SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE
DES
CINQ ACADEMIES
DU SAMEDI 25 OCTOBRE 1937
DISCOURS
DE
M. LOUIS BERTRAND
PRÉSIDENT
Messieurs,
Avant de donner la parole aux divers orateurs que vous allez entendre, j’ai le devoir d’adresser, selon la coutume et au nom de l’Institut de France tout entier, un suprême hommage à la mémoire de nos confrères disparus au cours de cette année. La liste, malheureusement, en est assez longue.
Si l’Académie française a été épargnée, du moins jusqu’à cette date, l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres a perdu son secrétaire perpétuel, M. René Cagnat, et un de ses associés étrangers, en la personne de M. Charles Hastings, un des savants les plus éminents des États-Unis, qui s’était spécialisé dans les études médiévales. L’Académie des Sciences a été le plus éprouvée. Elle a perdu M. Edouard Goursat, de la section de géométrie, M. Henri. Douvillé, de la section de minéralogie. MM. Julien Costantin et Louis Mangin, de la section de botanique. Et, parmi ses membres libres, M. Paul Janet, qui fut un grand et brillant physicien. Parmi ses associés étrangers. M. Leonardo Torres Quevedo, mort à Madrid, en décembre dernier, — dont M. le président de l’Académie des Sciences a pu dire qu’« il unissait à une haute culture scientifique une étourdissante ingéniosité dans la réalisation des conceptions les plus originales ». Espérons au moins que ce confrère espagnol a pu mourir sans trop de souffrances au milieu des horreurs de la guerre civile qui désole son pays.
A l’Académie des Beaux-Arts, nous avons à déplorer la perte de M. Charles-Marie Widor, son secrétaire perpétuel, le grand compositeur et le grand exécutant, que tout Paris a pu si longtemps applaudir, — et, parmi les autres musiciens, celle de M. Gabriel Pierné. Parmi les peintres, celle de M. Paul Chabas. Parmi les architectes, celle de M. Victor Laloux, qui fut avec M. Paul Monceaux le restaurateur d’Olympie et qui a élevé à Paris, comme à Tours, sa ville natale, d’importants édifices, véritables œuvres de maîtrise.
Enfin, l’Académie des Sciences morales et politiques a perdu, parmi ses membres titulaires, M. Henri Capitant, de la section de législation ; parmi ses membres libres, M. Gaston Doumergue, ancien président de la République française. Parmi ses membres associés, M. Rodolphe Lemieux, ancien président de la Chambre des Communes du Canada, S. Exc. M. Thomas Mazaryk, ancien président de la République tchéco-slovaque, à qui l’Institut de France adresse ses condoléances les plus émues.
Chacun de ces éminents confrères, lors de sa disparition, a été commémoré et loué dans les termes qui convenaient avec l’accent le plus cordial et le plus chaleureux par les présidents ou les secrétaires perpétuels de la Compagnie à laquelle il appartenait.
Je ne me permettrai pas d’y ajouter un éloge que mon incompétence, en ce qui concerne le plus grand nombre d’entre eux, risquerait de rendre présomptueux et déplacé. Je me souviens que je ne suis ici que le porte-parole de l’Institut et j’ai toujours présents à l’esprit les sages avertissements de Duclos, l’un de nos plus célèbres secrétaires perpétuels, à propos des réceptions solennelles de l’Académie française. Il rappelle au directeur en fonctions qu’il parle au nom de la Compagnie tout entière, qu’il doit par conséquent faire taire ses préférences ou ses antipathies. Et ainsi, dit Duclos, « le directeur de l’Académie est condamné à l’indulgence et à l’éloge, comme le récipiendaire à la modestie et à l’humilité ». Continuant sa pensée, j’estime que le président de l’Institut est condamné, lui aussi, à l’impersonnalité la plus sévère.
Vous m’excuserez donc de me borner à cette brève commémoration, que la perspective d’une longue séance devrait encore abréger. Et cependant, — pour m’en tenir à ceux de nos confrères disparus que j’ai le mieux connus, — j’aurais aimé, en vieil Africain que je suis, dire ce que j’ai dû à M. René Cagnat, dont les beaux travaux ont tant ajouté à l’épigraphie et à l’archéologie africaines. Et j’aurais aimé aussi dire combien j’ai été charmé par l’accueil et les conversations de M. Gaston Doumergue, un des présidents les plus souriants qu’ait eus la République française, un des plus lettrés et, si j’ose m’exprimer ainsi, des plus académiques...
Mais je m’aperçois que je m’évade hors de mon rôle impersonnel. Et je me hâte, Mesdames et Messieurs, de donner la parole à M. Marcel Aubert, de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres...