Discours sur la vertu
Messieurs,
« Ou la vertu, ou la terreur. »
C’est il y a un peu moins de deux siècles que ce choix limité fut proposé à ses contemporains par un orfèvre en la matière. Il répondait au nom de Saint-Just.
« Ou la vertu, ou la terreur. »
Fort heureusement, nous n’en sommes pas encore à ne devoir balancer qu’entre l’une et l’autre, du moins sous cette coupole.
Et, bien que les choses aillent quelquefois très vite, autour de nous, j’espère fermement ne pas être soumis à pareil dilemme avant la fin de ces propos, et n’avoir donc, selon l’usage, qu’à essayer de vous parler de cette vertu dont Ovide assurait qu’elle n’est rien si elle n’est difficile, et La Rochefoucauld qu’elle n’irait pas si loin si la vanité ne lui tenait compagnie.
J’avoue, néanmoins, qu’avant d’ainsi répondre à l’honneur qui m’est fait, je n’ai pas manqué de m’interroger.
En effet, Messieurs, il n’y a pas même un an que vous avez bien voulu me recevoir en ces lieux, précédé par le roulement des tambours de la Garde, et voici que déjà vous m’appelez à prononcer, pour la cent-soixante-deuxième fois dans l’histoire de l’Académie Française, l’éloge de la vertu.
Je sais qu’il est des devoirs que notre Compagnie ménage volontiers à ses nouveaux élus.
Devant celui-ci, néanmoins, je m’interroge.
En effet, ma renommée, dans le domaine qui nous intéresse aujourd’hui, serait-elle arrivée jusqu’à vous, poussée par une force tellement irrésistible qu’elle vous rende impatients de m’entendre aborder un tel sujet ?
Ou bien, au contraire, — et j’en ai peur —, vous seriez-vous déjà découvert quelques solides raisons de redouter qu’une plus longue fréquentation de votre nouveau confrère ne vous fasse rapidement tenir pour très risqué, à tout le moins peu sérieux, de lui confier pareille tâche ?
D’autant plus qu’il ne manque pas, chez nous, d’éminents spécialistes des civilisations englouties ou des espèces en voie de disparition qui, sur un semblable thème, auraient pu, cet après-midi, occuper avec une autre autorité la place qui est la mienne.
C’est pourtant moi que vous avez désigné.
Et certains vont, parfois, jusqu’à prétendre que nous n’avons pas l’esprit d’aventure !
Pour un écrivain soucieux de faire carrière, il faut bien reconnaître que, de nos jours, la vertu n’est pas un terrain dont on puisse espérer beaucoup lorsqu’on s’y aventure. Le vice, au contraire, en dehors des plaisirs de moins en moins coupables qu’il réserve, présente ceci d’intéressant qu’il ouvre de plus en plus grandes les portes de la littérature. Fénelon reprochait autrefois à Molière de donner ail vice un tour gracieux, en même temps qu’une austérité ridicule à la vertu. Mais Fénelon était un esprit étriqué, soumis à toutes sortes de « tabous » aliénants, et qui serait aujourd’hui fermement prié d’aller d’abord se « libérer », pour ensuite « assumer » pleinement son époque. Surtout en sa qualité d’évêque, bien entendu.
Quand je dis que le vice ouvre donc de plus en plus grandes les portes à la littérature, je ne prétends pourtant pas, notez-le bien, qu’il soit tout à fait indispensable, afin de composer une œuvre digne d’estime et de succès, d’y décrire et d’y célébrer des vices absolument originaux, inattendus, insolites, compliqués, exigeant notamment je ne sais quelles contorsions de l’imagination ou du corps. En matière de vice, et lorsqu’on aspire à atteindre un vaste public, une certaine simplicité me paraît au contraire de bon aloi. J’allais presque dire une certaine banalité. Trop de raffinement risquerait, en effet, de vous faire accuser, par les esprits éclairés, d’une fâcheuse tendance à l’« élitisme » qui est, vous le savez, très mal vu dans nos sociétés égalitaires. En revanche, si l’auteur peut laisser entendre qu’il s’adonne lui-même aux vices dont il parle, s’il permet qu’on le dise, qu’on l’écrive, qu’on le répande, mieux encore s’il s’en charge personnellement, alors son prestige littéraire s’en trouve immédiatement renforcé et sa carrière pratiquement assurée.
Ne croyez surtout pas, Messieurs, que cédant à une alternative différente de celle que nous offrait Saint-Just, je sois en train de me tromper de sujet. Mais voulez-vous me dire, s’il vous plaît, sur quelle vertu fonder aujourd’hui une carrière littéraire ?
Marivaux, qui a laissé son nom à un verbe et à un substantif où, si le vice n’a certes rien à faire, il faut honnêtement reconnaître que la vertu occupe tout de même peu de place, Marivaux soutenait d’ailleurs que la terre est, pour cette vertu, un séjour bien étranger puisqu’elle ne fait qu’y souffrir.
Marivaux voyait juste et voyait loin.
Car si la vertu ne nous parait pas être aujourd’hui à la mode, le fut-elle jamais ?
Car si la vertu a parfois mauvaise presse, lui a-t-il fallu, pour cela, attendre la parution des premières gazettes ?
Car si la vertu ne nourrit pas son homme, cela paraît tellement vrai que ce l’est même ici où nous la célébrons. N’ai-je pas appris, en effet, non sans une certaine surprise, en lisant le discours prononcé, de cette même place, le 22 novembre 1894 par M. Ludovic Halévy, n’ai-je pas appris que la volonté de M. de Montyon, fondateur, en 1782, du premier de nos prix de vertu, avait été que la somme prévue pour doter chaque année celui-ci fut partagée en deux parts rigoureusement égales, et qu’on accordât l’une à l’auteur de l’acte vertueux récompensé, mais l’autre à celui du discours qui saluerait la vertu ? Eh bien, ce dernier vœu de M. de Montyon est probablement, dans l’histoire de l’Académie Française, le seul qui, lui étant comparable, ne fut jamais exaucé.
Faut-il que nous soyons vertueux ! Faut-il, comme le disait Cicéron que, pour nous aussi, la seule récompense de la vertu soit la vertu ! Je salue d’avance, Messieurs, à la fois la vertu dont vous allez faire preuve en m’écoutant jusqu’à la fin, et celle qui, alors, pour chacun d’entre vous, sera de cette première vertu l’unique récompense.
Mais je ne suis tout de même pas ici pour célébrer nos seules vertus académiques. Pas davantage, d’ailleurs, celle dont notre dictionnaire lui-même précise que le mot la définissant e ne se dit guère qu’en parlant des femmes». A propos de l’une d’elles, notre édition de 1835 ajoutait même cet exemple peu galant : « Sa laideur est le garant de sa vertu.»
En vérité, si, à la lumière de notre siècle, nous réfléchissons un instant à la vertu, nous nous apercevons très vite que le sens majeur, décisif qu’elle prend ou devrait prendre à notre époque, lorsqu’il lui arrive ou devrait lui arriver d’en conserver un, rejoint plus que jamais le sens étymologique du mot, c’est-à-dire dépasse très largement les étroites limites de la morale individuelle, pour faire de la vertu une arme de combat.
Avoir de la vertu ne revient-il pas, en effet et de plus en plus, à posséder la lucidité, la volonté, le courage, la persévérance indispensables à la défense de notre existence ? Manquer de vertu, au contraire, ne serait-ce pas accepter de mourir sans esquisser le moindre geste de résistance, ni même prononcer la plus timide parole de regret pouvant laisser croire que l’on tenterait ce geste si l’on en possédait encore la force ? Bien entendu, quand je dis « notre existence », je veux parler de celle de la société et de la civilisation occidentales auxquelles nous appartenons.
Il y a exactement 140 ans, Alexis de Tocqueville écrivait à son ami le philosophe anglais Stuart Mill, une lettre dont je voudrais extraire les phrases suivantes.
« Ce n’est pas à vous, mon cher Mill, que j’ai besoin de dire que la grande maladie qui menace un peuple organisé comme le nôtre, c’est l’amollissement graduel des mœurs, l’abaissement de l’esprit, la médiocrité des goûts. C’est de ce côté que sont les grands dangers pour l’avenir. »
Pareille réflexion me semble alarmante, et néanmoins encourageante.
Alarmante, dans la mesure où elle nous montre quel souci un esprit aussi clairvoyant que celui de Tocqueville se faisait, dès son époque, de ces mêmes dangers que nous continuons à voir se développer, se multiplier, s’organiser sous nos yeux.
Mais encourageante aussi, puisque si ces dangers paraissaient déjà suffisamment graves à l’auteur de La démocratie en Amérique, pour être dénoncés avec une telle vigueur, nous pouvons tout de même constater qu’en 140 ans, notre vieil Occident ne leur a pas encore, heureusement, tout à fait succombé.
Lorsqu’elle est confrontée à des périls graves, une société humaine n’a pas le choix entre dix, entre cinq, entre trois attitudes. Pour elle, il n’en existe à l’évidence que deux : la démission ou la lutte.
La démission, c’est obligatoirement sinon la mort, du moins l’avilissement garanti. La lutte, si elle est menée avec conviction, ardeur, cohésion et, bien sûr, si elle est couronnée de succès, ce peut être le point de départ d’un grand renouveau, comme aboutit à un renouveau individuel toute victoire obtenue sur soi-même.
Ce qu’il faut, cependant, afin de pouvoir vraiment lutter, c’est être à même d’apprécier d’abord le péril à sa juste mesure.
Or, ce qui est, aujourd’hui, particulièrement inquiétant, c’est d’observer si souvent nos sociétés occidentales comme hypnotisées, pareilles à la mangouste en face du cobra, par les forces les plus déterminées à leur anéantissement, c’est de voir, entre ces forces qui menacent nos valeurs, nos intégrités, nos légitimités, et les forces du refus qu’il nous arrive quelquefois de parvenir à rassembler, c’est de voir l’importance de plus en plus grande prise par ce que j’appellerai le tiers-ordre de la résignation.
Sans doute, celui-ci a-t-il existé de tout temps. Et lorsque, chaque soir, la foule romaine allait aux aqueducs, anxieuse de voir surgir, au dos vermeil les Monts Sabins où luisait l’œil sanglant du soleil, le chef borgne monté sur son éléphant de Gétulie, beaucoup n’auraient pas eu, probablement, à se faire trop violence pour céder assez vite à la fascination du vainqueur. Eux aussi se seraient résignés à l’inévitable, se sentant peut-être même portés vers lui par quelque trouble attirance. Oui, sans doute pareil réflexe a-t-il, en effet, existé de tout temps. Il n’empêche que, dans la plupart des cas, ces « alliés objectifs », comme on dirait en langage marxiste, ces « alliés objectifs » du mal ou de l’adversaire, constituent les pires auxiliaires de ceux-ci.
Il n’en est pourtant pas moins vrai que toutes les sociétés humaines ont un constant besoin de changer pour vivre.
« L’idée du passé, a écrit Valéry, ne prend et ne constitue une valeur que pour l’homme qui trouve en soi-même une passion pour l’avenir. »
Mais Valéry ne dit pas qu’une civilisation puisse se passer d’un système de valeurs auquel se référer, et même s’amarrer en cas de besoin.
Dès lors, dans quel sens convient-il de changer pour vivre ? A bien observer nos sociétés contemporaines, il est parfois permis de se le demander sérieusement.
Dans quel sens, autrement dit vers plus de rigueur ou vers plus de complaisance ? Vers plus d’effort ou vers plus de repos ? Vers plus de justice ou vers plus de complaisante faiblesse ? Vers plus de civisme ou vers plus d’esprit d’abandon envers la patrie et envers la cité ?
Quant aux mesures à prendre pour qu’aient lieu ces différentes et indispensables mutations, donc au choix, aux priorités, aux rythmes à fixer, n’est-ce pas l’homme dont nous nous souvenons aujourd’hui, M. de Montyon, lui-même grand juriste et grand administrateur, qui écrivait, avant la révolution, cette phrase sur laquelle on pourrait longuement réfléchir :
« En voulant tout réformer à la fois, on n’arrive qu’à tout bouleverser, et le progrès, si réellement progrès il y a, ne saurait s’obtenir que par degrés insensibles ?
S’il est donc vrai que toute société humaine a besoin de se réformer pour vivre, encore faut-il qu’elle ait conservé en elle cette volonté de vie.
Or, depuis déjà de trop nombreuses années, tout se passe le plus souvent comme si les peuples d’Occident étaient, pour une fois, tombés d’accord en décrétant que la meilleure façon de lutter contre les inconvénients et les dangers de la surpopulation mondiale était de diminuer, d’abord et par tous les moyens, le volume de leurs propres populations.
Depuis dix ans, en Europe et en Amérique du Nord, le taux de reproduction des êtres humains est passé de 1 à 0,8, c’est-à-dire est descendu au-dessous de ce que nous pourrions appeler la ligne de flottaison des peuples vivants. Et l’on doit déjà prévoir un taux de 0,6 en 1985. Ce qui signifie que, dans un siècle, les peuples occidentaux qui composaient, il y a dix ans, 25 % de la population du globe, n’en constitueront plus que 12,5 %.
Peut-être est-ce autrement que la civilisation romaine s’effaça, en 200 ans, du bassin occidental de la Méditerranée.
Sans aucun doute est-ce différemment que 80 millions d’Indiens d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud, qui représentaient alors un sixième de l’humanité furent, en cinquante ans, gommés de la planète par les conquérants espagnols.
Mais que cela signifie-t-il, sinon que, par rapport à tous les naufrages collectifs connus par l’histoire des grandes sociétés humaines, le refus délibéré de la vie que pratiquent les peuples occidentaux contemporains exprime une forme de démission suicidaire assez lugubrement originale ?
À ce refus d’exister, au sens le plus littéral du terme, vient d’ailleurs s’ajouter, parmi nos sociétés développées, le transfert sans cesse accéléré du poids de nos responsabilités et de ce qu’on appelait, autrefois, les différents « fardeaux de la vie » à tout un système d’assistance qui, s’il garantit partiellement nos corps et nos situations sociales contre les conséquences des risques matériels quotidiens, n’en protège pas forcément nos caractères.
J’ajoute que lorsqu’une société se laisse gagner, chaque jour, par la mauvaise conscience de sa propre défense, c’est-à-dire de sa sécurité — qu’il s’agisse de la défense et de la sécurité de l’individu ou de celles de la Nation — quand elle se laisse inoculer, chaque jour, la mauvaise conscience de son passé, de ses croyances, de ses règles morales, cette société choisit délibérément la voie de son propre déclin et, sur la pente qui mène à celui-ci, trouve d’elle-même l’irrésistible accélération qui conduit à la mort.
Dans le Livre III de L’Esprit des Lois, Montesquieu décrivant Athènes prête à succomber en face de Philippe II de Macédoine écrit :
« Les politiques grecs qui vivaient dans le gouvernement populaire ne reconnaissaient d’autre force qui put les soutenir que celles de la vertu. Leurs successeurs ne nous parlent que de manufactures, de commerces, de finances, de richesses, de luxe même. Les désirs changent d’objet. On était libre avec les lois. On veut être libre contre elles. Ce qui était « maxime » on l’appelle rigueur. Ce qui était « règle » on l’appelle « gêne ».
Voilà qui n’est déjà pas mal. Mais poursuivons.
« Quand Philippe parut aux portes d’Athènes, on le craignit, non comme l’ennemi de la liberté, mais comme celui des plaisirs. »
Et enfin :
« La ville fut vaincue à Chéronée. Qu’importe que Philippe renvoie alors les prisonniers. Il ne renvoie pas des hommes. »
Fantastique actualité de Montesquieu !
Car il arrive aussi que, face aux crises intérieures ou aux menaces internationales qui secouent l’Occident, on demande à ses peuples d’avoir l’attitude et de consentir aux efforts sinon propres à conjurer tout à coup le péril, du moins susceptibles d’en diminuer l’effet sur nos pays et sur nos existences.
Mais à qui s’adresse-t-on ?
Est-ce au vieux peuple des levées en masse, au vieux peuple qui se ruait aux frontières à la moindre menace ? Est-ce, au contraire, à un peuple dont les trois quarts des citoyens, nous disent les sondages d’opinion, estimeraient que face à une agression étrangère mieux vaudrait tenter de négocier qu’entreprendre de résister ?
Il n’est jamais très facile, c’est vrai, de mobiliser en quelques jours les réflexes de salut d’un groupe humain, après avoir laissé, tout au long de permissives et complaisantes années, s’accomplir à vau-l’eau la démobilisation de ses caractères. Et quand on a encouragé, durant six jours de la semaine, ses contemporains à se coucher pour mieux profiter de toutes les licences, il n’est pas simple non plus de leur demander, le septième jour, de se lever pour défendre leurs libertés.
Souvent, au cours de leur histoire, les hommes ont essayé d’échapper à l’ancienne tutelle de leurs lois morales et des principes élémentaires fixant les règles de leurs sociétés. Parfois même ils ont cru y être arrivés. On observe qu’ils se sont alors, généralement, trouvés ravalés au rang des esclaves, et n’ont cessé de l’être qu’en recouvrant, au prix d’un long et difficile combat, une dignité qui n’a pas deux visages.
Les principes et les lois qui ont toujours fait les grands peuples, les grandes nations, les grandes civilisations existent. Nous les connaissons. Faudrait-il donc y renoncer, pour abandonner le monopole de la vertu aux puissances et aux régimes qui prétendent faire de cette vertu devenue « croquemitaine » une discipline de parti et d’Etat, ne la mettant alors qu’au service d’une volonté d’hégémonie totalitaire, seul objet de toutes leurs ambitions ?
Messieurs, il existe différentes façons de s’acquitter de la tâche que vous m’avez fait, aujourd’hui, l’honneur de me confier.
Je crois même que ces différentes façons prouvent assez bien le non-conformisme qu’on ne reconnaît pas toujours à notre Compagnie, et son indépendance d’esprit qui pourrait servir de modèle à beaucoup.
Naguère, lorsqu’il fallait absolument, un jour comme celui-ci, traiter de la vertu, et seulement de la vertu, il paraît que certains de nos confrères cherchaient volontiers la meilleure façon d’échapper à cette discipline.
Aujourd’hui qu’elle est moins exigeante, c’est comme spontanément qu’ils se plaisent à y revenir.
Mais il est des époques où notre non-conformisme et notre indépendance d’esprit s’affirmèrent aussi de la plus courageuse façon. Le 16 décembre 1943, en pleine guerre, dans Paris occupé, Jacques de Lacretelle concluait en ces termes le discours qu’il venait, justement de consacrer à la vertu. Voilà ce qu’il disait :
« Il est une figure de la vertu qui plane au-dessus de toutes celles que je viens de tracer. Si, cette année encore, nous ne la récompensons pas nommément, c’est que ses prières sont trop intimes et ses actes trop étouffés pour être divulgués.
« Toutefois, elle nous impose cette évidence que la vraie vertu, dans quelque ordre que ce soit, ne peut jamais être une concession à la facilité, encore moins à l’abdication. Cette figure supérieure rejette l’appareil de la force, ruais elle garde les armes de la conviction.
« Le mal existe, il triomphe, elle l’ignore et déjoue les succès passagers qu’il s’assure. Elle se confond avec ce qui luira demain.
« Quelle est la vertu dont je parle ? Vous l’avez deviné, Messieurs, que dis-je ! En ce moment même, je lis son nom sur vos lèvres à tous. C’est l’espérance. »
Si j’ai voulu citer, pour conclure, ces phrases prononcées par Jacques de Lacretelle en 1943, c’est parce que j’ai pensé qu’ici même il n’en était pas d’autres capables de rendre mieux hommage aux trois vertus plus que jamais indispensables au temps que nous vivons : le courage de l’esprit, la fermeté de l’âme et, bien sûr, l’espérance.