Rapports sur les prix littéraires
par
M. Pierre MOINOT
Directeur en exercice
Messieurs,
Pardonnez à un ancien magistrat des comptes de commencer par des chiffres : l’Académie française a décerné cette année trois cent sept prix et quarante et une médailles pour un total de 3 213 000 F. Il n’en faut pas conclure que l’Académie est généreuse : elle est simplement fidèle à la générosité de ses donateurs.
Depuis près de deux cents ans, en effet, et pour suivre l’exemple de M. de Montyon, quatre cent trente-deux fondations confiées à notre Compagnie ont voulu récompenser le courage, la vertu, la famille, ou distinguer des talents littéraires d’une grande diversité de genres et de sujets. Sans doute ces fondations voulaient-elles aussi légitimement pérenniser le souvenir des fondateurs, qui remettaient leur nom en même temps que leur don aux soins d’une assemblée à laquelle Richelieu a donné pour devise : « À l’immortalité ».
L’Académie a la charge d’entretenir et de faire fructifier les biens qu’elle a ainsi reçus, et qui sont sa seule fortune. Elle n’a cependant pu empêcher que certaines de ces fondations soient victimes de l’évolution des mœurs ou de la monnaie. Pour les unes, il n’a plus été possible de trouver d’attributaires ; pour d’autres, les capitaux légués se sont amenuisés de telle sorte que leur produit est devenu trop faible pour constituer une récompense. Comment trouver, par exemple, pour les remercier de quelques centimes, « de vieux serviteurs âgés d’au moins soixante ans restés chez le même maître plus de vingt années et n’ayant touché qu’une partie des gages qui leur étaient dus » ? Faut-il découvrir une jeune fille pauvre de réputation irréprochable et travaillant dans le Xe arrondissement à la fabrication des corsets, pour ne lui remettre qu’un prix symbolique ? En accord avec les héritiers éventuels des fondateurs, l’Académie a réglementairement effectué la fusion de nombreuses fondations dont les buts étaient identiques ou voisins ; en même temps, elle a accepté que les fondations les plus riches viennent aider les plus pauvres. Mais ni les fusions ni les échanges n’ont empêché que le souvenir de tous les fondateurs sans exception soit préservé : ainsi le nom de chacun d’entre eux continue-t-il à figurer dans nos publications, comme le témoignage affirmé de notre reconnaissance.
La bienfaisance a inspiré les legs les plus nombreux. Les historiens du futur souriront peut-être en relevant que nous avons reçu cette année mille six cent soixante-quatre candidatures à des prix de bienfaisance, et que nous en avons décerné deux cent vingt-quatre, pour une somme de 1 619 000 F à des associations, des familles, des veuves, de jeunes élèves ou étudiants, ou des personnes dont le dévouement allait de pair avec le dénuement. Cette part de nos récompenses, majeure si l’on regarde les sommes en cause, ne devait pas être passée sous silence.
Les prix littéraires sont restés cependant la plus importante des interventions de l’Académie. Ils sont aussi la plus ancienne puisque le prix d’éloquence fondé par Guez de Balzac et le prix de poésie qu’avaient voulu Pellisson, Conrart et Bazin de Bezons furent attribués pour la première fois en 1671. Il y a cent ans exactement, Gaston Boissier, à la place que j’occupe, célébrait encore les mérites du lauréat d’un concours de poésie qui exaltait Benvenuto Cellini, pendant qu’un autre avait mis en vers une rencontre de Ronsard et de Du Bellay dans une auberge de Touraine. Les temps ont changé, et je ne vous lirai point de poèmes pour illustrer notre palmarès. Aussi bien presque tous nos grands prix sont-ils de fondation récente. À l’exception du grand prix Gobert, le doyen, créé en 1834, les autres ont été créés depuis 1911 et nous décernons pour la deuxième fois cette année le plus jeune, le prix René Clair.
Qu’il s’agisse des personnes ou des œuvres distinguées, les analyses que mes confrères ont bien voulu préparer pour chacune de nos commissions vont me permettre d’en souligner les mérites, et de saluer d’abord les lauréats de nos grands prix.
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En décernant le grand prix de la Francophonie à M. Salah Stétié, l’Académie française a voulu honorer tout à la fois un grand poète et essayiste de ce siècle et un écrivain libanais dont l’œuvre s’est déployée dans l’amour d’une langue qu’il illustre magnifiquement.
Né à Beyrouth, M. Salah Stétié a fait ses études universitaires en France ; il a créé, à Beyrouth, le grand hebdomadaire culturel de langue française, L’Orient littéraire, nourri, comme toute son oeuvre personnelle, d’une double réflexion sur la culture et la langue arabes, sur la culture et la langue françaises. « Saâdi et Adonis, écrit-il, mais aussi Michaux et Valéry. »
L’œuvre de M. Salah Stétié a de nombreuses facettes. Elle compte aussi bien des poèmes d’une profonde spiritualité, dont les titres indiquent déjà la hauteur, Inversion de l’arbre et du silence, L’autre côté brûlé du très pur, que des essais sur les grands mythes universels, ou des études sur les poètes d’Orient et d’Occident.
Diplomate de vocation, M. Salah Stétié a consacré sa carrière, comme son œuvre de création et de traduction, à tisser entre la langue française et l’Orient des liens qui ont fait de lui un des grands artisans et des parfaits hérauts de la francophonie. « Les poètes, a-t-il dit, sont des créateurs, des fondateurs d’unité. » Mais cette unité, il la trouve dans la langue même.
De ce magistral éloge de la langue française qu’est l’œuvre de M. Salah Stétié, nous retiendrons ici les quelques lignes où il dit sa ferveur pour cette langue « tout à la fois logique et fluide », « une des rares langues hautement donatrices ».
« Miracle du français : l’Arabe que je suis, le rêveur qui a derrière lui, autour de lui, et comme à sa disposition, des siècles de culture et de civilisation arabo-islamiques, celui-là n’est pas perdu face à la langue française et dans le beau duel qui l’oppose à elle. Cet Arabe-là, non délié de ses appartenances et bien plutôt inspiré par elles, trouve au sein de la langue française, et comme spécialement fait pour l’accueillir, un endroit chaud. Il ne doute pas un seul instant que, là aussi, il est chez lui. »
Notre Compagnie tout entière, en même temps qu’elle salue M. Salah Stétié, a plaisir à accueillir Monsieur le Ministre des Affaires étrangères du Liban qui nous fait l’honneur d’assister à une séance où deux Libanais, M. Stétié et tout à l’heure M. George, comptent parmi nos lauréats. Nous vous remercions, Monsieur le Ministre, de vous être associé à nous.
L’Académie a décerné deux médailles de la Francophonie, l’une à M. le Professeur Jacques Caen, l’autre à M. le Professeur Stowell Goding.
M. Jacques Caen, professeur de médecine, dirige, à l’hôpital Lariboisière, l’Institut des vaisseaux et du sang. C’est dans le cadre de cet enseignement et de cette recherche qu’avec le concours précieux et continu de Mme Jacques Caen, il a noué avec les Universités chinoises de Suzhou et de Shanghai des relations où la langue française joue un rôle essentiel : thèses de médecine rédigées en français par des médecins chinois, développement de la recherche franco-chinoise, colloque organisé récemment à Shanghai sous le patronage de l’Association franco-chinoise pour la recherche scientifique et technique qu’il préside.
Cette action originale sert à la fois la médecine et la langue, tout comme elle sert la Chine et la France. Elle méritait d’être vivement soulignée.
M. Stowell Goding a été professeur de langue et de littérature françaises à l’Université de Massachusetts. Au cours de sa longue et brillante carrière, comme professeur de français, comme critique, comme conférencier, en organisant en France, à Arcachon notamment, des stages auxquels participèrent plusieurs centaines de professeurs américains de français, M. Stowell Goding a brillamment contribué au rayonnement outre-Atlantique de notre langue et de notre culture, et notre médaille voudrait l’en remercier chaleureusement.
En décernant le grand prix de Littérature à M. Jacques Brenner, l’Académie a voulu saluer un de ces écrivains dont la discrétion tolérera sans dommage une plus vive lumière. Pour avoir longuement et patiemment fréquenté les auteurs du passé, un peu à la manière de Sainte-Beuve, mais en préférant toutefois les individus aux familles, M. Jacques Brenner s’est doté des moyens d’apprécier les modernes. Il assigne au critique un double rôle : celui de situer un auteur à l’intérieur d’une culture par rapport à laquelle il se définit, et celui de montrer l’apport personnel de l’artiste, le « frisson nouveau » qu’il nous fait ressentir.
Romancier de talent, essayiste et préfacier, fondateur de la revue Les Cahiers des saisons, auteur de souvenirs dont certains sont dits par lui « romancés », M. Jacques Brenner a donné toute la mesure de son art comme critique. Son Journal de la vie littéraire, son Histoire de la littérature française contemporaine, ses Familles littéraires françaises et son Tableau de la vie littéraire en France témoignent de la finesse, du savoir et du goût de ce « flâneur des lettres » qui a récemment fait paraître des pages choisies de son journal de lecteur sous le titre Le Flâneur indiscret.
« En couronnant M. Jacques Brenner, nous suggère un de nos confrères, l’Académie française a, d’une certaine façon, couronné Remy de Gourmont. En effet, l’un et l’autre sont de la même famille d’esprits : ils connaissent tout de la littérature française, et ils sont eux-mêmes de grands écrivains. Remy de Gourmont était aussi inflexible dans l’amitié que dans la critique, et finalement, aussi équitable. M. Jacques Brenner, depuis cinquante ans, exerce un magistère analogue. Ses admirations sont toutes justifiées, ses aversions aussi. Il n’a jamais hésité à aller contre le courant, il a toujours été indifférent à l’opinion et aux modes. Cela fait une couvre singulièrement forte et durable. Quand on voudra connaître réellement la littérature de la seconde moitié du XXe siècle, c’est M. Jacques Brenner que l’on consultera et non un autre. Il a vu les écrivains vivants avec les yeux de la postérité. »
« Ma poésie, nous dit Pierre Béarn, est le reflet de ma vie : l’usine à quatorze ans, la mer à vingt ans, l’Afrique à cinquante ans, l’amour tout le temps. » « Être disponible, nous dit-il encore, voilà le secret de la jeunesse. » C’est donc à un jeune poète de quatre-vingt-treize ans que l’Académie a décerné son grand prix de Poésie.
Pierre Béarn a toujours été fidèle à son enfance. Même si elle a été difficile, aventureuse, parfois cruelle, elle est restée lumineuse. « Né d’herbes et d’orties », il en connaît le suc et la sève : apprenti, ouvrier, négociant, matelot dans la marine de guerre, gérant de brasserie, courtier, secrétaire de Curnonsky, critique d’art, chroniqueur gastronomique, le voilà bouquiniste enfin et libraire rue Monsieur-le-Prince, à l’angle du boulevard Saint-Michel. Des marches désormais célèbres mènent au seuil de cette échoppe littéraire qui fut d’abord l’épicerie où Balzac achetait ses chandelles et son café.
C’est là que Pierre Béarn écrit romans, nouvelles et poèmes. Ses premiers amis ont nom Pierre Véry, Pierre Mac Orlan, André Salmon, René-Guy Cadou et les poètes de Rochefort, André Billy et Paul Fort. Ces noms esquissent un paysage, font entendre une musique, ont une coloration, et cette couleur est devenue la sienne propre : entre 1951 et 1973, il publie, entre autres livres, Couleurs d’usine, Couleurs de cendre, Couleurs d’ébène, Couleurs de vent, Couleurs de mer, Couleurs piégées, puis des fables, dont certaines sont devenues classiques, puisque les enfants, dans les classes, les aiment et les récitent. À la radio, à partir de 1950 et pendant plusieurs années, il fait connaître les poètes qu’il aime et dont il se sent proche, s’entretenant familièrement avec eux. La même année, il crée le « Mandat des poètes ». La générosité du cœur s’allie chez M. Pierre Béarn à un vivifiant courroux, l’indépendance d’esprit à une grande soif de fraternité, et l’ardeur de vivre au scepticisme.
Puisse la vive et amicale estime que l’Académie lui témoigne aujourd’hui atténuer les rigueurs de cette amertume qu’on devine parfois dans le cœur de celui qui rédigea seul, durant dix-huit ans, la revue La Passerelle. Poète de la mer et de l’aventure, poète de l’amour et de la ville, M. Pierre Béarn est peut-être surtout le poète de la poésie, dont son œuvre tout entière paraît être, elle aussi, la passerelle.
Le grand prix du Roman ne semblait pas cette année gagné par la décadence annoncée du roman français. Les trois auteurs proposés au vote ultime de notre Compagnie étaient tous excellents : Andreï Makine vient d’en avoir une autre preuve, et c’est par onze voix à Mourir d’enfance contre dix voix au Pas si lent de l’amour d’Hector Bianciotti qu’Alphonse Boudard l’a emporté, ce qui témoigne de la vivacité de nos discussions.
Si Mourir d’enfance reçoit donc le grand prix du Roman, ce n’est pas seulement parce que l’Académie n’a pas voulu refuser aux échotiers le plaisir de la moquer pour la séduction qu’exerce sur elle la langue verte, dont Alphonse Boudard use en maître. Il n’est pas certain non plus — mais qui sait ? — que nous ayons seulement voulu rassurer M. Boudard qui, s’interrogeant aux dernières pages de son livre sur son avenir, rejette avec humour l’espoir « d’une fin de règne dans un fauteuil du Quai Conti ». Ce que nous avons voulu lui dire, c’est notre émotion devant sa lente remontée dans une enfance et une adolescence où la figure d’une mère a assez de force pour révéler au fils des secrets qu’il lui aura fallu toute une vie d’homme pour éclaircir, et qui sont des secrets sur lui-même.
D’autres ouvrages nous ont familiarisés avec la personne de M. Boudard, son enfance, ses faits et gestes, et la sorte de salut que lui a apporté l’écriture. Cette quête de soi qui l’inspire depuis La Métamorphose des cloportes trouve ici une sorte d’aboutissement. À travers Blanche, sa fausse mère, sa grand-mère parisienne qui tenta de l’apprivoiser, ou chacun de ces personnages qui marquèrent les étapes d’un étrange et parfois difficile destin, M. Boudard ne perd jamais le fil de ce « qui suis-je ? » qui fait de lui un écrivain.
La figure d’une mère qui s’inscrit entre deux images : une toute jeune femme descendant d’une torpédo, une femme usée qui meurt dans un lit d’hôpital, éclaire ce livre d’une lumière douce et grave qui est à la fois celle du « royaume des ombres » et celle du « vert paradis », et dont les scènes très fortes haussent ce livre d’une tendresse recueillie. Cette belle évocation d’une mère, M. Boudard l’a conduite avec une pudeur émouvante, dans un style dont, en frère de François Villon, il maîtrise avec talent la verte richesse. Ce grand prix trahit peut-être la nostalgie qu’a parfois l’Académie de quelque langage revigorant l’ordonnance classique et montrant allègrement sa santé et sa puissance subversive. Nous avons été heureux, en tout cas, d’en couronner M. Boudard.
Le prix Moron, qui récompense un ouvrage de philosophie, a été décerné à M. Jean de Maillard pour Crimes et Lois.
Les deux composantes de la criminalité moderne y sont distinguées : la petite, fréquente et visible dans notre environnement quotidien, la grande, cachée, presque imprenable, attachée aux sommes énormes acquises par le trafic des drogues, la corruption et le détournement de fonds publics.
M. de Maillard démontre que l’argent mobilisé par ces moyens atteint, aujourd’hui, des chiffres si gigantesques qu’aucune entreprise commerciale, industrielle, financière ou étatique de quelque importance dans le monde n’est actuellement indépendante de ces crimes. La seconde partie du livre décrit finement la philosophie de l’histoire et l’éthique impliquées dans ce phénomène qui domine l’époque de si haut. Ces réflexions surprenantes, parfois terrifiantes, jettent une lumière impitoyable sur nos sociétés contemporaines.
L’ouvrage de M. François Furet, Le Passé d’une illusion, essai sur l’idée communiste au XXe siècle, a recueilli justement les suffrages de la critique et du public. Le titre même de ce livre, qui fait clairement référence au titre de Freud, L’Avenir d’une illusion, en donne déjà la clé. L’idée communiste ne fut pas une simple erreur de jugement, on ne peut expliquer sa prégnance que par l’ « investissement psychologique comparable à celui d’une fin religieuse qu’elle impliquait ». L’auteur connaît son sujet de l’intérieur : comme il le rapporte dans sa préface, il adhéra à l’idéologie communiste entre 1945 et 1956. La question qu’il se pose est donc inséparable de sa propre existence. Refusant toutefois les plaisirs suspects de l’autocritique, il juge son aveuglement d’hier « sans indulgence mais sans acrimonie ».
Intervient l’historien. L’œuvre de François Furet, consacrée pour la plus grande partie à la Révolution française — on garde en mémoire un de ses livres majeurs, La Révolution française —, le disposait à s’interroger sur l’archéologie de cette passion révolutionnaire.
En s’attachant à analyser comment la révolution soviétique et ses représentations, en particulier sa prétention à l’universalisme et son illusion de la table rase, prennent appui sur des représentations de la Révolution française, M. Furet montre bien comment les révolutionnaires d’Octobre et leurs partisans en Europe se sont ainsi accordé, si l’on peut dire, des lettres de noblesse. De même, on ne saurait comprendre le communisme et le fascisme sans voir qu’ils sont tous deux fils de la grande guerre. « La guerre de 1914 a pour l’histoire du XXe siècle le même caractère matriciel que la Révolution française pour le XIXe siècle. »
Ouvrage d’un historien scrupuleux et attentif aux nuances, Le Passé d’une illusion est aussi l’œuvre d’un écrivain. Évoquant le pacte de non-agression germano-soviétique et la façon foudroyante dont il devint du jour au lendemain « le bréviaire du mouvement », M. François Furet conclut : « Il a quelque chose qui remplit l’imagination du double sentiment de grandeur et d’effroi dans cet alignement subit d’une si vaste armée militante sur une politique contraire à celle d’hier. »
Le Passé d’une illusion a reçu le grand prix Gobert de l’Académie française.
Un ouvrage monumental, où sont exposées dans toute leur complexité les Structures du Latium médiéval, a valu à M. Pierre Toubert l’admiration des médiévistes du monde entier. Ses travaux et ses ouvrages sur l’Italie médiévale font autorité. À la manière d’Augustin-Thierry, ce savant exemplaire livre au lecteur, dans une langue d’une clarté et d’une élégance parfaites, le résultat des recherches qu’il poursuit assidûment depuis des décennies sur l’évolution des sociétés et des cultures dans les provinces méridionales de l’Europe entre les temps carolingiens et le XIIIe siècle. Nous lui avons décerné tout naturellement le prix Augustin Thierry pour l’ensemble de son œuvre.
Le prix de la Biographie pour la littérature a été décerné à MM. Christian Destremau et Jean Moncelon, pour leur livre Louis Massignon. « Louis Massignon demeure malgré tout presque inconnu », écrivent les auteurs dans la préface de l’ouvrage. Sans doute le monde intellectuel se souvient-il de ses cours au Collège de France, passionnément suivis ; les spécialistes de l’Islam admirent les recherches et les travaux du grand orientaliste qu’il fut ; ceux qui ont traversé les avatars de la décolonisation n’ont pas oublié le rôle primordial qu’il y joua — notamment au Maroc. Mais il restait à découvrir une des plus fascinantes personnalités de ce siècle — une des plus déconcertantes aussi. Il fallait retrouver et réunir des sources éparses ou cachées, et ne pas craindre d’exposer des vérités que des hagiographes eussent soigneusement passées sous silence, les hésitations de ce grand mystique entre christianisme et islam, le culte qu’il porta au héros de sa grande œuvre, la Passion du saint musulman Hâllâj. Il fallait montrer ce penseur engagé dans des combats où le ciel et la terre s’entremêlent, et cette conversion qui le conduisit, marié et père de famille, à vouloir être ordonné prêtre selon le rite melkite. C’est un personnage hors du commun qu’évoque ce grand et beau livre.
Le prix de la Biographie pour l’histoire a été décerné à M. Jean des Cars pour son ouvrage Malesherbes, gentilhomme des Lumières.
Si Chrétien-Guillaume de Lamoignon de Malesherbes donne son nom à l’un des plus beaux boulevards de Paris, ce n’est pas seulement parce que cet homme de bien eut le courage, à soixante-douze ans, de défendre Louis XVI devant la Convention : toute sa vie, Malesherbes a servi la justice et l’esprit.
Deux fois ministre de Louis XVI, il avait ouvert la voie à la tolérance en faveur des protestants, permis l’accès des Juifs à l’état civil et fait reconnaître aux Noirs le rang d’hommes qui, depuis tant de siècles, leur avait été dénié. Naturaliste de talent, philosophe, homme paradoxal et inclassable, directeur de la Librairie à trente ans et chargé de surveiller des « milieux éclairés en effervescence », Malesherbes aura mérité le beau titre que lui donne Jean des Cars — « gentilhomme des Lumières » — en protégeant ceux qu’il aurait dû réduire au silence. L’Encyclopédie, si redoutée du pouvoir, lui a dû de poursuivre impunément sa course. Il s’est fait le protecteur de Diderot contre la police. Rousseau le bénit et Voltaire le porte aux nues. C’est ainsi que ce magistrat nommé par Louis XV est devenu le fer de lance de son opposition.
M. des Cars soutient son récit d’une des meilleures langues qui soit. Aussi bien ce beau livre, d’un indiscutable historien, a-t-il aussi les charmes d’une œuvre littéraire.
Romancier et essayiste bien connu, critique littéraire et longtemps critique de télévision, M. André Brincourt a la chance — mais aussi le talent — d’avoir entretenu des rapports privilégiés, dans les dix dernières années qui ont précédé leur mort, avec trois grands écrivains. Les notes qu’il a prises alors, et sa mémoire, lui ont fait réentendre, de l’autre côté de cette dernière porte qui fut pour lui et par lui entrebâillée, la voix angoissée de Roger Martin du Gard, la voix blanche de Saint-John Perse, la voix chantante de Malraux, parfois aussi celle d’Emmanuel Berl.
Messagers de la nuit n’est pas un livre de critique littéraire — à chacun de ces écrivains M. Brincourt a consacré ailleurs de précieuses analyses —, c’est un livre constitué de portraits en mouvement, d’où sont bannis la statue tout comme le fantôme, un livre qui, nous dit-il, « laisse avec opportunité, prudence et respect, quelques mots retrouvés remonter à la surface ».
Mais la familiarité du propos ne doit pas cacher sa grande réussite. Il y a beaucoup à méditer et à admirer dans ces pages de carnets où l’auteur se montre le moins possible, laissant la parole, le geste, l’interrogation, le trait à trois des écrivains les plus importants de notre siècle.
Par la grâce de la mémoire et celle de l’écriture, M. André Brincourt conduit chacun d’eux vers l’essentiel, vers la question qui le hante — et qui est toujours la mort, l’art, le refus du destin. « Le mystère n’est-il pas, s’interroge l’auteur, que, dissemblables dans leur nature d’hommes et d’écrivains, ils semblent se rejoindre, sur un plan majeur, de l’autre côté de la vie ? »
En donnant le prix de la Critique à M. André Brincourt, l’Académie a voulu le remercier d’avoir été l’intercesseur fidèle de ces messagers de la nuit.
La Politique imaginaire, telle que la définit et l’analyse M. Alain Duhamel dans le livre qui porte ce titre, est celle qui s’adresse à des Français imaginaires et qui leur propose des contrats imaginaires. Ce que tente ici — et réussit — M. Duhamel est une sorte de dictionnaire des idées reçues ou de revue des mythes contemporains. Tour à tour il examine, pour les mettre à mal — je le cite : « le mythe du rejet de la politique, le mythe de la fin des idéologies, le mythe de la trahison des élites », et quelques autres. Il le fait avec son humour et sa feinte innocence, toute voltairienne ou, plus souvent encore, dans un esprit proche de celui des Lettres persanes. En leur donnant l’aspect joyeux du paradoxe, de l’intelligence, du brio, M. Alain Duhamel propose plus gravement de vrais sujets de réflexion.
Éditorialiste lui aussi dans une grande station de radio, et directeur d’un important hebdomadaire, M. Claude Imbert a choisi une forme plus familière, plus intime, pour nous parler de l’actualité en lui tournant le dos, ce qui est peut-être la meilleure façon de la voir. C’est un livre auquel on prend plaisir comme à Horace, à Sénèque ou à Virgile, ou encore à Montaigne ou à Paul Valéry, auquel il se réfère plus volontiers qu’à l’audimat, un livre de mesure et de culture, que baigne la grâce d’un style d’honnête homme, nourri d’une expérience profonde. Plusieurs fois dans ce volume, M. Imbert s’affirme homme du XVIIIe siècle — c’est pourquoi il a osé appeler son livre : Par bonheur.
À chacun de ces deux derniers ouvrages nous avons décerné le prix de l’Essai.
M. Jean-Marie Laclavetine s’est fait connaître et remarquer par plusieurs romans dont certains lui ont valu une distinction, et notamment de notre Compagnie en 1983. Cette année le prix de la Nouvelle est allé à son recueil Le Rouge et le Blanc. Le clin d’œil est en direction de Stendhal, mais c’est de vin qu’il s’agit. L’auteur est visiblement bon connaisseur des crus du Bordelais, de ceux de la Loire ou du Sud-Ouest : il les nomme et les évoque en érudit du bouquet, en technicien de la longueur en bouche, et sa langue a un corps tannique.
Mais ici vin rime avec destin. Il est mémoire, oubli, aveu, révélation, c’est lui qui noue le drame ou le dénoue, et il est rare qu’il ne soit bu jusqu’à la lie. Pour reprendre le titre d’une de ces nouvelles, il laisse voir « la mort par transparence », et bientôt sert de miroir à chacune de ces vies que M. Laclavetine sait faire tenir en quelques pages, comme pour mieux nous inciter à les goûter, fussent-elles tragiques.
Voilà un livre de grand talent, dont nous devinons bien qu’il en annonce d’autres.
Dans La Tentation de l’innocence, M. Pascal Bruckner poursuit sa réflexion sur la démocratie en analysant certaines de ses maladies les plus criantes, en particulier deux d’entre elles : l’infantilisme d’abord, qui consiste en la revendication à l’âge adulte des attributs et des privilèges de l’enfance, la victimisation ensuite, qui serait la propension des choyés à se considérer comme des victimes à qui l’on doit réparation, occupant ainsi la place des vrais déshérités.
M. Bruckner est un philosophe de la vie quotidienne et de l’homme ordinaire. Sa forte culture lui permet de retrouver les fondements idéologiques et imaginaires de comportements qu’il décrit avec acuité, humour et clarté.
« On pourrait dire de la démocratie, conclut M. Bruckner, ce que Sénèque disait des institutions : qu’elles résultent de la méchanceté des hommes et qu’en même temps elles y remédient. »
Ce livre d’humeur et de réflexion, qu’un autre jury vient de justement remarquer, a reçu un prix d’Académie.
Le Dictionnaire historique de l’orthographe française, publié sous la direction de Mme Nina Catach, est le premier ouvrage de ce genre. Mme Catach et son équipe de chercheurs ont étudié l’évolution orthographique des dix-huit mille mots environ présents dans la première édition du Dictionnaire de l’Académie française, indiquant pour chacun d’eux, le cas échéant, les graphies antérieures à 1694 et les graphies nouvelles dans les éditions successives. Cette présentation permet de mesurer toute l’importance du Dictionnaire de l’Académie dans la constitution et l’évolution de l’orthographe.
Deux mille articles sont plus développés et reposent sur le collationnement systématique d’une vingtaine de dictionnaires et de nombreux traités depuis le XVIe siècle. On constate qu’un mot sur deux a graphiquement changé depuis lors.
Tout autant qu’un dictionnaire, cet ouvrage est un remarquable livre d’histoire de la langue française qui, retraçant avec objectivité la formation de l’orthographe, sera fort utile au spécialiste comme à l’honnête homme curieux de sa langue. Pour lui, un prix d’Académie allait de soi.
M. Cyrille Fleischmann a consacré, en 1992, au quartier qu’il semble habiter tant il le connaît bien un délicieux Rendez-vous au métro Saint-Paul. La forme courte convient parfaitement à sa manière de déambuler, de saisir dans l’instant tout ce qui peut donner à un croquis la force et la dimension d’une nouvelle, d’un roman. Les Nouveaux rendez-vous au métro Saint-Paul, qu’il publie cette année, ont recueilli de façon vive et brillante l’esprit et l’humour de la tradition ashkénaze, humour noir et rose, riche de sagesse et de tendresse, qui valent à M. Cyrille Fleishmann un prix d’Académie.
En nous souvenant de Pour saluer Giono, où M. Pierre Magnan faisait naguère un clin d’œil au Pour saluer Melville d’un des plus grands romanciers de ce siècle, nous avons lu et regardé avec enchantement Les Promenades de Jean Giono. M. Pierre Magnan nous conduit avec tendresse sur les lieux qui quadrillent et délimitent le monde romanesque de l’homme de Manosque, que l’homme de Forcalquier a souvent accompagné. De puissantes œuvres de peintres, des photographies superbes ajoutent à la magie de ce pays mi-rêvé, mi-réel. Un heureux prix d’Académie a voulu marcher lui aussi sur ces grands chemins.
Le prix du Cardinal Grente est destiné à récompenser l’ensemble de l’œuvre d’un membre du clergé catholique français. Il est allé cette année au Père Jean-Pierre Jossua, auteur notamment d’une importante trilogie, Pour une histoire religieuse de l’expérience littéraire. Dans cet ensemble d’études, le Père Jossua — qui fait œuvre, c’est son mot, de « théologie littéraire » — montre le grand intérêt de la littérature pour un renouvellement du langage religieux, fût-elle l’œuvre d’écrivains non chrétiens. Sa parfaite connaissance de la poésie et du roman contemporains, son attention aux textes, jointes à sa grande compétence théologique, lui permettent d’analyser la nature des liens qui se tissent entre la foi et l’art. Il le fait avec un beau talent, qui sait mêler la ferveur et l’objectivité.
Parce qu’elle fait confiance au langage, l’Académie prête l’oreille aux auteurs qui s’en défient avec talent. Roland Dubillard, comme Tardieu, Ionesco et Obaldia, aime trop les mots pour ne pas s’en moquer. Naïves Hirondelles, La Maison d’os, Les Crabes, ont consacré poète de théâtre le Grégoire de la radio des années 50 qui, avec Amédée, avait ouvert la voie aux sketches apparemment absurdes de Raymond Devos.
Notre prix du Théâtre couronne avec joie un humoriste écorché vif, un raisonneur boudeur, un funambule lâché sur le fil improbable de la parole, et qui sait s’y tenir en un merveilleux équilibre.
M. Olivier Dutaillis, d’abord romancier, a écrit plusieurs pièces de théâtre dans lesquelles le public a reconnu un auteur : L’Inventeur mirobolant, Une femme de terrain et, surtout, la dernière : Les Grandes Personnes, représentée avec succès au Théâtre de Poche-Montparnasse. Observateur amusé de notre monde et de nos rêves innocents, M. Dutaillis apporte à la scène un regard qui révèle une jolie dose d’humour. Cette œuvre encore jeune, pleine de promesses et digne d’encouragement, a reçu le prix du jeune Théâtre Béatrix Dussane-André Roussin.
M. Robert Bresson est le lauréat du prix René Clair. La réunion de ces deux noms, celui de l’auteur de À nous la liberté et du Million, celui de l’auteur de Un condamné à mort s’est échappé et du journal d’un curé de campagne, est un raccourci étonnant de l’art cinématographique français. Tout, semble-t-il, les distingue — l’inspiration, les thèmes, la manière — mais tous deux sont également fascinés par l’innocence et par la grâce, même si chacun d’eux illustre ces mots par des images différentes.
Depuis Les Dames du Bois de Boulogne, dont les dialogues furent écrits par Jean Cocteau, jusqu’à L’Argent, M. Robert Bresson est resté fidèle à une conception très personnelle de son art. « Ce qu’aucun œil humain n’est capable d’attraper, note-t-il, aucun crayon, pinceau, plume de fixer, la caméra l’attrape sans savoir ce que c’est et le fixe avec l’indifférence scrupuleuse d’une machine. » Le cinématographe est ainsi l’art de la révélation. Mais la révélation n’est jamais aussi éclatante que dans la litote, le refus du spectaculaire, la pudeur jusqu’à l’ascèse. « Le cinématographe, écrit-il encore, est l’art de ne rien montrer. C’est affaire de lumière et d’ombre. Il faut beaucoup d’ombre », ou encore « on ne crée pas en ajoutant mais en retranchant ».
Les œuvres cinématographiques de M. Robert Bresson sont devenues des classiques. Outre celles que je viens de citer, j’en rappellerai quelques autres : Pickpocket, qu’un critique appelle « ce pur diamant », et dont l’influence fut très grande, Procès de Jeanne d’Arc, Au hasard Balthazar, Mouchette, Une femme douce, Quatre nuits d’un rêveur, Lancelot du Lac : œuvre considérable, où se marquent la présence de Dostoïevski et celle de Bernanos. M. Robert Bresson s’est attaché à rendre visibles l’innocence et la grâce, à suivre le destin des êtres jusqu’au moment du salut et de la rédemption, avec les moyens les plus simples, mais au prix de l’attention la plus scrupuleuse à la vérité secrète et inattendue des êtres. Il l’a fait en très grand artiste, et l’Académie est heureuse de lui rendre aujourd’hui hommage.
Deux ouvrages complémentaires, que l’Académie a distingués également au titre du prix René Clair, présentent en un large mouvement panoramique, agrémenté de plans fixes et de gros plans, le cinéma français depuis 1927 jusqu’à nos jours. Le premier, L’Âge classique du cinéma français, est dû à M. Pierre Billard, le second, L’Age moderne du cinéma français à M. Jean-Michel Frodon. La particularité de ces deux ouvrages est d’avoir su éviter l’écueil de la simple juxtaposition de monographies. Soucieux d’analyser les œuvres et leur esthétique, chacun selon sa sensibilité propre, les auteurs ont tenu à considérer la riche histoire du cinéma français comme un chapitre particulier de l’histoire de la culture française et même de l’histoire de France. Peut-être certaines appréciations sont-elles parfois partiales ou polémiques, mais l’ampleur de l’information est indiscutable et telle qu’on ne pourra plus désormais, sans ces deux livres, approcher l’étude du cinéma français.
La grande médaille de la Chanson française, décernée à M. Charles Aznavour pour l’ensemble de ses chansons, salue un auteur parfait, d’une rare exigence, un poète lyrique, ironique et tendre, dont le succès auprès d’un vaste public et dans le monde entier porte témoignage pour notre langue. « Contrairement à beaucoup de fils d’émigrés — a dit un jour Charles Aznavour — qui savent qu’ils sont français par la naturalisation, je savais, moi, que j’étais français par la langue. En découvrant cette langue, j’ai trouvé un pays. Encore aujourd’hui, j’aime la langue française plus que n’importe quel lieu de France. » C’est aussi pour cela, mais surtout pour tant d’airs qui ne cessent pas de nous accompagner, du Petit bois de Trousse-Chemise à La Mamma ou à La Bohême, pour tant de paroles souvent et amicalement fredonnées et qui donnent à nos matins leur vivacité ou leur nostalgie, que l’Académie a voulu mettre M. Charles Aznavour « en haut de l’affiche ».
Le prix du duc d’Aumale a été décerné par l’Académie au nom de l’Institut aux deux responsables de la publication du Corpus des couvres de philosophie en langue française, dont va bientôt paraître le centième volume. Grâce à ce Corpus, ce sont des textes rares et introuvables de Descartes, de Fontenelle, de Condillac, d’Auguste Comte ou de Lachelier qui sont mis à la disposition du public et des universités. Mmes Christiane Frémont et Francine Markovits ont mis, depuis plus de dix ans, tout leur savoir, leur compétence et leur talent au service de cette œuvre immense, qui leur vaut aujourd’hui notre gratitude.
Par les prix du Rayonnement de la langue française, l’Académie honore chaque année des personnalités qui, à travers le monde, ont rendu de particuliers services à notre langue.
À quatre d’entre elles, une médaille de vermeil apporte ce témoignage de gratitude.
M. Lucien George, journaliste, a créé à Beyrouth les éditions Fiches du Monde arabe, dont la vocation est de publier, au Liban, l’essentiel de la production littéraire et scientifique française. Par une politique éditoriale rigoureuse, M. Lucien George a réussi à donner une très grande diffusion aux ouvrages français qui, s’ils étaient importés, ne seraient pas accessibles à un large public. Complétant son action d’éditeur par le journalisme — ses articles et émissions littéraires ont une très grande audience —, M. Lucien George joue un rôle décisif dans le maintien, sur bien des points menacé, de la langue et de la culture françaises au Liban.
M. Guido Gerin, membre du Comité italien d’éthique, est président de l’Institut international d’études des Droits de l’homme, dont le siège est à Trieste. Il a mis sa grande compétence de juriste au service d’une réflexion sur l’éthique, comparable à celle que mène en France le Comité national d’éthique, que présida notre confrère M. Jean Bernard. Son œuvre et son action personnelles suffisaient à attirer notre attention. Mais comment ne pas souligner aussi que le français a été élu par l’Institut que préside M. Gerin non seulement pour la rédaction des statuts de cet organisme mais aussi pour le rapport d’activité annuel et pour la publication de la moitié des ouvrages dont il a pris l’initiative ? Cette fidélité à la langue de la patrie des droits de l’homme a mérité notre reconnaissance.
M. Jean-Paul de Nola, philologue de nationalité belge, est un des bons spécialistes de notre langue, qu’il a enseignée dans plusieurs universités d’Europe. De nombreuses revues d’Italie, de France, de Belgique ont reçu de lui des contributions remarquées. La vocation de M. de Nola, par ailleurs excellent connaisseur de la littérature française, est de porter son savoir et son amour de notre langue au-delà de toutes les frontières, et de cela nous avons voulu le remercier.
M. Lev Nikolaevitch Tokarev a reçu à l’université d’État de Moscou une éducation supérieure en littérature russe, allemande et française. Il est critique littéraire dans les grandes revues littéraires de son pays. Son œuvre de traducteur est très importante : il a permis au public de langue russe de découvrir notamment Apollinaire, Malraux, Aragon, Marguerite Yourcenar ou Henry de Montherlant. Il a également traduit et édité, avec des préfaces très remarquées, Diderot, Anatole France, Alain Fournier, Gide, et le Voyage au bout de la nuit de Céline. Enfin, il est actuellement le promoteur d’une édition complète en langue russe de l’œuvre d’Alexandre Dumas. Vingt-cinq des cinquante volumes prévus sont déjà publiés.
L’Académie a voulu féliciter M. Tokarev de cette porte si largement ouverte aux œuvres françaises dans le monde slave, et le remercier de cette activité considérable en faveur de notre littérature.
En décernant les prix institués par des fondations, l’Académie n’accomplit pas seulement le devoir que lui ont confié ses donateurs ; elle a plaisir, dans des domaines très divers, à reconnaître la recherche, l’étude, l’élévation d’esprit, le talent.
Ainsi a-t-elle décerné cette année quatre prix de poésie.
Le prix Théophile Gautier est allé à Mme Nadine Najman pour Le Calice jusqu’à la lie, qui sait exprimer par des moyens classiques une émotion dont l’évidente sensibilité nous touche.
De M. Vallas, qui reçoit le prix François Coppée, nous connaissons l’œuvre abondante. Paris l’inspire mais l’auteur interrompt volontiers sa flânerie pour s’interroger sur les destinées humaines.
Le prix Paul Verlaine va à M. Jean-Vincent Verdonnet. Sa poétique d’un lyrisme fort et concis a retenu l’attention des meilleurs critiques qui lui ont consacré des études attentives. Son ouvrage Où s’anime une trace ouvre avec bonheur une série de trois volumes où sera réuni l’essentiel de cette œuvre, qui compte et comptera.
M. Jacques Réda, à qui l’Académie a décerné le prix Maïse Ploquin-Caunan pour son dernier volume, L’Incorrigible, sous-titré excellemment Poésies itinérantes et familières, est assurément un de nos meilleurs poètes. Cette œuvre fertile célèbre la ville, la banlieue, la déambulation, le voyage. Chacun de ses poèmes est une petite Odyssée où le spleen baudelairien, la fantaisie d’un Léon-Paul Fargue rejoignent les inspirations et les rythmes les plus modernes et les plus personnels. Mais on ne peut évoquer M. Jacques Réda, poète, sans donner une grande place à sa langue, limpide et parfaite, qui seule délivre les secrets.
Cinq prix vont à des œuvres de philosophie, de morale et de sociologie. Le prix Montyon, un des plus anciens, est destiné à un ouvrage se signalant par son élévation morale. M. François Saint-Pierre, qui le reçoit cette année, est secrétaire général de l’Association des écrivains catholiques. Les réflexions qu’il offre à notre méditation, dans France, sois ce que tu es, sont nourries de l’expérience de toute une vie et se signalent par leur profondeur et leur ferveur.
M. Jean-Marc Ferry, lauréat du prix La Bruyère pour l’ensemble de son œuvre, est surtout connu pour son maître ouvrage : Les Puissances de l’expérience. Il a publié récemment Philosophie de la communication, où il développe sa forte réflexion sur le principe de reconnaissance, qui doit fonder une société juste et raisonnable.
Auteur de L’Afrique noire, Mme Thérèse Pujolle a consacré sa vie à ce continent, à ses habitants, comme professeur d’abord, puis au service du ministère de la Coopération. « C’est à l’Occident, conclut-elle, qu’il reviendra, demain plus que jamais, de réaffirmer sa solidarité avec l’Afrique noire et ses exigences de démocratie. » L’Académie lui a décerné le prix Louis Castex.
Le lauréat du prix Biguet, M. François Jullien, philosophe et spécialiste de la Chine, est l’auteur de plusieurs ouvrages remarqués. Dans le plus récent, Le Détour et l’Accès, stratégies du sens en Chine, en Grèce, il s’attache avec talent à montrer ce qui distingue Socrate et Confucius, et ce qui caractérise la pensée allusive, l’expression détournée, le goût de l’implicite propres à la Chine.
C’est enfin à M. l’abbé René Bissières, et pour l’ensemble de son œuvre, que l’Académie a décerné le prix Raymond de Boyer de Sainte-Suzanne. Théologien, auteur d’une œuvre considérable, M. l’abbé Bissières est aussi, nous a-t-on dit, un homme modeste, ce qui rend d’autant plus vif le plaisir de le saluer.
M. Ivan Obbov a passé un demi-siècle dans la République populaire de Bulgarie. Pendant tout ce temps, il n’a pas cessé de parler français. C’est qu’il avait au fond de lui-même l’amour de Paris où il avait passé sa jeunesse et son adolescence, années qui furent, dit-il, les plus belles de sa vie. Il a traduit récemment en français les Cent frères de Manol, de Anton Dontchev. L’Académie y a vu l’occasion de rendre hommage à ce fidèle ami de la France et de notre langue.
De même Mme Marie Joseph Pierre, grand connaisseur des christianismes orientaux, a publié une remarquable traduction des Odes de Salomon, assortie d’un savant commentaire. Le prix Jules Janin convenait parfaitement aux travaux de ces deux auteurs.
Le professeur François-Bernard Michel a magistralement continué ses travaux sur l’allergie, qui lui ont valu une réputation internationale, en s’intéressant aux étranges relations que Proust entretenait avec son asthme. Il y voit l’origine d’une relation avec le monde, d’un imaginaire, d’un style, d’une esthétique. Le médecin et le lettré s’entendent ici parfaitement pour intéresser et convaincre. Le prix Émile Faguet a été décerné à M. François-Bernard Michel.
À M. Alain Blottière, auteur de trois romans et d’un récit de voyage, est allé le prix Louis Barthou pour son livre L’Enchantement, œuvre subtile et d’une haute qualité littéraire qui répond aux promesses de son titre.
Le nom d’Anna de Noailles est allé se poser, comme il convenait, sur deux femmes de lettres qui nous ont séduits.
L’Archange perdu, de Mme Isabelle Jarry, est l’histoire d’une quête sentimentale et métaphysique, celle d’une jeune fille dont le frère a quitté le monde pour trouver la vraie vie dans la contemplation. Sous le prétexte d’un reportage, elle va de chartreuse en monastère et finit par trouver non pas l’objet de ses recherches, mais par comprendre ses motifs et son âme.
Ce beau roman insolite, qui ne raconte qu’un voyage et des aventures, est également plein de sentiment et de poésie.
Mme Odette Joyeux est une des grandes figures du cinéma français. On a vu son joli visage rond émerger un jour d’un film célèbre, Entrée des artistes. Elle était vraie, juste, tragique et drôle. Elle est restée cela toute sa vie, et nous y avons gagné des romans fort appréciés, des œuvres écrites pour la télévision, et ce beau livre de souvenirs, intitulé Entrée d’une artiste, qui raconte cinquante ans de la vie de la France.
C’est à une jeune romancière, Mme Calixthe Beyala, qu’a été attribué le prix François Mauriac pour Assèze l’Africaine. Dans un langage vif, riche, drôle, ce livre décrit une Afrique aux prises avec un type de civilisation dont elle ne sait si elle le désire ou le repousse, lorsque de vieux démons resurgissent devant trop de nouveauté. « Je suis née en voie de développement, et je vis en voie de disparition », dit Assèze. La force de la vie et l’allégresse du quotidien l’emportent sur le malheur dans ce beau roman, qui rit de ses drames.
M. Bruno Hongre, professeur de lettres, a eu l’excellente idée de définir à l’usage du futur bachelier les deux mille mots dont la connaissance devrait lui permettre de savoir de quoi il parle et comment il convient de parler avec précision et clarté. Que signifie individualisme ou ostracisme, dans quels cas parlera-t-on de figure de style, de didascalie ou d’anacoluthe ? Le Dictionnaire portatif ne pouvait qu’attirer l’attention de l’Académie, toujours attentive à ceux qui partagent son souci du bon usage et du mot juste.
Le Recueil de farces établi, présenté et annoté par M. André Tissier, professeur émérite à la Sorbonne, nous apporte entre autres une édition neuve de Maître Pathelin, ainsi que du Nouveau Pathelin, du Testament de Pathelin et de la farce intitulée Le savetier, le sergent et la laitière. On ne peut qu’admirer l’immense érudition de l’auteur, la finesse de ses commentaires et la perfection du travail accompli.
Ces deux ouvrages se sont partagé le prix Georges Dumézil.
M. Roger Bichelberger, poète et auteur de plusieurs romans remarqués, a écrit avec Anioutka une très belle chronique villageoise de la Lorraine en 1917, où plusieurs voix se mêlent pour dire la souffrance, le mystère, la compassion. La haute inspiration de M. Bichelberger, ses qualités d’écriture et la force de son évocation méritaient en tous points d’être distinguées.
Un jeune garçon très gravement malade, une mère dont la profession est de filmer les drames du monde : ce sont les deux personnages que Mme Mariette Condroyer a réunis dans Sentinelle. Les images de ce combat pour la vie ne seront pas spectaculaires. Mme Condroyer va au-delà de l’image. Elle nous touche avec des moyens simples et infiniment de pudeur.
L’amour que M. Michel Cointat porte à la terre a fait de lui, naguère, un ministre de l’Agriculture, mais aussi un président de la Société nationale d’horticulture de France. Il rappelle, en citant Nerval au début de son Anthologie de la poésie des fleurs, que « chaque fleur est une âme à la nature éclose ». Illustrant chaque fleur de nos jardins — de l’aconit au zinnia, sans omettre bien sûr le narcisse et la pensée — d’un ou de plusieurs poèmes classiques ou modernes, il a composé un superbe bouquet de mots et d’images.
Ces trois ouvrages se sont partagé le prix Roland de Jouvenel.
Mme Hélène Guisan-Démétriadès a écrit dans l’île grecque d’Eubée une courte autobiographie qui émeut par la foi profonde de son inspiration. Elle y fait entendre la voix intérieure qu’elle a elle-même écoutée. La dignité de La Tierce Présence et ses qualités littéraires et spirituelles lui valent le prix Ève Delacroix.
Le prix Jacques Lacroix, qui couronne un ouvrage sur la vie des animaux, a distingué deux auteurs.
Le Sang noir, de M. Bertrand Hell, part d’une étude sociologique des pratiques de chasse dans l’Est de la France pour étudier le rapport qui se noue entre l’homme et les animaux sauvages dans d’autres aires culturelles fort éloignées dans le temps et dans l’espace. L’ensauvagement, le sang noir, est ainsi analysé dans ses fièvres, ses significations secrètes ou sacrées, ses interdits, sa permanence. Cette étude brillante et savante montre combien le mythe du sauvage, et avec lui la puissante mythologie du sang, font encore partie de notre société contemporaine.
C’est aussi un livre savant, et le livre d’une vie, que celui de M. Éric Weber, Sur les traces des bouquetins d’Europe. À la fois zoologiste, voyageur, photographe, M. Weber est le sociologue d’une espèce animale que son objectif a poursuivie de l’Atlantique à l’Oural. Le texte vif et érudit, magnifiquement illustré, fait de chacun de ses lecteurs un excellent bouquetiniste.
L’auteur de Vie et Mort des chrétiens d’Orient, M. Jean-Pierre Valognes, n’est guère optimiste sur l’avenir de ces communautés chrétiennes qui furent dans les premiers siècles de notre ère le centre d’une civilisation héritière de l’antiquité gréco-romaine et qui ensuite apportèrent à l’Orient l’esprit de modernité. L’histoire qu’il raconte ici, en près de mille pages admirables de savoir et de clarté, est celle du lent déclin, souvent tragique et sanglant, où l’Occident a sa part de responsabilité, de ces communautés qui eurent, durant treize siècles, à soutenir l’un des combats les plus longs de l’Histoire.
Le prix Guizot est attribué à cet important ouvrage.
Dans son excellente Histoire des peuples d’Europe centrale, à qui l’Académie a décerné le prix Thiers, M. Georges Castellan, spécialiste des Balkans, est amené à suivre sur une durée de dix siècles le développement de la conscience nationale chez des peuples qui partagèrent tous les grands moments de l’aventure européenne, puis leur constitution en états dits nationaux, source de nouveaux conflits.
« Parions, conclut-il, qu’ils reviendront à cette Europe dont ils n’auraient jamais dû être séparés. »
M. Michel Pernot, second lauréat du prix Thiers, apporte dans son ouvrage, La Fronde, une réflexion riche et nouvelle sur les événements qui marquèrent la minorité de Louis XIV et le ministère de Mazarin, et qui aboutirent à renforcer le pouvoir de la monarchie absolue. C’est un livre de très grand intérêt sur une des périodes les plus compliquées de notre histoire.
Le prix Eugène Colas a cette année trois lauréats.
Avec Les Fermiers de l’Île-de-France, M. Jean-Marc Monceau offre une étude très documentée sur un demi-millénaire d’économie française et de vie rurale, au temps où notre pays était le plus peuplé d’Europe et où la France s’enorgueillissait d’avoir deux mamelles. Cette recherche en fait un livre de référence.
L’analyse du système fiscal sous Louis XV et Louis XVI effectuée par Mme Mireille Touzery prouve que l’impôt sur le revenu n’est pas une idée de la République, et confirme l’opinion de Tocqueville selon qui il fallait à la France une réforme fiscale plutôt qu’une révolution. C’est aussi un livre de référence que L’Invention de l’impôt sur le revenu, la taille tarifée, de Mme Mireille Touzery.
Dans La Fortune de Colbert, par une analyse richement et savamment conduite par un orfèvre des comptes, M. Jean Villain montre qu’une économie rigoureuse peut être appliquée aussi bien à une fortune individuelle qu’à l’économie publique. Colbert a donné son nom à une forme d’économie politique calquée sur celle du « bon mesnager » qu’il était. Nous connaissions la minutie des patientes recherches historiques de M. Jean Villain, ancien maître des comptes. Elle se manifeste là dans un domaine de haute spécialisation et fait de La Fortune de Colbert un modèle.
Destiné à récompenser des ouvrages consacrés à l’histoire de l’art, le prix Eugène Carrière a distingué six ouvrages.
Cathédrales, le Verbe géométrique, où M. Thierry de Champris envisage dans son ensemble le problème des structures géométriques des cathédrales ; Art et archéologie du Tibet, panorama complet et remarquablement illustré, dû à Mme Anne Chayet ; Le Filigrane, des aurores indo-européennes en leurs rituels jusqu’à nos jours, important travail de M. Georges Detersannes ; Émaux de Limoges de la Renaissance, répertoire d’une collection précieuse dû à MM. Alexis et Nicolas Kugel ; Histoire des jeux de société, livre de goût et d’érudition, agrémenté d’une iconographie remarquable, dont l’auteur est M. Jean-Marie Lhote ; Étienne Jamet enfin, où M. André Turcat analyse finement l’art de ce sculpteur français de la Renaissance espagnole, qui fut condamné par l’Inquisition.
Le prix Georges Goyau a été partagé entre M. Jacob Oliel pour son ouvrage Les Juifs au Sahara, le Touât au Moyen Âge, où il étudie l’activité commerciale des Juifs chassés de Palestine et réfugiés parmi les Berbères, et M. Emmanuel du Rusquec, auteur d’un bel ouvrage sur Le Parlement de Bretagne, son histoire et son fonctionnement depuis 1554, et sur l’édifice portant ce nom qui fut bâti en 1655 et en partie détruit par l’incendie en février 1994.
En décernant le prix du Maréchal Foch à M. Jean Cartier qui, de 1985 à 1993, a photographié plus de trois cent cinquante sites répartis sur tout le front occidental de la grande guerre, et qui a rassemblé ces terribles clichés dans Traces de la Grande Guerre, l’Académie a voulu saluer un grand photographe qui a su faire œuvre d’historien et de mémorialiste.
L’ouvrage de M. Yves Pourcher, Les Jours de guerre, lauréat du prix François Millepierres, fondé sur des archives, des correspondances privées, des journaux intimes, des œuvres littéraires, nous fait entrer dans les villages, les villes, les ateliers, les maisons, et nous fait partager avec un beau talent l’intimité et la dure vie quotidienne des Français au cours de la grande guerre.
L’ouvrage de M. Denis Crouzet, La Nuit de la Saint-Barthélemy, a reçu le prix Monseigneur Marcel. Ce livre fort et grave, aussi passionnant que sont terribles les événements qu’il rapporte, nous a séduits tant en raison de la documentation quasi exhaustive qui l’inspire que par le talent, bien connu, de ce remarquable historien.
On pourrait adresser le même éloge à M. François Cornilliat et à son ouvrage « Or ne mens », Couleurs de l’Éloge et du Blâme chez les « Grands Rhétoriqueurs ». L’ambition de l’auteur est de montrer comment l’ornement se dépense pour ramener le monde à ses devoirs, capter l’attention par sa face sensible et la diriger vers un ordre dont il propose une métaphore. Cet ouvrage, admirable d’érudition et d’intelligence, est une œuvre que nous avons plaisir à saluer.
L’étude que M. Philippe Hamon a consacrée aux finances de François p% sous le titre L’Argent du roi, est, à tous égards, excellente. On y apprend beaucoup sur les réformes administratives et sur les procès instruits par le roi contre ses principaux officiers de finances, qui montrent que le monde, parfois, n’a pas changé.
À ces deux derniers ouvrages, l’Académie a décerné également le prix Monseigneur Marcel.
Professeur au Collège de France, M. Jean Guilaine nous offre avec La Mer partagée, la Méditerranée avant l’écriture une synthèse d’un très grand intérêt sur l’œuvre humaine — architecturale, agricole, artisanale — autour du bassin méditerranéen depuis le VIIe millénaire jusqu’au IIe siècle avant notre ère.
Dans Quand l’Islam était aux portes des Pyrénées, M. Pierre Tucoo-Chala a rassemblé et étudié toutes les traces de la puissance culturelle de l’Islam du Ve au XIVe siècle. Son érudition n’a d’égale que la clarté de son exposé.
À ces deux livres, nous avons décerné le prix Diane Potier-Boès.
Enfin, six prix de soutien et d’encouragement à la création littéraire ont été décernés. Le prix Henri de Régnier à M. Frédéric Maire ; le prix Amic à M. Jean Rolin, à Mme Brigitte Donnay pour ses poèmes Icare et moi, à Mme Cécile Guilbert, pour son remarquable ouvrage Saint-Simon, ou l’encre de la subversion, et le prix Mottart à M. Jean-Claude Andro et à M. Lakis Proguidis, fondateur et rédacteur de la revue L’Atelier du roman.
Messieurs, dans leur étonnante diversité, tous nos lauréats témoignent en commun de l’amour de notre langue, que notre Compagnie a la charge d’honorer. À ce titre, et plus encore que des félicitations, l’Académie a plaisir à leur dire aujourd’hui sa reconnaissance.