Né à Fougères (Ille-et-Vilaine), le 25 mars 1890.
Jean Guéhenno a raconté dans Changer la vie son enfance pauvre. Fils d’un cordonnier breton, il fut contraint d’abandonner l’école à quatorze ans pour s’engager comme ouvrier dans une usine de galoches, ce qui ne l’empêcha pas de continuer à étudier seul, après ses journées de travail. Il obtint son baccalauréat, puis réussit le concours d’entrée à l’École normale supérieure, et enfin l’agrégation, qui lui ouvrirent les portes de l’enseignement supérieur.
Après avoir servi pendant la guerre comme officier d’infanterie, Jean Guéhenno devint professeur de Khâgne aux lycées Lakanal, Henri IV et Louis-le-Grand. Il devait achever sa carrière dans l’Éducation nationale comme inspecteur général.
Jean Guéhenno se consacra par ailleurs à la critique littéraire — à travers notamment une étude approfondie de l’œuvre rousseauiste — et à l’écriture de nombreux ouvrages, dans lesquels il proposait un humanisme original. Citons entre autres L’Évangile éternel (1927), Caliban parle (1928), Jean-Jacques en marge des Confessions (1948), Jean-Jacques, roman et vérité (1950), Jean-Jacques, grandeur et misère d’un esprit (1952), La Foi difficile(1957), Jean-Jacques, histoire d’une conscience (1962), Caliban et Prospero (1969).
C’est à cet humanisme que ressortit l’engagement politique de Jean Guéhenno entre les deux guerres, comme directeur d’abord de la revue Europe, de 1929 à 1936, puis comme fondateur de l’hebdomadaire Vendredi, engagement qui devait tout naturellement le conduire à rejoindre la résistance lors de la Seconde Guerre mondiale. Il poursuivit clandestinement pendant les années noires son activité littéraire, sous le pseudonyme de Cévennes.
Au Figaro, après 1945, il resta fidèle à l’exigence morale et à la rigueur qui avaient marqué sa jeunesse, et que l’on trouve exprimées dans la part autobiographique de son œuvre : Journal d’un homme de quarante ans (1934), Journal des années noires, 1940-1941 (1947), Carnets du vieil écrivain (1971).
Jean Guéhenno fut élu à l’Académie française le 25 janvier 1962, par 15 voix au fauteuil d’Émile Henriot. Il fut reçu le 6 décembre 1962 par Jacques Chastenet (c’était la première cérémonie de réception à se tenir dans l’Académie rénovée), suscitant cet hommage de François Mauriac dans son Bloc-notes : « Quelque mal que vous pensiez de l’Académie, dans une vie exemplaire comme celle de Guéhenno, elle apporte une consécration irremplaçable. Le petit ouvrier breton qui, par la puissance de son esprit et par sa persévérance, est devenu ce maître éminent, ce haut fonctionnaire, et surtout cet écrivain, dessine sous nos yeux une image d’Épinal où la Coupole doit apparaître dans la dernière case. »
Mort le 22 septembre 1978.