UN LIBRE PENSEUR DANS LE GRAND MONDE
PAR
M. CUVILLIER-FLEURY
MEMBRE DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE
Lu dans la séance publique annuelle des cinq Académies
le mercredi 25 octobre 1876.
MESSIEURS,
L’écrivain distingué dont l’Académie française m’a permis de vous entretenir aujourd’hui était, il y a quelques mois à peine, inconnu de la plupart d’entre vous. Né à Douai, en 1800, M. Ximenès Doudan avait vécu obscur au milieu de quelques amis et dans une famille qui, à la vérité, est une des premières de notre pays. Mais sa vie déjà longue quand il est mort, en 1872, n’avait emprunté, à ce brillant milieu où elle s’était paisiblement écoulé, aucun éclat. Pour le monde des lettres où une récente publication vient de la faire entrer avec un si rare succès, l’existence de M. Doudan a été une révélation, son talent une surprise. Les deux volumes de sa Correspondance[1], donnés au public il y a six mois, sont certainement, parmi les livres sérieux, ceux qui ont eu le plus de lecteurs à une époque de l’année où, en France, on lit le moins.
Je savais, Messieurs, quand j’ai eu très-spontanément l’idée de vous parler de cet inconnu, devenu si vite célèbre, sa répugnance souvent exprimée pour toute publication d’écrits posthumes auxquels l’auteur n’aurait pas, de son vivant, donné l’exeat, répugnance assurément généreuse quand il s’agissait de lui ; et, si étranger que j’aie été à la publicité donnée à sa correspondance par d’honorables amis bien inspirés, je sens qu’en produisant aujourd’hui dans cette grande lumière d’une séance académique cette physionomie, discrète amante du demi-jour, je fais une sorte de violence à sa mémoire. Mais n’êtes-vous pas la véritable assemblée représentative de l’esprit français, la première du monde à ce titre ? Avoir obtenu de vous l’autorisation de vous montrer un instant, dans une rapide esquisse, un lettré qui vous aimait, qui suivait avec un intérêt filial vos travaux de toute sorte, — science, beaux-arts, érudition, philosophie, littérature, — qui, par la curiosité inépuisable et universelle de son esprit, semblait volontairement associé à ces travaux multiples qui vous honorent dans le inonde entier, — avoir obtenu la faveur de prononcer ce nom devant vous, n’est-ce pas comme si je le rattachais, quand il n’y peut plus prétendre, à ce grand corps où il a vu entrer tant de ses amis, plus heureux de leur succès qu’envieux de leur gloire ?
I
Le titre que j’ai donné à cette lecture n’est pas un appel fait, par surcroît, à votre curiosité. Le respect m’eût interdit un pareil calcul. Mais je n’ai pas, l’ayant bien cherché, trouvé d’autre mot pour caractériser dans M. Doudan ce qui était, je crois, sa faculté principale, la liberté de l’esprit. Il était un libre penseur ; il l’était dans toute la force et dans le meilleur sens du mot. Il pensait librement sur tout, non en sectaire mais en philosophe, sans sujétion d’aucune sorte, mais sans ambition, quelle qu’elle fût. Il avait consacré sa vie à la recherche de la vérité, et, quand il croyait l’avoir trouvée, il la disait en homme d’esprit qui ne s’en vantait pas, mais en honnête homme qui eût rougi, dans la plus insignifiante rencontre, d’une infidélité à sa conscience. C’est ainsi qu’il était libre penseur, avec autant de finesse que de scrupule, autant de décision que de tolérance ; — avant le juste orgueil non la vanité de l’esprit ; hostile à toute fastueuse apparence, dédaignant le bruit plus encore peut-être qu’il ne le craignait. Ainsi l’avons-nous connu, nous les amis et les témoins de sa vie, toujours et partout. « Libres et très-libres penseurs, nous l’étions ; athées et matérialistes, notre amour-propre tout seul nous aurait empêchés de l’être. » M. de Sacy essayait ainsi récemment de caractériser l’esprit de ces entretiens familiers qu’abritait, au temps de la jeunesse de M. Doudan, quelque allée discrète du jardin du Luxembourg[2]. Cet esprit, l’auteur de la Correspondance l’a toujours conservé. Mais en lui attribuant, comme penseur, une qualité dont beaucoup se font un titre provocant, un carillon de guerre ou une affiche sur les murailles, j’avais à cœur de le distinguer, dès le début de cette lecture, par respect pour vous, Messieurs, de ceux qui ne font métier de penser librement que pour parler sans mesure, écrire sans règle et agir sans frein.
M. Doudan était un des sages de la libre pensée ; et il l’était, ai-je dit, dans le grand monde. J’aborde ici un sujet délicat ; mais dans la vie comme dans l’esprit de cet homme remarquable le mot reviendra souvent : il était un délicat. En lui, autour de lui, clans son style, dans ses sentiments, dans ses opinions, clans ses relations ; tout se ressent d’une certaine délicatesse nerveuse, souvent subtile, toujours sincère : J’ajoute que ce n’est pas seulement une des particularités de sa nature. Sa position est délicate comme sa personne. Elle l’est même au sein de cette famille si grandement distinguée où sa destinée l’a fait vivre, même dans ce monde dont le salon du duc de Broglie, ouvert à toutes les sommités sociales, était le centre et le foyer. Supporter avec le sentiment de sa dignité morale les supériorités parfois injustes dont le monde est rempli, la tâche n’est pas trop pénible à qui sait le prix du silence, le pouvoir d’un sourire et les fières joies de la conscience ; mais apporter clans cette mêlée brillante le généreux souci d’y avoir sa place, d’y être compté, écouté, consulté au besoin par ceux mêmes qui avaient charge de conseiller les rois, on comprend ce qu’un tel dessein supposait de décision, indépendamment même d’une certaine allure indifférente qui pouvait donner de notre ami une idée contraire.
M. Doudan avait, après 1830, dirigé le cabinet politique de M. de Broglie au ministère de l’Instruction publique, plus tard à la présidence du conseil. Il était resté son secrétaire intime, il était devenu son ami. « Esprit délicat, né sublime, » disait de lui Sainte-Beuve, et je ne reproduis ce mot, si souvent répété, que pour y mettre, si on me le permet, une sourdine dont M. Doudan lui- même m’a donné l’idée. Le mot ne lui déplaisait pas ; pourtant il me disait un jour : « Sublime, soit ! mais je crains le voisin... » En toute chose, c’est ce fâcheux voisinage, le ridicule, qu’il excellait à relever chez ceux qui n’en avaient pas aussi peur que lui ; et, par exemple, l’orgueil dans une fausse dignité, la vanité dans l’estime exagérée de soi-même ; la manie, chez les écrivains d’une certaine école, de faire gros ce qui pourrait être grand, de sonner les cloches à toute volée, faute d’avoir trouvé la note juste et harmonieuse ; — toutes les exagérations en un mot, celle du poète enflé par la métaphore, celle du compositeur grisé de science et vide de sentiment, celle de l’érudit sans critique et du croyant sans charité, tout ce qui sonnait faux dans l’art, dans le style, dans la faconde du tribun, dans la rhétorique du mauvais prêtre, tout ce que l’engouement du monde surfait et que la sottise humaine achalande.
Tous ces excès de la pensée, il les redoutait pour lui ; il en faisait justice dans les autres. Ah ! cette justice n’avait ni haches ni licteurs. Ses arrêts étaient rendus à huis clos, non pas timidement, mais discrètement. Armé comme il l’était par une instruction très-étendue, une excellente mémoire et une réflexion assidue, ses coups portaient droit aux justiciables absents, sans laisser de trace, si ce n’est dans le souvenir d’amis peu nombreux, attentifs à ces entretiens familiers, ou dans des correspondances multiples, qui, pour avoir été écrites avec un si rare souci de la langue et du goût, n’égalaient pas peut-être le vif entrain et la perfection spontanée de sa parole.
Croire que M. Doudan ne songeait qu’aux personnes, dans cette grande activité où le spectacle du monde entretenait sa pensée, ce serait avoir une idée incomplète de la nature de son esprit plus attiré par les jouissances du sens intime que par les incidents du drame extérieur. Il n’a pas fait, de propos délibéré, ce qu’on appelait autrefois tantôt des caractères, tantôt des portraits ; et cependant sa correspondance en est remplie. À la bien prendre, on aurait là, de presque tous les hommes que notre époque a distingués dans la politique et dans les lettres, une silhouette fine et déliée, ou un crayon délicat, quelquefois mieux encore. Je choisis un de ces portraits clans le nombre ; on ne s’en plaindra pas : c’est celui du plus illustre de nos contemporains à l’heure où nous sommes, et le portrait date de l’époque où, jeune encore, il venait d’entrer dans cette Académie française dont il est aujourd’hui un des doyens respectés : « Dans chacune de mes dernières lettres, écrit-il en 1835 à Mme la baronne Auguste de Staël, je vous demandais si vous aviez lu le discours de M. Thiers à l’Institut. Je voulais savoir quel jugement vous en portiez... J’ai regret que vous n’ayez pas vu cette séance ; que vous n’avez pas vu M. de Talleyrand arrivant sur les bancs de l’Académie, en costume d’académicien. Il a produit un effet singulier de curiosité, comme une vieille page toute mutilée d’une grande histoire, que le vent va emporter bientôt. À côté de cette destinée presque accomplie, M. Thiers arrivait avec toutes les espérances, tout l’orgueil du présent et de l’avenir. Il racontait d’un air hardi ces agitations qui ont passé sur l’Europe depuis trente ans. Son discours était vivant ; on entendait presque rouler les canons de vendémiaire ; on voyait la poussière de Marengo et les aides de camp courir à travers la fumée du champ de bataille ; tout cela raconté devant des hommes qui avaient vu César et le Consulat et l’Empire, et par un jeune homme qui avait concouru à une grande révolution après avoir écrit l’histoire d’une autre révolution ; tout cela avec le sentiment que lui aussi serait un jour dans l’histoire. En sortant de l’Institut, je n’ai plus vu sur la place Vendôme qu’une grande statue de cuivre immobile, et les nuages qui couraient au-dessus, comme les agitations du jour au-dessus des souvenirs du passé... »
N’est-ce pas là comme une gravure au burin ? Maintenant voulez-vous un simple crayon, comme en font les artistes en se jouant et sans se prendre trop au sérieux ? Il s’agit de M. Cousin, au temps de ses grandes passions pour les belles dames de la Fronde.
« Et le grand Cyrus ? » écrit-il au comte d’Haussonville.
Je radotais, seigneur, avec Montmorency,
Melun, d’Estaing, de Nesle et le fameux Coucy...
« Qui m’eût dit, en 1828, que je verrais un jour M. Cousin valser ainsi avec la momie de Mlle de Scudéry, l’air ardent et respectueux, et baissant les yeux avec humilité chaque fois que, dans l’emportement de la valse, il passe devant Goyon de la Moussaye, Noailles, Puységur, Rantzau ? je n’ose dire ni le grand Condé, ni tant de nobles dames qu’il ne m’appartient pas même de nommer, et dont je ne saurais comprendre le langage. Reste que, je ne sais comment, il accorde la Révolution française avec ce profond respect pour le maréchal d’Hocquincourt, lequel n’aurait jamais voulu danser un menuet sur l’air de la Marseillaise... »
Dix ans plus tard, après la mort de M. Cousin, M. Doudan rendra plus de justice au grand philosophe. Il en fera un portrait digne de l’histoire. « N’êtes-vous pas triste de la mort de M. Cousin, écrit-il ? Mme de Sévigné dit quelque part de la mort de son jardinier : « Le jardin en est tout « triste. » Cette vie si puissante de M. Cousin, en s’éteignant, rend le jardin tout triste aussi. Il avait sans doute l’esprit bien mobile ; mais il n’avait jamais souffert qu’on lui offrît le prix de son changement d’opinion ou de sentiments. Il avait porté dans l’esprit de la philosophie, dans l’enchaînement des vérités morales, quelque chose du génie de Corneille. Il avait donné comme une âme romaine aux abstractions. Il avait réuni l’émotion à la rigueur des démonstrations. Avant lui et depuis Platon, la philosophie avait toujours eu l’air d’un glacier dans l’ombre. M. Cousin avait éclairé tous les sommets de la métaphysique de cette lumière que vous avez vue de Divonne (la lettre est adressée à Mme Donné) vers l’heure du coucher du soleil, sur toutes les hauteurs des Alpes... »
M. Doudan promène ainsi sur tous ses contemporains dignes d’attention son crayon facile, sa touche sûre, son regard équitable et, pour tout dire, sa libre pensée. Ce jugement et cette peinture des hommes, si frappante dans sa correspondance, auraient été certainement complétés par le tableau des évènements du temps, si les éditeurs de ces deux premiers volumes n’avaient dû, faute de documents plus nombreux, y laisser de véritables lacunes. Mais, telle qu’elle est, l’histoire de ce demi-siècle, qui commençait pour M. Doudan vers 1820, s’y retrouve partout par fragments détachés d’un intérêt supérieur et d’une forme originale. Ces morceaux d’histoire, la correspondance de M. Doudan en fournit un certain nombre, plus disparates que contradictoires, et d’une diversité que son esprit toujours maître de lui-même empêche d’être étourdissante. Mais que serait la libre pensée, si elle ne courait parfois, comme la plume de Mme de Sévigné, la bride sur le col ?
Tout à l’heure, j’ai parlé des Caractères ; un juge éminent, un de nos confrères avait déjà avant moi, à propos de M. Doudan, réveillé ce souvenir redoutable, sans en vouloir charger ni sa mémoire ni sa modestie[3]. Il est impossible pourtant de ne pas se demander si un écrivain si ingénieux, et en même temps si châtié, n’a pas des ancêtres dans le siècle même de la perfection. Ne serait-il pas, par hasard, de la famille de ces esprits qui ont porté jusqu’au génie le don d’observer et la faculté de peindre les tableaux mouvants de la société qui s’agitait sous leurs yeux ? Doudan nous fait penser à eux. On aime à le rapprocher de ces modèles, non sans se dire qu’ils sont inimitables. Il les rappelle sans leur ressembler ; il s’y retrempe sans trop s’y confondre. Où la Bruyère a mis tout son effort, sans toujours le cacher, Doudan apporte sa nonchalance savante, sa phrase bien habillée, et il trouve le naturel, même s’il l’a cherché. Où Mme de Sévigné semble parfois interroger autour d’elle un écho qui réponde, dans les salons à la mode, à sa pensée solitaire, Doudan, les jours où il est très-nerveux, nous paraît obéir à une préoccupation presque semblable. Il écrit à Mme Auguste de Staël : « Parler m’ennuie, parler sans produire le moindre effet m’est impossible... Dès que rien ne renvoie le son de vos paroles, on perd la force de rien dire. » Quant à Saint-Simon, dédaigneux des suffrages du jour comme écrivain et le regard attaché à l’horizon de sa célébrité encore lointaine, il écrit aussi, observateur silencieux et vengeur secret, l’histoire de ce déclin du grand règne qui léguera de si terribles problèmes à l’avenir ; mais il écrit la visière baissée, et il faudra presque un siècle pour que la postérité découvre en entier l’œil qui a vu, la bouche qui a parlé, la main qui a tracé sur la muraille du festin les signes redoutables. M. Doudan, ai-je besoin de le dire ? n’a jamais l’air de songer à la postérité, et il n’a nul souci d’une telle échéance. Sa libre pensée ne sait quel écho la répétera demain ; aujourd’hui lui suffit ; elle ne s’inquiète guère de sa destinée. Peut-être nous saurait-elle fort mauvais gré de lui en faire une. C’est son mérite d’être toujours prête et son succès de n’être jamais préparée.
C’est dans cette indépendance absolue des autres et de lui-même qu’il a vécu. Dans le plus grand monde, il est l’égal de tous. Dans le plus docte entretien, il n’est inférieur à personne. Il n’a ni titres, ni grades, ni distinctions honorifiques (suis-je bien sûr qu’il a été maître des requêtes ?), ni célébrité, ni camaraderie officieuse à son service, ni parti politique qui l’engage, ni croyance religieuse qui le domine, en dehors de celles qui sont l’essence même dont une âme humaine se compose. Celles-là, il n’a pas besoin de les traduire en pratiques régulières et manifestes ; elles se trahissent doucement dans la pureté de son front, dans le tranquille éclat de ses yeux, dans la grâce décente de son attitude, dans l’inviolable dignité de son langage en matière de religion. Elles éclatent à chaque ligne de sa correspondance sous sa plume. La libre pensée n’éteint pas chez lui le rayonnement de l’idéal ; elle lui emprunte plutôt je ne sais quelle élévation spiritualiste, mêlée parfois d’ironie socratique, plus près de Platon que d’Aristophane. Il écrit à M. Piscatory, en juillet 1861 :
« J’ai une rage intérieure contre les esprits bien faits qui n’ont que le goût du réel. Quand on en est là, on n’est bon à rien, pas plus dans une ferme que dans un palais. Pour tenir une ferme propre et bien ordonnée, je dis hardiment qu’il faut avoir ce sentiment de l’ordre qui ne sert à rien, mais qui fait songer à un ordre plus parfait que nous ne voyons pas Xénophon, dans ses Économiques, a décrit d’une façon charmante ce sentiment de l’idéal qui brille dans une cuisine bien tenue ou dans un cellier bien rangé. Un rayon du platonisme semble y éclairer tous ces humbles réduits de l’agriculture. Quand les hommes sont devenus insensibles à ces plaisirs « romanesques » qui sont à la portée de tous, il faut bien qu’ils s’arrangent pour devenir riches, parce que la richesse donne des plaisirs de convention à la portée des imaginations les plus basses. Celui qui ne peut pas peupler une cellule du luxe de ses rêves habitera bien inutilement un palais. Il y sera aussi bête que les splendeurs de son tapissier qui l’entourent. Je m’étonne que le poète qui a écrit en Angleterre les Plaisirs de l’imagination, n’ait pas vu cela. Il aurait pu faire un livre utile et réconcilier presque tout le monde avec la médiocrité de sa situation, en montrant le côté poétique de tout, je veux dire le point par où l’ordre particulier se rattache à l’ordre universel. Celui qui s’accoutumerait à vivre dans cette contemplation qui n’est pas difficile serait assez heureux, et fort sage, et très-aimable, et n’aurait pas besoin de grand’ chose. C’est dans ce sens que M. Ampère le géomètre disait : Je crois que le monde extérieur a été créé tout simplement pour nous être une occasion de penser, c’est-à-dire encore de rêver et de façonner en esprit ce qu’on a autour de soi à l’image du vrai beau qu’on ne peut atteindre. Que si j’étais prêtre, je prêcherais sur ce texte, et les paysans seraient très-heureux en regardant le soleil entrer dans leur petite chambre par les carreaux brillants de la fenêtre... »
Est-ce de la religion, cela ?
Je n’en sais rien. Je n’affirmerais pas le contraire. Il y a là comme un écho de ces chants d’oiseaux « qui ne sèment ni ne moissonnent », dit l’Évangéliste, comme un parfum de ces lis des champs « qui croissent sans travailler ». De telles pensées, si elles ne viennent pas d’en haut, elles habitent entre ciel et terre, où le libre esprit va les chercher. Et aussi bien, pour aller droit à ce qui caractérise le plus généralement le spiritualisme de l’humanité, — sur Dieu, sur l’âme, sur son immortalité dans une vie future, — je crois qu’on ne trouverait pas plus de traces d’une foi véritable à ces grands principes dans la correspondance de Voltaire (et je ne le dis pas par moquerie) que dans celle de M. Doudan. Quoi qu’on en puisse dire, c’est beaucoup. Doudan a du spiritualisme jusqu’au fond de l’âme. Le Dieu créateur est dans tout ce qu’il écrit, et non pas le Dieu des bonnes gens de Béranger ; il s’en défend du reste fort gaiement : « Ce Dieu, écrit-il, ne se révèle dans sa douceur et sa bonté qu’à ceux qui ont bu du vin de Champagne. C’est même un argument décisif contre ce Dieu, qu’il n’ait guère jamais suffi qu’à ceux qui ne pensent à lui que très-rarement... Mais ces défauts s’oublient quand on le chante sur un air animé, par un soir d’été, dans un beau jardin, s’il ne fait pas humide et si on n’a pas mal aux dents... »
Un tel Dieu, on le comprend, n’est pas celui de notre ami. Son Dieu est grand ; même absent, il le voit partout, tout en haut. Il le voudrait plus près des choses humaines, et plus intéressé aux actes des pauvres mortels. S’il s’occupe de nos misères, c’est derrière son nuage et dans cet empyrée où Lucrèce l’a placé. M. Doudan aime le poète de l’épicurisme romain : il me fait même l’honneur (p. 592 de son 2e volume) de le défendre contre moi. Il croit en Dieu plus que Lucrèce ; peut-être, ayant beaucoup de respect pour sa divinité, n’a-t-il pas assez de foi dans sa providence. Les catastrophes politiques semblent lui révéler surtout ce grand mépris de Dieu pour sa créature ; et de même que les évêques du dernier siècle, au dire des philosophes, se résignaient difficilement à ce qu’on appelait alors la résidence, Dieu, au sens de M. Doudan, n’est pas assez souvent à la maison... : « C’est la première fois, dit-il, en 1871, à propos de l’Internationale, que la Providence permet au nombre de menacer partout la civilisation ; jusqu’à présent elle semblait le tenir en bride comme la mer... »
II
Ainsi pensait, ainsi vivait M. Doudan dans cette noble maison où l’idéal affectait, dans des âmes non moins hautes, des formes moins éthérées et plus pratiques. La foi les attachait à un culte où son dévouement trop peu docile ne les suivait pas. Il y avait eu là pourtant, remontant aux premières années de la Restauration, dans cette famille chrétienne, un de ces nobles exemples de tolérance religieuse, qui devait être renouvelé plus tard, en France, sur le premier degré d’un trône, et par la plus illustre catholique d’un grand royaume. Ici, dans cette maison patricienne, — là, dans ce palais aujourd’hui dévasté, — les deux plus grandes formes de la religion du Christ, l’une plus expansive et plus rayonnante, l’autre plus intérieure et plus retirée, s’étaient associées dans un respect commun de la source d’où elles sont sorties. L’esprit libéral de notre époque se reconnaissait dans cette alliance : La plus difficile conquête de l’esprit moderne sur l’ancien régime, la liberté de conscience, y triomphait, dans ces hauteurs, avec un incomparable éclat. C’était moins que la libre pensée telle que Doudan la cultivait au fond de son âme. C’était plus que l’étroit horizon où la foi s’abîme pieusement dans une ignorance volontaire.
Croire, c’est penser.
Si la croyance d’un chrétien au XIXe siècle n’avait pas plus de valeur, au regard de l’esprit, que l’idolâtrie d’un Peau-Rouge ; si dans la sujétion de l’âme au surnaturel et dans sa croyance aux miracles consacrés (la vraie foi n’en connaît pas d’autres), il n’y avait que l’acte machinal d’une intelligence hallucinée, comment saint Louis, Gerson, l’Hôpital, saint François de Sales, Bossuet, Fénelon, et, de nos jours, un Chateaubriand, un Montalembert, un Broglie, un Guizot, comment tous ces hommes auraient-ils été des croyants, étant de si grands esprits ? Qui les eût fait descendre des sommets lumineux de la science humaine dans ces ténèbres sacrées où l’esprit est un luxe dangereux, la philosophie un piège, le raisonne7 ment une révolte ? À ceux qui prétendent « que la philosophie n’est plus qu’une ruine célèbre, je pourrais répondre, disait le père Lacordaire, que l’Église catholique n’a jamais tenu compte de cette objection, et qu’elle a constamment philosophé par l’organe de ses plus grands docteurs[4]... »
M. Doudan ne voulait-il pas témoigner de ces vérités à sa manière, c’est-à-dire avec une certaine profondeur dans sa malice, quand il racontait à Mme Auguste de Staël l’aventure étrange arrivée, en 1835, à l’abbé Bautain, un ancien universitaire devenu prêtre ?
« Mademoiselle de Pomaret vous a certainement entretenue de l’abbé Bautain, écrit-il ; c’est très-véritablement un homme de mérite, mais il soutient une singulière thèse contre son évêque, l’évêque de Strasbourg. Notez que l’abbé Bautain est philosophe et que l’évêque n’est pas philosophe ; il est tout simplement évêque. Or, l’abbé enseigne dans un séminaire que la raison n’est rien, n’est bonne à rien, n’apprend rien. Il affirme que l’existence de Dieu n’est pas même du domaine de la raison ; que, sans la foi, il n’y aurait dans le monde nulle connaissance de Dieu. L’évêque se fâche, lui dit qu’il va trop loin ; qu’il est vrai que, même pour l’existence de Dieu, la foi donne des vues plus nettes et plus profondes, mais qu’enfin la raison n’est pas si bête que le professeur la fait et qu’elle peut s’élever à croire en Dieu. Le professeur persiste à soutenir par des raisonnements que la raison ne peut donner la raison de quoi que ce soit. L’évêque l’invite alors à aller enseigner son scepticisme ailleurs : ce qu’a fait M. Bautain avec beaucoup de dignité. C’est la première fois depuis longtemps que l’Église catholique a vu pareille querelle, un évêque défendant la logique contre son curé... »
On voit assez par le tour que M. Doudan donne à ce récit qu’il est de l’avis de l’évêque, c’est-à-dire, ici, du bon sens. Il n’avait pu méconnaître, dans le milieu où il vivait, ce caractère de l’esprit religieux confiant dans la science, quand il est intelligent, et aussi cette grandeur morale de la vraie foi. S’il avait résisté à l’attrait et à la force de tels exemples, il les avait grandement respectés. Respecter dans les autres la liberté de conscience qu’on réclame justement pour soi, c’est le plus vrai caractère de la libre pensée. Mais parce que Doudan n’apportait dans les controverses religieuses ni injurieux dédain ni impétueux aveuglement, son libre esprit n’en avait que plus d’essor et de force partout où son bon sens lui demandait assistance contre les intempérances vraies ou simulées du fanatisme, sous toutes ses formes, sacrées ou profanes.
Le fanatisme, notre siècle le met volontiers partout, un peu froidement, car’ il l’étale plus qu’il ne l’éprouve. Au fait, on retrouve presque en tous lieux sa trace, et près de l’autel peut-être encore moins qu’ailleurs. Regardez-y bien : il est dans la politique par la véhémence trop souvent factice des opinions, dans la littérature par la dépravation forcenée du goût ; il entre même à de certains jours dans la science et dans les arts ; il pervertit jusqu’à la musique. Maintenant, Messieurs, jugez du bonheur d’un sage qui peut se dire qu’il est étranger à tous ces excès, et qu’il a peut-être mission de les railler et de les combattre ! Mais que dis-je ? une mission à lui ! Le mot seul l’eût fait cabrer. En lui la liberté de pensée, c’était, à proprement parler, son essence, l’harmonieux résultat des éléments dont se composait sa nature, nullement un métier, un parti pris, une manière d’être. Il n’avait jamais tenu école d’esthétique ou de morale. Il n’avait jamais professé que pour quelques enfants. Le professeur était resté un penseur. Il vivait pour la liberté et par elle, sans lui rien demander que le bonheur même de sa possession. Mme de Staël, qui semble avoir écrit pour lui son beau chapitre « sur la littérature dans ses rapports avec le bonheur », y signale ces fières et fortifiantes rencontres que l’étude procure aux âmes libres, disciples de l’antiquité[5]. « Ce qui dans tous les temps, écrivait de son côté M. de Tocqueville, a si fortement attaché le cœur de certains hommes à la liberté, ce sont ses attraits mêmes, son charme propre, indépendamment de ses bienfaits. C’est le plaisir de pouvoir parler, agir, respirer sans contrainte, sous le gouvernement de Dieu et des lois. Qui cherche dans la liberté, autre chose qu’elle-même, est né pour servir[6]. » M. Doudan jouissait de la liberté de penser comme M. de Tocqueville voulait qu’on peut jouir de la liberté politique. C’était pour lui comme l’air qui nous entoure, comme le parfum des fleurs qu’on respire, comme un de ces fleuves au cours paisible qui vous portent avec une douce et irrésistible lenteur. C’est ce rôle à moitié passif, presque platonique, que Doudan assignait dans son âme à la liberté. Il n’en aurait aimé pour lui la poursuite ni dans un parlement, ni dans une feuille politique, comme quelques-uns de ses plus chers et de ses plus illustres amis. Il n’avait jamais accepté dans la vie active qu’une sujétion temporaire, dont la plus noble confiance, je l’ai assez dit, garantissait la dignité ; puis il était revenu à ses amis, à ses livres, à ces muets témoins qui étaient pour lui bien souvent des juges. L’homme a besoin de rapprocher sans cesse son esprit et son âme de ces grands modèles où respire la vertu, où le beau réside. La plus libre pensée trouve là des maîtres, même si elle ne cherche que des guides. M. Doudan avait de grands et immortels confesseurs qui s’appelaient Homère, Platon : Virgile, Tacite, Bossuet, Montesquieu, Voltaire, ceux que le paganisme n’avait pas corrompus, ceux que la foi n’avait pas bornés, ceux que la libre pensée n’avait ni égarés ni enorgueillis. Il y revenait sans cesse, et il avait, étant un délicat en toute chose et un raffiné des austères jouissances, une manière d’échapper à la satiété même dans l’excellent, qu’il est bon de connaître pour en profiter. Il écrivait à M. Piscatory : « L’habitude nous a été donnée sans doute pour notre bien ; mais elle a cet inconvénient qu’elle émousse nos impressions.... Il faut donc en revenir aux anciens livres. J’ai trouvé que, pour les rajeunir, il fallait y chercher chaque fois autre chose, relire par exemple Virgile pour y recueillir toutes les peintures du monde extérieur, et Cicéron pour y suivre la trace des règles morales qui étaient le catéchisme des Romains... »
C’est ainsi que M. Doudan aimait à naviguer, la voile au vent, le long de ces rivages sans limites de l’antiquité et de l’érudition qui sont un de vos domaines, Messieurs de l’Institut. Sur la musique, la peinture et les beaux-arts, il était en rapport assidu avec des connaisseurs qui remarquaient et admiraient en lui l’instinct du beau, dont il aimait à faire aussi la philosophie. Il querellait volontiers les philosophes ; il ne pouvait se passer de métaphysique. Il y avait apporté souvent la lumière. Ailleurs, et par son goût des sciences exactes auxquelles il s’appliquait platoniquement, n’ayant rien à en faire, il montrait l’inépuisable curiosité de son esprit. Naturaliste, quoiqu’il ne vît guère habituellement la nature que de la fenêtre de sa petite chambre de la rue Solferino, il l’était avec passion. Il avait des visions de paysagiste qu’un dessinateur habile eût pu reproduire, rien qu’en l’écoutant. Il avait, dans la méditation la plus abstraite, le goût de chercher la clarté dans le pittoresque. Les voyages le fatiguaient; dans les derniers temps, ils inquiétaient sa santé délicate dont il avait toujours eu un souci exagéré. Il n’allait plus que rarement à Coppet, et même à Broglie ou à Gurcy, dans ces beaux lieux où d’illustres amitiés l’attendaient ; mais il avait vu les Alpes et les Pyrénées ; Rome et Naples n’avaient non plus de secrets pour lui. Par tous ces goûts si divers, si persévérants, si sincères, qui le mettaient sans cesse dans la voie et sur la trace de vos sérieux travaux,
Tu longe sequere et vestigia semper adora,
n’est-il pas permis de dire qu’il était, même loin de vous, un des vôtres ? Je me vois ainsi ramené au point de départ de cette étude.
III
Une telle étude, Messieurs, était condamnée d’avance à être incomplète. Mes souvenirs abondent quand il s’agit de M. Doudan ; mais le temps est justement mesuré à vos lecteurs, et si j’ajoute quelques traits à ceux qui précèdent, c’est que je voudrais, échappant aux graves questions auxquelles vous m’avez permis de toucher d’une main discrète, aborder un terrain plus facile où je sais que mon seul mérite sera désormais de ne pas rester trop longtemps.
Pour porter avec succès un esprit de libre penseur dans le monde, il faut avant tout avoir de l’esprit. Penseurs libres ou non, beaucoup s’en passent. Pour M. Doudan, l’esprit était le passeport qu’on aurait pu lui demander partout ; il l’avait toujours avec lui. Voltaire a dit : « Il n’y a rien de plus aimable qu’un homme vertueux qui a de l’esprit. » La bonne renommée de la pensée libre chez M. Doudan tenait à un ensemble de qualités qui n’étaient pas seulement celles de son intelligence, mais de son cœur. « L’esprit de politesse, avait dit aussi La Bruyère, est une certaine attention à faire que, par nos paroles et par nos manières, les autres soient contents de nous et d’eux-mêmes... » M. Doudan donnait facilement à ce genre de politesse tous les dehors de l’amitié. Il avait par excellence ce genre d’affabilité qui enlève à la controverse toute amertume, à la raillerie, quand son tour venait, tout aiguillon douloureux. Il n’était ni infatué ni obstiné. « Il n’y a rien de si rare au monde que d’être de son avis, rien de si difficile que de vouloir ce qu’on a voulu[7]... » Cette faiblesse de volonté, signalée par le duc de Broglie dans un beau livre, péché mortel chez les politiques, n’est pas un trop grand défaut chez un philosophe, même ailleurs que dans l’éclectisme. La correspondance de Doudan fourmille de contradictions. Croyez-vous qu’il se démente ? Non, il se complète ; son esprit n’est pas mobile, mais curieux et perfectible à outrance. « J’apprends tous les jours quelque chose, » disait le vieux Caton. Le roi Louis-Philippe disait en 1840 : « Depuis que je suis roi, j’ai beaucoup appris. » Mais ne nous y trompons pas : sous cette apparence d’une curiosité un peu flottante, le bon sens du penseur avait chez M. Doudan sa cuirasse d’acier bien trempé. Fortement maître de lui, ayant toujours ce que j’appellerai la sincérité du moment, avec l’invariable respect de la langue et du goût, il a pu ainsi prêter son jugement à la mobilité des hommes et des choses, non sans y pénétrer profondément par la justesse de son coup d’œil, la finesse de son ironie, la hardiesse enjouée de son esprit, tourné par instant, pourquoi ne pas le dire ? à la moquerie et au paradoxe. La forme en lui variait sans cesse, le fond résistait.
M. Doudan écrit souvent à des femmes. Un tiers de ses lettres leur est adressé. Il n’y met aucune galanterie banale, mais seulement une courtoisie plus raffinée. La vérité sort toujours de son puits, mais toutefois avec un peu plus de toilette et d’appareil. Il ne faut pas croire d’ailleurs que sa libre pensée se refuse à profiter de ces entremises charmantes. Il en sait trop la puissance dans le monde. Et puis il ne s’attache pas obstinément à une idée, il ne s’acharne pas à un principe au point d’effaroucher ses spirituelles correspondantes. « Henri IV, disait-il, n’avait pas une boîte à principes dans sa poche, mais un panache blanc à son casque, et il ne disait pas aux siens : Suivez mon raisonnement ; vous le trouverez toujours au chemin de l’honneur !... Quand un homme me dit : Partons d’un principe ! je deviens tout triste... » Doudan est un serviteur du bon sens. Il enrichit son esprit plus qu’il ne le charge il l’affine et le raffine pour en faire l’arme légère et forte avec laquelle sa libre pensée traverse la vie ; affrontant doucement les inégalités sociales et les pesantes controverses, les importants et les sots, les fabricants d’hyperboles et les charlataneries consacrées. Il médit quelquefois du monde ; il l’aime au fond, quoiqu’il dise le contraire ; il l’aime dans le cercle distingué où il le fréquente, et si parfois il le raille doucement, c’est qu’il le traite en ami. Un spirituel voyageur avait écrit, passant par Strasbourg, qu’il avait vu un singulier effet du tonnerre, tombé sur la cathédrale : « La foudre avait respecté tous les noms illustres gravés sur la plate-forme, Herder, Goethe, Gay-Lussac, Lavater... Elle avait brisé les deux premières lettres du nom de Voltaire[8] » M. Doudan avait lu ce récit. « Eh bien ? dit-il à son ami, la première fois qu’il le rencontra, la foudre a fait son devoir à Strasbourg ! Elle a effacé le nom de Voltaire... » Et, il souriait. Un sourire bienveillant, c’était la mesure de son scepticisme dans ces rencontres délicates avec l’attendrissement d’une crédulité trop facile. Il souriait, quoiqu’il eût, au demeurant, bien d’autres armes de combat en ce genre, mais toutes empruntées à un certain fond d’ironie dont la mine en lui était inépuisable. Son esprit passait, par degrés insensibles, de l’inoffensive raillerie à la satire sans merci, et du sourire obligeant qui ébauchait une pensée au ferme regard qui l’achevait. Pourquoi ne pas l’avouer ? Ce don d’ironie qui fait de M. Doudan un maître à ce titre, cette finesse railleuse qui le distingue entre tous, ce mérite délicat a pourtant, même dans cette mesure, ses entraînements et ses périls. Doudan s’élève parfois, et ce n’est pas cela que je lui reproche, à la plus éloquente invective quand il est en face, comme il le fut en avril 1871 (car il était resté à Paris), de quelques-unes de ces frénésies antisociales où le crime a encore plus de part que la fureur... Avant ces terribles épreuves et quand l’ordre régnait dans les rues, la hausse à la Bourse et la sécurité partout. Doudan ne prend pas son parti d’une liberté restreinte, et le libre penseur ne choisit pas ce moment, comme tant d’autres, pour ne plus penser du tout. Sur les fautes et les imprévoyances de l’autocratie, sa verve non plus ne tarit pas ; et le côté par où l’impuissance providentielle du pouvoir le plus absolu prête si souvent à rire, quand elle ne nous réduit pas à pleurer, ce côté faible de tout despotisme n’a nulle part, je crois, été mieux caractérisé et mieux jugé que par cet aristarque souriant et moqueur des évènements de son siècle. Non, il n’y a pas là ce qu’il signale, avec un peu d’exagération peut-être, dans les Provinciales de Pascal, « cette raillerie sinistre et tragique aiguisée et affilée comme un poignard » ; mais voyez s’il était possible de parler avec plus de bonne grâce malicieuse et de bon sens prophétique du danger que faisait courir à la France, après Sadowa, la tolérance si étrangement désintéressée qui s’associait à la reconstruction d’une grande Allemagne unitaire : « Que dirait le vainqueur d’Austerlitz, écrivait Doudan en juillet 1866, s’il voyait refaire cet empire germanique qu’il avait détruit à coups de canon, et un empire germanique qui aura bien plus de cohésion que le premier ? Celui-ci sera un régiment. L’autre était une machine dont tous les ressorts se contrariaient les uns les autres... Ce qui est singulier, ajoute-t-il, c’est l’instinct politique des gens d’affaires de France... Hier, l’un d’eux disait, parlant de l’empereur Napoléon d’aujourd’hui : Ce diable d’homme est admirable ! Il vous renverse en un tour de main tous ces petits États d’Allemagne dont son oncle n’avait jamais pu venir à bout... »
Ainsi pratiquée, appliquée avec cette justesse rapide et incisive, l’ironie, si spontanée qu’elle soit toujours sous la plume ou sur les lèvres de M. Doudan, ressemble à un art et toucherait à la perfection, si la perfection même en ce genre n’avait ses écueils. M. Doudan fait quelque part une très-piquante étude de la bizarrerie dans l’esprit, qu’il distingue justement de l’originalité ; il la définit mieux qu’il ne s’en défend. Mais c’est là chez lui, quelle qu’elle soit et elle n’est jamais ni malfaisante ni ridicule, une des formes de la libre pensée. Il faut qu’il dise, de manière ou d’autre, la vérité à tout le monde, à ses amis, et aux meilleurs tout des premiers. Original, il l’est toujours avec un certain goût d’approfondissement qui le pousse à creuser au fond de sa pensée comme pour y faire incessamment des découvertes : « J’ai une rage d’apprendre... C’est là le secret de ma prétendue paresse. Il n’y a de véritable originalité en tout que sous les dernières couches de l’érudition. Quand on ne sait rien, on se croit trop facilement des idées neuves... » Dirai-je qu’il se défend toujours de toute affectation ? Il me répondrait, comme il fit un jour à M. Raulin, son ami, un aimable homme, un peu martyr de cette amitié doucement querelleuse : « Ne dites rien contre l’affectation du style ; c’est bien souvent un travail nécessaire pour faire sortir sa pensée du marbre où elle est enfermée. »
Chez M. Doudan, la pensée a par moments, en effet, cette beauté sculpturale qui laisse deviner moins l’effort que la facilité du ciseau ; plus souvent l’ironie chez lui tourne en poésie ou en sentiment ; ailleurs, c’est le paradoxe qui en fait les frais avec une certaine audace : « Il faut savoir oser, disait Voltaire ; la philosophie mérite bien qu’on ait du courage ; il serait honteux qu’un philosophe n’en eût pas, quand les enfants de nos manœuvres vont à la mort pour quatre sols par jour... » Et, au fait, un paradoxe bien tourné n’est jamais si audacieux qu’il le paraît. Il vous agace au premier moment ; regardez-y de près, il vous protège quelquefois contre une absurdité banale. Il est comme une sentinelle perdue du bon sens. « Je suis quelquefois, écrit Doudan en 1835, porté à croire que l’erreur naît du choc des opinions[9]. Autrefois on disait que c’était la vérité qui naissait ainsi. Il est bon de changer de temps en temps les idées reçues, de dire l’envers d’une chose raisonnable. On jette une sottise en l’air et il retombe un trait d’esprit... » Malgré tout, Doudan m’effraie un peu quand il développe même en se jouant sa théorie des grands espaces, lacs, plaines ou forêts, qu’il considère pour ceux qui les habitent comme funestes à la santé : quand il démontre l’utilité des hypocrites dans une société bien réglée quand il célèbre les bienfaits de l’ennui dans les petites villes de province ; quand il dit aux femmes mariées : « Il ne faut jamais quitter son mari parce que cela fait trop de peine de le revoir » ; quand, après un raisonnement un peu fantaisiste, il écrit : « Le ridicule de ce que je vous dis là, c’est que j’en pense quelque chose » ; lorsqu’enfin il fait passer à une troupe d’écoliers ce qu’il appelle un examen d’ignorance et qu’il répond : « Très-bien ! continuez, mon ami ! » à chacune des ripostes qui témoignent le plus que ces enfants ne savent rien. Tous ces paradoxes sont assurément fort drôles par la forme, et le dernier est une satire contre ces instituteurs qui chauffent à blanc l’esprit de leurs jeunes élèves, au lieu de lui laisser la lenteur salutaire d’une croissance naturelle et d’une maturité véritable. Ailleurs, l’auteur de la correspondance aime assez, avant à parler politique, à se munir d’un bon paradoxe qui lui servira de maintien dans une question délicate. Il écrit en 1818, à propos des évènements d’Italie :
« J’aime assez ce que fait le roi de Sardaigne qui accroît les bataillons de son armée à mesure qu’il donne une liberté de plus à ses peuples. C’est là proportionner les parois de la machine à la force d’expansion de la vapeur. C’est le contraire qu’on fait ailleurs, et tout le monde, en effet, n’a pas une bonne armée à ses ordres pour contrebalancer ses bonnes intentions. Le pauvre pape et le pauvre duc de Toscane ont eu le cœur sur la main. Il leur aurait fallu une bonne épée de l’autre pour repousser l’excès de la familiarité. Les bons trouvent beaucoup d’obstacles à faire bien... La morale de tout ceci est qu’il ne faut être le bienfaiteur de personne, à moins qu’on n’ait mis derrière un rempart solide ce qu’on est disposé à garder pour soi. »
« Il ne faut être le bienfaiteur de personne ! » M. Doudan avait besoin d’un certain courage pour hasarder, sans y croire, des paradoxes de cette force, même en politique ; mais ces témérités ne lui déplaisaient pas. Il lançait ainsi des mots dont le sens à moitié caché ne laissait pas pour lui d’être fort clair, mais il n’avait pas la superstition de la clarté qui, selon lui, était de création moderne, et qui, dans les Tusculanes de Cicéron par exemple, faisait partout défaut à la sagacité paresseuse ou exigeante.
Pourquoi ne dirais-je pas qu’il se mêlait une pointe de bonne humeur, d’humour britannique, avec un certain plaisir de dérouter les gens, dans ce goût que notre ami montrait pour le paradoxe ? Il a écrit quelque part, non plus dans une de ses lettres, mais dans un de ses articles de Revue, trop peu nombreux, que les éditeurs de sa correspondance nous ont rendus : « Une raison fine, élégante, moqueuse, préside à l’ensemble de la civilisation française, mélange de force et de mesure, d’audace et de retenue, de calcul et d’entraînement. Le symptôme d’une pareille disposition, c’est la moquerie. Un peuple, en effet, n’est moqueur que parce qu’il a de la mesure et de l’harmonie dans ses facultés. Il parodie tout parce qu’il saisit à l’instant la moindre dissonance et que son oreille délicate en est blessée[10]... » Est-ce Molière ? Est-ce la Bruyère ? Est-ce Addisson ? Est-ce le Sage ou Voltaire, ou M. Doudan lui-même que cette définition nous laisse entrevoir ? Avec le goût et le don de l’ironie philosophique, M. Doudan aurait-il eu aussi à quelques égards l’instinct, parfois le talent de la comédie ? N’en disons pas trop. On peut croire, en lisant certaines pages de sa correspondance, qu’il serait allé jusqu’au comique ; il s’arrête au burlesque, témoin cette scène d’un scrutin législatif dont il nous fait, sans trop y croire, l’amusant récit :
« La Chambre des députés, écrit-il, va grand train ici (c’était en juin 1816) ; mais, comme toujours, au moment du vote, on ne trouve pas le nombre de députés nécessaire. Hier, M. le président prit un grand parti. Il fit appeler un huissier et lui dit deux mots à l’oreille. L’huissier partit d’un air grave avec sa baguette noire et se dirigea, par un soleil brûlant, vers l’école de natation dont les portes s’ouvrirent devant lui au nom de la Chambre. Il se plaça sur le bord des bateaux et chercha à reconnaître, dans le nombre infini des nageurs qui plongeaient et revenaient sur l’eau, s’il ne pourrait pas pêcher quelque membre de la majorité : mais comme il est rare de voir aucun député à la tribune dans le costume de l’école de natation, le pauvre huissier ne savait que faire Enfin on entendit sur la surface des ondes une voix forte qui dit : « Que ceux de messieurs les députés qui sont sous l’eau veuillent bien lever la tête et venir voter à la Chambre. » À ces paroles, toute la Seine se troubla, et l’on n’entendit plus que le murmure confus d’une douzaine de conservateurs qui se rhabillaient. Les opinions incertaines continuèrent à nager entre deux eaux pour échapper aux sommations du président. Alors que vit-on et ne vit-on pas ? Dans cette grande hâte ; les plus zélés arrivèrent les moins vêtus et les tribunes détournèrent les yeux sans trop de colère… »
Avouons-le, Messieurs, ici nous sommes loin du libre penseur ; où plutôt ne sommes-nous pas ramenés par ces diversions mêmes à l’idée de ce libre esprit qui, sur toute chose, se donnait carrière, qui abordait tous les sujets, qui les effleurait ou les épuisait, se haussait jusqu’à eux ou les relevait jusqu’à lui, et qui, grâce à cette diversité charmante et puissante, traversait le monde sans le troubler, lui causant des surprises sans scandale, des contrariétés sans amertume, d’aimables querelles sans lendemain ! Sa contradiction n’épargnait personne, quand elle en avait un juste motif. Mais vous avez vu parfois, dans un champ de blé, les épis agités un instant par une brise légère qui, les effleure sans les courber. Dans les controverses avec M. Doudan, vous vous sentiez touché ; une atteinte si douce ne vous laissait ni le temps de vous plaindre ni le regret de l’avoir ressentie.
IV
Un tel contradicteur ne pouvait être qu’un bon conseiller. Il l’était pour tous, et le meilleur qu’on pût choisir, toujours prêt, toujours sincère, d’un abord toujours facile, et sans trop d’indulgence, même pour ses amis.
Non ! je n’aurai jamais de lâche complaisance !
Il vous disait cela avec le sourire de Philinte, non avec la véhémence d’Alceste ; et, de fait, la plupart des lettrés, ses amis, au moment de quelque sérieuse épreuve de publicité, venaient à lui comme on se munit d’une assurance contre la grêle. Il avait cette « promptitude » à vous conseiller dont Boileau fait la condition d’un bon conseil en pareille matière. Il allait droit à la faute, mettait le doigt sur l’erreur de votre érudition, procurait un support à votre phrase boiteuse ou une saignée à votre rhétorique ; sécheresse ou pléthore, ce qui est souvent la même chose, il avait remède à tout. Il excellait surtout à vous briser vos ailes d’Icare. J’en sais quelque chose. J’ai raconté ailleurs un entretien que j’eus avec lui un jour que je venais d’achever (passez-moi ce souvenir) mon discours de réception à l’Académie française. Je lui montrai mon travail ; arrivé à un certain passage dont je n’étais pas trop mécontent. : « Tenez-vous beaucoup à cette phrase ? me demanda-t-il. — Ma foi ! oui. — Eh bien, soit ! votre phrase n’est pas bonne ; il y a moyen de la rendre encore plus mauvaise... » et il me proposa, par manière de critique, un changement qui la rendait ridicule. Il fallut céder. Une autre fois (c’était en septembre 1843), la reine Victoria était venue au château d’Eu rendre visite au sage roi Louis-Philippe. J’avais été l’historiographe volontaire de ce séjour dont j’étais un des témoins, associé à tous ses incidents, objet d’une curiosité si universelle. Je n’ai pas grand souvenir de ce que j’écrivis alors pour un journal très important qui, par ma plume, voulait bien le dire au public. Il paraît que dans le récit d’un déjeuner doublement royal, dont les hautes futaies de la forêt d’Eu furent les majestueux témoins, l’enthousiasme du commensal attendri se trahit sans trop de mesure dans la description du reporter ; Doudan ne manqua pas cette occasion de donner cours à sa libre pensée. Il écrivait : « Nous lisons attentivement le récit de ces grandes fêtes. Les descriptions plus ou moins poétiques du Journal des Débats sont trop dans le style de René et des Martyrs. Il faut parler plus simplement d’un goûter ou d’un déjeuner. Il y a pourtant dans Milton un déjeuner d’Adam et d’Ève décrit avec cette vivacité de couleurs et ce luxe de comparaisons ; mais c’était une des premières fois qu’on déjeunait dans ce monde. C’était le déjeuner dans le sens vraiment étymologique ; il y a six mille ans, suivant le calcul le plus modéré d’Ussérius, qu’on boit et qu’on mange tous les jours. La reine d’Angleterre s’en va et nous allons rester tout seuls. Il faudra tâcher de se distraire les uns les autres. Nous sommes encore trente-trois millions ; mais je gage que personne ne va plus parler lyriquement du déjeuner de personne... »
En trouvant récemment, dans le premier volume de M. Doudan (pages 518 et suiv.), cette critique à la fois si juste, si fine et si personnelle, j’ai éprouvé d’abord ce petit frisson que notre vanité d’auteur ne nous épargne guère en pareil cas ; puis j’ai fait comme le poète de la Métromanie : « J’ai ri, me voilà désarmé ! » Cette double et successive impression donne bien l’idée des blessures que notre cher et aimable Doudan faisait et guérissait du même coup.
Je termine ici cette incomplète ébauche d’une physionomie qui eût réclamé un autre pinceau. J’ai essayé déjà à deux reprises différentes de la reproduire[11], luttant chaque fois contre mon impuissance à la saisir dans ses métamorphoses volontaires. Aujourd’hui, si j’ai pris la plume, c’est moins pour vous parler de M. Doudan que pour l’introduire, son livre à la main, dans votre illustre compagnie. C’est lui qui par ma voix vous a parlé. C’est votre bienveillant accueil qui lui a répondu, M. Doudan ne se flattait pas. Il avait pourtant un secret instinct de sa valeur, et il lui arrivait même de le laisser voir. Il avait en même temps, sinon le regret, tout au moins le sentiment de son obscurité volontaire. Une des plus belles pages de son livre est celle qu’il consacre aux inconnus, ceux que leur destin a dotés pour leur bonheur, ou affligés pour leur confusion, d’une vie obscure ou d’un nom sans écho. Pensait-il à lui en traçant cette page mélancolique, ou n’a-t-il fait, contrairement à son goût qu’une amplification ? Vous allez en juger, Messieurs, si vous me permettez ce dernier emprunt à son écrit :
« ... Je crois avec le poète Gray, dit-il, qu’il y a dans les cimetières de village bien des Milton qui n’ont point chanté, des Cromwell qui n’ont point versé de sang. Dans les grandes révolutions, vous voyez ces gens, qui étaient destinés à l’obscurité par leur situation, devenir Bonaparte, Masséna, Desaix, Kléber. Il n’est pas probable que nous eussions entendu parler d’eux sans la secousse qui a mis tout sens dessus dessous. Pour moi, je ne passe jamais dans une petite ville de province sans soupçonner qu’il y a là des inconnus qui, dans d’autres circonstances, auraient égalé ou surpassé les hommes qui remplissent aujourd’hui le monde de leur nom. Il y a beaucoup de cages où sont des oiseaux qui étaient faits pour voler très-haut. La nature est très-riche, et il ne lui fait rien que des inconnus de grand talent n’entrent pas dans la gloire. Ils vivent de leurs pensées et de leurs sentiments et se passent de l’Académie française... »
M. Doudan ne se doutait guère, écrivant ces lignes, que sa lettre serait conservée, qu’elle vivrait, qu’elle le ferait revivre et que sa protestation contre l’oubli, jointe à tant d’autres témoignages de son rare talent d’écrivain, le rendrait célèbre. Gardez donc les lettres, vous tous qui en recevez ; gardez-les pour peu qu’elles vous aient émus, impatientés ou charmés, si elles ont du style, le style d’une âme ou d’un caractère, homme ou femme ; gardez-les, ces lettres, et le jour où elles n’appartiendront plus qu’à vous, — car une lettre a toujours deux maîtres, celui qui l’écrit, celui qui la reçoit, — le jour où vous en serez seul maître, imitez les amis bien inspirés qui nous ont, donné celles de Doudan ; donnez-les, si elles intéressent la morale, la langue et le goût ; si elles doivent profiter à l’histoire ou à la critique ; donnez-les au public justement avide et jaloux de ces trésors, et qui aime à prendre ce qui ne lui appartient pas. Ces confidences qui tantôt nous révèlent un homme, tantôt jettent leur lumière sur une époque, c’est leur spontanéité même qui les rend précieuses. Moins elles visaient au regard du public, plus elles l’attirent. Leur désintéressement fait leur prix. L’obscurité qui les couvrait rend plus vive, le jour où elles en sortent, la lumière qui les éclaire. Gardez-les donc, non sans vous demander ce qui manquerait au patrimoine intellectuel de l’humanité, si les lettres de Cicéron et de Pline le jeune, celles de Henri et de Mme de Sévigné, celles de Rousseau et de Voltaire, celles de Paul-Louis Courier et de Joseph de Maistre n’avaient jamais vu le jour. Je rapproche de ces grands noms celui de M. Doudan. Je ne les compare pas. Si ces correspondances n’existaient pas, quel livre, quel traité, quelles études, quelles recherches pourraient remplacer le bien qu’elles ont produit ? Vous-mêmes, Messieurs, malgré les ressources de votre imagination, l’étendue de votre science et l’éclat de vos talents en tout genre, et en réunissant comme aujourd’hui vos cinq classes, vous-mêmes, si ces correspondances n’existaient pas, seriez-vous capables de les inventer ?
[1] Mélanges et Lettres, avec une Introduction par M. le comte d’Haussonville et des Notices par MM. de Sacy et Cuvillier-Fleury (Paris, Calmann-Lévy).
[2] Notice, p. XXII.
[3] Voir dans la Revue des Deux Mondes, du 15 juillet, l’article intitulé : un Moraliste inédit, par M. E. Caro.
[4] Discours sur les études philosophiques (août 1859).
[5] De la Littérature, discours préliminaire.
[6] L’Ancien Régime et la Révolution, p. 256.
[7] Vues sur le gouvernement et la France.
[8] En Alsace, par M. Xavier Marmier, p. 384.
[9] On peut voir, dans l’introduction remarquable que M. le comte d’Haussonville a mise en tête de la correspondance, que l’éminent écrivain prend plus facilement que moi son parti des paradoxes de M. Doudan.
[10] De la nouvelle École poétique, tome I, p. 48.
[11] Voir ma Notice en tête de la correspondance, et un article inséré le 30 juillet dans le Journal des Débats sur la publication de ces deux volumes due en partie aux soins intelligents et délicats de Mme du Parquet.