Dire, ne pas dire

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Autrement plus, autrement moins

Le 6 juillet 2023

Emplois fautifs

L’adverbe autrement est polysémique. Il signifie « d’une façon autre » (Il faut vous y prendre autrement), « dans le cas contraire » (Il a vendu sa propriété à bon prix, autrement il n’eût pas voulu s’en défaire). Il peut aussi signifier « bien davantage ; à un degré supérieur » (Elle est autrement riche que moi). Il est donc redondant, pour exprimer ce degré supérieur, de faire suivre autrement de l’adverbe plus. Gide s’en était d’ailleurs ému dans son Journal : Il y emploie par contre et note alors « Oui, je sais bien que l’on dénonce l’emploi abusif du par contre, je ne me souviens pas d’avoir jamais vu relever l'usage, qui tend à s'introduire, de autrement, suivi de plus, qui me paraît autrement plus déplorable. Je lis Il eût été autrement plus utile. Autrement suffisait ou plus utile. » On aura cependant une certaine indulgence pour ce tour utilisé, entre autres, par son ami Martin du Gard, mais on préfèrera recourir à la forme simple : Il est autrement gentil que vous ; La fourmi est autrement travailleuse que la cigale. On évitera aussi de faire suivre autrement de l’adverbe moins, ce qui serait incohérent et signifierait « bien davantage moins ». On dira donc La robe rouge est beaucoup moins chère que la bleue et non La robe rouge est autrement moins chère que la bleue.

« Fusse-t-il » pour « Fussent-ils »

Le 6 juillet 2023

Emplois fautifs

Les imparfaits du subjonctif ont des formes en -asse, -asses, -assions, -assiez, -assent, en -isse, -isses, -issions, -issiez, issent, et en -usse, --usses, -ussions, -ussiez, -ussent. Les troisièmes personnes du singulier, en -ât, -ît et -ût, sont les seules à n’avoir pas ce double s. Toutes ces formes peuvent s’employer avec inversion du sujet dans des subordonnées concessives (dussions-nous nous en repentir, nous prendrons son parti ; fussent-ils au loin, ils penseront à elle) mais il convient de rappeler qu’écrire, par analogie avec fussent-ils, la forme fusse-t-il est une incohérence puisque les formes en -sse sont des formes de 1re personne du singulier et que la forme de 3e personne du singulier serait fût-il.

« Aussi » pour « Non plus »

Le 8 juin 2023

Emplois fautifs

La locution adverbiale non plus sert à souligner la mise en parallèle de deux faits, de deux actions, de deux points de vue, dont le premier est énoncé à la forme négative. Il n’est pas sorti, ni moi non plus. « Je n’en crois rien ! – Moi non plus ! ». Il convient de ne pas remplacer, dans ces phrases négatives, la locution non plus par l’adverbe aussi, qui s’emploie de la même manière mais dans un contexte positif, même si ce tour était encore en usage, au xviie siècle, chez nos classiques. On lisait ainsi dans L’Huître et les Plaideurs, de La Fontaine : « J’ai l’œil bon, Dieu merci. / Je ne l’ai pas mauvais aussi, / Dit l’autre… »

on dit

on ne dit pas

Je n’ai pas aimé le film, mon frère non plus

Il n’a pas répondu correctement, elle non plus

Je n’ai pas aimé le film, mon frère aussi

Il n’a pas répondu correctement, elle aussi

« En même temps » au sens de « Cela étant »

Le 8 juin 2023

Emplois fautifs

C’est à tort que l’on fait de la locution en même temps un synonyme de la locution concessive cela étant, qui signifie « malgré cela, quoi qu’il en soit ». On ne dira donc pas En même temps, s’il était plus intelligent, il serait peut-être moins appliqué, mais Cela étant, s’il était plus intelligent, il serait peut-être moins appliqué. Cette remarque vaut aussi pour à la fois, locution synonyme d’en même temps.

« Je ne sais pas lequel est-ce » pour « Je ne sais pas lequel c’est »

Le 8 juin 2023

Emplois fautifs

Il existe en français des interrogatives directes comme Viendrez-vous ? Où habite-t-il ? Qu’a-t-il dit ? Que voulez-vous ? Elles peuvent être introduites par un mot interrogatif, pronom ou adverbe, elles sont terminées par un point d’interrogation et l’ordre sujet / verbe y est inversé. Si on fait dépendre ces interrogatives d’un verbe comme dire, savoir, demander, etc., on en fait alors des interrogatives indirectes, ce qui implique que l’on rétablisse l’ordre sujet / verbe et que l’on supprime le point d’interrogation. On dira ainsi Dites-nous si vous viendrez ; Je me demande où il habite (et non je me demande où habite-t-il). On ne dira donc pas Je ne sais pas lequel est-ce mais je ne sais pas lequel c’est.

« Le handicap » ou « L’handicap »

Le 8 juin 2023

Emplois fautifs

Le nom handicap est tiré de la locution anglaise hand in (the) cap, proprement « main dans le chapeau ». Il a d’abord désigné un jeu de hasard, puis un système visant à donner les mêmes chances à tous les participants d’une course de chevaux, en imposant aux meilleurs d’entre eux de parcourir une distance plus longue ou de porter un poids supplémentaire. Ce sens existe toujours, mais aujourd’hui handicap désigne surtout une infirmité, une déficience accidentelle ou naturelle, passagère ou permanente, qui entrave l’activité physique ou mentale d’un individu. De son origine anglaise, le nom handicap a conservé l’aspiration du h initial, ce qui interdit l’élision de l’article qui précède et la liaison avec les mots au pluriel situés devant lui. Cette remarque vaut aussi bien sûr pour le nom et adjectif handicapé et pour le verbe handicaper.

on dit

on ne dit pas

Le handicap dont il souffre

Il a surmonté ce handicap

Ses lacunes en français vont le handicaper

Une association qui aide les / handicapés

L’handicap dont il souffre

Il a surmonté cet handicap

Ses lacunes en français vont l’handicaper

Une association qui aide les-z-handicapés

Je vous demande, tel que la loi vous y oblige …

Le 4 mai 2023

Emplois fautifs

La locution adjectivale tel que et les conjonctions de subordination comme ou ainsi que sont parfois synonymes et remplaçables l’une par l’autre. C’est le cas quand on souligne une égalité : « Il est comme/ ainsi que son père l’était au même âge ; il est tel que son père l’était au même âge ». Mais cette permutation n’est pas possible en l’absence de nom ou de pronom servant de référence à la comparaison. On dira donc : « Je vous demande de me dire, comme / ainsi que la loi vous y oblige, … » et non : « Je vous demande de me dire, tel que la loi vous y oblige … », qui s’entend et se lit pourtant de plus en plus.

« L’hernie » ou « La hernie » ?

Le 4 mai 2023

Emplois fautifs

Dans l’immense majorité des noms venant du latin et commençant par un h, ce h est muet : l’habitude, l’herbe, l’hirondelle, l’homme, l’humeur. Le plus souvent, ceux qui viennent du germanique ont un h aspiré : la hache, le hêtre, la hie, le homard, la hutte. Il est quelques exceptions, parmi lesquelles le nom hernie. En effet, bien qu’il soit emprunté du latin hernia, de même sens, son h initial est aspiré. Peut-être est-ce parce que, en ancien français, la forme de ce nom était hargne, un homonyme du nom désignant la disposition à chercher querelle qui vient, lui, du germanique harmjan, « insulter ». Mais, quelle que soit l’origine de cette aspiration, il convient de rappeler que l’on doit dire « la hernie » et non « l’hernie ».

on dit

on ne dit pas

Sa hernie avait été opérée avec succès

Il est urgent de réduire la hernie

Son hernie avait été opérée avec succès

Il est urgent de réduire l’hernie

« Une aparté » pour « Un aparté »

Le 4 mai 2023

Emplois fautifs

Il existe en français une trentaine de noms masculins terminés par -té, qui sont le plus souvent d’anciens participes passés substantivés. Dans cet ensemble hétéroclite, on trouve, entre autres, un député et un comité, un raté et un quinté, un été et un pâté, un côté et un épaulé-jeté. C’est peu au regard des quelque huit cents noms, également terminés par -té, qui sont féminins. Si les masculins les plus répandus ne posent pas de problème de genre, il en est pour lesquels l’usage hésite parfois et choisit, à tort, le féminin, par attraction du genre le plus nombreux. Parmi ceux-ci figure le nom aparté. Rappelons donc que ce mot est un masculin et que dire une aparté serait une faute grammaticale.

on dit

on ne dit pas

Les apartés sont fréquents dans le vaudeville

Il eut un bref aparté avec son collègue

Les apartés sont fréquentes dans le vaudeville

Il eut une brève aparté avec son collègue

Malaisant

Le 6 avril 2023

Emplois fautifs

On n’emploie plus aujourd’hui en français l’adjectif verbal aisant, même si le verbe aisier s’est rencontré au Moyen Âge et si le participe passé aisé est, lui, toujours en usage et a servi à créer l’adjectif antonyme malaisé. Pour qualifier ce qui produit un malaise, ce qui gêne, on évitera de recourir à l’adjectif malaisant, que l’on entend aujourd’hui assez fréquemment, puisque de nombreux adjectifs ou locutions, bien ancrés dans la langue, peuvent déjà traduire cette idée.

on dit

on ne dit pas

Un silence gênant, embarrassant

Cet homme met tout le monde mal à l’aise

Un silence malaisant

Cet homme est très malaisant

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