Dire, ne pas dire

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Sous un tunnel ou Dans un tunnel ?

Le 4 mai 2018

Emplois fautifs

Nous avons emprunté à nos amis anglais le mot tunnel. Ceux-ci l’avaient tiré, après en avoir modifié la forme et ce qu’il désignait, du nom français tonnelle. Aujourd’hui, au sens propre, un tunnel est une voie de communication percée sous une montagne, comme le tunnel du mont Blanc, un cours d’eau, ou même une mer, comme le tunnel sous la Manche. Quand on emprunte ces voies de communication on est sous l’obstacle, mais à l’intérieur de l’ouvrage d’art, aussi ne dit-on pas entrer, circuler sous un tunnel, mais bien entrer, circuler dans un tunnel.

Ballade, Balade

Le 6 avril 2018

Emplois fautifs

Voici deux autres homonymes dont les orthographes sont souvent confondues. Mais on sera indulgent avec qui emploie une forme pour l’autre, puisque le nom le plus ancien, ballade, s’est souvent écrit comme le plus récent, balade. Ballade est emprunté de l’ancien provençal ballada, un dérivé de ballar, « danser », qui est à l’origine des noms bal et ballet mais aussi de l’ancienne forme baller, « danser, bouger », qu’on ne rencontre plus aujourd’hui que dans l’expression « les bras ballants ». Le nom ballade se lit dans un des plus fameux poèmes de Villon, d’abord édité sous le nom d’Épitaphe en forme de ballade, que feit Villon pour luy & pour ses compaignons, s’attendant a estre pendu avec eulx, et connu désormais comme La Ballade des pendus. De l’orthographe ancienne, balade, on a tiré le verbe balader, qui a d’abord signifié « chanter des ballades ». Mais, comme ceux qui les chantaient, poètes, troubadours, vagabonds, se déplaçaient de ville en ville à la recherche de publics nouveaux, ce verbe a pris le sens de « voyager, errer, flâner ». Et c’est de ce verbe qu’a été tiré, au xixe siècle cette fois, balade, qui désigne familièrement une promenade.

 

On écrit

On n’écrit pas

Les « Odes et Ballades » de Hugo

Chanter une ballade

Une balade à travers champs

Les « Odes et Balades » de Hugo

Chanter une balade

Une ballade à travers champs

Pédagogique au sens de pédagogue

Le 6 avril 2018

Emplois fautifs

Pédagogue et pédagogique nous viennent, par l’intermédiaire du latin, de mots grecs construits à l’aide du verbe agein, « mener, conduire », et du nom pais, paidos, « enfant ». En effet, avant d’être un enseignant, le pédagogue fut un esclave chargé d’accompagner les enfants à l’école. Mais pédagogue et pédagogique n’ont pas la même nature et ne sont pas interchangeables.

Pédagogique, qui est un adjectif, se rapporte surtout aux choses : méthode pédagogique, formation pédagogique, les écrits pédagogiques de Montaigne, de Rousseau, etc. Pédagogue est un nom qui désigne une personne s’intéressant à la pédagogie ou qui fait preuve de pédagogie dans son enseignement ; il s’emploie comme attribut, Piaget fut un grand pédagogue, ou en apposition, un professeur bon pédagogue. On évitera donc de dire soyez pédagogique quand c’est pédagogue qu’il faudrait employer.

Prioriser

Le 6 avril 2018

Emplois fautifs

Le verbe prioriser est un barbarisme qui commence, malheureusement, à s’entendre et à se lire ici ou là. Il s’agit d’une forme peu précise qu’il convient de proscrire. On dira donc plutôt accorder la priorité à, établir des priorités, etc. Cette remarque vaut aussi, bien sûr, pour un autre barbarisme, prioritiser.

On dit

On ne dit pas

Donner la priorité à l’emploi

Classer des tâches par ordre de priorité

Prioriser l’emploi

Prioriser des tâches

Repaire et Repère

Le 6 avril 2018

Emplois fautifs

Le nom repère est tiré de son homonyme repaire ; ce dernier est un déverbal de l’ancien verbe repairer, attesté plus anciennement sous la forme repadrer, elle-même issue du latin rapatriare, « rentrer chez soi, rentrer dans sa patrie » (qui est aussi à l’origine du doublet savant rapatrier). En ancien français repaire a d’abord désigné le fait de rentrer chez soi puis, par métonymie, le logis, l’habitation où l’on revenait. Mais repaire a vite pris le sens de « gîte d’animaux sauvages », ces derniers étant surtout ceux qui pouvaient être dangereux pour l’homme, ce qui explique l’apparition du sens de « refuge où se terrent des malfaiteurs ». Comme au Moyen Âge l’orthographe de ce nom n’était pas encore bien fixée (on l’écrivait aussi repère), on rattacha, à tort, ce nom au latin reperire, « retrouver », et repère se spécialisa pour désigner une marque permettant de retrouver telle ou telle chose. On évitera donc de confondre à l’écrit ces deux homonymes.

On écrit

On n’écrit pas

Un repaire de brigands

Un point de repère

Un repère de brigands

Un point de repaire

Cette robe coûte chère pour coûte cher

Le 2 mars 2018

Emplois fautifs

Certains adjectifs ont un emploi adverbial, comme grand dans voir grand, lourd dans peser lourd, cru dans parler cru, etc. En passant de l’adjectif à l’adverbe, ces mots deviennent invariables. Le plus souvent, l’invariabilité est respectée quand les adjectifs ont, phonétiquement, des formes différentes au masculin et au féminin, comme grand/grande, et l’on ne dit ni n’écrit cette caisse pèse lourde. Quand il n’y a pas de différence de prononciation, les problèmes arrivent et l’on commence à lire ici ou là des phrases comme cette robe coûte chère, quand c’est coûte cher que l’on devrait écrire puisque, ici, cher est un adverbe.

on écrit

on n’écrit pas

Ces infractions peuvent coûter cher

Ils parlent cru

Ces infractions peuvent coûter chères

Ils parlent crus

Culturé pour Cultivé

Le 2 mars 2018

Emplois fautifs

Le nom culture est emprunté du latin cultura, qui signifie « agriculture » et « culture de l’esprit ». Il est dérivé du verbe colere, qui, selon le contexte, signifie « habiter », « cultiver » ou « honorer ». Du participe passé de ce verbe, cultus, le latin populaire avait tiré une forme cultivus, à laquelle on doit l’ancien français coutiver, qui avait pour sens « vénérer une divinité » et « travailler la terre », forme refaite ensuite en cultiver. C’est bien ce verbe, cultiver, qui est le pendant du nom culture. On rappellera donc que c’est le participe passé cultivé que l’on emploie pour désigner une terre qui a été travaillée et, adjectivement, pour qualifier une personne qui a une bonne culture générale ou une grande culture intellectuelle. Culturé, que l’on entendait d’abord ici ou là en matière de plaisanterie, mais qui commence à se répandre hors de ce cadre, est un barbarisme qu’il faut à toute force proscrire.

on dit

on ne dit pas

Un jeune homme très cultivé

Une terre bien cultivée

Un jeune homme très culturé

Une terre bien culturée

Partager ce gâteau, partager cette idée

Le 2 mars 2018

Emplois fautifs

Le sens du verbe partager varie en fonction des compléments qu’il régit. Avec les noms concrets et la plupart des noms abstraits, partager, conformément à son étymologie, signifie « faire des parts, diviser ». On peut ainsi partager une galette, une terre, le pouvoir, des responsabilités, etc. Après le partage, la part qui reviendra à chacun sera plus petite que ce qui a été partagé. Mais quand partager a pour complément un nom abstrait désignant ce que l’on pense de tel ou tel sujet, comme idée, avis, opinion, il change de sens pour signifier « agréer, accepter, faire sien ». Et dans ce cas ce qui est partagé ne diminue pas. Je partage votre point de vue ne signifie donc bien sûr pas « j’en fais de plus petits morceaux », mais « je suis d’accord avec lui ». Cette différence de sens amène aussi une différence de construction, et si l’on dit « je voudrais partager cette tarte entre vous », où vous est complément de partager, on doit dire en revanche « je voudrais vous faire partager mon avis »,vous est sujet de partager.

Prévoir à l’avance

Le 2 mars 2018

Emplois fautifs

Le verbe prévoir est emprunté du latin praevidere, « apercevoir d’avance, prévoir ». La composition de ces verbes latin et français est la même : un radical verbal, videre pour le latin, voir pour le français, et un préverbe ayant le même sens, prae- pour le latin, à l’origine du français pré-, c’est-à-dire « devant, en avant, à l’avance ». L’idée d’anticipation étant donc déjà contenue dans prévoir, on évitera le pléonasme vicieux « prévoir à l’avance » ; on emploiera prévoir seul ou la locution adverbiale à l’avance avec un verbe comme penser, concevoir, envisager, etc.

on dit

on ne dit pas

J’avais prévu ce qui allait se passer

Il avait imaginé à l’avance sa réaction

J’avais prévu à l’avance ce qui allait se passer

Il avait prévu à l’avance sa réaction

Dresser le portrait pour Brosser le portrait

Le 1 février 2018

Emplois fautifs

Le nom brosse peut désigner un pinceau plat, généralement large, en soies de porc, de martre, dont se servent les artistes peintres pour étendre les couleurs ou les vernis sur la toile. On en a tiré le verbe brosser, qui signifie proprement « peindre à la brosse par larges touches », puis « faire une ébauche rapide » et, figurément, « décrire dans les grandes lignes, à larges traits ». On dira ainsi brosser un décor, brosser un paysage, un portrait. Le verbe dresser, lui, signifie « préparer, arranger, disposer selon les règles » (dresser une table) et, s’agissant de choses qui exigent soin et précision, « exécuter, établir » (dresser le plan d’un ouvrage, une liste, un inventaire), et, particulièrement, « rédiger dans la forme prescrite » (dresser la minute d’un acte, une contravention). On se gardera de confondre ces deux verbes et l’on se souviendra que l’on ne dresse pas un portrait mais qu’on le brosse. Si l’on craint de ne savoir lequel employer, on en appellera à Prévert et à son célèbre Pour faire le portrait d’un oiseau.

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