons ! Et ces trois mots : parar, templar, mandar ne disent-ils pas aussi la comédie dramatique de l’amour, d’abord sur sa défense, puis sur sa douceur, enfin sur sa victoire.

Vous attachez tant d’importance à ce plan souterrain de votre activité créatrice, que vous en venez peu à peu à lui subordonner le mythe, le mythe grandiose que vous avez célébré avec faste dans l’épilogue des Bestiaires : « Mithra, malgré lui, tuait le taureau sur l’ordre du Soleil. Et voici que, de son sang, sortait du vin, de sa moëlle, du blé et tous les végétaux. La corne taurine devenait le symbole de l’abondance. »

Le soleil se couche sur la Camargue entre les cornes du taureau, sa fière victime offerte à Mithra : Grande blessure du crépuscule saignant tous les jours sur le monde !

Ce n’est pas le lion qui est le roi des animaux. Il ne se bat que pour sa pitance. Le taureau est herbivore, il ne se bat que pour l’honneur ! Et quand il est de bonne souche, pour garder jusqu’au bout son invincible défi.

S’il est vrai que la vie et la mort sont les deux faces de la nature, il n’est de spectacle plus réel et plus pathétique que celui qui les réunit dans une même apothéose. Apothéose d’une bête sauvage qui trouve en elle sa propre grandeur, tandis qu’à sa mesure l’homme doit s’égaler !

Point d’honneur, hauteur de l’affirmation, vous voilà !

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En toutes les formes que vous avez données à votre interprétation de l’Individualisme, on voit qu’il n’est pas nécessaire pour demeurer soi-même, de recourir à la misanthropie. Cependant si vous la réprouvez, vous ne visez pas à devenir citoyen du monde.

 

Tel était, au contraire, l’état naturel de votre prédécesseur. Quand je dis prédécesseur, il m’a semblé parfois, en vous écoutant, que vous le traitiez en récipiendaire dans une Académie de l’après-mort. Par un mouvement de votre imagination, qui inclinerait volontiers au macabre, vous l’auriez gagné de vitesse, et, franchissant l’espace inconnu, vous vous seriez trouvé là, pour le saisir au seuil de l’implacable nuit. Vous rejoignez ici à votre manière le thème classique de l’Oraison Funèbre, où vous faites glisser l’éloge.

Je ne crois pas, néanmoins, qu’André Siegfried ait délibérément écarté sa pensée de la mort, dont vous faites état qu’il ait peu parlé.

Chrétien convaincu, il la méditait pour lui-même et la voyait sous le même jour qu’il voyait la vie, sous la lumière divine.

Mais ce grand vivant se donnait pour tâche, c’était son choix d’écrivain, de faire aimer l’existence visible, la société humaine, tout l’aménagement du séjour terrestre, par la confiance, par l’espoir, avec une foi sans trouble et une curiosité de tous les horizons. Les voyages formaient son habitat, et vous ne les aimez point : « Voyager c’est errer, errer, c’est erreur ! »

À y regarder de plus près, les voyages d’André Siegfried se définissent autrement. Ils ne le distrayaient point de sa part essentielle. Ils l’y conduisaient. À travers l’inconnu et les troubles de l’univers, il traçait de grandes allées à la Française. Sa part essentielle était le ressort des sociétés. La vôtre est le ressort de l’homme, encore qu’il fût loin de la négliger.

Dans une lettre préface adressée à M. Émile Girardeau pour son ouvrage Le progrès technique et la personnalité humaine, il écrivait : « Que vaudrait le progrès matériel le plus splendide s’il fallait le payer du sacrifice de l’Individu... Le but reste l’homme. »

Une importante partie de son œuvre est consacrée à le défendre contre l’État. La liberté dans la civilisation, voilà le levier suprême. Elle ne consiste pas, selon lui, à tout se permettre, elle consiste à ne rien se laisser imposer.

Mais, en dépit des avantages de toutes sortes que chaque pays peut recueillir des formes diverses de la civilisation, André Siegfried nous a montré que le comportement des nations entre elles reste encore sujet à quelques lois assez dures, des lois de fait qu’on ne saurait confondre d’ailleurs avec des principes.

Dans une brochure devenue rare, avec beaucoup d’ingéniosité et sans nullement solliciter le texte, il explique par quelques fables de La Fontaine — qu’il appelle le Machiavel français — la plupart des drames qui ont déchiré notre siècle : « Ainsi notre évacuation prématurée de la rive gauche du Rhin, en 1936, ne fait-elle pas songer au Lion amoureux qui se laisse rogner les griffes... et ne se peut plus défendre.

« Le Reich, quand il se plaignait des menaces de la Pologne, l’Union soviétique, des menaces de la Finlande, n’était-ce pas la fable du Loup et de l’agneau. »

« Définir l’agresseur, écrit Siegfried, les puissants vous diront toujours que c’est l’agneau. »

Et au moment même où notre confrère quittait ce monde, le Dalaï-lama, en refusant l’invitation de la Chine, ne faisait-il pas songer à cette fable qu’il cite : Le Lion malade. Le renard appelé auprès de lui murmure :

« On voit bien comme l’on entre

On ne voit pas comme on en sort. »

Ce petit ouvrage est un véritable écrin de secrets politiques.

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Vous avez loué la vivacité de son esprit au delà de ses quatre-vingts ans. Il me souvient que le jour de cet anniversaire, étant alors directeur de notre compagnie, je lui avais offert nos vœux tandis qu’il entrait l’œil plus vif, le visage plus souriant que jamais.

Professeur né, ressentant une véritable vocation d’enseignement, il fut le créateur d’une élite dans plusieurs générations auxquelles il représentait ce que Lyautey nommait un technicien des idées générales.

Il les faisait assister à l’évolution vertigineuse du monde en les préservant, comme il s’en était toujours préservé lui-même, de la contagion de ce vertige.

Son esprit possédait deux forces qui ne s’accordent pas toujours une curiosité illimitée, un ordre intérieur inébranlable.

Attentif à tous les mouvements du globe, il n’ignorait rien de l’âme des peuples, ni de l’attrait des collectivités, dont il reconnaissait l’immense portée, non sans se détourner avec quelque nostalgie de « l’air contaminé des sociétés » vers les envoûtements du désert africain, non sans ouvrir, comme il le dit si bien : « ... des fenêtres de sensibilité sur l’espace, la liberté, la fantaisie, l’infini. »

Nous qui l’avons connu, nous savons ce que ce grand maître ès-sciences politiques et aussi cet étincelant causeur pouvait porter en lui de variations sur les thèmes humains, depuis l’humour le plus fin jusqu’au lyrisme le plus sincère.

Longtemps appliqué à observer la civilisation anglo-saxonne, il en vint à redouter l’influence excessive du progrès technique et ramena sa pensée vers la Méditerranée, en invitant d’ailleurs les Américains à l’y suivre. Cet économiste, qui avait exalté le monde moderne, aboutissait à la primauté des normes gréco-latines, inspirées par « un milieu géographique à mesure humaine », sur la seule partie de la terre où se pouvait trouver véritablement le sens des proportions. Il aimait à se nommer citoyen romain.

Sans ignorer l’Oronte, il vous rencontre du côté du Tibre.

Enfin, vous partagez avec André Siegfried ce culte de la patrie, par-dessus toutes les causes et tous les raisonnements, évoqué comme en un sanctuaire en mémoire des jours guerriers, dans cette chapelle de collège, au milieu de vos compagnons d’armes et anciens camarades d’études.

Ces paroles, je vous les emprunte, au nom de l’Académie, pour achever ce discours : « Les battements de toute la France prenaient leur rythme à votre poitrine. Toutes les âmes étaient refondues et frappées au sceau de l’honneur. »