Dire, ne pas dire

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La prononciation de voient

Le 6 juin 2013

Emplois fautifs

La prononciation de Voient est la même au subjonctif et à l’indicatif. On n’y fait pas entendre un son -oille. Littré signalait que, dans Le Dépit amoureux, Molière faisait du subjonctif voient un mot de deux syllabes et ajoutait : « Ceci est une ancienne prononciation qu’on entend fort souvent. Aujourd’hui voient est d’une seule syllabe. »

C’est sans doute l’analogie avec les formes voyons et voyez qui a contribué au maintien de cette prononciation, mais tous les grammairiens, en accord avec Littré, prescrivent la prononciation voi. Il en va bien sûr de même pour les formes de subjonctif présent au singulier voie, voies, voie.

 

On dit

On ne dit pas

Il faut que tu voies ça

Attends qu’ils le voient pour leur en parler

Il faut que tu voyes ça [vwaj]

Attends qu’ils le voyent pour leur en parler [vwaj]

 

Easy listening, easy reading

Le 6 juin 2013

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

Ces anglicismes désignent, l’un, un type de musique dont l’écoute ne demande aucune attention particulière ; l’autre, créé par analogie, désigne un type de littérature facile et médiocre. Le français a des termes propres et des expressions imagées pour les évoquer l’un et l’autre. Pourquoi ne pas en faire usage ?

 

On dit

On ne dit pas

De la musique facile, de la musique d’ascenseur, de supermarché

Lire des romans, de la littérature de gare

De l’easy listening


Lire de l’easy reading

 

Speeder (se) / speed

Le 6 juin 2013

Anglicismes, Néologismes & Mots voyageurs

L’anglicisme Speeder, emprunté de to speed, « se dépêcher », est aujourd’hui très répandu. Mais le français a de très nombreux autres verbes ou locutions verbales à sa disposition, appartenant à tous les registres de langue, comme se presser, s’empresser, faire diligence, grouiller ou foncer. Hâtons-nous de les employer. De la même manière évitons absolument de faire du nom anglais speed un adjectif français.

 

On dit

On ne dit pas

Nous sommes en retard, il faut se presser

Dépêchez-vous, le train part 

Il est agité, il est énervé

Nous sommes en retard, il faut speeder


Speedez-vous, le train part

Il est speed

 

Tout à coup, tout d’un coup

Le 6 juin 2013

Extensions de sens abusives

Ces deux locutions, très proches phonétiquement, sont de plus en plus employées indifféremment, mais leur sens n’est pas le même. Tout à coup signifie « soudainement », alors que tout d’un coup signifie « en une seule fois, en même temps ». Efforçons-nous de ne pas les confondre.

 

On dit

On ne dit pas

Tout à coup, l’orage a éclaté

Le chien a mangé le pâté tout d’un coup

Tout d’un coup l’orage a éclaté

Le chien a mangé le pâté tout à coup

 

Noms populaires des renonculacées : grenouillette, bassinet, pied d’alouette, barbe-de-chèvre, etc.

Le 6 juin 2013

Expressions, Bonheurs & surprises

La botanique est un domaine où se côtoient deux langues, l’une, qui appartient aux taxinomistes, créée essentiellement à partir des travaux du botaniste suédois Carl Von  Linné, au xviiie siècle, propose des noms de plantes formés le plus souvent à partir de racines grecques ou latines ; l’autre, beaucoup plus ancienne et populaire, use de termes courants pour désigner ces mêmes plantes, le plus souvent en recourant à de savoureuses analogies. On en a un exemple avec la famille des Renonculacées. Ce nom est dérivé du latin ranuncula, « petite grenouille », parce que beaucoup de ces plantes vivent dans des lieux humides. Au nombre des Renonculacées figure le bassinet, encore appelé, en raison de sa couleur bassin d’or ou pour sa forme quand il n’est pas entièrement ouvert, bouton d’or. C’est aussi par analogie de forme que la clématite (du grec klema, « sarment ») est appelée barbe-de-chèvre ou berceau-de-la-vierge, et que la dauphinelle (du grec delphis, « dauphin ») est appelée pied d’alouette. La ficaire (du latin ficus, « figue », puis « verrue ») est une de celles qui a reçu le plus de noms populaires : pour ses fleurs d’un beau jaune d’or, on l’a appelée éclairette ; parce qu’elle pousse dans les lieux humides on l’appelle parfois grenouillette. Les racines de cette plante, dont la forme rappelle celle des tumeurs hémorroïdales, leur avaient fait attribuer autrefois la propriété de guérir cette affection ; on croyait même qu’il suffisait d’en porter dans sa poche pour s’en préserver. De là ses noms d’herbe aux hémorroïdes et herbe du siège.  Enfin, c’est parce que ses feuilles, cuites à l’eau, sont savoureuses qu’elle est aussi appelée pissenlit doux.

Alexandre C. (Perpignan)

Le 6 juin 2013

Courrier des internautes

Je m’interroge (et ne parviens pas à me répondre !). Voici :

Faut-il dire « ne m’en veuillez pas » ou « ne m’en voulez pas » ?

S’il faut dire « ne m’en voulez pas », pourquoi dit-on « veuillez trouver ci-joint votre éléphant apprivoisé », et non « voulez trouver ci-joint votre éléphant apprivoisé » ?

Alexandre C. (Perpignan, 15 février)

L’Académie répond

Les formes courantes sont veuille, veuillez. Elles sont devenues des formules de politesse : Veuillez vous asseoir. Les autres, veux, (voulons), voulez, sont très rares à la forme affirmative (sens fort). Elles font appel à une ferme volonté et s’emploient surtout avec une négation : Ne m’en voulez pas. Mais on dit fort bien et beaucoup plus souvent : Ne m’en veuille pas, ne m’en veuillez pas.

Bangaly K. (Côte d’Ivoire)

Le 6 juin 2013

Courrier des internautes

J’aimerais savoir s’il faut dire « prendre une voiture, un bus... » ou « emprunter une voiture, un bus... ».

Bangaly K. (Côte d’Ivoire, 15 février)

L’Académie répond

Avec un moyen de transport, on utilise le verbe prendre dans le sens d’utiliser.

Dans ce cas, prendre et emprunter sont synonymes, mais prendre est beaucoup plus courant : Prendre le train, l’avion, le bus, le métro.

Emprunter se rencontre parfois : Les voyageurs sont invités à emprunter les voitures de queue.

Mais force est de constater qu’aujourd’hui emprunter s’emploie beaucoup plus avec le sens de « se faire prêter » : Emprunter une bicyclette, emprunter une voiture à un ami.

Claudia P. (France)

Le 6 juin 2013

Courrier des internautes

Mon travail consiste à transcrire, par écrit, des auditions de personnes (au sein de commissions, de conseils municipaux, de comités d’entreprise...). Je ne trouve pas de règle d’orthographe ou grammaticale concernant l’emploi de « que l’on » ou « qu’on », par exemple dans « il souhaite que l’on franchisse une étape... ». Est-ce correct, aussi, d’écrire « qu’on » ?

Je rappelle qu’il s’agit d’une transcription d’un document oral vers un document écrit.

Pour tout dire de mes recherches, dans leurs phrases explicatives des règles, les auteurs du Bescherelle écrivent « Lorsque l’on veut... ».

Claudia P. (France, 1er janvier)

L’Académie répond

Nous précisions à l’article On de notre Dictionnaire (consultable gratuitement en ligne) :

ON Tiré du latin homo, « homme ».

De son origine nominale, On a gardé la possibilité d’être précédé de l’article élidé l’. Le choix de cette forme tient aujourd’hui à une volonté d’élégance ou à certains usages liés à l’euphonie, notamment lorsqu’on veut éviter un hiatus. L’on se rencontre fréquemment après et, où, ou, si, qui, que, et d’autres conjonctions ou pronoms, comme dans « Puisque l’on s’obstine », « Un pays où l’on parle espagnol », « Ce que l’on connaît ». Il s’emploie plus rarement en tête de phrase et n’est pas d’usage après le relatif dont ou à proximité d’un mot commençant par l. On emploiera alors la forme on, comme dans « Ce dont on peut s’étonner », « Ici, on loue des vélos ».

Rien ne vous empêche donc d’écrire « qu’on ».

Du polichinelle au punch

Le 2 mai 2013

Bloc-notes

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Balzac, Le Cabinet des antiques, 1838. Rastignac regarde le jeune vicomte d’Esgrignon, fraîchement débarqué à Paris, et sur lequel une grande dame semble avoir jeté son dévolu. « Mon cher, dit-il à son ami Marsay, il sera, uist ! sifflé comme un polichinelle par un cocher de fiacre. »

Cette phrase énigmatique nous entraîne dans un dédale de mots extrêmement curieux.

Qu’est-ce qu’un « polichinelle » ? Quelques dictionnaires le signalent : le polichinelle, c’est de l’eau-de-vie. Mais comment et pourquoi ?

L’origine de Polichinelle est bien connue : Polichinelle, c’est la marionnette « Pulcinella », qui en italien veut dire « bec de poulet », à cause de son nez crochu. Ses origines se perdent dans la nuit des temps : c’est le bouffon Maccus, romain et même pré-romain, une figure archaïque, méchante, volontiers obscène. De là, le polichinelle français, bouffon, joyeux, menteur, matamore. Dont le nom se retrouve dans diverses expressions populaires, comme « être un polichinelle », être un pantin, quelqu’un dont on tire les ficelles et qui change tout le temps d’avis. Ou « secret de polichinelle » (un secret que tout le monde connaît) ou encore « avoir un polichinelle dans le tiroir », être enceinte.

En Angleterre, sous les Stuarts, Pulcinella devient « Punchinello », et enfin « Punch », ou « Mister Punch », tantôt jovial et bon enfant, tantôt parfait scélérat qui séduit toutes les femmes, tue la sienne, et s’en prend même au vieil Old Nick, le diable. En 1841, un hebdomadaire satirique en prendra le nom. Car punch, c’est aussi, en anglais, un mot du vocabulaire de la boxe, qui signifie « coup de poing vigoureux ». On y reconnaît l’ancien français ponchon, coup de pique, de pointe ou de poing. D’où l’expression moderne « avoir du punch », en anglais et en français d’aujourd’hui, au sens d’avoir du tonus, une grande capacité réactive… (d’où peut-être « avoir la pêche », par assonance ?)

Et le punch, c’est aussi une boisson, qui ne doit rien à Pulcinella, mais tout au rhum de la Jamaïque mêlé de sucre de canne. Son nom viendrait de l’hindi pendj : « cinq », comme penta en grec, parce qu’il y entre cinq ingrédients : thé, sucre, eau-de-vie, cannelle et citron. Mais comme sa vigueur roborative ne fait aucun doute, on voit bien la confusion qui s’est produite avec punch, au sens de « coup de poing » (bien que le punch boisson se prononce « ponche » – c’est d’ailleurs ainsi que le mot fut longtemps orthographié). Et très probablement avec Mister Punch, la marionnette libidineuse.

Mais revenons à Balzac, et au « polichinelle » que « siffle » le cocher : d’où lui vient ce nom ? Est-ce parce qu’une forte consommation d’eau-de-vie donne au buveur des gestes de pantin ? Est-ce une forme populaire du « punch », boisson à la mode dans les cercles romantiques ? Mais comment et par quel mystère le « polichinelle » du cocher aurait-il retrouvé le pulcinella des origines, devenu en anglais punchinello puis Mister Punch ? Et ayant, dans cette métamorphose, rencontré le punch de la Jamaïque ?

La question est ouverte.

Danièle Sallenave
de l’Académie française

C’est tendance

Le 2 mai 2013

Emplois fautifs

Dans Madame Bovary, Lheureux, le marchand de nouveautés, convainc régulièrement Emma d’acheter tel ou tel objet ou vêtement grâce à une phrase à laquelle elle semble ne pouvoir résister : C’est le genre ou sa variante C’est là le genre. Un siècle et demi plus tard, ni le bovarysme ni l’injonction à suivre les modes n’ont disparu, mais c’est le genre a été remplacé par c’est tendance ou ça fait tendance. Entre Flaubert et notre siècle, le complément du présentatif a perdu son article et son statut de nom pour devenir un adjectif invariable. Et, comme l’était déjà c’est là le genre d’autrefois, il s’agit là d’un déplaisant tic de langage.

On dit

On ne dit pas

C’est tout à fait dans l’air du temps

Des chaussures à la pointe de la mode

C’est, ça fait très tendance

Des chaussures très tendance

 

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