Discours sur la Vertu
PRONONCÉ PAR
M. François SUREAU
Directeur de la séance
le jeudi 1er décembre 2022
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En matière de vertu, comme on sait, on parle plus volontiers de ce qu’on ne possède pas. L’hypocrisie n’est pas le seul hommage qui naisse du vice, le sermon et la propagande en viennent aussi. Ainsi Julien Green prétendait-il que les livres pieux étaient écrits par le diable. Les États despotiques invoquent la liberté, les peuples luxurieux la chasteté, les nations violentes le pacifisme. La vertu, c’est peut-être avant tout un regret, et ce regret prend toutes les formes que l’imagination, personnelle, religieuse ou politique, lui donne. Je ne m’attarderai pourtant pas au chapitre des coulpes et j’en viens à Montyon, cet avocat au Châtelet devenu conseiller d’État, puis intendant, et qui, pourvu d’une immense fortune, en fit don par testament aux déshérités et à l’Académie française, à charge pour elle de faire lire chaque année par l’un de ses membres « un discours qui contiendra l’éloge d’un acte de vertu ». J’avais pensé d’abord faire l’éloge d’une vertu rarement décrite, la fuite, le départ, selon la formule convenue qui veut que « le salut est dans la fuite ». C’est la fuite que recommande Arsène de Scété, dans les Apophtegmes des Pères, la fuite au désert, l’idéal de ces chartreux que, dans son Tableau de Paris, Louis-Sébastien Mercier proposait comme exemple à notre Compagnie. La vie de Montyon m’y incitait. Après tout, il avait bien fui à travers l’Europe pour y semer comme un capitaliste moderne les éléments de son immense fortune, de l’Angleterre à la Louisiane en passant par la Suisse et la Prusse. Il avait même publié, vers 1811, une description du Tonkin. Puis j’ai pensé au silence, la seconde vertu d’Arsène de Scété, qui le recommande juste après la fuite au désert. J’aurais pu fustiger notre temps si bavard, où personne ne s’accorde plus avec personne que dans une gigantesque cacophonie, où toutes les opinions se valent et où chacun se croit justifié de sermonner les autres sur le sens de l’existence et de la vie en société. L’éloge du silence m’aurait surtout permis de ne pas lasser votre patience, de me taire assez vite et de me rasseoir satisfait d’avoir prononcé le plus court et le plus énigmatique des discours sur la vertu. J’ai bien sûr le regret de cet acte des plus subversifs, mais par vertu je le fais taire, pour parler quand même de choses sérieuses.
Se livrant à ce même exercice, le 20 décembre 1934, Paul Valéry prête à M. de Montyon le souci de rappeler l’Académie française à la vocation que son fondateur lui avait assignée ; une vocation politique au sens large. Richelieu avait entendu, dit Valéry, « changer un cénacle d’écrivains en un corps de l’État ». Il n’est donc pas interdit de penser que Montyon, en s’attachant à la promotion de la vertu, ait voulu rappeler notre Compagnie à sa raison d’être, qui a trait à la vie profonde de ce pays que notre langue exprime ; à lui assigner une mission moins purement négative que celle de la défense de la langue, à laquelle les errements contemporains nous condamnent pourtant.
L’exercice n’est pas facile : la vertu, au sens privé, inquiète ou fait sourire et n’étant ni moraliste ni théologien, je ne m’aventurerai pas à en parler. La vertu, au sens public, elle, terrorise. C’est le mot dont la Révolution s’est enivrée, celui, dit Valéry, de la « dictature des abstractions dans le délire clair desquelles une foi toute vierge engage les esprits ». Il n’y a pas si longtemps que cette vertu s’incarnait pour nos contemporains dans les figures rêvées de Staline ou de Mao Tsé-toung. Arthur Koestler a décrit de manière définitive ces intellectuels qui défailliraient à la vue d’un chien crevé mais parviennent sans effort à justifier les massacres qu’ils ne seront jamais appelés à contempler au nom des chimères dont la poursuite justifie leur rôle public. À la fin, disait Orwell qui, lui, en avait vu, un charnier n’est qu’un charnier, et pas une étape dans l’avènement d’un monde meilleur. Laissons là la vertu majuscule, qui nous dépasse, nous accable et nous assassine.
La vertu dont je voudrais vous entretenir aujourd’hui est à mi-chemin entre l’espace privé et l’espace public. Il s’agit du courage. Peut-être n’y a-t-il pas de vertu sans courage. N’étant que médiocrement doué pour l’abstraction, je voudrais méditer avec vous sur le courage pris en quelque sorte à sa source, et peut-être en tirer quelques leçons pour le temps présent. J’ai choisi pour ce faire quatre figures du courage, afin qu’en les contemplant nous puissions nous faire une idée de ce que le courage demande. Je vous parlerai de Thomas More, d’Auguste Scheurer-Kestner, d’André Gide et de Jean Cavaillès.
Le courage physique, au moins sous sa forme militaire, est un composé indéfinissable où l’individuel se mêle au collectif dans des proportions difficiles à déterminer, qui ne sont jamais les mêmes pour chacun et d’ailleurs varient au gré des circonstances. La solitude ne revient qu’avec le choc, la blessure, qui font passer d’un coup au-delà du courage immédiat, dans le domaine obscur et douloureux des conséquences, où désormais la patience, et non l’acte décisif, tient la première place. Dans le courage moral, c’est au contraire l’impression de grande solitude qui frappe. J’en connais peu d’exemples aussi frappant que celui de Thomas More, emprisonné à la Tour de Londres pour n’avoir pas accepté les évolutions conjugales d’Henry VIII. Encore faut-il s’entendre sur ce qu’il n’accepte pas. Juriste, lorsqu’il a comparu, il s’est continûment refusé à ce qu’on appellerait aujourd’hui une défense de rupture et n’a cessé de protester de son obéissance au roi. Quant à la soumission à Rome, bien qu’opposé au luthéranisme, elle prenait chez lui des formes complexes d’où l’esprit insulaire n’était pas absent. Que défend-il à la fin ? (ses contemporains les mieux intentionnés se le sont demandé – je ne parle pas de ses juges bien sûr, heureux de condamner pour plaire, au prince ou à l’opinion, ce qui est souvent le cas des juges – et cette énigme, assumée par lui, l’a rendu encore plus seul). On ne peut être absolument sûr que ceux qui partageaient son refus, l’évêque Fisher, les chartreux de Tyburn, en partageaient toutes les raisons. L’impossibilité pour lui de prêter l’un après l’autre deux serments contradictoires, le premier au roi en tant que roi, le second au roi en tant que chef de l’église d’Angleterre ; son hostilité, que l’on peut aujourd’hui juger prophétique, à voir réunis dans une seule main le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel. Entré à la Tour le 17 avril 1534, par une porte qu’on appelle « la porte des traîtres », Thomas More s’y trouve absolument seul. Érasme se tait, son ami Tunstall a signé le serment ainsi que William Roper, son gendre, qui poursuit sa carrière au Parlement. Il n’est pas sûr que sa fille tant aimée le comprenne (et les historiens débattent encore de la portée d’une lettre où il paraît répondre à une demande venue d’elle de se soumettre et de signer aussi). À l’automne, il affronte, de manière pénible, lady Alice sa femme qui lui reproche son obstination : « Je me demande au nom de Dieu ce que vous pouvez avoir en tête pour languir ici ». À quoi More répond, de cet air joyeux qui était dans sa manière : « Dis-moi une chose, Alice, cette maison-ci n’est-elle pas aussi proche du ciel que la mienne ? » Mais on sait par ses lettres qu’il avait peur du supplice et de la mort. (Le crime de haute trahison était puni par la pendaison, mais pas jusqu’à la mort, l’éviscération encore vivant, et le découpage en morceaux – hanged, drawn and quartered – ce à quoi seule la grâce royale pouvait faire obstacle.) C’est alors qu’il écrit le célèbre « Dialogue du réconfort », où il fait apparaître dans sa cellule, comme pour remplacer ses amis absents, un maître et son disciple engagés dans un dialogue platonicien. Il restera seul jusqu’au bout. Son humour ne l’abandonnera pas, et l’on sait qu’en montant à l’échafaud il demandera l’aide du lieutenant de la Tour en ces termes : « Merci de m’aider à monter. Pour la descente, je me débrouillerai tout seul. »
Avec la solitude vient la conscience de se placer à l’écart de l’opinion commune, conscience d’autant plus aiguë que l’on n’est pas un rebelle ou un anarchiste. Voici Auguste Scheurer-Kestner au début de l’affaire Dreyfus. C’est une figure assez admirable qui mérite qu’on s’y attache. Ce qui est singulier ici, c’est qu’au moment où il prend conscience de ce qui est en jeu, l’opinion n’est pas encore mobilisée. Nous n’en sommes pas à la célèbre tablée de Caran d’Ache, moins encore au surprenant retournement du prince de Guermantes à la fin de la Recherche. Nous sommes avant le « on n’en ferait pas autant pour un pauvre » de la gauche, avant la dénonciation du syndicat juif d’un côté, des déclarations de France, Bérard et Péguy de l’autre. Si la culpabilité du capitaine Dreyfus ne fait pas de doute, c’est seulement aux yeux d’un petit groupe de hiérarques, militaires et civils. Ceux qui comme nous connaissent la fin de l’histoire, ici comme en 1940, n’ont aucun mal à se représenter le courage. Mais au début de l’histoire, souvenons-nous en, il n’y a qu’indécision, que ténèbres. Scheurer-Kestner n’avait rien à gagner. Il n’était tenu par aucune solidarité ni par aucun intérêt personnel, direct ou indirect. Il n’était ni juif comme Blum ou Bernard Lazare, ni politique comme Clemenceau, ni défenseur professionnel comme Labori ou Demange, ni frère comme Mathieu, ni intellectuel comme Zola. Ce n’est pas à dire que les actions de ces derniers puissent être réputées avoir été guidées par autre chose que le sens de la justice ; mais Scheurer, comme Picquart ou Victor Bérard, présente une physionomie différente du courage. Au moment où Leblois, avocat de Picquart, vient exposer ses scrupules, parce que Picquart lui a, pour le dire vite, tout révélé, les forgeries et les mensonges, Auguste Scheurer-Kestner est une personnalité à la réputation considérable. Député protestataire d’Alsace, il est en 1875, en qualité de sénateur inamovible, le dernier représentant de cette province perdue au Parlement. Protestant, ancien ami de Gambetta, lié par des liens de famille à Jules Ferry, premier vice-président du Sénat, il est l’une des grandes autorités morales de la République. Et ce qui est singulier, c’est qu’il va engager cette autorité morale dans sa totalité, mais sur sa parole seule. Il ne parvient pas en effet à décider Leblois à obtenir de Picquart qu’il parle publiquement. Ce qu’il sait, il ne peut donc pas le dire. Il faut qu’on le croie sur parole. La lecture de la correspondance de Scheurer-Kestner et de Leblois est saisissante, par le style, par les scrupules, par l’honnêteté. Scheurer-Kestner rédige pour lui-même, sur le papier à en-tête du Cercle de l’Opéra, un court mémoire où l’indignation s’exprime en termes simples : « Le ministère a défendu la condamnation de Dreyfus en novembre 1896, en le sachant innocent. » Dînant à l’Élysée, il dit à la fille de Félix Faure, parce qu’il le savait : « J’ai le cœur gros, c’est une histoire atroce, le capitaine Dreyfus est innocent. » Il prend son bâton de pèlerin, et c’est, écrit Bredin, l’un des événements décisifs de l’affaire Dreyfus.
Au moment où Scheurer s’engage, il n’a pas à affronter les puissantes forces antagonistes que l’affaire verra s’organiser ensuite. Il en va tout autrement d’André Gide à deux moments essentiels de sa vie publique, après le voyage au Congo, et surtout après le voyage en U.R.S.S. Communiste à l’époque, il part pour Moscou en 1936, mais en écrivain, c’est-à-dire, pour lui, en psychologue. Il soutient le Front populaire, dont son ami Léon Blum dirige le gouvernement. Mais seule la vie de l’esprit l’intéresse, et s’il part chez les Soviets, c’est animé par l’espoir d’y découvrir la fabrique de l’homme nouveau. Pour mesurer son courage ultérieur, il faut se souvenir de la grandeur de l’accueil qui lui est fait. Le bourgeois précautionneux décrit par Cravan, l’esthète, le châtelain de Cuverville, l’écrivain des amours interdites est fêté comme un dieu prolétarien des lettres. Pour finir, c’est sur la place Rouge qu’il prononce l’oraison funèbre de Maxime Gorki, entouré par Staline, Molotov et Mikoyan. Mais lui qui sait voir a vu, et ne cachera pas ce qu’il a vu : « dictature, évidemment ; mais celle d’un homme, non plus celle des prolétaires, des soviets. Il importe de ne point se leurrer, et force est de reconnaître tout net : ce n’est point là ce qu’on voulait. Un pas de plus et nous dirons même : c’est exactement ceci que l’on ne voulait pas ». Après quoi ni rien ni personne ne le feront dévier. Ni ses amis communistes, Nizan, Rolland, Groethuysen, qui lui demandent de surseoir à la parution de son livre. Ni le gouvernement des soviets, qui, pour le dissuader de le publier, fait passer dans la Pravda un article où il est question d’un jeune garçon envoyé en Sibérie pour avoir entretenu avec Gide, pendant son séjour, un commerce illicite. Cette haine-là durera jusqu’à la fin, L’Humanité stigmatisant le jour de sa mort, je cite, le fasciste pédéraste, le plus parfait apôtre de la décomposition de l’homme, le cadavre qui vient de mourir.
C’est en lui-même, dans la fidélité à soi-même, que Gide avait trouvé le courage de dire après avoir vu, donnant un exemple – c’est un euphémisme – rare non seulement à l’époque, mais dans le demi-siècle qui a suivi. S’il a oublié là son intérêt, il ne s’était pas oublié lui-même. Une étape plus loin, sur ce chemin, nous rencontrons le courage de Jean Cavaillès, tout entier fondé sur l’oubli de soi. La simple logique lui semblait préférable. « Toute la sottise malfaisante de l’heure est à base de sophismes, écrit-il. La morale c’est la rectitude du raisonnement. » Et c’est bien dans sa rigueur logique que Georges Canguilhem a pu trouver l’unité de Cavaillès philosophe et de Cavaillès résistant, l’unité d’un homme qui ne s’intéressait guère à la politique, y compris, dans les heures les plus sombres, au programme politique du mouvement auquel il appartenait et qu’il a plus qu’un autre servi. Officier de 40 cité au feu pour son courage, résistant dès la défaite, fondateur en 41 de Libération avec d’Astier, il se dépense inlassablement et prend les plus grands risques. Arrêté en 1942, il s’évade de la prison de Montpellier, où il avait jeté les bases de son « Traité de logique ». Repris en 1943 après un voyage à Londres, il est incarcéré à Fresnes et ses ennemis, juges et policiers français, l’interrogent : « Pourquoi vous, professeur, intellectuel de grande classe, êtes-vous devenu agent de renseignement et chef de saboteurs ? » Sa réponse nous surprend parce qu’elle ne fait aucune part à ces grandes idées dont se nourrissent, pour le meilleur et pour le pire, les affrontements publics : « Je suis officier, fils d’officier. Je continue la guerre avec les moyens à ma portée. Le reste, la politique ne m’intéresse pas. » Rien bien sûr non plus sur sa foi religieuse, sur sa confession protestante. Puis il disparaît. On le croit à Drancy, à Compiègne, dans un camp de déportés. C’est à la Libération qu’on bute sur son cadavre, en découvrant qu’il a été exécuté en janvier 1944 dans le Pas-de-Calais, devenant pour jamais « l’inconnu n° 5 » du cimetière d’Arras. Sur cet effacement les plus grands contemporains ont médité, comme Aron qui disait : « Il aurait pu servir davantage, il n’aurait pu valoir davantage. » Et Canguilhem de prononcer ces paroles où la pique finale est sensible : « Cette philosophie d’où Jean Cavaillès est radicalement absent a commandé une forme d’action qui l’a conduit, par les chemins serrés de la logique jusqu’à ce passage d’où l’on ne revient pas […]. Que les philosophes de l’existence et de la personne fassent aussi bien la prochaine fois, s’ils le peuvent. »
J’essaye d’imaginer ces quatre hommes au moment de la décision qui va engager leur vie. Contrairement à l’acte d’espérance ou à l’acte de contrition de notre enfance, l’acte de courage n’est pas facilement discernable. Il paraît se dérober au temps. Je me représente le décor de ces moments insaisissables, dans la composition de lieu chère au vieil Ignace. J’essaye de voir Thomas More dans la Tour, corbeaux à sa fenêtre, si loin de son jardin de Chelsea où l’on abordait en barque ; Scheurer-Kestner saisi par le doute, puis par la certitude, dans un Paris de suie, de danseuses et de velours frappé ; Gide revenant « au Vaneau », comme on disait, hanté par le souvenir d’une immense imposture ; Cavaillès, officier battu, ôtant l’uniforme de la défaite pour reprendre la route qui devait le conduire à la mort.
Ces destinées nous donnent d’abord un avertissement, pour peu qu’on les prenne à rebours. Se fier exclusivement aux pensées des autres, suivre le courant de l’opinion, se laisser impressionner par les forces antagonistes, se préférer enfin, et sacrifier l’essentiel au désir d’être vu, compris, aimé, y compris en exhibant son âme, et le courage s’évapore comme une buée sur une vitre, et avec lui la vertu. En hébreu je crois, le même mot désigne la buée et la vanité. Aussi voyons-nous assez bien ce qui nous menace dans les temps où nous sommes. Mais nos quatre héros nous obligent à méditer aussi sur ce qui les unit, et qui a trait à un sentiment intérieur du bien que nous puissions considérer comme universel.
Il est une autre leçon encore, à un moment de notre histoire où, si les institutions demeurent, l’esprit de la politique qui les animait tend à s’effacer. Mais au fond, ni More, ni Scheurer-Kestner, ni Gide, ni Cavaillès ne se sont vraiment souciés de politique. C’est à autre chose qu’ils pensaient, et qu’ils ont dû leur courage. Une âme librement inclinée vers le bien, peut-être, puisque je n’ai pas d’autre mot. Nous parlant ici-même en l’honneur de Pierre Messmer, Michel Zink a montré comment le mot de courage venait du mot cœur de l’ancien français, un cœur où l’on sait que l’Orient spirituel plaçait notre être le plus profond. Cavaillès pour lui se disait spinoziste. Il jugeait lui aussi que la volonté et l’entendement sont une seule et même chose et a commenté cette scolie : « Les citoyens doivent être gouvernés et dirigés, non pour être des esclaves, mais pour faire librement le meilleur. » Au départ de ces aventures, il y a la solitude, l’obscurité, l’impossibilité de prévoir les conséquences pour soi et pour les autres. Le courage est un saut dans l’inconnu, fait à la lumière incertaine d’une lanterne sourde. Il n’y a plus de prophètes, plus de dogmes, plus de panneaux indicateurs, seulement l’exemple de ceux qui nous ont précédés sur un chemin qui n’en finit pas, dans une pérégrination où s’exprime le meilleur de nous-mêmes. Ceux qui s’y engagent de nos jours, comme nos amis en leur temps, nous ne les connaissons pas. Ils restent pour l’instant invisibles. Certains sont assis aujourd’hui parmi nous. Un jour viendra où l’un de mes successeurs se lèvera pour prononcer leur éloge.