Les explorateurs des millénaires futurs
Madame, Messieurs,
En 1741, François Augustin Paradis de Moncrif, élu six ans plus tôt à l’Académie française prononçait devant ses confrères une harangue sur le sujet suivant : « Réflexions sur quelques ouvrages faussement appelés ouvrages d’imagination ». Sa conclusion fut impitoyable : ce qui manquait le plus aux auteurs de tels ouvrages était précisément l’imagination. Sans doute voulaient-ils passionnément s’évader de l’espace où ils vivaient, se réfugier dans d’autres temps, mais ils peinaient toujours à inventer ce qui ne leur était point connu.
Une visite des bibliothèques nous fournit une liste imposante d’ouvrages répondant à de telles préoccupations. Ainsi Les Oiseaux d’Aristophane, quelques siècles avant Jésus-Christ, l’Utopie de Thomas More, à peine plus d’un siècle avant la fondation de l’Académie. Dans des pays inventés de toutes pièces, le plus souvent dans des îles enchantées, les écrivains ont cherché de tous temps à oublier la réalité connue d’eux pour imaginer de nouveaux rapports entre les hommes, entre ceux-ci et la nature, pour inventer des lois inédites qui assureraient l’harmonie et le bonheur aux communautés humaines. En somme, le rêve opposé à la vie réelle. Le royaume d’utopie évoque tant de lieux magiques : l’abbaye de Thélème de Rabelais, la cité du Soleil de l’Italien Campanella, la nouvelle Atlantide de Francis Bacon, la Salente de Fénelon ou l’Icarie d’Étienne Cabet !
Mais le voyage dans l’avenir semble avoir été bien plus malaisé à inventer que celui qui conduisait à un monde idéal ou à un âge d’or perdu. Ici encore, les bibliothèques sont de sûrs témoins. Avant le XIXe siècle, elles confirment que quelques dizaines d’ouvrages seulement ouvrent des portes sur le futur. Et encore, pour provoquer réellement l’imagination, celui-ci doit-il être très lointain : dans un ou plusieurs millénaires et non pas dans un siècle.
Nous entrons dans un nouveau millénaire. N’est-ce pas l’occasion, pour la vieille dame du quai Conti, d’aller à son tour, à la rencontre des temps à venir, en compagnie des écrivains qui, il y a parfois deux ou trois siècles, voire davantage, ont porté leur regard bien au-delà de l’an 2000.
À tout seigneur, tout honneur : commençons par un membre de l’Institut qui fut au xviiie siècle le véritable inventeur du roman d’anticipation : Louis Sébastien Mercier, né à Paris en 1740 et mort en 1814. C’était un bel esprit et un homme généreux car, siégeant à la Convention, il ne vota ni la mort de Louis XVI, ni celle des Girondins, ce qui, par ces temps troublés, était pourtant presque un gage de survie. Lorsque l’Institut vit le jour en 1795, il en devint aussitôt membre et se consacra à l’écriture. D’une production abondante, je retiendrai son œuvre majeure, L’An 2440. Notons qu’au moment où paraît ce livre, nous sommes en 1768, et que ceux qui se sont risqués jusqu’ici à imaginer un avenir aussi lointain se sont bien gardés de le dater. Mais Louis Sébastien Mercier ignore ces précautions, il dit sans détours à quelle date il bouscule les siècles. Il invoque pour sa défense Sénèque, qui, écrit-il, « dit quelque part qu’il faudrait être fou pour être fâché de n’être pas venu au monde mille ans plus tôt. Fou tout autant si l’on ne souhaitait d’y venir mille ans plus tard. Nous savons que nous sommes fous de cette manière. Nous voudrions que l’instant de notre naissance eût été marqué dans cinq ou six cents ans ». Faute d’avoir pu choisir son temps pour naître, Louis Sébastien Mercier va choisir de se réveiller dans un autre temps.
Ce livre est l’histoire d’un rêve. Un beau jour de l’an 1768, le narrateur qui s’était endormi se réveille soudain au cœur de Paris, six cent soixante-douze ans plus tard. Nous sommes alors en 2440. Du temps passé, notre héros ne sait encore rien, mais le réveil lui est fort étrange. Il ressent dans tout son corps une pesanteur encore jamais éprouvée. Ses mains tremblent, ses pieds se dérobent, et le miroir qu’il appelle à son secours lui offre le spectacle d’un inconnu. Il s’était endormi jeune et dispos ; celui qui le regarde du fond du miroir est un vieillard. Mais son humeur reste heureuse. C’est elle qui va le pousser à déambuler dans ce Paris qu’il croyait connaître et qu’il ne reconnaît pas. Les passants rencontrés le contemplent avec stupeur : « À quoi servent, lui demande l’un d’eux, ce déguisement et ces ridicules usages d’un siècle bizarre ? » Et, notre héros qui se réclame de Louis XV — quelle extravagance lui objecte-t-on — est contraint d’accepter une situation incompréhensible. Né en 1740, il vient de se réveiller à l’âge de sept cents ans ! Son joyeux caractère lui inspire une pensée consolante : ce qui paraît étrange à ceux qu’il croise est, au bout du compte, assez ordinaire au regard de la vie combien plus longue de Mathusalem qui vécut neuf siècles ; au regard du destin d’Énoch et d’Élie qui furent immortels. Au demeurant en l’an 2440, les passants s’étonnent bien moins du prodige qu’ils constatent, que ne le feraient quatre siècles plus tôt nos contemporains. La longévité extrême leur paraît acceptable, presque normale. Peut-être fait-elle déjà partie de l’esprit de ce vingt-cinquième siècle dans lequel Mercier s’est aventuré.
Je reviendrai tout à l’heure plus en détail sur le monde de l’an 2440. Mais auparavant, permettez-moi d’associer à Louis Sébastien Mercier l’un de ses contemporains, Rétif de la Bretonne, auteur d’une belle excursion dans le royaume d’utopie, intitulée La Découverte australe. Ce n’est cependant pas cette œuvre de Rétif que je retiendrai, car elle ne nous éclaire pas sur son invention du futur ; mais un autre ouvrage étonnant, génial et désordonné, visionnaire, Les Posthumes, constitué de quatre volumes publiés en 1802. Ici, ce n’est pas un État idéal ni un phalanstère qu’explore l’auteur, mais les millénaires à venir.
C’est au second volume des Posthumes qu’apparaît le héros de cet ouvrage déconcertant, Jean-Jacob, duc de Multipliandre, par le truchement de qui Rétif livre, de volume en volume, les clés d’un avenir toujours plus éloigné. Ce duc de Multipliandre jouit d’un don particulier : il peut transférer son âme d’un corps à l’autre et s’emparer à volonté du corps d’autrui. Au début des Posthumes, il s’installe ainsi dans le corps des amants de femmes jeunes et belles, qu’il séduit tout naturellement. Quant aux âmes des amants, dépossédées ainsi de leur enveloppe charnelle, il les dépose délicatement dans le corps d’animaux divers : moutons si son humeur est bonne, cochons dans le cas contraire. Mais ce ne sont là que préludes. Une extrême longévité pour visiter les millénaires, tel est son projet.
Le dernier volume s’ouvre sur un avertissement remarquable : « Pauvres humains, vous ne vous doutez pas que tout ce qui tombe dans votre imagination doit exister quelque part ! » Ce tome est consacré à l’histoire future du duc de Multipliandre, qui va s’étendre sur trois millions d’années. Rétif y présente l’homme de l’avenir, surhomme parfait promis à une vie de sept cents, voire neuf cents ans.
Peut-être le moment est-il venu de noter ici un trait particulier de l’esprit d’anticipation commun à Mercier et à Rétif. Au xviiie siècle, nos auteurs ne peuvent ignorer que d’autres, avant eux, ont rêvé de machines permettant d’échapper aux lois de la pesanteur, et peut-être aussi à celle du temps. Plus d’un siècle auparavant, Cyrano de Bergerac avait déjà imaginé une machine pour visiter la Lune. Dans son grand roman Histoire comique par Monsieur Cyrano de Bergerac contenant les États et les Empires de la Lune, publié en 1656, il ne s’est pas contenté de relater une expédition manquée à destination de notre satellite, mais il y expose aussi les détails d’une invention, la fusée qui revêt un air étrangement contemporain : « Dès que la flamme, écrit-il, eut dévoré un rang de fusées qu’on avait disposé six par six, par le moyen d’une amorce qui bordait chaque demi-douzaine, un autre s’embrasait, et puis un autre… ». N’est-ce pas la fusée à étages que Cyrano de Bergerac nous décrit ainsi dès le milieu du XVIIe siècle ?
L’étonnant est pourtant que Mercier et Rétif n’aient pas eu recours, pour explorer le temps à venir, à une machine.
La machine, chère aux utopistes pour se déplacer dans l’espace, pour retrouver l’âge d’or perdu, leur paraît inutile dès lors qu’ils se projettent dans les millénaires à venir. Le rêve suffit à Mercier. La conquête du corps d’un homme des temps futurs offre au duc de Multipliandre les moyens d’un voyage immatériel où l’esprit seul suffit à vaincre le temps réel. Ce n’est que quatre-vingt treize ans après Rétif, qu’avec Herbert George Wells, La Machine à explorer le temps va donner à l’homme la liberté de circuler à sa guise à travers les siècles et les millénaires. Grâce à cette machine, les héros des anticipations postérieures à Wells vont avoir la pleine disposition du temps, choisissant de revenir vers les siècles écoulés, de bondir de millénaire en millénaire, voire de rassembler passé et futur pour les contempler à partir d’un présent qu’ils auront décidé de regagner.
En 1899, Wells publie Quand le dormeur s’éveillera et revient, dans cet ouvrage, au voyage immatériel selon Mercier ou Rétif. Le héros, son contemporain, plongé en 1899 dans un coma profond, en sort miraculeusement deux siècles plus tard. Et il découvre le XXIe siècle, comme le faisait le dormeur de Mercier, avec la conscience d’un homme du XIXe. Les surprises, le désarroi, mais aussi l’à-propos de certaines prévisions sont communes aux deux auteurs.
Si ces écrivains qui ont vagabondé dans les siècles ont pris grand soin d’en exposer les modalités — voyage immatériel ou conditions techniques du voyage — ils font montre d’une surprenante désinvolture en exposant leur anticipation, et en la datant avec précision. Sans précautions oratoires, sans explication superflue, ils décrètent paisiblement : « Nous sommes en l’an 2440 » ou encore en « l’an 2270 » comme le fera Anatole France dans Sous la Pierre Blanche publiée en 1903. Depuis Mercier, c’est là une convention commune à tous les écrivains qui s’emploient à explorer le futur. Ils usent, pour dater leur saut dans un autre siècle ou un autre millénaire d’un langage de comptable ou de statisticien aussi naturellement que les auteurs du Grand Siècle évoquaient leurs sentiments en alexandrins.
Nous retrouvons cette impertinence et cette légèreté chez un autre auteur du xixe siècle, injustement oublié, Charles Nodier. Dans son roman Hurluberlu, publié en 1833, il endort son héros, Berniquet, pour dix mille ans. Mais, curieusement, il situe le début de ce sommeil profond en 1933, soit un siècle après la publication de l’ouvrage. Berniquet va ainsi découvrir le monde tel qu’il existe dix mille ans après qu’il a basculé dans le sommeil, avec un regard qui devance d’un siècle l’expérience de l’auteur. Dans cette double anticipation, l’on voit apparaître un thème fort contemporain aussi, celui de l’hibernation, voie imaginée vers l’immortalité qui, depuis les temps les plus reculés, a toujours hanté les hommes.
Longévité, immortalité : ce ne sont pas, et de loin, les seuls thèmes à avoir dominé l’imagination des explorateurs du futur. Le moment est venu de dire comment, aux xviiie et xixe siècles, notre monde, celui du millénaire qui va commencer et celui des millénaires à venir, a été perçu et inventé par eux.
Revenons d’abord à Louis Sébastien Mercier — et à Paris. La ville qu’il découvre en 2440 a bien changé. Des édifices ont été abattus. La Bastille a été remplacée par un Temple de la Clémence, l’Hôtel Dieu a disparu ; le Collège des Quatre-Nations, qui nous abrite en ce moment, a été amputé de ses deux ailes ; l’Hôtel de Ville, lui, a changé de place pour faire face au Louvre. Et, le Louvre est achevé, réuni aux Tuileries par une galerie semblable à celle de Perrault ; il est ainsi devenu le « plus beau palais du monde ».
Transportée aussi, hors du Louvre où elle siégeait depuis 1672, l’Académie française ! Elle se trouve, en l’an 2440, sur les hauteurs de Montmartre, au milieu des bosquets et des fontaines. Chaque académicien y dispose d’un ermitage où la retraite et l’amitié lui offrent, nous dit Louis Sébastien Mercier, les plus puissantes sources d’inspiration. « De notre temps, écrit-il, les gens de lettres se répandaient dans les cercles pour y amuser des femmelettes et obtenir d’elles un sourire équivoque. Ils sacrifiaient des idées fortes à l’empire superstitieux de la mode et dénaturaient leur âme en voulant plaire à leur siècle. » Ces académiciens, chartreux d’un nouveau genre, écrit encore Mercier, jouissent en 2440 d’une autre particularité heureuse : leur nombre n’est plus ridiculement fixe, comme il l’avait été si longtemps. Des fauteuils attendent les candidats, où qui le veut peut s’asseoir. Chaque fauteuil est surmonté d’un drapeau où sont inscrits les titres des ouvrages de celui qui désire l’occuper. Sur ce point, Louis Sébastien Mercier s’est montré piètre prophète. L’Académie, fidèle au nombre fixé par son fondateur, hostile à l’inflation, lui oppose en ce nouveau millénaire, un cinglant démenti.
Du Paris de Mercier, un érudit, Alfred Louis Auguste Franklin, bibliothécaire à la Mazarine, fera un siècle plus tard table rase dans un livre intitulé Les ruines de Paris en 4908.
Dans cet ouvrage, Nouméa est devenue le nouveau centre de la civilisation mondiale. C’est de là que des hommes de la fin du Ve millénaire viennent explorer les vestiges d’un Paris disparu. Leur correspondance relate le résultat des fouilles entreprises sur le site où, croient-ils, s’était jadis élevé la Ville-lumière. Leurs observations sont contraires à toutes les certitudes établies jusqu’alors. Mais l’essentiel est là : de Paris il ne reste qu’un champ de fouilles on ne peut plus malaisé à déchiffrer.
La ville et son organisation idéale est un thème qui a toujours hanté les utopistes. Fontenelle dans ses Entretiens sur la pluralité des mondes (1686-1687) ou Étienne Cabet dans son Voyage en Icarie (1839), ont imaginé des villes aux plans très détaillés, lunaires et souterraines pour le premier, plus réelles et adaptées à un projet communautaire, voire communiste, chez le second. Mais peu d’auteurs se sont montrés aussi attentifs que Mercier à comparer la ville d’eux connue et sa projection dans un autre millénaire. Sur tous les sujets — les édifices, leur conception et leur destination, mais aussi sur la circulation — Mercier est fort précis. Cet homme qui vécut au temps où les carrosses « s’embarrassaient les uns dans les autres » a su décrire, les règles de la circulation de l’an 2440, comme le sont celles de notre siècle.
Mais la ville du futur n’a pas toujours été perçue comme lieu d’harmonie et d’épanouissement physique de l’homme. En 1887, Jean Rameau publiait un conte étonnant intitulé Un empoisonnement au xxie siècle. La situation des Parisiens, voire de tous les Français ne faisait, écrit-il, qu’empirer depuis le milieu du xxe siècle. Que l’on en juge : « En juin 2083, un homme meurt empoisonné d’avoir bu par mégarde de l’eau pure. Sa femme, veuve inconsolable, veut s’abreuver du même poison qu’on lui refuse. Elle s’en va alors en quête d’un ruisseau, d’une source. En vain. Mais le ciel a pitié d’elle. Elle rejoindra son époux, empoisonnée, elle, par une averse en rase campagne ! »
Le thème des effets pervers de la civilisation, de l’écologie, pour employer un terme contemporain, n’a cessé de troubler les écrivains qui se sont projetés dans le futur. Déjà, Edgar Poe dans Colloque entre Monos et Una, daté de 1841, écrit : « D’innombrables cités s’élevèrent, énormes et fumeuses… Le beau visage de la nature fut déformé par les ravages de quelques dégoûtantes maladies… Prématurément amenée par les orgies de la science, la décrépitude du monde approchait… Les annales de la Terre m’avaient appris à attendre la ruine la plus complète comme prix de la plus haute civilisation… »
Dans l’univers qu’ils annoncent, Poe ou Rameau n’ont rien entrevu de la nature protectrice, favorable à l’homme que Mercier décrivait. Jules Verne, dans La journée d’un journaliste américain en 2889, ouvrage écrit un siècle avant cette date tente une synthèse des deux visions. Parce que la ville sera celle que dénoncent Edgar Poe et Jean Rameau, il rêve à un projet humain qu’il nomme France-ville et qui ressemblerait plus ou moins au futur Paris de Mercier. Comment ne pas relever dans toutes ces anticipations, la justesse des prévisions, la modernité des débats et des inquiétudes exprimées, le rêve si persistant d’une civilisation où le progrès et la nature se combineraient harmonieusement ?
Quelle société, quelles mœurs promettent les siècles et les millénaires à venir ? Arrêtons-nous au sort des femmes à qui Mercier consacre un long chapitre. Elles n’auront guère gagné en indépendance à franchir le cours des siècles.
« Nos femmes sont épouses et mères, et de ces deux vertus dérivent toutes les autres. Elles se déshonoreraient si elles se barbouillaient le visage de rouge, si elles prenaient du tabac, si elles buvaient des liqueurs, si elles veillaient, si elles hasardaient la moindre familiarité avec les hommes. Elles ont des armes plus sûres, la douceur, la modestie, les grâces simples et cette décence noble qui sont leur partage et leur véritable gloire ».
Les femmes de l’an 2440 ont un statut bien en retrait sur celui que leur prêtait, il y a près de trois mille ans, Aristophane dans l’Assemblée des femmes. En 1897, un médecin italien Paolo Mantegazza, publie l’Anno tremile présenté, à l’instar du livre de Mercier, comme un rêve. Ici, ce sont deux jeunes gens vivant en l’an 2000 qui s’embarquent à bord d’un aéronef lequel les projette vers l’an 3000. Au fil de leur excursion dans le temps, les héros sont informés qu’entre le xixe et le xviie siècle, les femmes ont eu accès à l’école et aux universités. Voilà qui les plongea, écrit Mantegazza, dans un état de nervosité qui alarma l’humanité tout entière et aboutit à une réaction d’inertie généralisée. Ce fut la fin de l’éducation féminine !
Heureusement, les femmes ont aussi trouvé au xviiiie siècle quelques défenseurs, même si ceux-ci se sont plutôt réfugiés dans l’utopie, la Cité idéale, que dans le calendrier du temps à venir. Dans Le Monde renversé, publié en 1718 par Lesage et d’Oneval, les maris volages sont emprisonnés tandis que leurs femmes peuvent accéder à maintes professions libérales dont la médecine. Et en 1735, Louis Rustang de Saint Jory exposait, dans Les femmes militaires, un projet politique audacieux pour l’avenir : « Alternativement, un homme et une femme monteraient au trône. »
À lire ces auteurs qui ont scruté le futur, on se convainc aisément que, s’agissant des mœurs, de vie sociale, leurs conceptions étaient loin d’être neuves ; elles reflétaient plutôt les idées en honneur depuis le siècle des Lumières. En politique aussi, un certain conformisme l’a emporté : les hommes sont certes égaux ou en voie de l’être, écrivent la plupart de nos auteurs, mais cette égalité se traduit surtout dans l’organisation communautaire de leur existence ainsi que par une certaine uniformité, celle du vêtement notamment.
Plus originale est la vision de ces fous d’anticipation en matière d’éducation. Pour Louis Sébastien Mercier, l’essentiel en 2440, est d’enseigner les sciences exactes. Et dans Le voyage en Icarie, Cabet entrevoit que les seules disciplines dirigées vers l’utilité mériteront de retenir l’attention. Qui s’étonnera, à lire ces propos, qu’à notre époque ait prévalu l’abandon de l’étude des langues anciennes au prétexte de leur inutilité ?
On ne saurait faire silence sur un fort curieux auteur, Émile Souvestre, qui, dans Le monde tel qu’il sera, publié en 1845, fait une description de l’an 3000 d’une précision extrême et dans une multiplicité de domaines. Ses héros, deux jeunes gens encore, ont été endormis par un certain Monsieur John Progrès venu du futur pour les initier aux grandes révolutions d’un nouveau millénaire. On passera sur les innombrables inventions techniques décrites par Souvestre, pour constater et souligner l’actualité de ses vues en matière d’éducation. L’utilité est encore une fois l’objectif constant des éducateurs. Et lorsqu’il évoque les études supérieures, Souvestre semble s’inspirer des universités américaines d’aujourd’hui.
Certains écrivains ont même imaginé les techniques éducatives à l’honneur en l’an 2000. Ainsi en est-il d’Albert Robida, qui entrevit un avenir où figuraient la plupart des inventions techniques de la fin du xxe siècle, en les présentant et en les datant avec précision. Dans La Vie électrique, publié en 1890, il annonce l’enseignement audiovisuel, tandis que Louis Boussenard, dans Dix mille ans dans un bloc de glace (1890) où l’on retrouve exploité le thème de l’hibernation, écrit sans broncher : « Instruire nos enfants pendant leur sommeil est le seul procédé pour fixer dans leur cerveau, d’une manière indélébile et sans la moindre fatigue, les sciences les plus ardues. »
L’hypno-pédagogie, si réputée au milieu du xxe siècle en Europe de l’Est, trouve là une source propre à la légitimer…
Il est aussi un chapitre commun à tous ceux qui se sont promenés dans le futur : c’est celui des inventions. Nul auteur n’a échappé à la tentation d’en exposer pour le moins une.
Presque toutes les inventions du xxe siècle ont trouvé place dans les romans d’anticipation. Cyrano de Bergerac en 1657, dans L’Autre monde, évoque l’électricité après avoir prédit, on l’a vu, les fusées à étages. Plus tôt encore, dans La nouvelle Atlantide, publiée en 1626, Francis Bacon annonce l’alimentation artificielle. Dans Les tribulations d’un Chinois en Chine — 1879 — Jules Verne introduit un phonographe. La guerre bactériologique a inspiré Robida en 1883, tandis que les robots vont hériter, dès cette époque, de la vogue dont jouirent au siècle précédent les automates. Villiers de l’Isle Adam, inventa ainsi l’Ève future. Mais déjà un demi-siècle plus tôt, en 1830, Théophile Gauthier avait prédit une civilisation où les automates pourraient remplir toutes les fonctions et, où apparaîtraient « des hommes d’État à ressorts, des armées sur roulettes et des commis à rouages ... »
La machine au service de l’homme, le robot capable de le remplacer, tout cela est sorti de l’imagination des écrivains qui ont scruté et prophétisé l’avenir avec une justesse et une précision remarquables. De Mercier et Rétif à Robida ou Jules Verne, avec ou sans connaissances techniques, tous se sont montrés bons prophètes, et bien plus imaginatifs en ces domaines que dans leur conception sociale et morale de la société future. Jules Verne n’avait-il pas écrit : « Ce que l’homme peut imaginer, il le réalisera ». Peut-être est-ce là le secret de leur aptitude à conjecturer.
Mais s’ils ont eu en commun une vision juste de l’avenir, nos auteurs sont loin de s’accorder sur les conséquences des progrès fantastiques que leur imagination leur a permis d’entrevoir. Pour certains, comme Mercier et même Rétif de la Bretonne, l’homme saura vivre en harmonie avec la machine, qui deviendra son prolongement naturel. Mais d’autres ont été épouvantés par des inventions qui, craignaient-ils, risquaient de déposséder l’homme de son pouvoir. De là la prolifération, au même rythme que se multipliaient les anticipations, d’utopies régressives qui situent le bonheur des hommes dans des civilisations perdues. Les héros de Souvestre qui explorent le monde en l’an 3000, après avoir constaté avec émerveillement les progrès de ce millénaire, en seront au bout du compte les témoins désolés. Dans ses Rêveries datées de 1832, Charles Nodier résume fort justement la peur du monde futur.
« Si l’homme tendait à la perfectibilité par l’état de civilisation, les civilisations très avancées se reconnaîtraient à des avantages extérieurs très prononcés, de vigueur et de vitalité. Et c’est précisément le contraire. Voyez ce qu’étaient les races d’hommes dont Nestor conservait le souvenir, et les Latins de Turnus et les Écossais de Wallace, auprès de ces animaux dégradés que la civilisation a soumis. Ce qui reste même aujourd’hui de plus propre à retracer imparfaitement le type de l’espèce adulte, irez-vous le chercher dans ces grandes étables d’hommes grêles, contrefaits, que vous appelez des villes ? »
Qu’ils aient été passionnés par l’invention d’un monde futur dominé par le progrès, ou qu’ils en aient été effrayés, nos auteurs ont tous compris que le monde des millénaires à venir ne serait pas une simple addition d’inventions techniques et de changements épars, mais que naîtraient de nouvelles civilisations intégrant nouvelles techniques et mœurs nouvelles. C’est de cela qu’au terme d’un rêve qui leur permettait d’enjamber les siècles, ou d’une exploration qu’ils croyaient plus scientifique, il leur fallait s’accommoder. Le duc de Multipliandre l’aura fait en parcourant toutes les étapes du temps ; tandis que Mercier, son expérience accomplie, s’en sera retourné au monde réel en s’arrachant au rêve.
Et la vie de l’esprit ? Ne tient-elle nulle place dans ces anticipations ? Hors le déménagement de l’Académie à Montmartre et l’augmentation du nombre de ses membres, Mercier n’en a-t-il rien imaginé ? N’a-t-il point entrevu ce que serait le monde des millénaires à venir pour le développement de la pensée ? Nous sommes sous la Coupole où tant d’écrivains ont prononcé d’émouvants discours. À deux pas de deux admirables temples des livres, la bibliothèque de l’Institut et la Mazarine. Comment ne pas interroger maintenant ces visionnaires sur ces sujets ?
Première question : comment communiquera-t-on en 2440, voire plus tard ? Quelle langue permettra alors aux hommes d’exprimer leur pensée ? Louis Sébastien Mercier n’est pas resté silencieux sur ce chapitre, et ses prévisions peuvent aujourd’hui nous servir de ligne directrice.
« Le projet d’une langue universelle, écrit-il, commune à tous les peuples, serait bien désirable. Mais, lorsqu’on examine la foule d’idées et de nuances, on en aperçoit l’impossibilité. On peut s’entendre sur quelques objets, mais les expressions du cœur et les termes passionnés manqueront à cette langue. »
Ayant repoussé la tentation d’une telle langue, y compris dans le domaine du commerce — singulière prémonition du futur rôle de la langue anglaise —, Mercier insiste sur l’harmonie existant entre une langue et certaines disciplines. Le français, relève-t-il, est la langue éternelle des romans mais aussi de la politique. Et il conclut sa réflexion à la gloire de sa langue maternelle par cet avertissement dont nous devrions, en notre temps de négligence à l’égard du français, faire le plus grand cas : « Pour exceller dans une langue, il faut la travailler toute la vie. Il faut étudier avec soin la langue natale, en creuser toutes les expressions et l’enrichir d’une foule de beautés neuves. »
Cette voix qui nous parvient du xviiie siècle et qui prétend décrire le monde sept cents ans plus tard, nous rappelle tout ce que nous devons à cette langue qui est notre patrimoine le plus précieux. Il ne suffit pas de constater son existence, il faut la faire vivre, l’enrichir, faire de sa préservation le devoir de toutes nos vies. Alors, comme le voyageur de Louis Sébastien Mercier, pourrons-nous, au détour d’un prochain millénaire, constater que le français n’aura pas été emporté par l’anglais ni défiguré par nos incorrections, mais qu’il reste cet instrument privilégié servant à nommer avec exactitude, moyennant une infinité de nuances, le monde qui nous entoure. Et comment n’être pas confiant dans l’avenir de notre langue à la lecture d’un fort amusant roman intitulé La Terre dans 100 000 ans, publié en 1893 par un auteur qui par ailleurs n’a pas laissé d’œuvre mémorable mais à qui nous devons ce réconfortant dialogue :
« — Je suis très heureux que vous parliez français, dit l’un des personnages en scène.
— C’est la seule langue que l’on parle aujourd’hui, remarqua Lucien.
— La seule langue vivante, ajouta son père. Et j’en suis très fier ; c’est une preuve que la France a tenu son rang à la tête des nations. Sa langue, qui reflétait son génie, a servi de phare à toute l’humanité. La langue française s’est conservée et enrichie des dépouilles de ses sœurs. Son influence a été considérable. Elle a adouci les relations entre peuples et a contribué à la fraternité et à l’apaisement. Depuis des temps immémoriaux, on ne parle plus que le français. »
Cet écrivain oublié, qui tenta au siècle dernier de mettre au jour un avenir si éloigné de lui et de nous, n’offre-t-il pas à notre Compagnie le plus précieux des encouragements ?
Ces rêveurs du futur ont généralement confié à leurs semblables, écrivains, poètes, philosophes, le soin de servir de guides aux hommes des millénaires à venir. Les académiciens de Louis Sébastien Mercier qui, du fond de leurs ermitages montmartrois, veillent au devenir de la société, préfigurent la conception de l’avenir exposée par un médecin anarchiste que bannit de France, Napoléon III. Je veux parler d’Ernest Coeurderoy, auteur de Jours d’exil, qui pour se consoler, se projette lui aussi dans un futur, non daté, mais fort éloigné. Il prophétise un nouvel âge d’or où les écrivains, gardiens de la langue — la nôtre — tiendraient lieu de guides à toute la société.
Le destin des hommes ainsi remis aux princes de l’esprit : voilà un rêve qui a hanté non seulement les écrivains français, acharnés à deviner l’avenir, mais que reprend à son compte le Russe Vladimir Odoievski. Nous lui devons une anticipation joyeuse, publiée en 1840 et intitulée L’an 4338, qui revêt la forme d’une lettre adressée par un Chinois de Saint-Pétersbourg à un ami résidant à Pékin. En ce millénaire si lointain, dans chaque pays d’Europe, ce sont les poètes et les philosophes qui se trouvent à la tête de sociétés dont le niveau de culture est étonnamment élevé, car le cours des millénaires aura été caractérisé par un progrès intellectuel continu.
Ce sont les livres, nous le voyons, qui ont porté jusqu’à nous ces rêves ou ces projections dans le futur. Aussi est-il bon de réfléchir à la place tenue par les livres et par les bibliothèques dans ces explorations des millénaires à venir. Le héros de Louis Sébastien Mercier s’en fut, cela va de soi, visiter la bibliothèque du monarque régnant en l’an 2440. Son jugement n’est guère indulgent :
« Une bibliothèque nombreuse — lui confie le bibliothécaire qu’il y rencontre — était, dans un lointain passé, au millénaire précédent, le rendez-vous des plus grandes extravagances et des plus folles chimères. En ces temps, à la honte de la raison, on écrivait, puis on pensait. »
Pour corriger ce travers de l’esprit, les hommes du xxve siècle ont décidé de « réédifier l’édifice des connaissances humaines ». Qu’avez-vous donc fait ? interroge le voyageur.
« Nous avons rassemblé dans une vaste plaine tous les livres que nous jugions inutiles ou dangereux. Nous en avons fait une pyramide énorme, une nouvelle Tour de Babel. Nous avons mis le feu à cette masse épouvantable … Ensuite, nous avons fait un choix, tiré de ces volumes la substance de mille in-folio qui ont été réduits à leur tour à un petit in-douze ».
Disparus à jamais dans cet autodafé, et Bossuet, et Racine, et Voltaire, et tant d’autres. L’immortalité qui est notre devise s’est trouvée là bien malmenée.
Les livres en général ont inspiré quelques étranges fantaisies. Cyrano de Bergerac, jamais à court d’imagination, a inventé un livre d’un genre encore inconnu :
« Dans une boîte, je trouvai un je ne sais quoi de métal presque semblable à nos horloges. C’est un livre, à la vérité, mais un livre miraculeux qui n’a ni feuillets, ni caractères. C’est un livre où les yeux sont inutiles, on n’a besoin que des oreilles. Quand quelqu’un souhaite lire, il tourne l’aiguille de cette machine sur le chapitre qu’il souhaite écouter. » Prêtons une vive attention à cette invention qui nous arrive du milieu du xviie siècle. J’y reviendrai dans un instant.
Livres détruits pour Mercier, livres tous présents dans la Bibliothèque de Babel de Borges publié en 1939. Ici, aucun livre ne manquera jamais, car cette bibliothèque idéale contiendra non seulement tous ceux qui existent mais aussi tout livre concevable, et qui, par là même, commencera d’exister.
Dans ce flot de rêves tournés vers le futur, nourris par des écrivains ne disposant guère à l’époque d’informations sur les techniques qui bouleverseront notre temps, c’est peut-être la justesse de leurs prémonitions au chapitre des livres qui doit susciter notre plus grande admiration. Permettez-moi de terminer sur ce point.
Le millénaire qui s’ouvre à nous a certes nourri bien des prophéties. Mais qui eût pu prévoir que, plus de cinq siècles après Gutenberg, une révolution technique aussi fantastique que celle que nous lui devons bouleverserait la vie du livre et la transmission de tout le savoir accumulé par les hommes ? Internet transforme la forme et la vie du texte jusque là imprimé. Pour aller du plus simple au plus important, rappelons que cette nouvelle technique permet d’abord, par un système de vente par correspondance à partir d’un site, d’offrir aux lecteurs un catalogue virtuel : tout ce qui existe en matière d’écrits peut être d’un coup connu, embrassé, repéré. Le livre matériel continue assurément d’exister, mais c’est la bibliothèque de Babel qui s’offre à la recherche de l’érudit comme de l’amateur. Deuxième application de ces nouvelles techniques : le texte est — pour parler le jargon de notre temps — « en ligne » et non plus imprimé sur papier. Une promenade sur Internet et l’œuvre recherchée surgit sur l’écran. Le lecteur qui le souhaite peut alors revenir à l’ère de Gutenberg, l’imprimer pour son propre usage et lui faire place dans sa bibliothèque.
Et puis — et ce n’est pas la moindre des révolutions — le livre électronique est en train d’envahir notre univers. Cette fois, ce n’est plus l’écran de l’ordinateur qui porte le texte, mais une petite ardoise magique alimentée par téléphone, qui, à elle seule, fait figure de livre des temps nouveaux.
Ni l’écran, ni « l’ardoise » n’anéantissent le miracle du livre imprimé. Mais ils représentent de nouveaux moyens de retrouver, d’acquérir ou de préserver des livres inaccessibles ou disparus, voire de révéler des inédits dont on ne sait rien.
Saluons encore une fois l’imagination débordante des écrivains avec qui nous avons déambulé dans les siècles ou les millénaires. Le livre d’acier de Cyrano de Bergerac n’est pas éloigné du livre électronique. La bibliothèque si condensée de Louis Sébastien Mercier annonce les bibliothèques installées sur des sites qu’Internet met à notre portée. Quant à cette bibliothèque infinie qui s’ouvre à tous, n’est-ce pas la bibliothèque de Babel rêvée par Jorge Luis Borges ? Dans le domaine qui leur était le plus intime, celui du livre, de la pensée conservée et transmise, les rêveurs du futur se sont ainsi révélés de merveilleux prophètes.
Mais si soudain nous est donné, par cette révolution du livre, le droit d’accéder d’un coup, aisément, à tout ce que l’esprit humain a produit, est en train ou en passe de produire, soyons conscients du péril qu’il y aurait à céder trop vite au vertige de telles innovations. Parce que chacun peut désormais accéder aux œuvres en les convoquant sur écran, chacun pourra aussi y introduire ses propres écrits, voire s’introduire dans ceux d’autrui pour les modifier, les altérer, les amputer à sa guise. Le livre, qui fut durablement protégé par les contraintes de l’imprimerie, par des textes régissant la propriété intellectuelle, est, dès lors qu’il devient immatériel, circulant dans l’espace nouveau de l’Internet, livré à tous sans protection, sans limitation d’aucune sorte, susceptible de toutes les altérations, de tous les détournements et piratages. Le danger existe d’une confusion générale où tout débordement de l’esprit viendrait à être qualifié de livre ; où dans le flot d’élucubrations des internautes, la pensée, les connaissances se dilueraient et se perdraient peu à peu.
Nous ne sommes plus ici au temps de l’anticipation, mais au moment où deux civilisations se font face : celle que les moines, patients copistes de manuscrits, puis Gutenberg nous ont léguée, où le texte écrit, puis imprimé était sacré et constituait la référence suprême ; celle où les techniques nouvelles enlèvent au texte sa permanence, son autorité jusqu’à le réduire à une simple expression ludique. Comme à toutes les époques de rupture, il est bon de prendre appui sur des repères stables. Face à cette certitude enivrante que l’homme peut désormais accéder à un savoir illimité, il est un garde-fou irréfutable : ce sont les mots et la langue qui permettent de désigner le monde. Jamais, probablement autant qu’en l’an 2000, notre langue, le français, si précis, ne nous sera aussi indispensable pour éviter que cette révolution technique, qui peut être une chance insigne pour l’esprit humain et son progrès, ne tourne au cauchemar d’une confusion généralisée.
Notre excursion dans les millénaires à venir s’achève ici. Louis Sébastien Mercier, qui nous fut, dans ce périple, un guide précieux, vient de se réveiller pour, écrit-il, « ayant découvert les futurs comme dans un miroir prophétique et fidèle, goûter à nouveau, selon le conseil de Fontenelle, à la Sagesse et à la Raison ».
Suivons ce sage exemple en regagnant notre siècle, l’Académie et la Coupole.