SCIENCE DE JOUR, SCIENCE DE NUIT[1]
François Jacob[2]
Séance du lundi 26 janvier 1987.
Une fois admise, une fois enseignée, la science est froide. Froide comme les techniques qui en découlent. Froide comme les manuels qui en décrivent le contenu ou les livres qui en rapportent l’histoire. La science en voie de se faire, elle, a deux aspects. Ce qu’on pourrait appeler science de jour et science de nuit. La science de jour met en jeu des raisonnements qui s’articulent comme des engrenages, des résultats qui ont la force de la certitude. On en admire la majestueuse ordonnance comme celle d’un tableau de Vinci ou d’une fugue de Bach. On s’y promène comme dans un jardin à la française. Consciente de sa démarche, fière de son passé, sûre de son avenir, la science de jour avance dans la lumière et la gloire.
La science de nuit, au contraire, erre à l’aveugle. Elle hésite, trébuche, recule, transpire, se réveille en sursaut. Doutant de tout, elle se cherche, s’interroge, se reprend sans cesse. C’est une sorte d’atelier du possible où s’élabore ce qui deviendra le matériau de la science. Où les hypothèses restent sous forme de pressentiments vagues, de sensations brumeuses. Où les phénomènes ne sont encore qu’événements solitaires sans lien entre eux. Où les projets d’expérience ont à peine pris corps. Où la pensée chemine à travers des voies sinueuses, des ruelles tortueuses, le plus souvent sans issue. À la merci du hasard, l’esprit s’agite dans un labyrinthe, sous un déluge de messages, en quête d’un signe, d’un coup d’œil, d’un rapprochement imprévu. Comme un prisonnier dans sa cellule, il tourne en rond, cherche une issue, une lueur. Sans s’arrêter, il passe de l’espoir à la déconvenue, de l’exaltation à la mélancolie. Rien ne permet de dire que la science de nuit passe jamais au stade de jour. Que le prisonnier sortira de l’ombre cela survient, c’est de manière fortuite, comme un caprice à l’improviste, comme une génération spontanée. N’importe quoi, n’importe quand, comme la foudre. Ce qui guide l’esprit alors ce n’est pas la logique. C’est l’instinct, l’intuition. C’est le besoin d’y voir clair. C’est l’acharnement à vivre. Dans l’interminable dialogue intérieur, parmi les innombrables suppositions, rapprochements, combinaisons, associations qui sans cesse traversent l’esprit, un trait de feu parfois déchire l’obscurité. Éclaire sous le paysage d’une lumière aveuglante, terrifiante, plus forte de mille soleils. Après le premier choc commence un dur combat avec les habitudes de pensée. Un conflit avec l’univers de concept qui règle nos raisonnements. Rien encore n’autorise à dire l’hypothèse nouvelle dépassera sa forme première d’ébauche grossière pour s’affiner, se perfectionner. Si elle soutiendra l’épreuve de la logique. Si elle sera admise dans la science de jour.
Fin juillet 58. Un dimanche à Paris. Les enfants partis en vacances. Ma femme Lise et moi sommes restés à la maison. Elle au piano, étudie une sonate dans la pièce voisine. De mon bureau j’essaie de mettre sur pied une conférence que je dois faire à New York. J’ai accepté trop d’engagements pour l’été : un congrès microbiologie à Stockholm ; un congrès de génétique à Montréal ; une « Harvey Lecture » à New York. Conférence très honorifique que je tiens à fignoler. Thème choisi : le déterminisme génétique des fonctions virales. Mais le cœur n’y est pas. Un jour sans envie de travailler. Sans envie d’écrire cette conférence. Je tourne en rond dans le bureau, à remâcher de vagues hypothèses, de probables expériences. En fin d’après-midi, lassés, fatigués, nous décidons d’aller au cinéma. Film sans grand intérêt. Affalé dans mon fauteuil, je perçois confusément en moi des associations qui continuent à se former, des idées à cheminer. Tout un remue-ménage qui se poursuit sourdement, dont je ne songe pas même à maîtriser le déroulement. Sur l’écran des ombres s’agitent, je ferme les yeux, attentif à ce qui se passe d’extraordinaire en .Une brusque excitation mêlée d’un plaisir confus m’envahissent, m’isolent de la salle, de mes voisins les yeux rivés à l’écran soudain, un éclair. L’éblouissement de l’évidence. Comment ne pas y avoir pensé plus tôt ? L’expérience de conjugaison faite avec Elie Wollman sur le phage, l’induction érotique, et celle faite avec Pardée et Monod sur le système lactose, l’expérience PY JA MA. Ce sont les mêmes. Même situation. Même résultat. Même conclusion. Dans les deux cas, un gène gouverne la formation d’un produit cytoplasmique, d’un répresseur qui bloque l’expression d’autres gènes. (…) Dans les deux cas, on induit en inactivant le presseur. (…) C’est le mécanisme même, la base de la régulation. Mais il y a plus. Avec le phage, ce ne sont pas simplement eux ou trois protéines dont la synthèse est bloquée, mais une cinquantaine au moins. Et aussi la reproduction du chromosome du phage, de tout un fragment d’ADN. On peut donc agir le dépresseur pour tout arrêter d’un coup ? La seule réponse simple, la seule qui ne fasse pas intervenir une cascade d’hypothèses compliquées, c’est : sur l’ADN lui-même ! D’une façon ou d’une autre le répresseur doit agir sur l’ADN du prophage pour le neutraliser, pour empêcher l’activité de tous ses gènes. Et, par voie de symétrie, le répresseur du système lactose doit agir sur l’ADN contenant les gènes de la galactosidase et de la perméase. Ces hypothèses, encore grossières, encore mal esquissées, mal formulées se bousculent en moi. À peine ont-elles émergé que je me sens envahi par une joie intense, un plaisir sauvage. Une impression de force aussi, de puissance. Comme si j’avais gravi une montagne, atteint un sommet d’où je découvrais au loin un immense paysage qui s’offrait. Je ne me sens plus ni médiocre, ni même mortel. Je manque d’air. J’ai besoin de marcher. Je m’agite sur mon siège. Lise me regarde, intriguée : « Tu en as assez, tu veux partir ? ». Nous nous retrouvons sur le boulevard du Montparnasse. Me saisit alors une sorte d’ivresse. Un immense besoin de parler. De préciser mes idées en racontant ce qui l’agite. Je dis à Lise : « Je crois que je viens de trouver quelque rose d’important ». Elle me regarde, gourmande : « Raconte ! ». Une fois à la maison, j’essaie de lui expliquer, le plus simplement possible, les données du problème. Les deux situations. Leur similitude. Leur identité même. Les conclusions. La régulation sur l’ADN lui-même. L’importance d’une telle hypothèse. Elle écoute avec beaucoup d’attention. Mais la chute la déçoit. « Tu m’as déjà raconté cela. On le savait depuis longtemps. Non ? ». J’esquisse un sourire un peu triste avant de rentrer dans ma coquille. Ô qui parler ? Monod est parti en vacances. Lwoff aussi. J’ignore où est Wollman. Je reste seul avec mon rêve rentré.
Quand je suis arrivé dans le bureau de Monod, cet après-midi de septembre 58, je me sentais à la fois exténué et excité. La même, j’étais revenu de New York en avion, sans dormir un instant. Après un déjeuner à la maison avec Lise et les enfants, je m’étais précipité au laboratoire pour y rencontrer Monod tout l’été, je n’avais eu aucune possibilité de le voir. Donc à exposer les idées qui avaient brusquement jailli, quelques semaines plus tôt, pendant une séance de cinéma. En fait, je n’avais encore essayé cette hypothèse sur personne. Mais tout l’été, je l’ai remâchée, ruminée, affinée à chaque occasion, pendant les voyages en avion, pendant les nuits d’hôtel ici ou là. Plus j’y pense, plus ces idées m’enthousiasmaient. J’avais même atteint un stade où elles me semblaient difficiles à réfuter tant j’y trouvai de cohérence d’explication et des possibilités de développement. Encore fallait-il faire admettre cette affaire par Monod qui nait toutes les clefs du système lactose : le dit et le non-dit, bréviaire et le folklore. Tout allait donc se jouer là. D’où mon excitation. Après les mots de bienvenue et les plaisanteries des retrouvailles, je commençai à raconter mon histoire. Mes yeux me piquaient. Je mourais de sommeil. Je parlais avec la volubilité que donne souvent un mélange de fatigue et d’é ment. Et Monod écoutait à peine. Il esquissa d’abord un sourire. Puis partit d’un éclat de rire, un de ces énormes rires qui emplissaient tout le bâtiment et permettaient aussitôt de le ser à distance avec précision. Enfantin ! Mon modèle était bonnement enfantin ! De chic, sans même y réfléchir, il put me fournir sur le champ une série d’arguments dont il suffisait à détruire le modèle. Aussitôt ma fièvre tomba, la fatigue l’emporta sur mon agitation. Je décidai de remettre au lendemain toute tentative de discussion. Je rentrai me coucher.
De toute évidence, dans l’état où j’étais ce jour-là, je ne que manquer mon but. Mon discours n’avait rien pour .Mais de son côté, Monod n’avait visiblement guère envie d’être séduit. En fait, il n’aimait pas changer d’hypothèse. Et on en changeait, il aimait que cela vint de lui, non des autres. souvent chez une nature aussi riche, aussi ardente, p personnages différents, voire opposés, coexistaient en Monod (…).
Le lendemain, quand, après avoir dormi douze heures, à nouveau dans son bureau, je trouvai un homme réce m’écoutait avec attention et curiosité. Le voir intéressé encore mon énergie. Je partis comme à l’assaut pour mon histoire, pour défendre mes arguments. Pour présenter des analogies entre lysogénie et système lactose, entre inductible et expérience PY JA MA. Analogies si étroites qu’on ne pouvait éviter l’hypothèse d’un mécanisme commun. À chacun de ces systèmes ses avantages et ses inconvénients. Avec le phage, facilité d’analyse génétique mais protéines mal connues. Avec le système lactose, au contraire, protéines simples à doser mais imprécision de la génétique. D’où une complémentarité expérimentale. Et si l’on postulait un mécanisme commun, la lysogénie imposait aux modèles possibles certaines contraintes. À cause, notamment des cinquante protéines du phage dont la synthèse était entièrement bloquée par un seul répresseur. Comme si celui-ci agissait sur un seul élément requis pour toutes ces synthèses. Comme s’il fermait une seule serrure pour verrouiller d’un coup l’activité de tout le chromosome, de tous les gènes du phage. Ce qui, pour moi, entraînait deux conséquences. D’abord, l’idée d’unités génétiques plus étendues que le gène, « unités d’activité » contenant plusieurs gènes soumis à une expression commune à une régulation commune qui, probablement, s’exerçait sur l’ADN même. Ensuite, l’idée d’une régulation opérant, non pas progressivement, mais de manière discontinue, comme un interrupteur, par un mécanisme de oui ou non, de marche ou arrêt.
Pendant tout ce temps, Jacques n’avait rien dit. Juste une ou deux questions pour clarifier certains points. Visiblement il s’intéressait. Sans toutefois paraître disposé à tout avaler. Après un long silence, il commença de discuter point par point, détail par détail. Tout d’abord, cette histoire de régulation qui fonctionnait directement sur l’ADN ne lui plaisait guère. Peut-être simple idée préconçue, ajouta-t-il. Car pour un esprit formé à la génétique classique, un gène, un chromosome représentaient des structures intangibles. Des objets sacro-saints qu’on ne pouvait manipuler sans attenter à la vie. Mais après tout, chez les bactéries on venait de prouver le contraire. De montrer la possibilité d’ajouter à un chromosome ou d’en retirer des fragments entiers sans conséquences graves. Alors pourquoi pas une régulation sur le gène. À surveiller.
Sur le thème de l’interrupteur, de la régulation par marche ou arrêt, Jacques était à son affaire. Pour la cinétique, les vitesses de synthèse, leurs variations selon la qualité de l’inducteur et sa concentration, il était imbattable. Il avait des arguments pour toutes les situations, des réponses à toutes les questions. Et là, il était formel. Aucune chance de concilier ces résultats avec un mécanisme par oui ou non. Pourtant, je n’étais pas convaincu. À cause peut-être de mon ignorance, j’aimais cette hypothèse. Pour sa simplicité d’abord. Aussi pour une autre raison, plus farfelue. Quelques semaines plus tôt, j’avais observé mon fils Pierre qui jouait avec un train électrique. Ce train n’avait pas de rhéostat. Pourtant Pierre faisait varier la vitesse du train en manipulant l’interrupteur, en le faisant osciller plus ou moins vite entre marche ou arrêt. Alors pourquoi pas un mécanisme semblable dans la synthèse des protéines ? Jacques ne voulut pas même discuter un tel argument. Pour lui, c’était une plaisanterie. même une mauvaise plaisanterie.
Pourtant, j’avais l’impression que « ça mordait ». Que mon interlocuteur se prenait au jeu. À mesure que la discussion avançait, Jacques s’animait. Il se levait. Marchait de long en large. S’arrêtait devant le tableau noir. Dessinait un schéma. Restait méditer quelques instants. Se prenait le menton entre deux doigts. Revenait s’asseoir. Gardait un temps le silence. Se mettait à penser tout haut. Sans aucun doute la machine était en marche. Une machine impressionnante, faite de rigueur et de logique. Une précision dans le raisonnement. Ce qui très vite conduisit Jacques à une remarque importante. A la nécessité d’une déduction cela m’avait totalement échappé. Si les deux gènes, celui de la galactosidase et celui de la perméase, constituaient une même ur d’activité, soumise à une même régulation, la synthèse des deux protéines devrait rester coordonnée. Quelles que fussent les conditions, les situations, les deux activités ne pourraient apparaitre que dans le même rapport. Ce qui s’avérait presque toujours, ajouta Jacques d’une voix ferme. Presque toujours mais toujours ! Dans deux cas au moins, il n’y avait plus coordination (...). Ce genre d’objection, c’était exactement ce que je craignais. Mais sans trop m’en soucier. Plus, m’importait maintenant l’intérêt croissant que prenait Jacques à ce dialogue. De toute évidence il réagissait. Il était accroché. Il cherchait des arguments, autant dans un sens que dans l’autre. J’avais l’impression d’avoir partie gagné. De voir mon hypothèse prendre de la consistance, de l’épaisseur. Passer peu à peu de la science de nuit à la science de jour. Mais il se faisait tard. Je me sentais épuisé par la discussion. Contrairement à Jacques aussi frais, aussi dispos que le matin. Il était temps de nous arrêter. D’aller retrouver d’autres membres du groupe autour d’une bouteille de whisky.
(...) Avec cette journée dans le bureau de Jacques commença une période nouvelle. Période d’activité, d’exaltation exceptionnelle. Le plus intense de ma vie scientifique. D’abord réser l’égard du modèle, Jacques en vint très vite à s’y intéresser de près. Ses critiques se firent de plus en plus constructives. Certaines de ses objections tombèrent. D’autres persistèrent. Notamment l’absence de coordination dans l’induction par un certain anale du lactose. Ce qui restait comme un cadavre caché dans un placard. Mais d’un commun accord, il fut décidé de l’y oublier quelque temps.
Chaque jour, nous avions de longues discussions. Chacun y essayait sur l’autre des idées nouvelles. Jacques se concentrait sur le système lactose. De mon côté, je m’efforçais de considérer à la fois les deux systèmes, fasciné que j’étais par leur similitude. Déceler un nouveau mutant dans un système conduisait aussitôt à prévoir et isoler le mutant symétrique dans l’autre. Lors d’une de nos séances, Jacques fit une remarque importante : s’il existait un interrupteur que venait actionner le répresseur, il devait être spécifique. Donc pouvoir être modifié par mutation. Aussitôt nous cherchions à définir les propriétés d’une telle mutation. À dessiner au tableau noir notre représentation du circuit régulateur. Ce circuit, nous l’envisagions comme composé de deux gènes : émetteur et récepteur d’un signal cytoplasmique, le répresseur. En l’absence d’inducteur, ce circuit bloquait la synthèse de galactosidase. Toute mutation inactivant l’un des gènes devait donc entraider une synthèse constitutive. Un peu à la manière d’un émetteur au sol envoyant à un bombardier le signal : Ne pas lâcher les bombes. Ne pas lâcher les bombes... Si l’émetteur ou le récepteur était cassé, l’avion lâchait ses bombes. Mais qu’il y eût deux émetteurs avec deux bombardiers et la situation changeait. La destruction d’un seul émetteur devenait sans effet, l’autre continuant à émettre. La destruction d’un récepteur, au contraire, entraînait un lâcher de bombes mais seulement par le bombardier dont le récepteur était cassé. Toutes situations qui donnaient aux mutations des propriétés bien précises et bien définies en termes de génétique : la mutation de l’émetteur était dite « récessive ». Celle du récepteur « dominante en cis », c’est-à-dire sur le même chromosome. Pendant ce développement, le ton avait monté. L’excitation a grandi. Nous dessinions de plus en plus fiévreusement au tableau noir. Des schémas de toutes sortes avec des flèches en tous sens. Et soudain, je m’aperçus que, depuis plusieurs années déjà, nous avions, avec Elie Wollman, isolé et étudié un mutant de phage qui présentait exactement les propriétés attendues pour le récepteur du répresseur. Stupide que j’étais de n’avoir pas compris plus tôt ! Dès lors, notre confiance commune dans le modèle s’accrut d’un facteur mille.
La collaboration avec Jacques se resserrait de jour en jour. Au rez-de-chaussée, dans le laboratoire attenant à son bureau, on ajoutait des inducteurs, on dosait des activités, on mesurait des synthèses. Au grenier, dans la pièce dont je disposais chez André Lwoff, on isolait des mutations, on les caractérisait, on les localisait. Je passais une bonne partie de mes journées à monter et descendre des escaliers en portant des tubes ou des boîtes de culture. Chaque journée se terminait presque invariablement dans le bureau de Jacques, à discuter sans fin du modèle, à lui chercher des variantes ou des occasions de le démolir. Nous nous étions répartis l’expérimentation. À chacun d’explorer un aspect particulier du modèle (...).
À l’exaltation qui avait suivi la première vision fugitive du modèle, au cours de l’été, s’était bientôt mêlé (...) l’émerveillement. Émerveillement d’abord de me sentir participer de façon active, de contribuer, malgré mon ignorance et mon retard, à ce qui m’apparaissait comme l’une des grandes aventures de ce siècle. Émerveillement ensuite de voir ce qui n’était qu’un rêve, une sorte de jeu de l’esprit, pur produit de l’imagination survenu dans les conditions obscures d’une salle de cinéma, peu à peu prendre corps. Devenir objet de discussion pour les scientifiques les plus sérieux. Guider l’expérimentation. Se trouver confirmé sur certains points, réfuté sur d’autres. Être modifié à petites touches. Bref, acquérir une forme, une consistance, une matérialité même, comme la vision de l’architecte qui se trouve matérialisée par la construction d’un palais. Il me semblait voir la réalité se couler dans le rêve. De toute évidence, le monde de la science, aussi bien que celui de l’art ou de la religion, était un monde créé par l’imagination humaine, mais à l’intérieur de contraintes très strictes imposées à la fois par la nature et notre cerveau. Comme si cette science s’efforçait non de photographier la nature mais de la peindre. De la décomposer pour la remodeler à l’aide de tous les moyens à sa disposition. D’en obtenir une représentation d’une vérité logique, surtout d’une vérité possible et communicable à qui voulait bien se donner la peine de la regarder.
(…)
Émerveillement aussi de me trouver engagé dans un long duo avec Jacques Monod. Avec un homme qui longtemps m’était apparu comme une sorte de héros, de modèle hors d’atteinte, de personnage placé sur des hauteurs qui resteraient, pour moi, à jamais inaccessibles. De mes années d’étudiant en médecine, j’avais conservé quelque raideur, un respect de l’ordre hiérarchique qui me faisait appeler André Lwoff « Monsieur » et dressait autour de Jacques Monod une barrière. Barrière qui tomba dès que commença notre collaboration de tous les jours, aussi étroite, aussi serrée qu’il était possible. Très vite, Jacques avait repris à son compte le modèle. Il l’avait fait sien, le modifiant sur quelques points en fonction de certaines données. Mettant toute sa rigueur, toute son intelligence à en définir les différents aspects, en dégager toutes les conséquences. Dès lors s’était tissée entre nous une relation intellectuelle d’une intensité, d’une intimité même exceptionnelle. Chaque jour nous passions plusieurs heures ensemble, le matin et le soir, à corriger des résultats d’expériences, à les analyser, les critiquer, en tirer des déductions, rectifier les hypothèses, concocter des expériences nouvelles. À chanter quelque cantate ou siffler quelque quatuor. À blaguer aussi. Car tout cela se passait dans une atmosphère à la fois fiévreuse et gaie, où chacun plaisantait l’autre à tout propos : sur son origine, carabin ou zoologiste; sur son « général de la guerre », de Gaulle ou de Lattre de Tassigny ; sur ses goûts culinaires ou politiques, ou littéraires. Le tout dans d’immenses éclats de rires qui emplissaient le nouveau bureau où Jacques s’était installé après la disparition de Gabriel Bertrand : grande pièce à l’angle du bâtiment de chimie, avec de larges fenêtres donnant sur les jardins, des meubles et boiseries clairs, le canapé et les fauteuils couverts de tissu brique. Et au fond le grand tableau vert foncé où nous esquissions avec rage formules et schémas. Très vite nous avions atteint un rare degré de complicité consentie et choisie. Nos discussions se déroulaient à toute vitesse, à coups de courtes répliques. Comme une partie de ping-pong. À peine l’un avait-il amorcé une phrase que l’autre répondait sans attendre la fin. Ce qui rebutait souvent, démontait ceux qui venaient se joindre à nos discussions mais qui, moins au fait de nos problèmes, de nos mutants, de nos codes, parvenaient mal à nous suivre. L’accord entre nous deux était si étroit, les réparties si rapides, les enchaînements si ajustés, qu’il était souvent difficile de dire lequel avait le premier lancé une hypothèse ou proposé une expérience. Comme la musique d’un chœur si cohérent, si intégré qu’on n’y distingue pas les voix individuelles. Dans le duo, chacun se montrait tel quel, avec son orgueil, son ambition. Mais sans maquillage, sans la part de comédie. Pendant près de cinq ans, ce fut une épopée que chanta notre amitié.
OBSERVATIONS présentées à la suite de la communication de M. François Jacob.
M. Jérôme LEJEUNE félicite le communiquant pour le sens clinique dont il fait preuve dans son étude du développement des rapports entre deux intelligences. Il s’interroge sur l’état d’esprit du scientifique après la découverte. S’agit-il d’une euphorie, ou au contraire d’une pacification propre aux retrouvailles de l’unité de l’esprit après l’inquiétude ?
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M. Jean STOETZEL déplore que l’enseignant de philosophie qu’il a été n’ait pas disposé de textes semblables à celui qui vient d’être prononcé pour expliquer aux élèves ce qu’est la recherche scientifique.
M. Jacob a montré le danger et l’absurdité du bon sens. La vérité est toujours dans le paradoxe. Il aimerait savoir quelles raisons ont poussé le communiquant à prononcer, devant cette Compagnie, une conférence en forme de confidence qui l’honore extrêmement ?
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M. Henri GUITTON aimerait poser plusieurs questions afférant à la distinction qu’évoque le titre de la conférence : Science de jour, science de nuit. S’agit-il d’un dialogue entre l’imagination et l’expérience ? Quelle distinction doit-on faire entre la science de jour et la science enseignée, la science chaude et la science froide ?
Par ailleurs, ce qu’énonce le communiquant, à savoir : le doute est à l’origine de la science, n’est pas sans évoquer ce que disait déjà Claude Bernard en 1865 à ce sujet dans un chapitre consacré au doute dans son Introduction à la médecine expérimentale.
Il voudrait également savoir si la possibilité de faire des expériences existe dans les sciences humaines ? Peut-on faire à propos de celles-ci, la science de nuit ?
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M. Pierre MASSÉ fait trois remarques à propos de trois expressions utilisées par François Jacob.
La première est celle « d’atelier du possible ». À quel moment les bactériophages, invisibles au microscope optique, sont-ils devenus une réalité biologique ? Avant le microscope électronique comme êtres de raison, ou après, comme êtres visibles ? L’emploi des êtres de raison est légitime, en biologie comme en économie à condition qu’ils clarifient des données confuses ou complexes.
La deuxième expression est celle de « immense paysage qui s’offrait », qui évoque l’émerveillement semblable de Werner Heisenberg après la découverte de la physique quantique.
La troisième expression mentionnée est celle de « rapprochement imprévu » et concerne le rapport (constaté dans la molécule d’insuline) qui existe entre l’extrême complexité de la troisième dimension et l’extrême simplicité de la première dimension. Il est possible de concevoir ce rapport, mais non de l’imaginer. Ce problème se pose d’ailleurs dans bien d’autres domaines, en littérature et en histoire par exemple.
Il aimerait avoir des précisions à propos de ce problème posé l’imagination.
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M. Pierre GEORGE rappelle que, au-delà de la distinction introduite par le titre de la communication, existe la nuit de l’obscurantisme et que François Jacob participe activement à la défense de vos collègues opprimés, ce qui appelle notre reconnaissance.
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M. Pierre de CALAN demande au communiquant :
1) si la distinction évoquée par lui entre « science de jour » et « science e nuit » ne s’applique pas, en fait, à toutes les activités de l’esprit humain ;
2) si l’on doit admettre que la source de la création est dans la « nuit » et l’exploitation dans le « jour ». N’y a-t-il pas plutôt, entre les deux, un lien de causalité réciproque analogue à celui de l’œuf et de la poule, sans que l’on puisse dire lequel sort e l’autre ?
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M. François LHERMITTE fait une série de remarques.
Il insiste sur le rôle qu’il convient d’attacher aux processus mentaux subconscients et inconscients, ainsi que sur la brutalité qui caractérise l’émergence de l’idée, expressive d’une rencontre de deux éléments à l’intérieur des circuits cérébraux. On peut évoquer à ce sujet la métaphore de l’éclair de feu, pour l’« Eurêka » de la découverte d’Archimède, ou encore, pour celle de Marcel Proust par l’association de la sensation gustato-olfactive procurée par la madeleine.
Il revient sur l’un des thèmes centraux de la communication qui est la rencontre de deux éminents scientifiques. Au départ intuition de François Jacob s’est heurtée à une conviction affective de Jacques Monod. Cet obstacle montre que si l’unification est possible au niveau rationnel, elle ne l’est pas lorsque le plan affectif est impliqué.
En dernier lieu, il s’interroge sur la nature du travail cérébral qui est à l’œuvre entre le moment du tâtonnement de la recherche et celui du surgissement de la découverte. Il se demande comment on peut démontrer qu’il s’agit d’une activité inconsciente. Le moyen de résoudre cette question consiste à faire appel aux expériences pratiquées sur des sujets présentant un syndrome d’amnésie pure. Lui-même, en pareil cas, a récemment démontré le rôle de l’inconscient dans le rappel des souvenirs (en cours de publication). Quelle part le communiquant donne-t-il au mûrissement inconscient de la découverte ?
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Réponse de François Jacob
À M. Lejeune : cette impression est purement personnelle, varie d’un individu à l’autre, et varie même pour le même individu.
À M. Stoetzel : il faut se garder de systématiser, le bon sens n’est pas toujours dangereux.
À M. Guitton : la science enseignée est gelée, et celle qui est en voie de se faire est à la fois de jour et de nuit. La science de nuit se nourrit de ce qui a été établi de façon consciente. Il y a une interaction constante des deux et la distinction n’a d’intérêt que pour la description.
À M. Massé : 1) le microscope électronique n’a rien révélé de nouveau sur le bactériophage, sinon sa forme ;
2) l’analogie avec Heisenberg qu’il ignorait lui paraît fort intéressante ;
3) on ne peut comprendre le développement embryonnaire sans savoir comment s’opère le passage de 1 à 3 dimensions. Cette ignorance est l’une des barrières actuelles de la biologie dont le franchissement permettra à celle-ci d’aborder une nouvelle phase.
À M. de Calan : il lui semble que, au départ, la mécanique de l’imagination est la même dans de nombreuses activités humaines.
À M. Lhermitte : l’exemple de l’amnésique est excellent car il permet de démontrer le rôle de la mémoire inconsciente.
Adresse du Président Lhermitte à l’auteur
Cher Monsieur et Cher Confrère, Choisissez celle de ces deux appellations à votre guise ! Tous deux médecins et membres de cet Institut, vous préférez la première dans nos échanges. Votre nature vous porte à maintenir quelque distance à l’égard des groupes. Une telle réserve est, sans doute, pour vous une nécessité afin de protéger ce que vous appelez, dans votre dernier livre, votre « statue intérieure ».
Toute vibrante, toute assoiffée d’idéal, je vous cite, animée par le sens du devoir, d’une mission, même, qui sublime votre condition d’Homme, votre personnalité est fatalement infiltrée d’une angoisse latente dont les émergences sont autant de brûlures. Et ce jeu qui consiste à faire virevolter des mots depuis celui de Dieu, dans votre enfance, jusqu’à celui de de Gaulle, plus tard — Gogol, Gaugaulle, Goménol, Goth, Gotha, Golgotha, etc. en passant par mille autres formules magiques — sont des sentiers classiques qui conjurent le monstre de l’angoisse dans son antre.
Nous tous vous accueillons avec le plus vif plaisir... Oh ! Pardon ! Honneur ! « Honneur »... comme le rectifia tout bas le général de Gaulle, lorsque l’un des vôtres osa lui parler de la sorte, avant que ce dernier ajoutât : « au suivant », c’était en 1940, à Brazzaville.
En 1965, conjointement avec votre patron André Lwoff et votre aîné et ami Jacques Monod, vous receviez la récompense suprême scientifique : le prix Nobel de médecine. Le premier qui couronna des biologistes français depuis la guerre. Sans doute, Jacques Monod plus extraverti que vous, se jouant — tout en les recherchant — des flatteries de ces milieux friands d’accueillir les étoiles célèbres incarna, en premier, le soleil du Nobel. Vous, dans l’ombre, livriez ce lourd chef-d’œuvre, La logique du vivant, tandis que le « tout-Paris » se flattait d’avoir compris Le hasard et la nécessité, livre difficile, pour ceux qui l’ont lu ! Puis ce bijou écrit comme on taille un cristal, Le jeu des possibles. Dès lors, votre renommée ne cessa de croître et les honneurs du monde scientifique, comme du monde officiel, de s’accumuler : d’un côté, vous voici chef de Service à Pasteur, professeur au Collège de France, puis Président de cet Institut. La reconnaissance de l’humanité ne vaudrait-elle pas les 45 kilos du manteau du Sacre ? Ses symboles vous conviendraient fort bien : le velours rouge cramoisi, le sang, matière de la vie ; les abeilles d’or, l’image d’une organisation selon des systèmes aussi raffinés que ceux du code génétique : la doublure d’hermine, l’impérieuse pureté d’esprit du chercheur.
Savez-vous que nos chemins ont plusieurs points en commun ? Je vous ai à peine précédé à l’Institut. Nous avons passé la même année la thèse de docteur en médecine. Un an sépare nos naissances. Enfin, plus surprenant, vous étiez à Arcachon en juin 1940. Moi aussi. Là une explosion se produisit dans votre vie. Il est temps de dire un mot de François Jacob avant François Jacob.
Issu de deux grandes familles, adorant votre mère dont l’affection possédait une sensibilité qui la rendait adorable, votre enfance et votre adolescence furent comblées. Respectant autant la branche qui pratiquait la religion juive que celle qui était agnostique subissant deux courants aux pensées politiques opposées, le temps vint où vous avez perçu leur contradiction : un patriotisme nationaliste du premier côté, et un pacifisme accompagné d’un « socialisme mou, mal défini, une sorte de solidarité de gauche » — pour reprendre vos termes — de l’autre côté ; « bref, la distance qui séparait décisions d’action et bons sentiments ». L’histoire se situait entre 1936 et Münich 1939 : les circonstances allièrent les deux tendances : « le droit de la France se confondait avec les droits de l’homme et l’amour de la patrie avec celui de la liberté », avez-vous écrit.
Juin 1940 : vous voilà à Londres, dans les Forces françaises libres. « Impressionnant personnage. Immense avec un nez immense, des paupières lourdes, la tête rejetée en arrière. Debout, les jambes légèrement écartées, il avait la majesté d’une cathédrale gothique. La solidité d’un pilier gothique. Avec des gestes lents et gauches qui dessinaient des ogives gothiques, des arcs, des vaisseaux, des portraits gothiques. Il prophétisa. Il brassa le monde, les armées, les forces, le peuple ». C’était le général de Gaulle, à 50 ans. Nul doute, vous avez eu le coup de foudre. Malheureuse expédition à Dakar. Rudes combats dans le sud tunisien, à Ksar Rhilane contre l’Afrika Korps. Enfin la Normandie où vous fûtes blessé, tenant dans vos bras un lieutenant, déjà touché, qui vous avait crié : « ne me laissez pas ! ». Lui fut emporté dans la mort, vous à l’hôpital du Val de Grâce.
Singulier phénomène que celui de notre passé dans la corbeille de la mémoire. « Qu’on cherche à lui rendre un peu de présence, un peu de vie et l’existence vous file entre les souvenirs ». Oui dites-vous. Et pourtant, si celui qu’on évoque meurt, on a alors le sentiment que le souvenir perd sa vie et n’est réellement plus qu’un cliché ou la bande d’un film mort. Allez ! Odile, votre premier pur et immense amour a revécu aussi son propre passé lorsqu’elle vous rendit visite au Val de Grâce. On se croit seul. On est deux. Hélas, les souvenirs s’attachent à l’histoire de l’un et à celle de l’autre. Elles sont différentes. Et ce d’autant plus que la vie vécue depuis a transformé les souvenirs, donc les instants de ce qui fut la réalité.
« Compagnon de la libération ». Suprême honneur de la guerre, où il est si facile d’être un héros. La situation du combat ne demande à l’homme que du courage et de la témérité. Dans le désert calme de la paix revenue quel mérite de faire preuve des mêmes caractères !
Vous vouliez être combattant pendant la guerre, on fit de vous un médecin. Après, vous auriez bien voulu devenir médecin. On fit de vous un combattant et même un franc-tireur dans la Recherche. Je ne puis m’appesantir. Toutefois, vous avez suivi un chemin en zig-zag. Et, à force de ténacité, comme Josué Jéricho, c’est à votre septième coup de trompette que vous abattîtes le mur du laboratoire d’André Lwoff à l’Institut Pasteur. Les dés étaient jetés. Dix ans après en 1960, vous avez apporté la démonstration de votre dernière découverte ! La boucle qu’André Lwoff et Jacques Monod en France, Watson et Crick, Seymour Benger et bien d’autres hors de France dessinaient, était fermée : les mécanismes génétiques régulateurs de la synthèse des protéines, ce qui détermine la spécificité de l’individu et en maintient la vie étaient connus.
Je vous cite encore, pour terminer. « L’homme suinte le projet, sue le dessein. N’admet pas... que l’histoire des hommes n’obéisse à aucune loi secrète... Ce que l’homme cherche jusqu’à l’angoisse dans ses dieux, dans son art, dans sa science, c’est la signification. Il ne supporte pas le vide... Il veut (une vie) sans cesse dirigée vers un but, comme une flèche ». Pauvre petit homme qui prétend voir l’univers à travers les réseaux de sa cervelle, prison lumineuse, mais prison par rapport au réel. Prétentieux petit homme qui, lorsqu’il dit le Monde, ne possède qu’un bizarre lambeau de vision et qui, pour le dire, arrondit prétentieusement sa bouche en cul de poule. Que dirait-il si une puce douée de langage nous expliquait le pourquoi de notre modeste planète et celui de l’apparition de la famille des pulicidés sur la terre ? La science nous force à l’humilité; savoir dire : je ne sais pas. Parfois, on parvient à savoir. C’est l’histoire de votre découverte.
[1] Les pages suivantes sont extraites d’un livre récemment paru, La statue intérieure, F. Jacob, éditions Odile Jacob.
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[2] François Jacob, membre de l’Institut, a reçu le prix Nobel de médecine en 1965, conjointement avec A. Lwoff et J. Monod pour leurs travaux sur la biologie cellulaire. Il est professeur au Collège de France (chaire de génétique cellulaire) et président depuis 1982 de l’Institut Pasteur. Il est l’auteur d’ouvrages de réflexions sur sa discipline (La logique du vivant, Le jeu des possibles) et de très nombreux articles scientifiques sur la génétique de la cellule bactérienne et ses mécanismes régulateurs ainsi que sur le développement embryonnaire chez les mammifères. Il a récemment publié La statue intérieure (1987).