Le diable se niche dans les détails, comme on sait. Le plus minuscule des écarts à la norme trahit parfois une déviation fâcheuse. Voyez comme la confusion règne désormais dans un usage incontrôlé de l’apostrophe. Ce signe typographique, comme l’indique la première édition du Dictionnaire de l’Académie française (1694), est « une virgule que l’on met un peu au-dessus du mot » pour indiquer une élision vocalique, le plus souvent la voyelle finale de l’article, comme dans l’oiseau, l’hôpital ou l’idée. Le parler populaire en abuse fautivement, avec des expressions orales comme t’es nul ou pauv’crétin (version polie). Passons.
Mais voici qu’on trouve çà et là cette horreur : « à quelle heure vient’il ? » ou, pire, « quand se montrera t’il ». Dans le premier cas, le simple tiret s’impose. Dans le second cas la lettre t, destinée à éviter le hiatus, doit s’écrire en deux tirets (-t-). Elle n’a qu’une fonction euphonique, comme dans y a-t-il ? On croise aussi des incongruités, du genre « que répond-t-il ? » Pourtant, il saute aux yeux qu’on placera un « -t- » entre un verbe se terminant par une voyelle et un pronom tel que « il », « elle » ou « on » (pense-t-on), mais qu’on n’aura aucune raison d’y recourir quand le verbe se termine par un -t ou un -d (dit-on). Seuls les verbes « vaincre » et « convaincre » admettent les tournures du type convainc-t-il ? car le -c final n’est pas prononcé, mais leur usage n’est pas si fréquent.
Car ces flottements, et c’est là que je voulais en venir, finissent par tout mélanger. Voyez cette affiche d’un film récent qui a eu du succès, sans que personne ne trouve rien à redire à son titre doublement erroné ! Inversement, ne reconnaissant plus le pronom réfléchi du verbe s’en aller, on finit par écrire « va-t-en » ce qui doit s’écrire va-t’en. Ce n’est plus une affaire marginale : confondre la personne (te) avec une petite consonne qui fluidifie la langue, c’est grave. Écririez-vous « je-t-aime » ? Vous seriez éconduit.
Xavier DARCOS
de l'Académie française