Réponse au Remercîment de M. de La Visclede

Le 12 novembre 1725

RÉPONSE

de M. DE LA MOTTE, Chancelier de l’Académie,
au Remercîment de M. DE LA VISCLEDE.

Le lundi 12 novembre 1725.

MONSIEUR_,

Vous ne vous êtes point trompé, c’est avec beaucoup de plaisir, que nous vous avons décerné vos premières couronnes ; & vos nouveaux succès, mieux mérités encore que les premiers, n’ont pas moins ajouté à notre joie qu’à votre gloire.

Nous avons été charmés de cette émulation généreuse, qui loin de se reposer sur ses premiers Lauriers n’en a acquis que plus de force & de courage, pour s’élever à une plus grande perfection.

Ce qui doit mettre le comble à votre satisfaction, MONSIEUR, c’est que tous ceux de nos Académiciens, à qui vous vous êtes fait connaître, s’accordent à remarquer votre Personne, ce qu’ils avoient déjà senti dans vos Ouvrages, l’honnête homme, l’homme sociable, réunis au Poète, & à l’Orateur. Il est des Auteurs, qui font presque haïr leurs talents, par l’orgueil ridicule qu’ils en conçoivent, ou par le mauvais usage qu’ils en font. Pour vous, MONSIEUR, vous êtes de ceux qui donnent un nouveau prix à leurs talents, par leur sagesse & leur modestie ; & pour encourager votre émulation, je dois vous dire, que c’est entre ceux-là seuls que nous choisissons nos Confrères.

Remercîment par M. de La Visclede

À Messieurs de l’Académie Française, prononcé dans l’Académie, par M. DE LA VISCLEDE, au sujet du prix qu’il avait remporté cette année.

MESSIEURS,

Je ne viens point ici pour vous remercier des Lauriers dont vous m’avez couronné : c’est l’équité qui les distribue par vos mains ; & je ne saurais les regarder comme une grâce, sans vous accuser d’injustice.

Ma reconnaissance a pour objet quelque chose de plus intéressant, de plus flatteur, si je l’ose dire, de plus glorieux que vos Lauriers mêmes. C’est, MESSIEURS, c’est cette joie généreuse que vous avez fait paraître en apprenant que vos suffrages venaient de m’assurer pour la seconde fois, la double couronne dont vous êtes les illustres dépositaires.

J’ai reconnu cette joie, MESSIEURS, dans l’accueil gracieux que j’ai reçu de chacun de vous en particulier, dans les bontés que vous m’avez témoignées, dans les marques singulières d’affection donc vous m’avez honoré.

Tant de grâces ont comblé mes vœux sans me surprendre : je m’y attendais, MESSIEURS, je savais que l’Académie n’est pas moins l’école de la Politesse, que l’école du Savoir ; que la Générosité est compagne du Génie ; & qu’il suffit d’aimer les Lettres, pour être sûr de votre bienveillance.

Qu’elle est glorieuse cette bienveillance de tant d’Hommes illustres, qui tiennent à si juste titre le premier rang dans la République des Lettres ; qui réunifient tous les talents & tous les genres de mérite ; & qui feront l’admiration de la Postérité, comme ils sont celle de notre siècle. J’ose le dire, MESSIEURS, j’en connais tout le prix. Qu’il m’est doux de pouvoir m’en flatter ! Que j’aime à trouver en elle un bienfait auquel votre justice n’a point de part ; & dont il m’est permis de d’avouer redevable !

Aussi MESSIEURS, avec quel plaisir, avec quel épanchement de cœur, ne fais-je pas cet aveu ! Pourquoi mes termes expriment-ils si faiblement ce que je sens ? Mais vous le savez, MESSIEURS, vous qui êtes les maîtres de la parole, & qui connaissez si bien le cœur humain ; les sentiments les plus vifs sont ceux que l’expression rend le plus imparfaitement, & je me flatte que vous voudrez bien mesurer les miens à vos bontés, plutôt qu’à la faiblesse de mes paroles.

Permettez-moi, MESSIEURS, de vous demander la continuation de ces bontés, qui me font si nécessaires. Permettez-moi d’espérer que je trouverai auprès de vous les leçons dont j’ai besoin pour cultiver les faibles talents dont vous avez couronné les productions. Je viens des extrémités du Royaume pour les recevoir ces savantes leçons. Vous les devez, si je l’ose dire, MESSIEURS, à tous ceux qu’anime la noble ardeur de suivre vos exemples. Vous trouverez des Elèves qui sauront mieux en profiter que moi : mais vous n’en sauriez trouver aucun qui les reçoive avec plus de docilité, avec plus de respect, & avec plus de reconnaissance.