INSTITUT DE FRANCE.
ACADÉMIE FRANÇAISE
ALLOCUTION
À LEURS MAJESTÉS L’EMPEREUR ET L’IMPÉRATRICE
DE RUSSIE
PRONONCÉE PAR
M. E. LEGOUVÉ
DIRECTEUR DE L’ACADÉMIE
Dans la séance du Mercredi 7 octobre 1896.
SIRE, MADAME,
Il y a près de deux cents ans, Pierre le Grand, au cours de son voyage à Paris, arriva un jour, à l’improviste, au lieu de réunion des membres de l’Académie, s’assit familièrement au milieu d’eux, et se mêla à leurs travaux. Cette visite, si pleine de cordialité, est restée dans nos archives comme un de nos plus précieux souvenirs.
Votre Majesté fait plus encore aujourd’hui ; elle ajoute un honneur à un honneur, en ne venant pas seule. Votre présence, Madame, va apporter à nos graves séances quelque chose de bien inaccoutumé... le charme.
Comment remercier Vos Majestés de daigner prendre place dans cette petite salle ? Le meilleur moyen est, ce me semble, de vous donner une idée de ce qui s’y passe, de vous faire assister à une de nos séances ordinaires, de vous montrer les académiciens... à l’ouvrage. L’Empereur du Brésil a pris part plus d’une fois à nos discussions philologiques ; le grand-duc Constantin a paru s’y plaire ; cela nous laisse espérer que Vos Majestés ne regretteront pas trop les quelques moments qu’Elles veulent bien nous consacrer, et dont nous sentons tout le prix.
Me sera-t-il permis de le dire ? Ce témoignage de sympathie, s’adresse non seulement à l’Académie, mais à notre langue nationale elle-même, qui n’est pas pour vous une langue étrangère, et l’on sent là je ne sais quel désir d’entrer en communication plus intime avec le goût et l’esprit français. Une telle bienveillance nous enhardit ; elle nous reporte à votre immortel ancêtre ; sa visite se relie pour nous à la vôtre, et, dans notre gratitude, nous osons adresser une prière à Vos Majestés : souffrez que nous fêtions par avance, dans ce jour, le bi-centenaire de l’union cordiale de la Russie et de la France.