RAPPORT SUR LES PRIX DE VERTU
Lu dans la séance publique annuelle de l’Académie française
du 14 novembre 1889
PAR
MGR PERRAUD
ÉVÊQUE D’AUTUN
PRÉSIDENT DE L’ACADÉMIE
MESSIEURS,
Depuis une semaine, l’Exposition universelle de 1889 est terminée. Venus de toutes les parties du monde pour admirer les œuvres accumulées sur les bords de la Seine par les arts, les sciences, l’industrie, irrécusables témoins du génie de l’homme et des dons de Dieu, nos innombrables visiteurs ont repris la route de leurs demeures, proches ou lointaines. Paris est simplement redevenu la capitale de la France. Un silence relatif a succédé au tumulte cosmopolite qui retentissait naguère dans la grande cité. C’est l’heure du recueillement. L’Académie en profite pour s’acquitter du double mandat dont elle a été investie par M. de Montyon et par ses imitateurs. L’accomplissement d’un tel devoir n’a d’ailleurs rien d’incompatible avec le deuil où vient de la mettre la mort de notre regretté confrère, M. Émile Augier.
Elle est certes très digne d’être encouragée, l’activité féconde qui préside aux progrès matériels, économiques, esthétiques de la vie humaine. Cependant, il convient de mettre au-dessus d’elle les travaux de l’esprit, l’art de penser et d’écrire bien ; et, plus haut encore, dans une région où le génie seul ne saurait atteindre, la science meilleure de bien faire.
Nos secrétaires perpétuels ont charge de dire au public les considérants des jugements portés par l’Académie sur les livres soumis à ses suffrages. Une fois de plus aujourd’hui, sous la plume alerte et toujours jeune du gardien inamovible de nos traditions, ce compte rendu a été un régal exquis, digne d’être offert, ici et plus loin, à tous les amis de la belle littérature.
Le moment est venu maintenant d’accomplir une autre volonté de M. de Montyon et de dresser la liste des prix décernés de sa part aux actions vertueuses.
Vous m’avez désigné, Messieurs, pour remplir cette mission. Je ne sais si vous vous êtes souvenus que la série de nos rapports académiques sur les prix de vertu avait été inaugurée en 1783 par un membre de l’épiscopat, M. de Boisgelin, alors archevêque d’Aix. Quoi qu’il en soit, il ne vous a pas déplu, presque aux derniers jours d’un centenaire fameux, de confier à un évêque le soin de dire en votre nom les strophes finales du Carmen sæculare de la France.
Je n’en dédierai pas l’hommage, comme Horace, au blond Phébus et à Diane, reine des forêts. Mais je lui emprunterai ses vœux pour la prospérité de la patrie. Oui, c’est bien du fond de mon âme que je souhaite à notre cher pays et la richesse, et la fécondité, et toute sorte de gloire :
(Gallicæ) genti date remque prolemque
Et decus omne.
Plus heureux d’ailleurs que le favori d’Auguste et de Mécène, je n’aurai pas à saluer le retour de la vertu parmi nous, comme si elle était une étrangère ou une exilée. Dieu merci, malgré nos fréquentes et trop plausibles lamentations sur le malheur des temps, ni le dévouement ni la charité n’ont déserté la France. Cette année, au contraire, nous avons à vous présenter une moisson particulièrement riche :
Apparetque beata pleno
Copia cornu[1].
Pendant le cours de 1888, l’Académie a reçu deux cent quatorze mémoires. Après les avoir comparés et classés, elle a décidé de donner quatre-vingt-six récompenses. Jamais chiffre aussi considérable n’avait été atteint. De là, pour le rapporteur du présent concours plus encore que pour ses devanciers, l’impossibilité manifeste de tenter une analyse, même succincte, de toutes les actions couronnées. Ni leurs auteurs ni le public ne trouveraient leur compte à une nomenclature forcément sèche et monotone. Je ne l’essaierai pas. Le livret que l’Académie répand chaque année à milliers d’exemplaires comble heureusement ces lacunes. Chaque lauréat y est représenté par une notice où se trouve le récit abrégé, mais suffisant, des actes qui ont motivé la récompense obtenue. J’y renvoie d’avance, ainsi que leurs parents, amis ou protecteurs, tous ceux dont les mérites ne pourront être de ma part l’objet d’une mention détaillée.
Quatre-vingt-six prix de vertu en 1889, lorsqu’il y en avait un seul en 1783 ; deux, trois ou quatre, tout au plus, en 1820 et dans les premières années qui suivirent la reconstitution de la fondation primitive de M. de Montyon ! Y a-t-il donc parmi nous un progrès ininterrompu de moralité ? Sommes-nous près de cent fois plus vertueux qu’il y a un siècle et la France contemporaine s’achemine-t-elle à grands pas vers la perfection ?
Il serait bien flatteur et encore plus consolant de pouvoir le dire. Hélas ! les statistiques officielles, avec l’inexorable précision de leurs chiffres, ne nous le permettent pas. Les tableaux, dressés périodiquement par le Ministère de la Justice, attestent une effrayante augmentation du nombre des crimes, et, de la part de beaucoup de criminels, un prodigieux raffinement de perversité et de cruauté. Pendant la seule année 1886, on a compté jusqu’à vingt-trois mille enfants ou mineurs traduits devant les tribunaux. Ainsi, non seulement le mal gagne en étendue et en profondeur, mais il devient plus précoce. L’éducation première soustraite à toute influence religieuse porte ses fruits. Une dépravation, favorisée par toutes sortes de provocations impunies, mine rapidement les assises de la moralité publique et semble la menacer d’une ruine inévitable et prochaine. Quelques esprits chagrins s’autorisent de ces faits tristement irrécusables pour donner libre cours à leur pessimisme et à ses sombres pronostics. L’heure est-elle venue de répéter avec eux que c’en est fait de notre pauvre France et que c’est peine perdue de travailler à son relèvement ?
C’est précisément ici, Messieurs, qu’éclate l’utilité sociale et patriotique de l’institution dont nous sommes redevables à M. de Montyon. Sans doute, son objet direct et premier est de mettre en relief un certain nombre d’actions où la vertu apparaît dans toute sa ravissante beauté. Mais elle a une portée plus considérable. Elle nous prouve que si le mal agit, le bien n’est pas inactif. Il est là, autour de nous, près de nous. Il s’affirme incessamment par ces grandes et saintes choses qui s’appellent le courage, la bonté, le sacrifice de soi-même aux autres. Les méchants pullulent on le dit, et il paraît difficile d’en douter. Il est vrai qu’ils font plus de bruit que les bons, et semblent tenir plus de place dans le drame de la vie. Cependant, ils ne sont pas seuls en scène ; et si tous ceux qui ont la prétention de compter parmi les gens de bien le voulaient avec plus d’énergie et plus d’ensemble, ils obligeraient le vice, justiciable ou non des tribunaux humains, à rabattre de ses allures arrogantes et à ne plus afficher ses airs de vainqueur.
Ici encore, l’institution de M. de Montyon nous rend un service de premier ordre. Une humilité de mauvais aloi, dont le vrai nom est lâcheté, nous persuade trop aisément que la vertu, portée à un certain degré, n’est pas faite pour nous. C’est du moins ce que nous répondons à l’Église lorsqu’elle nous propose d’imiter les saints. Mais quand la France nous montre des vertus admirables, pratiquées dans des conditions communes, par des êtres qui sont nos contemporains et dont la vie se mêle tous les jours à la nôtre, elle a le droit de nous redire la parole qui triompha un jour des hésitations d’Augustin, et le conquit pour toujours aux plus généreuses ascensions de l’honneur chrétien : « Comment ne seriez-vous pas capables de faire comme ceux-ci, comme celles-là ? Non poteris quod isti, quod istae ? » C’est précisément la leçon très pratique qui se dégage des faits dont nous avons chaque année la joie de révéler l’existence. Disons-le hautement si nos prix font du bien à ceux qui les reçoivent, ils sont encore très utiles à nous qui les donnons et au public auquel nous devons apprendre pourquoi nous les donnons. L’augmentation du nombre de nos récompenses tient à une cause que je ne puis ni ne dois passer sous silence, car elle nous apporte, elle aussi, la fortifiante obligation de ne pas voir seulement les côtés sombres et menaçants de la situation actuelle.
Il y a douze ans, dans une solennité semblable à celle-ci, un de vous, Messieurs, disait : « Les bienfaisants ne manquent pas, que les bienfaiteurs les imitent[2]. »
Le vœu de notre spirituel confrère a été réalisé. Plusieurs s fondations ou donations sont venues s’ajouter aux capitaux légués par M. de Montyon, et, après lui, par d’autres personnes désireuses d’imiter son exemple. N’est-ce pas là un symptôme rassurant dont il y aurait injustice et ingratitude à ne pas tenir compte ? Il y a donc des riches qui, au lieu de jeter leur or en proie aux absurdes exigences du luxe, ont l’inspiration de le faire servir à défendre et à glorifier le bien, dans sa lutte incessante contre le mal ? Eux-mêmes ne sauraient prétendre à recevoir les prix qu’une très sage disposition de M. de Montyon, confirmée par ses continuateurs, réserve aux petits et aux pauvres. Mais quelle belle revanche ils peuvent prendre de cette exclusion Il dépend d’eux de multiplier les encouragements offerts aux bonnes actions, moins assurément pour les faire naître que pour les signaler à l’attention publique et les proposer comme un motif d’émulation au pays tout entier.
Les années 1888 et 1889 n’auront pas été les moins avantagées à cet égard et nous avons à enregistrer des libéralités considérables.
Une rente de 3 500 francs, provenant de la succession de M. le Dr Buisson, mort à Évreux le 21 juin 1888, a été destinée par le défunt à augmenter le nombre ou l’importance des prix de vertu. Elle doit s’ajouter, à partir de 1891 aux revenus qui nous sont confiés.
Une autre donation, limitée à 1889, vous a été signalée tout à l’heure par M. le Secrétaire perpétuel, très digne interprète de notre gratitude. Ainsi que M. de Montyon, dont il a expressément entendu honorer la mémoire, l’Anonyme du 24 avril a vraiment donné des deux mains. Grâce à lui, le nombre des prix sera augmenté cette année dans les deux concours dont nous sommes les juges. Les 6,000 francs affectés aux actes de vertu ont été partagés par l’Académie en douze médailles de 500 francs. Nous étions certains par là de répondre au désir exprimé par le donateur inconnu qui a voulu « nous assurer le moyen de faire un plus grand nombre d’heureux, à l’occasion du centenaire de 1789 ». Dira-t-on que c’est une invasion de la politique dans le sanctuaire réservé de la charité ? Ce serait bien sévère. La charité estime que l’or n’a pas d’opinion. D’ailleurs, quand les partis ne lutteront plus entre eux que d’intelligente émulation à seconder dans le pays les progrès du beau et du bien, ils cesseront d’abord de se mépriser et de s’injurier ils finiront par s’entendre.
Pardonnez-moi, Messieurs, si je m’attarde à vous parler de nos bienfaiteurs et de leurs bienfaits. Dans une fête dédiée à la vertu, n’est-il pas juste que la reconnaissance occupe une place privilégiée ?
J’ai hâte maintenant de rentrer dans l’accomplissement de mon mandat et de vous présenter le compte rendu de notre travail.
Les deux récompenses les plus considérables données au nom de M. de Montyon sont attribuées, l’une à un marin, l’autre à un curé de campagne.
Pierre Crouzillat, patron du canot de sauvetage des Sables-d’Olonne, a préservé du naufrage plus de quarante bricks, goélettes ou barques de pêche. Les équipages des navires marchands de France, d’Angleterre, d’Allemagne, de Norvège, ont été tour à tour tributaires de l’audace avec laquelle il a souvent bravé les tempêtes pour leur porter secours. Il y a trente-deux ans, à Brest, il avait arraché deux personnes aux flammes d’un incendie. Dix-huit autres ont été reprises par lui aux flots qui allaient les engloutir et où plusieurs fois lui-même a failli trouver la mort. J’aurais voulu pouvoir redire ici, d’après les témoins oculaires, quelques-unes des péripéties de ces drames maritimes. Pierre Crouzillat, qualifié par ses chefs de matelot exemplaire quand il servait à bord des vaisseaux de l’État, croit fermement à une protection particulière de la Providence sur ceux qui font bon marché de leur vie pour sauver celle des autres. Jusqu’à ce jour, les événements lui ont donné raison. Il n’a pas à se plaindre d’ailleurs de l’ingratitude des hommes. Lettres de félicitations et de remerciements des Ministres et des officiers supérieurs de la marine, diplômes, décoration de la Légion d’honneur aucun témoignage de l’estime publique ne lui a manqué. Heureuse de constater que son suffrage et un prix Montyon sont encore mis au-dessus des distinctions les plus enviées, l’Académie décerne à Pierre Crouzillat une médaille de 2,500 francs.
Elle en attribue une seconde, de même valeur, au recteur de la paroisse de Saint-Georges-de-Raimtembault, dans le diocèse de Rennes. Lorsque la guerre de 1870 éclata, M. l’abbé Pierre Brassier était vicaire à Montfort. Il partit comme aumônier volontaire, avec les mobiles d’Ille-et-Vilaine. À la demande des officiers de son bataillon, il fut décoré pour sa belle conduite dans une des affaires les plus sanglantes du siège de Paris. Nommé curé de Saint-Georges, M. l’abbé Brassier a entrepris de recueillir les orphelins et les enfants abandonnés. Il a maintenant à sa charge cinquante garçons qui apprennent des états manuels. Il y a peu de temps, deux de ses pupilles, âgés de onze et douze ans, venaient d’un air de triomphe lui présenter leur premier chef-d’œuvre c’était une paire de souliers. Chacun des enfants avait fabriqué le sien. O prodige nos jeunes artistes ne gagnent pas encore vingt-cinq francs par jour, et ils ont trouvé le moyen de faire marcher ensemble la gauche, et la droite. Ce n’est pas tout. Un certain nombre des protégés de M. l’abbé Brassier ont des sœurs. Comment les laisser sans asile, sans instruction, sans gagne-pain, quand on garantissait tous ces avantages à leurs frères ? A côté de l’orphelinat des garçons, un ouvroir pour les filles a été établi et fonctionne sous la direction d’une charitable personne de Saint-Georges. Dans les deux établissements, ce sont plus de soixante bouches à nourrir et le pain quotidien n’est pas toujours facile à trouver, malgré l’imperturbable confiance avec laquelle il est sollicité chaque jour de la bonté du Père céleste. Le soir de la bataille de Champigny, l’aumônier des mobiles d’Ille-et-Vilaine montrait à ses Bretons sa soutane trouée par les projectiles ennemis et, avec une crânerie toute française, il leur disait : « Vous voyez bien, mes amis, que les balles prussiennes ne font pas de mal. » Nous sommes plus persuadés encore que les écus de M. de Montyon feront beaucoup de bien à la famille adoptive de M. l’abbé Brassier et, avec nos félicitations les plus cordiales, nous envoyons 1,500 francs au fondateur de l’orphelinat Saint-Georges.
Quatre médailles de 1,000 francs, prises sur la fondation Honoré de Sussy, récompenseront la vertu d’hospitalité, pratiquée tantôt à l’égard des voyageurs attardés ou égarés, auxquels l’aumône d’un souper et le repos d’une nuit permettent de poursuivre leur route tantôt en faveur d’in firmes ou de malades auxquels les autres asiles sont fermés. Ces prix sont décernés aux époux Dehée (Haplincourt, Pas-de-Calais), Petit (Camblin-l’Abbé, même département), Chau (Chécy, Loiret), et enfin au frère et à la sœur Nicole.
L’histoire de ce couple fraternel m’a paru mériter une mention particulière.
Pierre Nicole, âgé de trente-deux ans, et sa sœur Antoinette, qui en a trente-cinq, habitent Vichibure, hameau de la commune de Corcieux, département des Vosges. Ils gardent et cultivent le petit héritage qu’ils tiennent de leurs parents. Il y a quelques années, un vieillard infirme vint un soir frapper à leur porte et demanda d’être hébergé pendant la nuit. Le lendemain, au moment où il allait partir, Pierre dit à sa sœur « Si nous le gardions ? » Aussitôt dit, aussitôt fait, et le pèlerin de passage devient l’hôte du logis. La renommée colporte rapidement la nouvelle de cet acte de charité. D’autres malheureux se présentent et sont également admis. Bientôt la maison se trouve pleine. Pour l’agrandir, les propriétaires changent les greniers en dortoirs et y recueillent des enfants abandonnés. Cependant, la place fait quelquefois défaut. Dans ce cas, Pierre cède son lit et couche par terre. Il y a peu de temps, une femme âgée et contrefaite, qui n’avait pu être reçue à l’hospice de Saint-Dié, arriva chez les Nicole. Mais à ce moment, ils logeaient déjà vingt-quatre personnes. À l’impossible nul n’est tenu. La pauvresse le comprit et se retira. Elle n’avait pas fait une demi-lieue qu’elle se sentit ramener en arrière comme par une force invincible et elle vint renouveler ses supplications. L’importunité de ceux qui manquent de tout est recommandée par l’Évangile. D’ailleurs, le premier refus avait tant coûté à Pierre Nicole qu’il n’était guère tenté de récidiver. Ne savait-il pas que l’on dort parfaitement sur une botte de paille ? Il donna son lit à la vieille mendiante. Quelques jours après, une des pensionnaires de la maison mourait, et la nouvelle venue prenait sa place. Dans cet hôtel-Dieu improvisé, création de deux simples paysans, le linge, les ustensiles, les repas, tout est commun entre les maîtres de la maison et leurs hôtes. Vrais plagiaires de nos petites Sœurs des pauvres, Pierre et Antoinette commencent par servir les autres et mangent les restes. Le curé de Corcieux regarde comme une bénédiction pour sa paroisse les admirables exemples de charité donnés chaque jour par Pierre et par Antoinette. Tout récemment, afin de pouvoir augmenter le nombre de leurs protégés, ils ont décidé d’entreprendre une nouvelle bâtisse qui leur coûtera environ 2,000 francs. Le prix dont nous disposons en leur faveur ne paiera pas la moitié de la construction projetée. Mais il signalera l’œuvre à l’attention de quelqu’un de ces bons riches dont nous parlions tout à l’heure. N’oublions pas que Vichibure touche presque aux nouvelles frontières tracées dans les Vosges par d’impitoyables conquérants. Quelle bonne manière de servir les intérêts de la patrie française, tout près des territoires annexés, que de déployer chez nous toutes les ressources de cette charité dans laquelle l’Apôtre nous montre le principe et le foyer de l’invincible espérance !
Trois médailles de 1,000 francs et dix de 500, imputées sur cinq de nos fondations, sont destinées à récompenser un dévouement exceptionnel prodigué aux malades et aux pauvres.
Les titulaires des prix de 1,000 francs sont Anna Morel, femme Delandre, à Bellancourt (Somme) ; Jacquine Lardeux, à Craon (Mayenne) ; Marie-Anne Grange, à Rocoules (Haute-Loire).
Tout en vaquant aux travaux du ménage et aux soins réclamés par son vieux père, ses trois enfants et son mari, la femme Delandre s’est constituée depuis neuf ans l’infirmière d’une pauvre femme, atteinte d’une plaie cancéreuse à la jambe et elle va la panser trois fois par jour.
Mlle Lardeux est directrice de l’hôpital de Craon. Les mémoires administratifs qui nous la recommandent la qualifient de « laïque » ; a elle porte cependant depuis soixante-six ans le costume religieux. Qu’en est-il au juste ? La vérité est que notre lauréate est une laïque religieuse, ce qui soit dit entre nous vaut beaucoup mieux qu’une religieuse laïque. Je n’insisterai pas sur cette question d’état ni sur le rapprochement assez inattendu de deux mots dont certaines susceptibilités contemporaines ne manqueraient pas de dire qu’ils
Hurlent d’effroi de se voir accouplés[3].
Jacquine Lardeux a commencé son ministère de charité à quinze ans, en 1823, et ne l’a jamais interrompu depuis. Elle y avait été formée par une tante qui a servi les malades jusqu’à sa quatre-vingt-cinquième année, portant elle aussi l’habit religieux sans appartenir à aucune congrégation officiellement reconnue. Dans les longs états de service de Mlle Lardeux, les autorités locales relèvent particulièrement !e courage déployé par elle, en 1870, lorsque l’hôpital de Craon était encombré de soldats varioleux, dont elle s’était réservé exclusivement la garde et l’assistance. On demanda même pour elle à cette époque la décoration de la Légion d’honneur qui n’est pas venue. Notre médaille y suppléera.
Marie-Anne Grange appartient à une association d’institutrices rurales que nos montagnards de la Haute-Loire appellent les Béates. Quand elle a fait ses six heures d’école, elle devient garde-malade. Il y a un an, le typhus sévissait dans un hameau du village où elle instruit la jeunesse. Une famille surtout était atteinte dans les plus douloureuses proportions. Marie Grange s’est enfermée avec les malades. Trois d’entre eux sont morts. Elle les a ensevelis. À ce moment tout le monde, par crainte de la contagion, s’éloignait d’elle et la blâmait. Tout le monde, aujourd’hui, l’admire et l’acclame. L’Académie lui décerne le prix de 1,000 francs, fondé par un anonyme en 1878.
Des faits du même genre ont valu les dix médailles de 500 francs à Marthe Bérot (Campan, Hautes-Pyrénées), Julie Bourdeur, femme Caron (Grandcourt, Somme), Nathalie Combes (Castres, Tarn), Antoine Vieilleribière (Mourioux, Creuse), Sophie Facon (Houplines, Nord), Suzanne Forestier (Pissotte, Vendée), Gervaise Raynaud (Clermont-Ferrand, Puy-de-Dôme), aux époux Lacanaud (Fontvieille, Bouches-du-Rhône), et enfin aux deux veuves Girardot (Besançon, Doubs) et Neau (Jallais, Maine-et-Loire).
Toute enfant, Jeanne-Claude Laudet, aujourd’hui veuve Girardot, avait vu son père et sa mère, concierges du tribunal civil de Besançon, recueillir successivement chez eux une orpheline, un vieillard, une aveugle et les traiter comme des membres de leur propre famille. Ces exemples ne sont pas restés stériles. La tradition des parents s’est perpétuée après leur mort. Devenue veuve de bonne heure, la fille des anciens concierges a pour vivre une rente de cent francs, c’est-à-dire un peu moins de six sous par jour, plus le produit de son aiguille dont elle tirait autrefois un parti avantageux. La veuve Girardot a toujours chez elle, dans une des deux chambres de son petit appartement, en plein Besançon, quelque malade qu’elle soigne de jour et de nuit. Elle prodigue à ses pensionnaires son temps, ses économies, sa santé. En retour, plus d’une fois, elle a reçu des injures et des coups. Rien ne l’a rebutée. Elle regarde sans doute ces mauvais traitements comme le meilleur salaire de ses fatigues. Aujourd’hui, elle a soixante-dix ans ; sa vue baisse, ses mains tremblent et deviennent de plus en plus inhabiles à la couture. Cependant la veuve Girardot persiste à se mal nourrir et à ne porter que des haillons, afin de pouvoir encore recueillir et soigner des malades. Ils bénéficieront plus qu’elle des 500 francs que nous lui avons alloués.
Marie-Rose Broquin, veuve Neau, est née en 1810. Après avoir perdu son mari et ses enfants, elle s’est consacré tout entière au soulagement des misères d’autrui. Dans les mémoires qui la concernent se trouvent des traits qu’on dirait empruntés à nos vies de saints. Elle rencontre un jour une pauvre femme grelottant de froid elle lui donne son manteau ; à une autre qui n’avait pas de chaussures, elle dit « Prenez mes souliers, j’irai bien en sabots. » Arrivée à soixante-dix-neuf ans, la veuve Neau n’a rien gardé pour elle ; tout son petit avoir a passé en aumônes. Naguère elle a su que l’Académie s’occupait d’elle. « J’ai trop de bonheur sur la terre, a-t-elle dit dans un sentiment de confusion et presque d’effroi ; je suis trop honorée ; je crains bien que cela ne me nuise pour entrer au ciel. » N’ayez pas peur, ma bonne femme. Nous ne voulons pas vous dérober le mérite de votre charité. Si nous nous inclinons avec respect devant vos cheveux blancs, nous n’avons nullement la prétention de nous substituer à Celui que vous avez aimé et servi dans la personne de ses pauvres. Nous ne venons payer ici que la dette des hommes. Reste à Dieu la sienne il saura bien l’acquitter.
Le prix Gémond, spécialement affecté aux actes de courage, sera partagé en deux médailles de 500 francs chacune, entre Jules Renoux, sergent-major des pompiers à Toulon, et Simon Bonne, à Paris.
Le premier s’est distingué dans un certain nombre d’incendies et au milieu des épidémies cholériques de 1845, 1854, 1865 et 1884. Simon Bonne, ancien soldat, décoré de la médaille militaire, nous a été signalé comme ayant sauvé treize personnes. Les rues de Paris sont devenues pour lui un vrai champ de bataille. Il y a été blessé grièvement cinq fois en se jetant à la tête de chevaux emportés. Un père de cinq enfants dont il est l’unique soutien expose évidemment bien plus que sa vie quand il l’offre en sacrifice pour sauver celle de ses semblables. Ici, comme en bien d’autres circonstances, la valeur numérique du prix décerné est hors de toute proportion avec les actes qui le motivent. Aussi bien, et nous ne devons pas nous lasser de le dire, il peut nous appartenir d’honorer le courage et le dévouement nous sommes impuissants à les récompenser.
Il me faut dresser maintenant le catalogue de toutes ces femmes qui, après avoir fidèlement servi leurs maîtres aux jours de l’aisance ou de la prospérité, sont demeurées auprès d’eux quand les revers sont venus, puis leur ont donné et abandonné les gages arriérés et dûs, les épargnes laborieusement accumulées, le salaire quotidien des travaux entrepris pour soutenir le ménage, sans parler du sacrifice fait par elles de la jeunesse, de la santé et des perspectives les plus légitimes d’établissement et de bonheur personnel.
Rien, je le sais, n’est devenu banal à notre époque comme la réciprocité des griefs et des récriminations entre ceux qui, pour gagner leur vie, ont besoin de servir les autres et ceux qui ont encore plus besoin d’être servis parce qu’ils seraient incapables de subvenir à leurs nécessités les plus élémentaires.
Les uns et les autres auraient profit à relire les solides enseignements qu’inspirait à Bourdaloue, pour ses auditeurs du grand siècle, un sujet d’une si permanente et universelle utilité.
« Un maître, dès là qu’il est maître, dit-il dans une de ses dominicales, doit à ses domestiques surtout trois choses l’exemple, l’instruction, et dans la rencontre, une charitable correction[4]. »
Or, dans combien de familles de nos jours, l’instruction est nulle, l’exemple donné à rebours et la correction impossible, soit parce qu’elle ne serait pas supportée, soit parce qu’elle ajouterait au mauvais exemple le scandale de l’hypocrisie.
À tant de maîtres qui se plaignent de n’avoir jamais pu mettre la main sur de bons serviteurs, et à beaucoup de serviteurs qui ne connaissent guère de La Fontaine que ce vers trop fameux :
Notre ennemi, c’est notre maître,
je causerai probablement une grande surprise quand je leur apprendrai que, dans la liste totale de nos prix, vingt-sept, presque un tiers, reviennent à des domestiques. Sur ces vingt-sept récompenses, la fondation Montyon nous permet de donner une médaille de 1,500 francs à Clémence Dumur (Bapaume, Pas-de-Calais) et une de 1,000 à Jeanne-Claudine Mazillier (Paris). Vingt-trois autres prix de 500 francs et un de 350 proviennent de M. de Montyon, de l’anonyme du 24 avril 1880, et des fondations Honoré de Sussy, Camille Favre et Laussat[5]. Le prix Souriau, de 1,000 francs, est décerné à Séraphine Douba, femme René.
Nos domestiques de race blanche ne m’en voudront pas, je l’espère, si je parais les négliger pour dire quelques mots d’une négresse.
Séraphine Douba est née à l’île de la Réunion, d’une esclave dont elle a d’abord partagé la condition servile. Toute jeune encore, elle appartenait à la famille de Planta. Elle y éleva, l’une après l’autre, trois générations. Quand les noirs furent affranchis, Séraphine ne voulut user de sa liberté que pour rester volontairement avec ses maîtres. Elle avait épousé un domestique de la maison du nom de René.
Au bout d’un demi-siècle, tout avait changé autour d’elle. Les ascendants étaient morts la gêne avait succédé à l’aisance pour devenir bientôt la misère. Cependant les arrière-petites-filles des premiers maîtres de Séraphine n’entendaient pas la sacrifier à leur malheur. « Man Fine, » lui dirent-elles un jour, en l’appelant des noms naïfs qu’elles avaient l’habitude de lui donner au temps de leur enfance, « vous êtes connue à Saint-Denis, vous ne serez pas embarrassée de vous placer dans une bonne maison où vous trouverez des conditions que nous ne pouvons plus vous assurer. »
Man Fine les regarda ; puis, sans mot dire, elle se remit à sa besogne accoutumée. Depuis cette époque, il a été impossible de lui faire accepter la plus minime rétribution, Quand les travaux du ménage sont terminés, elle prend une corbeille et va de porte en porte offrir, pour les vendre, les ouvrages confectionnés par les enfants dont elle est devenue la mère adoptive. Elle est âgée aujourd’hui de 67 ans. Le clergé, les fonctionnaires, les notables de la Réunion, ont signé le mémoire qui la recommande à l’attention de l’Académie. Le bel exemple de dévouement et d’abnégation donné par Séraphine à notre lointaine colonie de la mer des Indes nous permet de saluer en sa personne cette race noire sur laquelle trop longtemps a pesé l’anathème de la servitude.
Puisse l’hommage rendu par l’Académie à l’ancienne esclave seconder la croisade que mène, avec tant de vaillance, sous l’inspiration d’un grand Pape, notre éminent compatriote le cardinal Lavigerie ! Vienne bientôt le jour où ses éloquents et généreux appels décideront toutes les nations civilisées à unir leurs efforts pour faire disparaître du monde entier l’ignominie et les horreurs de l’esclavage Jusqu’à une époque relativement récente, les actes de dévouement inspirés par les sentiments de famille trouvaient difficilement place dans nos concours. Nos devanciers auraient craint sans doute de faire injure à l’humanité s’ils avaient récompensé l’accomplissement des devoirs auxquels l’homme ne peut se soustraire sans se ranger lui-même parmi les êtres dénaturés.
Dans la région des principes absolus, on conçoit une telle rigueur d’appréciation. Sur le terrain des faits, il faut bien rabattre de cette sévérité. L’expérience le démontre les vertus mêmes les plus naturelles sont loin d’être universellement pratiquées. Les instincts de l’égoïsme et de la cupidité étouffent souvent la voix du sang. Que de fois hélas jusque dans les relations les plus nécessaires et les plus sacrées intervient une ingratitude dont il est littéralement vrai de dire qu’elle est monstrueuse.
L’Académie a donc cru sage d’accueillir des dons qui ont pour but d’encourager la piété filiale et les vertus de famille. La multiplication de ces récompenses est-elle un signe de décadence ? Nous n’avons pas à nous prononcer sur ce problème délicat. Nous aimons mieux espérer qu’elles contribueront d’une manière efficace à mettre en honneur ces affections du foyer domestique appelées à exercer une influence si considérable sur la moralité générale d’une nation.
Nous avons, de ce chef, à couronner trente-huit lauréats, entre lesquels nous répartirons trois prix Montyon, un de 1,500 et deux de 1,000 francs ; vingt-sept médailles de 500 francs, de la fondation Camille Favre ; six de 300 francs, fondation Marie Lasne ; une de 500 francs, provenant de la donation anonyme du 24 avril 1889 ; une de 500 francs, fondation Letellier, et enfin, deux de 1,000 francs, d’institution toute récente, les prix Émile Robin et Lelevain[6].
La médaille de 1,500 francs a été décernée à Marie-Claire Laxenaire (Saint-Michel-sur-Meurthe, Vosges). Aînée de cinq enfants, elle a vu ses frères et ses sœurs quitter la maison les uns après les autres pour s’établir. La mère était morte Marie-Claire est restée seule avec son père, ancien bûcheron des Vosges, âgé aujourd’hui de quatre-vingt-cinq ans. Quels prodiges de courage et d’habileté a dû déployer la vaillante fille pour faire vivre le vieillard Vous en jugerez, Messieurs, par les détails suivants. Marie-Claire est estropiée de naissance et n’a pas de mains. La droite est remplacée par deux doigts soudés ensemble qui prennent naissance au poignet. Le membre gauche est plus maltraité. Il est privé d’avant-bras et le coude se termine par un doigt unique. En outre, des infirmités prématurées, provenant tout à la fois d’une constitution débile et de continuelles privations, rendaient le travail plus difficile à Marie-Claire. Cependant c’est elle seule qui, après avoir suffi à tous les détails du ménage, trouve encore le moyen de broder, afin de gagner les quelques sous nécessaires à la subsistance quotidienne de deux personnes. Le curé de Saint-Michel confirme de son témoignage le rapport que les autorités locales ont envoyé à l’Académie. La mémoire de M. de Montyon sera bénie par la pauvre infirme, assurée désormais, grâce à lui, de ne plus laisser manquer de pain son père octogénaire.
Claude Jagut, de Rieux (Morbihan), est un simple journalier qu’un accident a privé d’un doigt de la main droite. Il gagne environ quarante sous par jour, avec lesquels il lui faut nourrir sa femme, ses quatre enfants, sa belle-mère, lui-même, en tout sept personnes. Claude a un neveu, Yves, orphelin de père et de mère, sujet depuis son enfance au terrible mal de l’épilepsie, et que son patron venait de renvoyer, après une crise plus violente que les autres. Qu’allait-il devenir ? Encouragé par sa femme et n’écoutant que son bon cœur, Claude Jagut oublie qu’il n’y a pas tous les jours dans la huche du pain de blé noir à discrétion. Yves est admis à partager, c’est-à-dire à diminuer la ration des autres. Cependant, on lui cherche de l’ouvrage mais il inspire une telle terreur que personne ne consent à l’employer. Des démarches tentées pour le placer dans un hospice demeurent sans résultat. La charité de l’oncle et de la tante ne se rebute pas, elle devait cependant être mise à une cruelle épreuve. Au mois de mai 1887, Yves eut une attaque en présence d’une de ses petites cousines. Quelques jours après, l’enfant mourait de la frayeur qu’elle avait ressentie. Malgré cela, les Jagut n’ont pu se décider à renvoyer leur malheureux neveu. Ils continuent à veiller sur lui avec la plus touchante sollicitude, afin qu’il n’aille pas errer seul sur les chemins sans protection et sans secours. L’Académie décerne à Claude Jagut un prix Montyon, de la valeur de 1,000 francs. J’ai presque achevé, Messieurs, ce tour de France où j’ai eu pour guide, de l’Océan aux Vosges, et de la Flandre aux Pyrénées, la Charité portant des récompenses à la Vertu. Avant de finir, je vous proposerai une excursion dans un faubourg de Paris.
Je n’ai pas encore eu l’occasion de vous le faire remarquer, mais ma conscience de rapporteur m’y oblige. À elle seule, la ville de Paris figure dans nos listes de cette année pour onze récompenses sur quatre-vingt-six. C’est plus du huitième du chiffre total. On n’osera plus, je l’espère, répéter après cela l’impertinente question « Où donc la vertu va-t-elle se nicher ? »
Écoutez plutôt mon histoire, j’allais presque dire mon idylle.
Amanda Meunier habite avec ses parents le quartier des Épinettes, aux Batignolles. Sa mère est toujours malade. Son père, ancien serrurier, est employé au balayage par l’édilité parisienne mais il est infirme et souvent incapable de se livrer à aucun travail. Les époux Meunier ont quatre enfants. Amanda l’aînée avait treize ans, lorsqu’elle fut signalée à l’attention de l’Académie. Elle avait résolument entrepris de faire marcher le ménage à elle toute seule et d’élever ses frère et sœurs. Au commencement, les voisins ne s’expliquaient pas comment une enfant si jeune pouvait suffire à un tel travail. On avait pitié d’elle quand on la voyait porter au lavoir municipal, et ployant sous le fardeau, le linge de la maison. Il s’en fallait de peu que le père et la mère ne fussent accusés de dureté. Bientôt, la vérité s’est fait jour. On a su que la courageuse fillette se substituait à ses parents toujours malades. Dans le quartier, on n’appelait plus Amanda que « la petite mère de famille ». C’est elle qui va étrenner comme on dit aux Batignolles le prix Lelevain, de la valeur de 1,000 francs.
Il nous a été doux d’apprendre qu’elle avait puisé dans les instructions et les habitudes religieuses de ses parents le secret de la piété filiale dont elle a si bien rempli les devoirs. La fille du pauvre balayeur des rues se trouve être aujourd’hui l’objet d’une rare distinction. À un âge où les autres doivent encore apprendre à bien faire, elle est proposée en modèle à la jeunesse de Paris et de la France entière. Elle voudra toute sa vie demeurer digne d’un si grand honneur. Nos prix ne peuvent pas se réitérer ; mais la considération qui s’y attache la suivra désormais à travers les vicissitudes de sa laborieuse existence. Elle lui sera une protection contre ses dangers et un perpétuel encouragement au milieu des épreuves dont elle a déjà fait l’apprentissage. La gloire précoce d’un prix de vertu la laissera simple, modeste, uniquement désireuse de justifier par sa conduite la décision de l’Académie, enfin toujours pénétrée de la plus vive reconnaissance envers le Dieu qui a si visiblement béni sa jeunesse.
Me voici arrivé, Messieurs, au terme de la tâche que vous m’aviez confiée. Dans une revue à la fois trop prolixe et trop sommaire, j’ai fait passer devant vous le long cortège de nos lauréats. Avant de prendre congé d’eux, je voudrais les réunir dans un tableau d’ensemble dont l’idée m’a été suggérée par le spectacle que vous aviez naguère sous les yeux.
Les visiteurs de notre Exposition ont pu étudier les uns après les autres, non seulement les chefs-d’œuvre de l’art ancien et moderne, les produits de l’industrie française et étrangère, les types les plus divers de toutes les nationalités et de toutes les civilisations, mais encore les rouages et les détails de nos services administratifs habilement assortis et classés.
Ainsi l’Instruction, la Guerre, la Marine avaient chacune leur pavillon distinct. On y avait rangé dans un ordre méthodique les travaux, les procédés, les inventions les plus propres à donner une connaissance complète des diverses fonctions de notre vie publique.
Or, au milieu de toutes ces manifestations du labeur humain, appliqué aux forces cachées de la nature ou mis au service de nos nécessités individuelles et sociales, mon imagination se représentait un édifice majestueux, assez semblable à celui que Raphaël a immortalisé dans sa fameuse fresque de l’École d’Athènes. C’était « le Palais de la Vertu ». Au lieu d’y montrer Platon et Aristote, Pythagore, Socrate, Empédocle, Zénon, poursuivant entre eux leurs sublimes entretiens sur les plus hauts problèmes de la science et de la philosophie, je réunissais devant le portique de mon temple idéal les représentants des vertus que M. de Montyon a voulu honorer par notre ministère. Les voilà, Messieurs, avec leurs grands cœurs, ces humbles et ces petits que l’inspiration magnanime d’un homme de bien tire un instant de leur obscurité et que l’Académie propose chaque année de sa part à l’admiration et à l’imitation de tous les Français.
Pour compléter le bienfait de cette vision cordiale, au centre de tous ces groupes, je dressais la statue de M. de Montyon ; et sur le socle du monument je gravais quelques lignes dans lesquelles je m’efforçais d’exprimer la pensée dominante de toute sa vie.
À qui toutefois, mieux qu’à lui-même, demander cette révélation de ses sentiments les plus intimes ? C’est donc lui qui va parler et je ne m’exposerai pas au risque de lui prêter un langage de fantaisie. Aussi bien, j’estime que ce sera le meilleur moyen d’en finir avec la légende trop longtemps accréditée d’un Montyon obéissant aux inspirations d’une philanthropie purement humanitaire, disciple plus ou moins naïf de la sensiblerie fade et prétentieuse qui était si fort de mode vers la un du siècle dernier.
Voici ce qu’écrivait, en 1796, M. de Montyon, alors âgé de cinquante-trois ans, mûri par l’expérience, exposant ses convictions les plus réfléchies, et résolu à dire avec la dernière netteté ce qui lui tenait le plus au cœur pour le bien de son pays :
« La religion est le grand bienfaiteur de l’humanité. C’est elle qui, en France, a fondé et doté tous les asiles ou verts à la misère et à la douleur. La religion est la seule morale du plus grand nombre des hommes et le complément de l’état social. Mais la religion chrétienne, et surtout la religion catholique, a des moyens particulièrement efficaces pour opérer le bonheur de la France. » Ici, M. de Montyon portait en quelques mots un jugement d’une rigoureuse équité sur les hommes qu’il avait vus à la tête des affaires depuis 1793. Il leur reprochait d’avoir fait du mépris de toute espèce de religion, et de leur haine spéciale pour la religion catholique, un instrument de règne et le point culminant de leur politique enfin, il ajoutait cette conclusion qui attend encore un démenti : « Tant que l’irréligion subsistera en France, il y existera un levain d’anarchie[7]. »
Aucun doute n’est donc possible sur l’idée directrice à laquelle M. de Montyon a subordonné sa vie et ses œuvres. Il n’est même pas besoin de faire intervenir les solennelles déclarations de son testament dont notre regretté confrère, M. Dufaure, rappelait devant vous en 1866, le touchant préambule. C’est bien à la religion issue de l’Evangile et représentée par l’Église catholique, et non à une morale sans dogmes et uniquement rationnelle, qu’il attribuait l’éclosion de ces vertus privées et sociales, de ces actes de charité et (i) de dévouement auxquels il lui avait semblé bon et patriotiquement utile de faire décerner par l’Académie des éloges et des encouragements.
Qui lui a donné raison ? Je le dis sans hésiter tout le monde ; mais surtout nos rapporteurs et nos lauréats. Les premiers ont vraiment créé une tradition dont je n’ai eu qu’à suivre les traces. Depuis l’institution de cette fête annuelle dédiée à la vertu, les représentants les plus divers de l’esprit français ont été les interprètes des intentions de M. de Montyon et des jugements de l’Académie. Orateurs politiques, historiens, critiques, poètes, auteurs dramatiques, publicistes, romanciers ont été appelés les uns après les autres à louer les bonnes actions auxquelles nous donnons des récompenses.
Or, quelles qu’aient pu être, en dehors de cette enceinte, les divergences de leurs opinions ou de leurs convictions, toutes les fois qu’ils ont voulu dire le pourquoi des vertus dont ils avaient à prononcer l’éloge et remonter jusqu’à leur principe générateur, ils ont franchi la région de la morale humaine et touché à ces hauteurs où la Charité et la Foi se rencontrent dans un éternel embrassement. Sous des formes très diverses, ici par des témoignages très explicites, là dans de nobles et involontaires aveux, leurs discours sont un saisissant commentaire des religieuses pensées de M. de Montyon[8].
Quant à nos lauréats, certes, ils n’ont jamais eu à aucun degré l’intention de dogmatiser, et cependant, eux aussi auraient le droit de s’approprier la fière parole de saint Paul : « Nous pouvons quelque chose pour la vérité[9]. »
Oui, qu’ils le sachent ou qu’ils l’ignorent, ils fournissent aux défenseurs de la saine philosophie et de la religion des arguments victorieux contre les doctrines, tantôt brutales, tantôt raffinées, dont la conclusion logique, si elles venaient à prévaloir, ferait de la vertu un non-sens, et de la mission qui nous a été confiée à son égard l’occupation la plus ridicule.
En effet, si tout est matière, force mécanique, illusion d’un idéalisme subjectif ; si ce monde n’obéit qu’à des lois fatales ; si la liberté, la conscience, le devoir, la responsabilité, avec leurs principes, leurs règles, leur sanction, ne sont que des formules vides de sens, il est bien clair qu’il n’y a dans les actions humaines ni mérite ni démérite. Il faut dire alors, et on l’a dit[10], que la vertu et le vice ne sont pas plus imputables à l’homme que la laideur ou la beauté, la santé ou la maladie.
Dans la logique d’un tel système, on fait le bien comme on a de beaux yeux et le méchant n’est qu’un infirme, auquel il serait absurde et inhumain de reprocher ses difformités.
Les bonnes actions ne sont donc pas seulement un bienfait pour les malheureux dont elles soulagent les misères et un honneur pour ceux qui les accomplissent. Elles portent encore avec elles une puissance de démonstration. Elles rendent témoignage des vérités tutélaires qui éclairent la conscience et expliquent ses efforts vers le bien absolu. Mieux que tous les arguments de l’école, elles prouvent la liberté, la spiritualité, l’immortalité de l’âme et l’existence d’un suprême rémunérateur.
Sans doute, nos «braves gens » comme les appelait un jour M. de Montalembert, ne savent rien des jeux d’esprit où se complaît le dilettantisme élégant pour lequel le oui elle non, le vrai et le faux, l’être et le néant ne sont que les évolutions diverses, et non contradictoires, des phénomènes de la pensée.
Ils trouveraient cruelle et de mauvais goût, s’ils pouvaient la comprendre, l’ironie de ces maîtres en l’art de jouir qui reprochent aux chrétiens de parler d’expiation, de pénitence, de renoncement, et, à cause de cela, leur jettent à la face l’accusation paradoxale de scepticisme et de haine inintelligente des lois fondamentales de la vie.
Quand nos humbles serviteurs de la vertu se dévouent, corps et âme, à soulager des misères abjectes, et à soigner, malgré les soulèvements de la nature, des plaies repoussantes et fétides ; lorsqu’ils s’enferment volontairement avec des mourants, afin de leur adoucir les angoisses de l’agonie, ou avec des morts auxquels ils rendent eux-mêmes les derniers devoirs, ils auraient peut-être le droit de demander si « le charme infini des choses » est une explication satisfaisante des mystères de ce monde, et un mobile assez puissant pour inspirer la miséricorde et le sacrifice à l’égard de tant d’êtres qui pleurent et qui souffrent « au milieu des sourires de la belle nature ».
Platon l’a dit excellemment dans son livre de la République : c’est avec toute son âme que l’homme doit s’élever de la vue des choses contingentes à la lumineuse contemplation de l’Être. Admirable dialectique dont les procédés ne séparent jamais des recherches spéculatives de l’intelligence les efforts méritoires auxquels la volonté préside. Voilà comment nos lauréats contribuent à la défense et à la diffusion de la vérité. Ils en sont, bien qu’à leur insu, l’apologie la plus saisissante et la plus populaire.
Quel honneur pour nous, Messieurs, d’avoir à recueillir chaque année et d’environner de la plus grande publicité ces témoignages si décisifs rendus par la vertu en action aux principes qui sont le fondement nécessaire de la dignité et du bonheur des hommes
À ce titre, et au moment de terminer ce discours, j’ose vous prier de me laisser franchir les limites dans lesquelles notre mission a été circonscrite par M. de Montyon.
En 1783, le prix de vertu, alors unique, était réservé aux seuls habitants de Paris. La fondation de i8ig l’étendit à la France et à ses colonies, mais pas au delà. Il ne nous est donc pas permis de sortir de nos frontières quand nous avons à déterminer l’emploi des revenus dont nous sommes les administrateurs. Mais la vertu n’est pas affaire de latitude ou de drapeau. Dès lors, il ne nous est pas interdit d’aller la saluer partout où elle se trouve et d’acclamer des actes sublimes, qui sont le patrimoine commun de l’humanité.
Il y a quelques mois, dans une des îles de l’archipel hawaïen, mourait un religieux belge.
Le Père Damien de Veuster, membre de la Congrégation française dite de Picpus, avait été envoyé en 1863 dans cette mission lointaine pour y prêcher l’Évangile. Dix ans après, un incident de ses courses apostoliques l’amenait à visiter une nombreuse population de lépreux internés par le gouvernement hawaïen dans l’île de Molokaï. Aussitôt, il sollicita de ses supérieurs comme une grâce et obtint d’eux l’autorisation de ne plus quitter les infortunées victimes de ce mal Implacable et hideux. Seize années durant, de 1873 à 1889, il lui fut donné de soigner sans relâche les corps qui tombaient en pourriture et les âmes dont il était le consolateur. Au témoignage des voyageurs de tous pays et de toute créance religieuse, ce digne imitateur du bon Samaritain avait changé en une sorte de paradis terrestre un coin de terre où régnaient avant lui le blasphème et le désespoir. Qui le croirait ? Plusieurs lépreux avaient déclaré qu’ils préféraient ne jamais guérir plutôt que d’être contraints à quitter Molokaï et ce ministre de Jésus-Christ auquel ils étaient redevables d’avoir retrouvé l’espérance, le courage et la paix. De son côté, le Père Damien écrivait à ses parents et amis d’Europe « qu’il était heureux et qu’aucune considération humaine ne pourrait jamais le décider à se séparer de ses malades »
Cependant, il n’ignorait pas de quel prix il lui faudrait un jour payer son dévouement. Il y a environ quatre ans, les premières taches révélatrices de la lèpre apparurent sur son visage. Il ne se fit aucune illusion. Il put suivre de mois en mois, de semaine en semaine, les progrès du chancre rongeur. Le mot de saint Paul « Je meurs chaque jour », devint pour lui une inexorable réalité. Les lambeaux de chair se détachaient les uns après les autres. Dans cet effondrement du corps, l’âme demeurait intrépide, et plein d’une sérénité toute surnaturelle, l’apôtre ne se relâchait d’aucune des obligations de son double ministère.
Enfin, le 15 avril 1889, après avoir échangé les suprêmes adieux avec les religieux, ses frères, accourus pour l’assister, le Père Damien consommait sa lente immolation et retournait au sein de Dieu.
Tandis que ses restes étaient déposés sous la vaste ramure de l’arbre océanien qui lui avait servi d’abri dans les commencements de son séjour à Molokaï, la nouvelle de sa mort, franchissant rapidement l’océan Pacifique et le continent américain, arrivait en Europe.
Plusieurs fois déjà, des explorateurs anglais avaient signalé à leurs compatriotes le drame dont les péripéties se déroulaient dans cette île perdue au milieu des flots. De généreuses aumônes avaient été recueillies à Londres et envoyées à l’aumônier des lépreux[11].
Le 18 juin, un comité se constituait à Marlborough-House, sous la présidence du prince de Galles. Après avoir fait, avec une sobre éloquence, l’éloge du prêtre catholique, l’héritier de la couronne d’Angleterre s’inscrivit en tête d’une souscription destinée, d’abord à élever à Molokaï un monument en souvenir du Père Damien, puis à créer dans la ville de Londres un hôpital pour les lépreux auquel le nom de l’intrépide missionnaire sera donné. L’Angleterre nous a devancés, Messieurs, et mon patriotisme serait tenté de lui porter envie. Mais qui nous empêche de nous associer à la démonstration dont elle a pris l’initiative ?
À ce mort, enseveli dans la triomphante horreur de sa lèpre, les hommes ne sauraient offrir aucune rémunération de son sacrifice. Il l’a déjà reçue de Celui qui a dit : « En vérité, ce que vous aurez fait au plus petit d’entre mes frères, c’est à moi-même que vous l’aurez fait. » Nous pouvons du moins exprimer très haut l’admiration que nous inspire la charité dont le Père Damien a été le héros et le martyr.
Oui, que là-bas, à cinq mille lieues de nous, à travers l’immensité des mers, les lépreux de Molokaï puissent dire Au jour où l’Académie, héritière des généreuses inspirations de M. de Montyon, rend à la vertu des honneurs publics, elle voulut bien ne pas oublier celui qui, aux dépens de sa vie, se fit notre ami, notre consolateur, notre père et elle délégua un des siens, un évêque, pour déposer sur sa tombe, comme une glorieuse couronne, l’hommage respectueux et profondément ému de la France.
[1] HORAT. Carmen sæculare.
[2] M. ALEXANDRE DUMAS. Rapport de 1877.
[3] J.-B. Rousseau, Épître au Père Brunoy.
[4] Sermon pour le second dimanche après Pâques, 1repartie.
[5] Ces prix de 500 francs sont décernés à Rose Accarie (Saint-Marcellin, Isère) ; Marie Beaucoural (Felletin, Creuse) ; Marie-Thérèse Bled (Coye, Oise) ; Jeanne Bret (Nîmes, Gard) ; Stéphanie Carré (Noyon, Oise) ; Anne d’Alvergne (Bagnols, Gard) ; Virginie Le Bret (Paris) ; Marguerite Louarn (Tréguier, Côtes-du-Nord) ; Marie Marquet (Saint-Germain-de-l’Herm, Puy-de-Dôme) ; Julie Mazuel (Paris) ; Clémence Olivier (Le Mans, Gironde) ; Laure Renou (Verdelais, Gironde) ; Augustine Stienne (Loos, Nord) ; Marie True (Marseille) ; Berthe Fèvre (Châtillon-sur-Seine, Côte-d’Or) : Rosalie Galaup (Marseille) ; Louise Garnier (Paris) ; Marie Guineheu (Dinard, Ille-et-Vilaine) Élise Hamard (Paris) ; Adèle Hazé (Paris) ; Marguerite Isnard (Grasse, Alpes-Maritimes) ; Marie-Reine Petit (Aix, Bouches-du-Rhône) ; Claudine Rongeat (Lucinges, Haute-Savoie) ; Jeannette Voisse (Lezoux, Puy-de-Dôme).
[6] Voici la liste des personnes auxquelles ces prix ont été attribués Marie-Claire Laxenaire (Saint-Michel-sur-Meurthe, Vosges), 1,500 francs, fondation Montyon ; Claudine Duthel (Saint-Cyr-de-Valorges, Loire), 1,000 francs, fondation Montyon ; Claude Jagut (Rieux, Morbihan), 1,000 francs, fondation Montyon.
Les vingt-sept prix de 500 francs de la fondation Camille Favre sont décernés à Marie-Joseph Archenoux (Hédé, Ille-et-Vilaine) Marie Bergougnoux (Marvejols, Lozère) ; Jeanne-Marie Boutet (Saint-André-des-Eaux, Loire-Inférieure) ; Émilie Bertin (Villeneuve-l’Archevêque, Yonne) ; Antoinette Branche (Ambierle, Loire) ; dame Carrias (Ennezat, Puy-de-Dôme) ; Marguerite Dode (Ceillac, Hautes-Alpes) Thérèse Goy (Saint-Sauves, Puyde-Dôme) Anaïs Gravier (Villars-Colmar, Basses-Alpes) ; Annette Henry (Saint-Michel, Haute-Marne) ; Victoire Humbert (Pithiviers, Loiret) ; Marie Lafon (Aurillac, Cantal) ; Suzanne Lanoë (Moncontour, Côtes-du-Nord) ; Marie Picot (Pontivy, Morbihan) Adèle Pruchaud (Paimbœuf, Loire-Inférieure) Gervaise Raynaud (Clermont-Ferrand, Puy-de-Dôme) ; Anna Roinet (Cerisy-BuIeux, Somme) ; Louise Roussel (Sainte-Anne, Meurthe-et-Moselle) dame Savary (Longues, Calvados) ; Maria Piou (Morlaix, Finistère) ; Séraphine Maurice (Paris) ; Marie Fèvre (Dampierre-en-Bresse, Saône-et-Loire) Clémence Maraton (Châteauroux, Indre) ; Anne Forme (aux Orres, Hautes-Alpes) ; Emmanuel Garcin (Morestel, Isère) ; Laurent Lutzwiller (Paris).
Les six prix de 300 francs de la fondation Marie Lasne sont attribués à Célina Delplanque (Villers-Châtel, Pas-de-Calais) ; Zulma Flour (Delettes, Pas-de-Calais) Marie Guibert (Maulevrier, Maine-et-Loire) Marie Soissons (Nantes, Loire-Inférieure) Marie Souyri (Lacaune, Tarn) Flore Thierry (Saint-Quentin, Aisne).
Le prix de 500 francs, provenant de l’Anonyme du avril, est donné à Apolline Cordier (Amiens, Somme)
Le prix Letellier (500 francs), à Brigitte Olivier (Quemperven, Côtes-du-Nord).
Le prix Émile Robin (1,000 francs) est décerné à Bathilde Lenert (Paris).
[7] M. AUGET DE MONTYON, Rapport à S. M. le roi Louis XVIII. Londres, 1796.
[8] Je renvoie au dernier chapitre du livre très intéressant écrit sur M. de Montyon, d’après des documents inédits, par M. FERNAND LABOUR (Paris, Hachette, 1880).
[9] II Cor., XIII, 8.
[10] A.-J. NAQUET, docteur en médecine (Religion, Propriété, Famille, 1869, in-18, p. 99).
[11] Je dois signaler ici en première ligne le recteur anglican de la paroisse de Saint-Luc à Londres, M. J.-B. Chapman, qui a écrit au Père Damien plusieurs lettres admirables et lui a fait tenir, en diverses fois, jusqu’à 2,625 livres sterling (65,625 francs).