Discours prononcé le 26. Février 1682. par Mr. l’Abbé GALL0YS, Directeur, lorfque Mr. l’Abbé de Dangeau fut reçû à la place de Monfieur l’Abbé Cotin.
MONSIEUR,
IL n’eft pas neceffaire d’employer beaucoup de paroles pour vous faire connoître la joye que l’Académie Françoife reffent de vous voir au nombre des Gens, puifque vous la pouvez beaucoup mieux voir vous-même dans les yeux & fur le vifage de tout le monde, que je ne fçaurois l’exprimer par mon Difcours. Il ne feroit pas moins inutile de vous en expliquer la caufe. Le merite dont vous foûtenez vôtre naiffance eft fi generalement connu, & ce qu’on a déja veu de vos Ouvrages a une approbation fi univerfelle, qu’il étoit de nôtre interêt de vous offrir la place que vous avez demandée. Il eft bien glorieux à l’Académie Françoife que les perfonnes qui font diftinguées par leur naiffance & par leur merite, faffent paroître tant de defir d’y être receus. Je ne fçay fi le zele que j’ay pour la gloire d’un corps dont j’ay l’honneur d’être, me trompe : mais je fuis perfuadé que comme ce defir eft un effet de la confideration que le Roy a pour cette Compagnie, & de la protection particuliere qu’il luy donne ; auffi cette bonté du Roy eft un effet & une marque affurée de la prudence de fa Majefté, Car il eft de la fageffe d’un grand Prince d’apporter une application particuliere à faire cultiver la Langue naturelle de fes Peuples : Rien ne fait mieux valoir les belles actions des Rois : rien ne contribue davantage à en rendre la memoire immortelle. C’eft ce que je veux faire voir en peu de mots, & ce qui paroîtra évidemment fi l’on fait réflexion fur les moiens par lefquels s’eft confervée la memoire des grands Hommes dont nous avons aujourd’huy connoiffance.
Ce ne font pas les baftimens fuperbes, ny les arcs-de-triomphe, ni les trophées, qui immortalifent le nom des grands Hommes. Y a-t-il jamais eu de plus fuperbes monumens que ces fameufes Pyramides que l’on met au rang des merveilles du monde. Les Rois qui les ont élevées, ont crû que leur memoire dureroit autant que ces monumens qu’ils croyoient ne devoir jamais perir : & ils ne fe font pas entierement trompez. Ces maffes énormes ont refifté au temps qui a deftruit tout le refte : Elles fubfiftent depuis plus de trois mille ans, & elles font en eftat de fubfifter encore plufieurs fiecles. Mais qu’ont-elles fervi à la gloire des Princes ? Comme elles ne font accompagnées d’aucune infcription, qui puiffe faire connoifire en quel temps, à quelle occafion, & par qui elles ont été conftruites ; on n’a aucune connoiffance des actions des Rois à la memoire de qui elles ont été eflevées ; & fi l’on fçait leurs noms, ce n’eft pas à ces monumens que l’on en eft redevable, mais à quelques Hiftoriens Grecs dont les Ouvrages ont tiré de l’oubli la memoire de ces Princes, que leurs fomptueufes Pyramides n’en avoient fceu garentir.
Mais s’il eft vray que le recours des langues eft neceffaire pour perpetuer la memoire des grands Hommes ; il n’eft pas moins certain que les langues étrangeres n’y doivent pas être employées. Je ne dis pas feulement (ce que perfonne ne peut raifonnablement contefter) qu’il n’eft pas de l’honneur d’un peuple d’avoir recours à des langues étrangeres pour leur confier le precieux dépoft de fa gloire : je parle plus avant, & je fouftiens qu’il n’y a que les langues naturelles qui puiffent donner à la pofterité une connoiffance parfaite de l’hiftoire de chaque peuple, & que les langues mortes font incapables de le faire.
Chaque Nation, MESSIEURS, a une infinité de chofes qui luy font particulieres, & qui ne peuvent être expliquées que dans fa propre langue. Quelque riche que foit la langue Latine & la Grecque, combien avons-nous de chofes qu’elles ne peuvent exprimer ? Comment parler en ces langues de nos fortifications, de nos armes, & de nôtre artillerie ? Comment parler des vaiffeaux de guerre, de leur équipage, & de tout ce qui regarde les inventions modernes de la navigation ? Comment exprimer nos dignitez, nos charges, nos habillemens, nos monnoies, une infinité d’autres chofes, fans quoy il eft impoffible de donner à la pofterité une exacte connoiffance de ce qui s’eft paffé de memorable dans ce fiecle ? Nôtre langue a des termes exprès pour les fignifier : mais dans ces langues mortes on n’en peut parler que par circonlocution, ou en termes generaux, ou en empruntant les noms des chofes anciennes qui ont quelque rapport avec les modernes que nous voulons exprimer, mais qui n’en donnent jamais qu’une fauffe idée.
Je ne m’arrefteray point à faire voir que l’on ne doit pas fe fervir pour traiter nôtre Hiftoire des Langues eftrangeres qui font encore vivantes ; puis qu’il eft évident qu’il n’y a aucune raifon de les preferer à la nôtre. J’ajoûteray feulement qu’il n’eft mêmes pas feur de les y employer. Car il eft facile de juftifier que la plufpart des peuples qui fe font attendus aux Langues eftrangeres pour tranfmettre leur nom à la pofterité, ont été trompez dans leurs efperances.
Que ne donneroient point les Sçavans pour avoir l’hiftoire des Égyptiens, celle des Affyriens, & celle des anciens peuples des Indes. Toutes ces hiftoires ont été écrites par de fameux Auteurs. Manethon avoir fait celle d’Egypte, Berofe celle d’Affyrie, & Megafthene celle des Indes. Mais comme les Grecs en la langue defquels étoient ces Hiftoires, occupez feulement des grandes actions de ceux de leur nation ; avoient peu de curiofité, & peut-être beaucoup de jaloufie, pour les peuples eftrangers que par mépris ils appelloient Barbares ; ils ont laiffé perir ces precieux monumens de l’antiquité, qu’il eût bien mieux vallu nous conferver que l’hiftoire de tant de petites bourgades Grecques que nous nous pafferions bien de connoître.
Et fe faut-il eftonner que ce qui efcrit en une Langue eftrangere foit de peu de durée ? puifque l’experience nous fait connoître qu’ordinairement on ne fe met en peine ni des Ouvrages que l’on n’entend point, ni de ceux aufquels on ne prend aucun interêt. Or quand l’hiftoire de quelque peuple eft efcrite en une Langue eftrangere ; ceux qui y ont interêt, ne l’entendent point ; & ceux qui l’entendent, n’y ont point d’interêt. Ainfi negligée des uns & des autres, elle ne peut manquer de périr en peu de temps.
Mais la jaloufie des Eftrangers eft encore bien plus à craindre que leur indifference. Croyez-vous, MESSIEURS, qu’ils fouffrent volontiers que la pofterité fçache que Louis LE GRAND a attaqué toutes les Puiffances de l’Europe liguées contre luy, qu’il a vaincu tout ce qui a ofé refifter à fes armes, & qu’il a enfin forcé fes ennemis à recevoir la Paix aux conditions qu’il leur a propofées ? Il eft de leur interêt d’enfevelir dans l’oubli la memoire des chofes qui leur font fi defavantageufes ; & il eft de nôtre prudence de ne nous pas abandonner à leur difcretion.
Il eft donc important de fe fervir de la Langue du pais dans les monumens qui doivent éternifer la memoire d’un peuple. Mais autant qu’il eft neceffaire d’y employer les Langues naturelles lorfqu’elles ont été portées à un certain degré de perfection ; autant eft-il dangereux de faire lorfqu’elles n’ont pas été fuffifamment cultivées. Car les Langues que l’on n’a pas pris la peine de cultiver eftant fujettes à un changement perpetuel, font de peu de durée ; & enfin elles periffent entierement, en forte que l’on n’en a plus aucune connoiffance. Témoin ces fameux Obelifques, qui après avoir long-temps fervi à l’embelliffement de l’Egypte, font aujourd’huy le principal ornement de Rome. On les voit encore gravez d’une infinité de figures dont les Curieux ont un extrême defir de fçavoir la fignification. Ammien Marcellin nous a confervé dans fon hiftoire l’interpretation d’un de ces Obelifques qu’il prétend contenir un long éloge du Roy Rameffés. Mais plufieurs doutent avec raifon de la verité de cette interprétation ; & tout ce qu’il y a de certain, c’eft que les Rois d’Égypte euffent beaucoup mieux fait pour l’intérêt de leur gloire, de travailler à faire entendre leur Langue à la pofterité, & d’y employer une partie du foin qu’ils ont mis à eflever ces prodigieux Obelifques.
Que diray-je des fameufes ruines de cet ancien palais de Perfe que les voyageurs appellent vulgairement Chilminar, qu’il femble que le temps a refpectées pour faire honte à tous les édifices des Grecs & des Romains. Les Rois de Perfe par qui l’on croit que ce Palais a été bafti, y ont fait graver des infcriptions qui fubfiftent encore : mais comme ils ont negligé de faire cultiver leur Langue, on en a entierement perdu la connoiffance, & perfonne ne comprend plus rien à ces infcriptions.
Mais je paffe ces exemples pour m’arrefter à la Langue qui fe parloit en France du temps de Charlemagne. Il eft certain que l’hiftoire de ce Prince meritoit mieux de paffer à la pofterité que l’hiftoire d’aucun Empereur que Rome ait jamais eu. Imaginons-nous que l’on ait trouvé depuis peu dans quelque coin de Bibliotheque une hiftoire de fa vie efcrite par quelque Auteur contemporain en la Langue vulgaire de ce temps-là, & que cette hiftoire contienne une relation exacte et fidelle de toutes les chofes memorables que ce Prince a faites, dont nous n’avons qu’une legere connoiffance. A quoy nous ferviroit cette defcouverte, & quel honneur feroit à ce grand Prince une hiftoire qu’il feroit peut-être impoffible d’entendre ? Car enfin la langue de ce temps-là n’ayant pas été cultivée, s’eft perduë de telle maniere qu’il n’en refteroit aucun veftige, fi un Auteur qui a efcrit peu de temps après, n’en avoit inféré fept ou huit lignes dans fon Hiftoire. Et comment entendroit-on la Langue qui fe parloit du temps de Charlemagne ? puifque celle qui étoit en ufage en France il n’y a pas cinq cens ans, eft tellement changée, que pour faire entendre l’hiftoire de Vilhardouïn qui vivoit du temps du Roy Philippe Augufte, il a fallu la traduire de fon vieux François, en François moderne.
C’eft donc une verité inconteftable, MESSIEURS, que la memoire des chofes remarquables n’eft pas en fureté lors qu’on la confie ou à des Langues eftrangeres, ou à des Langues vulgaires qui n’ont pas été fuffifamment cultivées. Mais quand on a pris foin de polir les Langues naturelles, comme ont fait les Grecs & les Romains ; c’eft alors que l’on peut s’affeurer que les chofes memorables qu’on leur confie, pafferont jufques à la pofterité.
C’eft principalement à ce foin que les Grecs, font redevables de leur gloire. Car après tout, qu’ont-ils fait plus que les Egyptiens ? Si nous tenons des Grecs les principes des fciences & des arts ; les Grecs tenoient des Égyptiens la plus grande partie de ce qu’ils nous en ont appris : & fi les Grecs ont porté leurs conqueftes jufques à l’extremité de l’Afie fous la conduite d’Alexandre ; les Egyptiens ont porté leurs victoires plus loin fous la conduite de Séfoftris. En un mot ces deux peuples alloient d’un pas égal à la gloire ; mais ils ont pris des routes differentes. Les Egyptiens, pour faire valoir ce qu’ils avoient fait de memorable, fe font entierement appliquez à eflever des Pyramides, à tailler des Obelifques, à ériger des Statuës, à baftir de fuperbes Palais ; & ils y ont mieux réuffi qu’aucune autre Nation du monde : Les Grecs au lieu de s’arrefter à ces monumens muets, fe font appliquez à polir leur Langue & à la rendre plus belle & plus riche que toutes celles de leurs voifins. L’experience a fait connoître que les Grecs ont choifi un moyen bien plus feur que les Egyptiens pour parvenir à la gloire que les uns & les autres s’étoient propofée pour but de leurs travaux. Car nous fommes mieux inftruits des jeux Olympiques & des Athlétes qui y ont remporté le prix, que du gouvernement de l’Egypte, & des Princes qui y ont régné : nous avons plus de connoiffance de la moindre ville de Gréce, que de Memphis & de Thebes, capitales de l’Egypte : enfin nous fçavons le détail de toutes les campagnes du moindre Capitaine & nous ne fçavons pas une feule circonftance de la conquefte que Séfoftris a faite de toute l’Afie & d’une partie de l’Afrique & de l’Europe.
Les Romains fe font bien trouvé d’avoir fuivi la maxime des Grecs. Leurs Arcs-de-triomphe, leurs Statuës, & leurs Palais car été ruinez par la jaloufie des Gots qui ont pris plaifir à détruire tous les monumens de la grandeur Romaine. Il n’y a que la Langue des Romains que ces Barbares n’ont pû abolir ; & cette Langue eftant devenuë la Langue de l’Eglife, elle fera durer la memoire des Romains autant que la Religion Chrétienne, à laquelle Dieu a promis une durée égale à celle du monde.
Il feroit à fouhaitter que les François euffent fuivi l’exemple des Grecs & des Romains. Combien de grandes chofes font enfevelies dans l’oubli, dont la memoire fe feroit confervée, fi cette vaillante Nation avoit eu autant de foin de perfectionner fa Langue que de faire de belles actions ? Mais ç’a toûjours été le foible des François de faire cas des langues eftrangeres, & de mefprifer la leur propre. Efcoutez, MESSIEURS, le reproche que leur fait un fçavant Auteur qui vivoit au fiecle de Charlemagne. C’eft une chofe eftrange, dit-il, que des gens fi fages compofent tous leurs Ouvrages en latin ; qu’ils renoncent à l’ufage de leur langue naturelle pour fe fervir de celle d’un autre peuple ; & que comme s’ils avoient honte d’être nez François, ils dedaignent d’employer dans leurs efcrits le langage de leurs peres : Res mira, viros fapientia claros factda fua in aliene lingua gloriam transferre, & ufum fcriptura in propria lingua non habere.
Les plus grands Rois de nôtre Monarchie fe font particulierement attachez à remedier à ce defordre. On fçait que Charlemagne avoit une fi forte paffion de perfectionner fa Langue naturelle, qu’il s’appliqua luy-même à fuppléer les termes dont elle avoit befoin ; qu’il en fit pour fignifier tous les mois de l’année ; & que les mots d’Eft, Oueft, Nord & Sud, dont nous nous fervons encore aujourd’huy, font de fon invention. Mais cette langue qui fe parloit de fon temps au de-là de la Meufe, étoit fi fauvage & fi imparfaite, qu’il ne faut pas s’eftonner qu’elle ait eu peu de cours. Celle que l’on parloit au deça & qui eft proprement la langue Françoife, étoit incomparablement plus douce & plus agreable. Elle fut neanmoins fi fort negligée qu’on ne trouve aucun livre efcrit en cette langue avant l’onziéme fiecle. Mais les Rois de la troifiéme race étoient trop grands politiques & aimoient trop la gloire pour laiffer plus long-temps la langue Françoife fans la faire défricher. Elle commença pour lors d’être employée dans les efcrits de plufieurs Auteurs, & les grands exploits de Louis le Gros, les victoires de Philippe Augufte, & les vertus heroïques de S. Louïs,, ayant donné matiere à plufieurs beaux Ouvrages, la mirent en reputation. Elle ne laiffa pas de demeurer fort imparfaite jufqu’au glorieux regne de Charles V, qui n’a-pas moins merité le furnom de Sage pour avoir fait cultiver fa Langue que pour avoir calmé les troubles de fon Eftat. Ce grand Prince fit traduire en François les meilleurs livres ; il recompenfa avec une magnificence Royale ceux qui s’y appliquerent ; & par l’eftime qu’il témoigna pour leurs Ouvrages, il excita dans les efprits de les Sujets une forte paffion de travailler à la perfection de leur Langue.
Si neanmoins on veut diftinguer les divers fages de la Langue Françoife, il faut demeurer d’accord que comme l’âge de fon enfance comprend les quatre fiecles qui ont precedé le regne de Charles V. tout le temps qui a fuivi jufques au regne de François I. ne peut paffer que pour l’âge de fon adolefcence. Jufqu’au regne de Charles V. les Auteurs François n’avoient fait, pour ainfi dire, que bégayer : dans les temps qui fuivirent, ils fe contenterent de parler nettement & de fe faire entendre : Mais depuis que la magnificence du grand Prince à qui tous les beaux Arts doivent leur rétabliffement, eut excité les Sçavans à travailler à l’envi à enrichir nôtre langue ; ils entreprirent de parler élégamment : & fi l’on eût continué à cultiver la langue Françoife avec la même ardeur, elle eût peut-être été portée dehors au point de fa perfection. Mais cette gloire étoit refervée à un autre temps. Les guerres civiles qui déchirerent la France fous les regnes fuivans, arrefterent le progrez des lettres : Et neanmoins dans le fort de la guerre il ne laiffa pas de fe trouver des genies extraordinaires, qui allerent au delà de ce que l’on pouvoit efperer dans un temps fi peu favorable aux Mufes. De ce nombre fut le fameux Philippe de Mornay vôtre ayeul, M0NSIEUR, dont la valeur & la fidelité meriterent la confiance du plus grand Roi de fon temps, & dont l’éloquence auroit auffi merité les applaudiffemens de tout le monde, fi elle avoit été employée à défendre une meilleure caufe.
Jufques-là divers particuliers avoient travaillé féparément à cultiver la langue Françoife : mais pour luy donner fa derniere perfection, il falloit que plufieurs perfonnes y travaillaffent de concert. C’eft ce que le grand Cardinal de Richelieu fi neceffaire, qu’au milieu des plus grandes occupations où l’engageoit le Miniftere, il forma le deffein d’eftablir l’Académie Françoife.
C’eft auffi ce que le Roy a jugé fi important, qu’il a bien voulu joindre aux titres de Grand & de Conquérant celuy de Protecteur de cette Compagnie ; & par l’autorité de ce jugement il a bien mieux confirmé que je ne le pourrois faire par toutes mes raifons ; qu’il eft de la fageffe d’un grand Prince de s’appliquer à faire cultiver la Langue naturelle de ces Peuples.
Puifque nous avons l’honneur, MESSIEURS, d’être choifis pour travailler à cette glorieufe entreprife ; efforçons nous de donner à nôtre Langue toute la beauté & toute l’abondance neceffaire pour pouvoir expliquer à la pofterité les grandes actions de Sa Majefté. Si les Langues fervent à immortalifer les chofes memorables ; il eft certain que les chofes memorables fervent auffi à immortalifer les Langues. Il ne tient plus qu’à nous que la nôtre ne foit immortelle : car pour des chofes memorables, i1 y en a affez dans l’hiftoire de Louis LE GRAND. pour faire l’eftonnement de tous les fiecles. On admirera à jamais cette prudence qui a fceu defcouvrir les deffeins les plus cachez de toutes les Cours, & cacher les fiens à toute la terre : On admirera cette juftice qui fçait maintenir l’autorité des Grands, foûtenir la foibleffe des petits, & accorder avec l’inégalité des états une efpece d’égalité qui entretient fes Sujets dans un parfait repos : On admirera cette valeur incomparable qui luy a fait entreprendre la guerre contre l’Europe conjurée, lorfqu’il fembloit eftre de fon intereft d’entretenir la Paix ; & cette moderation fans exemple qui luy a fait faire la Paix au milieu de fes victoires, lorfque fon intereft demandoit qu’il continuaft la guerre. C’eft maintenant à nous, MESSIEURS, à chercher des expreffions qui répondent à la dignité du fujet fur quoy nous devons travailler : C’eft à nous à faire enforte que la Pofterité en admirant dans nos Ouvrages les actions heroïques du plus grand Roy du monde, foit fatisfaite de la maniere dont nous les aurons traitées.