Réponse de M. Silvestre de Sacy
au discours de M. de Montagny
DISCOURS PRONONCÉ DANS LA SÉANCE PUBLIQUE
le jeudi 10 mars 1870
PARIS PALAIS DE L'INSTITUT
Monsieur,
L’Académie ne s’est pas trompée en vous choisissant pour succéder à M. Berryer. Quel autre aurait mieux peint que vous la vie de votre illustre prédécesseur ? Ne fallait-il pas la fidélité de votre plume d’historien, jointe à la juste émotion de votre cœur, pour ranimer, sous nos yeux, comme vous venez de le faire, le défenseur toujours prêt du droit et de la justice devant les tribunaux, l’orateur éloquent d’une grande cause politique à la tribune, l’homme aimable et bon dans cette retraite d’Augerville où M. Berryer a voulu mourir après y avoir passé les jours les meilleurs de sa vie, le chrétien demeuré fidèle à sa croyance, au milieu même des illusions de la jeunesse et du plaisir, et y puisant à la fin cette pieuse et ferme résignation qui est le seul courage vrai devant la mort ?
Heureuse la mémoire de M. Berryer d’avoir reçu ce solennel hommage d’une bouche aussi impartiale que la vôtre, Monsieur ! N’ayant été ni l’ami ni l’adversaire de M. Berryer dans nos trop longues luttes, on ne vous soupçonnera pas d’avoir voulu, en exagérant son éloge, glorifier tout un parti dans un homme, ou vous montrer vous-même supérieur aux rancunes de la politique. Si quelqu’un pouvait essayer de se placer dès à présent, au point de vue de la postérité, chose bien difficile ! c’était vous. Il est permis de croire qu’en devançant son jugement, vous l’aurez préparé, et que le Berryer des temps à venir sera celui dont vous nous avez retracé l’image sous ces traits heureux et choisis qui fixent la ressemblance, et lui donnent quelque chose de plus vrai, on le dirait du moins, que la vérité même.
Je n’ai pas eu le même bonheur que vous, Monsieur. Mon obscurité, bien plus grande que la vôtre, ne m’a pas préservé des orages, ou du moins, des émotions de la politique. Dès ma première jeunesse, les journaux qui offraient un champ libre à ma passion d’écrire et de défendre la cause que je croyais la meilleure, se sont emparés de ma vie, et plus d’une fois, à mon humble place de journaliste, j’ai ressenti jusqu’au fond du cœur les coups que M. Berryer adressait à des têtes plus hautes que la mienne. Mais si vous avez sur moi l’avantage d’une constante impartialité, j’en ai un sur vous qui n’est pas médiocre : j’ai vu M. Berryer, je l’ai entendu bien souvent lui-même, en personne, sur le double théâtre ou tant de victoires, et des défaites aussi glorieuses que des victoires, ont illustré son éloquence, au barreau et à la tribune. Je défie qui n’a pas vu M. Berryer enfanter, pour ainsi dire, un discours sous l’inspiration du moment, qui, n’a pas eu les oreilles charmées de sa voix, les yeux fascinés par ses gestes, l’âme troublée par l’accent de ses paroles, de se rendre compte, à la simple lecture d’une sténographie morte, des prodigieux effets oratoires dont nous avons été les témoins. On n’imagine pas ce que devenait une phrase, un mot, un cri dans la bouche de M. Berryer !
Me pardonnera-t-on de placer ici un souvenir tout personnel ? J’assistais pour la première fois, et bien jeune encore, à une plaidoirie de M. Berryer. Il s’en fallait de plusieurs années qu’il n’eût atteint l’âge qui devait lui ouvrir la tribune ; mais déjà l’honneur qu’il avait eu de partager la défense du maréchal Ney avec M. Dupin, et d’arracher, tout royaliste qu’il était, le général Cambronne à une justice réactionnaire ; l’originalité et la distinction de son talent, d’éclatants succès dans un grand nombre de causes civiles et criminelles, lui donnaient parmi les avocats le rang d’un orateur de premier ordre. Ce jour-là, c’était pour un vieux royaliste, M. Michaud, attaqué sourdement par un ministère royaliste, celui de M. de Villèle, dans sa position de rédacteur en chef du plus ancien et du plus fervent des journaux royalistes, la Quotidienne, que devait plaider l’avocat royaliste par excellence, M. Berryer. En attendant le jugement du fond, on disputait à M. Michaud jusqu’au droit de conserver provisoirement ses fonctions de rédacteur en chef.
Une foule immense, de tous les partis, de tous les âges, se pressait autour de l’avocat et devant les banquettes vénérées de la cour royale ayant à sa tête le magistrat en qui elle semblait se personnifier tout entière, M. Séguier. Quel spectacle et quelle attente ! Au moment où je vous parle, Monsieur, le temps s’efface, mes souvenirs raniment toute cette scène ; je vois M. Berryer, sa noble tête, ses yeux pleins de feu ; je l’entends, après avoir rappelé tout ce qu’avait souffert pendant la révolution M. Michaud emprisonné, proscrit, menacé de mort pour la cause royaliste, s’écrier, Dieu sait de quel accent, ou plutôt de quelle âme : Et personne alors ne lui disputait le provisoire ! Pensez, Monsieur, si nous applaudissions !
Est-ce en moi cette illusion naturelle qui nous fait toujours prendre pour le temps le plus beau celui où nous étions le plus jeunes ? Mais comme il me semble qu’alors le soleil avait plus d’éclat, le printemps plus de grâce et de fraîcheur ; il me semble aussi que partout, dans les salons, dans le monde des arts et des lettres, au théâtre, au barreau, et jusque dans la chaire chrétienne, se faisait sentir une vie, un entrain, une chaleur que je cherche et que je ne retrouve pas. Je parle du barreau. Que de noms se pressent dans ma mémoire à côté de celui de M. Berryer ! Dupin aîné, Philippe Dupin, Barthe, Delangle, Manguin, Rennequin et mille autres ! Je ne veux nommer que ceux qui ne sont plus. Les procès politiques avaient la vogue alors. Le public accourait aux audiences solennelles, remplissait la cour d’assises, encombrait la police correctionnelle. Il était dit que tous les partis auraient leur tour devant les tribunaux. Le parti libéral y comparaissait dans la personne de Béranger, de Paul-Louis Courier, de Benjamin Constant. O temps d’innocence et de candeur ! Ce que l’on qualifiait d’excès alors, ce que la justice condamnait rigoureusement, effleurerait à peine maintenant notre sensibilité endurcie. Dans cette moisson de prévenus auxquels la noblesse et le clergé fournissaient leur contingent, M. Berryer avait pour sa part l’abbé de Lamennais, M. de Chateaubriand. Il devait en avoir bien d’autres lorsque tant de révolutions l’eurent refoulé, lui, l’homme d’un principe immuable, dans une opposition permanente où il était sûr de rencontrer, tôt ou tard, comme vaincus et comme clients, ceux qu’il avait le plus attaqués comme adversaires et comme vainqueurs. Rôle d’avocat et d’homme de parti, si l’on veut, mais que M. Berryer remplissait avec un zèle et un talent que l’âge même n’a pas refroidis ; et plût à Dieu que dans ce siècle où les passions politiques ont si souvent fait couler un sang généreux, il se fût toujours trouvé un Berryer pour faire prévaloir l’humanité devant la justice et conserver à la patrie tant d’hommes capables de l’honorer par leurs talents et leurs vertus dans les jours de tranquillité, de la sauver par leur courage dans les jours de péril !
C’était encore une cause, une grande cause, que M. Berryer devait défendre à la tribune avec un courage qui n’a jamais faibli, une éloquence qui ne s’est jamais lassée, du jour où l’âge lui eût enfin ouvert les portes de nos assemblées politiques jusqu’à celui où il a quitté ce monde. Je me garderai bien de refaire après vous, Monsieur, le tableau de la vie politique et parlementaire de M. Berryer. Que pourrais-je y ajouter que quelques réserves peut-être ? et je me les reprocherais dans un jour surtout comme celui-ci. Je craindrais que le grand orateur ne soulevât la pierre de son tombeau pour me demander de quel droit je réveille des discussions éteintes, et j’impute à sa mémoire ce qu’il ne faut imputer qu’aux événements mêmes qu’il avait tout fait pour prévenir ! Ne me dirait-il pas que, sans le défi jeté à toutes ses convictions par la révolution de juillet, sans la plaie inguérissable faite à son cœur par la chute du trône légitime, la royauté, la liberté, l’honneur national n’auraient pas eu, pour les défendre, de bouche plus éloquente que la sienne, d’ami plus sage pour les concilier ? Ah ! qu’il est triste de vivre dans un siècle d’instabilité ! M. Berryer se doutait-il, lorsqu’en 1830 il entrait dans cette chambre si longtemps fermée à son impatience royaliste et qu’il y prononçait contre la fameuse adresse des deux cent vingt et un discours qui le plaça du premier coup parmi les puissants de la parole, qu’il n’en prononcerait pas d’autre sous le règne de Charles X, et que ce discours serait comme l’oraison funèbre de cette restauration qu’il aimait tant ?
Avec la royauté légitime, la seule du moins dont M. Berryer pût reconnaître la légitimité, tombaient toutes les espérances et ce qu’il a lui-même appelé tous les rêves de sa vie. Une noble fatalité l’enchaînait à l’opposition. Lié d’esprit et de cœur à un principe absolu qu’il avait embrassé dès sa jeunesse comme l’unique asile de l’ordre et de la liberté, la logique et la passion ne voulaient-elles pas qu’il ne vit dans le triomphe d’un autre principe qu’anarchie et que désordre, et qu’il combattît même, avec toute l’ardeur d’un croyant, ceux dont les efforts courageux tentèrent d’en faire sortir autre chose ? Voilà comment l’homme de la monarchie a pu quelquefois, sans se démentir et par une conséquence même de sa fidélité, parler et voter avec les partis les moins monarchiques. Position délicate, et dont M. Berryer seul était capable de surmonter les difficultés. Quand on parcourt tout ce qu’il a laissé de discours dans nos annales parlementaires pendant une si longue carrière, on peut quelquefois le trouver passionné jusqu’à l’injustice ; il est impossible de ne pas admirer son courage, sa persévérance, et la prodigieuse variété des formes sous lesquelles il ramène son auditoire et revient lui-même à une conclusion qui ne varie pas. Politique étrangère et politique intérieure, questions de finances, d’administration et de législation civile, tout lui est propre, tout semble lui être familier, tout devient entre ses mains une arme de combat. Son isolement même fait sa force et l’investit d’une sorte d’inviolabilité : il est roi à la tribune par le droit de la défaite et du malheur, comme il l’est par son éloquence. Quelles luttes ! et avec quels hommes M. Berryer n’a-t-il pas eu à se mesurer, de la monarchie de 1830 à la république de 1848, et de celle-ci jusqu’à l’avant-dernière session du Corps législatif ! La postérité seule assignera à chacun le rang qu’il doit avoir. Tout ce que je sais, c’est que M. Berryer n’aurait pas été si grand s’il n’avait pas eu affaire à des adversaires aussi grands que lui.
De toutes les choses qui peuvent combler les désirs d’un noble cœur, qu’a-t-il donc manqué à M. Berryer, si ce n’est le pouvoir, et faut-il l’en plaindre ? N’est-ce pas plutôt son honneur ? L’avouerai-je cependant, Monsieur ? Je suis de ceux qui le regrettent : je le regrette pour la France, qui n’a pas trop, dans les jours difficiles qu’elle traverse depuis si longtemps, de tout ce que la Providence fait naître dans son sein d’âmes capables de porter le poids du gouvernement ; je le regrette pour M. Berryer, dont le caractère et le talent n’auraient pu que grandir encore dans la grandeur des devoirs qui lui auraient été imposés. On l’a bien vu en 1848 ! À cette époque où le péril public ralliait les honnêtes gens de tous les partis et appelait tous les bons citoyens sur la brèche, M. Berryer se surpassa lui-même. Quel auxiliaire l’autorité, toujours plus ou moins menacée chez nous, n’aurait-elle pas trouvé en lui ! L’accuserait-on aujourd’hui d’avoir été un ambitieux ? Puéril reproche ! Qu’y a-t-il de plus légitime dans les gouvernements libres que l’ambition du pouvoir, ne fût-ce que comme contre-poids nécessaire à l’ambition de la popularité ? N’oserait-on le louer de son désintéressement ? Et pourquoi donc ? Ne voyons-nous pas, assis modestement parmi nous, un homme qui a eu pendant des années le pouvoir entre les mains, qui l’a exercé avec éclat, et dont les plus désintéressés auront toujours bien de la peine à égaler le désintéressement ?
Peut-être, il est vrai, M. Berryer n’aurait-il pas eu des funérailles aussi populaires ; tous les partis ne seraient pas venus déposer leurs hommages sur sa tombe ; cela ne s’est jamais vu pour un ministre, pas même pour un ministre ayant depuis longtemps cessé de l’être. Peut-être, dans un jour de délire, une foule aveugle l’eût-elle poursuivi de ses cris injurieux ; mais qu’importe ? On n’en a pas moins un nom immortel dans l’histoire, et la renommée de M. Berryer n’eût pas souffert d’être placée dans l’avenir à côté de celle de tant d’hommes d’État illustres, des de Witt, par exemple, dont la vie ne serait pas si glorieuse sans l’injustice populaire qui en a consacré la fin !
Comme moi, sans doute, Monsieur, vous avez souvent entendu faire une dernière question. De sa gloire même d’orateur, de cette gloire si chèrement payée et si noblement acquise par toute une vie de dévouement et de travail, que restera-t-il à M. Berryer ? Soyons justes : que reste-t-il à Mirabeau de la sienne ? Son nom est dans toutes les bouches ; il l’a gravé sur le roc inébranlable de la révolution française. Relit-on ses discours comme on relit les oraisons funèbres et les sermons de Bossuet ? De tant d’orateurs qui ont brillé dans cette Athènes et dans cette Rome, où l’on ne connaissait que deux moyens de s’élever au-dessus de la foule, la guerre et la parole, combien y en a-t-il dont il nous soit parvenu autre chose que les noms ? Eux, cependant, le temps ne leur manquait pas pour choisir leurs mots, et composer leurs périodes selon toutes les règles de l’art. Demandez donc à l’orateur moderne, au milieu des occupations qui le pressent, de s’attacher à ces minutieuses études de style ! Et sans le style, pas d’avenir ! Je soupçonne que Démosthène et Cicéron eux-mêmes, s’ils n’avaient eu qu’une heure pour corriger le soir leurs improvisations du matin, ne nous auraient pas laissé ces fameuses oraisons qui seront le type éternel de l’éloquence politique et judiciaire.
Immortaliser ses œuvres, c’est le comble de la gloire. Immortaliser son nom, c’est encore une gloire immense. Dès à présent, celle-ci est acquise à M. Berryer. Dans l’histoire de la tribune française, son nom figurera à jamais parmi les plus grands.
Vous avez peint l’homme, Monsieur. Un mot sur l’académicien pour compléter le portrait. M. Berryer aurait pu s’autoriser de son âge, de ses occupations, de sa renommée même pour négliger un peu les modestes séances de l’Académie. S’il n’y était pas toujours, il y était souvent, il paraissait y être avec plaisir, et apportait au milieu de nous, avec une grâce et une cordialité charmantes, un esprit fin, un goût juste et sûr. Ce grand orateur, qui disait de lui-même avec une bonhomie qui aurait désarmé la critique, quand cela eût été aussi vrai que cela était faux, qu’il ne, savait ni lire ni écrire, n’était étranger à aucune des délicatesses de la langue ; il en distinguait toutes les nuances, en sentait toutes les difficultés, et aidait les plus habiles à en résoudre les problèmes. L’aimable simplicité de ses manières allait au cœur. Si l’on ne voulait pas aimer M. Berryer, il fallait ne le pas voir. Dès qu’on l’avait vu, on l’aimait. Vous-même, Monsieur, qui ne l’avez guère connu que sur ouï-dire, le charme ne vous a-t-il pas gagné en étudiant sa mémoire ? Vous avez causé avec ceux qui l’aimaient et vous l’avez aimé. Homme d’un parti exclusif, M. Berryer a eu des adversaires dans tous les partis qui n’étaient pas le sien ; des ennemis, jamais ! Ce mot ne suffirait-il pas à son éloge ?
Vous aussi, Monsieur, permettez-moi de vous le dire en face, vous êtes un homme de parti. Vos œuvres portent toutes l’empreinte profonde du parti dont vous êtes ; mais, plus heureux que M. Berryer, votre parti est celui d’une légitimité contre laquelle aucune révolution ne prévaudra jamais, la légitimité de la foi chrétienne ! Oui, Monsieur, vous êtes chrétien toujours, partout, avant tout. C’est votre honneur, votre mérite, et le trait caractéristique qui frappe d’abord quand on lit tout ce qui est sorti de votre plume.
N’est-ce pas cette pieuse tendance de votre esprit qui vous a fait choisir depuis tant d’années, pour le sujet de vos études, l’histoire de l’empire romain, depuis César et Auguste jusqu’à Constantin ? Là, en effet, à côté du monde antique qui s’affaisse et s’écroule presque également sous les bons et sous les mauvais empereurs, vous rencontriez le christianisme qui s’élève et se propage avec une rapidité inouïe. D’une part, rien n’arrêtera la décadence, ni le génie militaire et les exploits d’un Trajan, ni l’habileté diplomatique d’un Adrien, ni les douces vertus et la haute sagesse d’un Antonin et d’un Marc-Aurèle. La proie est déjà prête pour les barbares. Rome est promise à ces hommes du Nord qui s’avancent pour la dévorer. De l’autre, rien ne ralentira le progrès. Aucune persécution, aucune violence, n’empêchera le christianisme de s’étendre et de multiplier ses conquêtes. Il se propagera dans la paix par le prosélytisme d’une libre prédication, et plus encore par la sainte contagion de ses vertus et de ses mœurs ; dans la persécution par le sang de ses martyrs et par l’héroïque fermeté de leur exemple. Les barbares eux-mêmes deviendront sa proie. Que d’abaissement et que de gloire ! Quels abîmes de corruption et de vices ! Quels prodiges de pureté et de vertu ! Que de ruines, et, sur ces ruines, quelle majestueuse restauration d’un empire qui ne finira pas ! Tout autre sujet aurait-il : pu tenter davantage votre talent et répondre mieux aux aspirations de votre cœur ?
Quatre parties composent aujourd’hui ce grand ouvrage, et ont fait l’objet de quatre publications successives. Vos Césars ont paru d’abord. C’est l’histoire de la dynastie césarienne proprement dite, ou des six Césars dont le premier fut le vainqueur de Pharsale, et le dernier, Néron. Auguste affermit l’empire par quarante années d’un gouvernement habile et modéré. Tibère inaugure une politique de barbarie que ses successeurs n’imiteront que trop. Sous le règne de celui-ci, le grand sacrifice s’accomplit sur le Calvaire ; sous Néron, saint Pierre et saint Paul souffrent le martyre à Rome, et les deux histoires commencent à suivre leur marche parallèle.
Est venue ensuite, dans l’ordre de vos publications comme dans celui des événements, l’histoire de cette guerre fameuse qui eut pour résultat politique l’élévation de la famille Flavienne à l’empire avec Vespasien et Titus, et pour résultat religieux un accomplissement tellement littéral des prédictions évangéliques par la destruction du temple et de la ville de Jérusalem que les faits simplement racontés semblent n’être qu’un commentaire vivant de la prophétie. Vos deux volumes, intitulés Rome et la Judée, ne sont que le développement ingénieux de cette pensée. L’Académie les a couronnés dans ses concours ; n’était-ce pas déjà vous appeler à la place où nous sommes heureux de vous voir aujourd’hui ?
La même récompense a été décernée à votre tableau du siècle appelé le siècle des Antonins. Âge heureux ! Moment de repos bien court accordé au monde entre ce Domitien, le frère indigne de Titus, et ce Commode, le fils plus indigne encore de Marc-Aurèle ! Le christianisme continue sa marche ; sa douce influence pénètre de plus en plus dans les lois et dans les mœurs. On sent quelque chose qui rafraîchit l’âme en lisant vos Antonins, Monsieur, et comme une gracieuse rosée après une journée brûlante.
Trois derniers volumes, tout récemment publiés, conduisent votre ouvrage jusqu’à l’avènement de Constantin et le couronnent par le triomphe du christianisme, sorti tout sanglant encore de la dernière et de la plus violente des persécutions, celle de Dèce et de Dioclétien.
Le drame finit là. Il est aisé de voir, par la date même à laquelle vous vous arrêtez, ou en est pour vous tout l’intérêt, et qu’au milieu de ses longues péripéties, une pensée unique a dominé votre esprit, la pensée chrétienne.
Est-ce une critique que je vous adresse, Monsieur ? Non, encore une fois, c’est un éloge. Beaucoup d’autres mérites, je le sais, recommandent votre ouvrage : une haute intelligence des faits et des hommes, des caractères dessinés d’une main ferme et sûre, un récit qui attache, même après Tacite et Suétone. À l’exposition des faits d’une époque vous joignez toujours des considérations pleines d’intérêt sur les mœurs publiques et privées, sur la marche des lettres, des arts, de la législation et de la philosophie. Rien de ce qui constitue les ressorts et la vie d’un État, commerce, agriculture, organisation financière, militaire, administrative, n’échappe à votre attention et à vos recherches. Mais tout cela, c’est votre livre, ce n’est pas vous. C’est le résultat laborieux de vos études, ce n’est pas votre inspiration. Votre âme est ailleurs ; elle est dans cet attrait qui vous ramène, presque malgré vous, vers ces chrétiens bafoués, honnis, persécutés, mais plus grands et plus forts que ceux qui les honnissent et qui les persécutent. C’est une passion chez vous, soit ! Passion heureuse dans pareil sujet, car vous lui avez dû les deux qualités qu’on demande, avant tout, à l’historien, l’exactitude et la couleur.
Voulût-on, en effet, se borner au premier de ces deux mérites, l’exactitude et la fidélité, serait-il .permis aujourd’hui de renvoyer aux annales ecclésiastiques les détails d’un fait aussi grand que celui de l’établissement du christianisme ? Nous ne sommes plus au temps où Gibbon, écrivant aussi l’histoire des empereurs romains, prenait dédaigneusement son microscope d’incrédule pour apercevoir les premières traces d’une petite secte appelée l’Église chrétienne, et en expliquait les rapides progrès par des causes avec lesquelles on n’expliquerait pas la moindre des révolutions ordinaires. Nous entendons l’histoire d’une manière plus large ; nous y portons un esprit plus éclairé et plus libre. Nous ne mesurons pas l’importance des événements à leur grosseur apparente. Ce qui se passait obscurément dans les catacombes, et que nous révèlent tous les jours les progrès de l’archéologie chrétienne, nous intéresse plus, et avec raison, que ces éternelles émeutes de soldats transportant à prix d’or un lambeau de pourpre des épaules d’un César sur celles d’un autre César. Nous détournons volontiers nos regards croyants pour les remplir, tandis que nous les arrêtons curieusement sur cette humble basilique chrétienne qui n’ose sortir pour la première fois de terre qu’en se cachant dans un faubourg, mais qui sous ces pauvres apparences annonce déjà au monde la future métropole de la foi universelle !
Ne cherchât-on, au contraire, que l’art, le mouvement, l’intérêt, qui ne sait que le drame historique, comme tous les drames, ne vit que de variétés, d’oppositions, de contrastes ? La variété, où l’auriez-vous trouvée, Monsieur, dans ces lugubres scènes toujours les mêmes, que la plume de Tacite se fatigue à retracer, et que l’on pourrait appeler le martyrologe païen ? Le martyrologe chrétien vous en offrait d’autres, d’une couleur bien différente, des prodiges d’obéissance sans bassesse, de courage sans arrogance, des morts pleines de confiance et d’allégresse, à côté de ces morts stoïciennes souvent volontaires, toujours intrépides, mais sombres et sans espoir. Toute la sagesse païenne vous aurait-elle fourni pour placer en regard de ces vies, souillées de tous les vices et de tous les crimes, des tableaux d’innocence et de pureté pareils à ceux que vous avez pu prendre au hasard dans la vie des saints ? L’âme se repose avec délice sur ces adorables légendes. Elles sont vraies dans leur esprit, quand elles ne le seraient pas toujours dans leurs détails. On ne les aurait pas inventées si l’on n’avait pas vu quelque chose de semblable. Encore ne fait-on des romans historiques qu’avec l’histoire !
À son tour, combien le spectacle des mœurs et des habitudes païennes, même chez les plus modérés et les plus sages, ne fait-il pas ressortir tout ce que ces chrétiens, si méprisés, apportaient au monde de vertus nouvelles et de régénération sociale ! Le calcul serait long des vices réformés, des scandales prévenus, des douleurs épargnées aux faibles, des existences même sauvées par ces institutions chrétiennes dont nous jouissons sans y penser. Qui ne sait, pour n’en citer qu’un exemple, le peu de prix que les lois attachaient à la vie d’un enfant nouveau-né chez les nations païennes les plus policées, et le prix immense que lui donne chez nous le christianisme par l’institution du baptême ? Observance surannée pourtant, s’il fallait en croire quelques-uns de nos fiers penseurs, cérémonie ridicule dont il est temps que la raison fasse justice ! Ce sont les femmes qui tiennent encore à cette vieille superstition. Ah ! c’est qu’à défaut même des motifs qu’elles puisent dans leur foi, un sentiment de compassion les avertirait tout seul que le baptême, qui sauve l’âme de ces chères et frêles créatures, protége aussi leur vie dans bien des cas contre les tentations du désordre ou de la misère, avant le baptême, par la nécessité religieuse de le recevoir, après le baptême, par je ne sais quelle empreinte divine qu’il laisse sur ceux qui l’ont reçu. J’en appelle à toutes les mères ! Qu’elles nous disent ce qu’elles ressentent de joie sur leur lit de douleur quand on leur rapporte leur enfant baptisé ! Ce n’est plus seulement le doux fardeau qu’elles ont porté pendant neuf mois dans leur sein, c’est quelque chose de sacré : l’enfant de l’homme est devenu l’enfant de Dieu ! Bien peu de cœurs, grâce au ciel, même parmi les plus dépravés, échappent encore à ce que l’on appelle une superstition, et que nous appelons une noble et sainte croyance. Supprimez, avec le baptême, le temps qu’il donne à la réflexion, le scrupule qu’il oppose aux premières suggestions de l’égoïsme ou de la débauche, et bientôt peut-être on sera aussi barbare à Paris qu’on l’était à Rome ou à Sparte.
Le temps est-il loin de nous où l’on a pu voir ce que deviendrait notre civilisation si jamais l’orgueil l’aveuglait assez pour qu’elle osât renier le principe qui la rend, seul, impérissable ? Les mêmes mains qui fermaient les églises dressaient l’échafaud, et, pendant que le plus saint des sacrifices ne se célébrait plus que dans de nouvelles catacombes, une idole impure, pire que toutes les idoles païennes, promenait pompeusement son infamie dans nos rues, à la honte de la raison qu’elle était censée représenter, et d’un siècle qui avait quelque droit de se dire le plus éclairé des siècles ! Quand nous lisons dans Tacite ou dans Suétone les scènes sanglantes dont Rome était tous les jours le théâtre sous le règne d’un Tibère ou d’un Néron, un doute se présente naturellement à l’esprit : Est-ce bien vrai ?Des hommes élevés à l’école des lettres et de la philosophie ont-ils pu vivre tranquillement sous un pareil régime, accepter une pareille tyrannie ?Peut-on croire que le fils d’Agrippine et de ce Germanicus tant aimé des Romains, privé d’aliments dans sa prison, ait été réduit, pour prolonger son agonie de quelques heures, à dévorer la laine de son matelas, ou que le bourreau, avant d’étrangler la fille de Séjan, une enfant qui ne savait pas même ce qu’on lui voulait, se soit mis en règle avec la loi qui lui défendait d’exercer son ministère de mort sur une vierge ? Vous en doutez ? Souvenez-vous du Dauphin au Temple ! Le fils de Louis XVI n’a pas été mieux traité que la fille de Séjan ou que le fils de Germanicus, et le cordonnier Simon en aurait remontré au bourreau de Tibère !
Ne soyons pas trop fiers. Rien de plus trompeur que les dehors de la civilisation ! Rome n’a jamais été plus civilisée qu’aux jours de sa décadence. Nous jouissons de tous les monuments des arts ? La Rome d’Adrien en avait de plus beaux. Nous avons des poëtes et des orateurs ? Rome vieillie en regorgeait. Les élégances de la vie ne sont pas plus connues et plus recherchées à Paris qu’elles ne l’étaient à Rome à la veille de l’invasion des barbares. Notre humanité même est un fruit du christianisme qui tomberait avec l’arbre qui le porte. C’est une réflexion que le sujet de votre livre vous a souvent donné l’occasion de faire, Monsieur, et qu’il est impossible de ne pas faire avec vous.
Sur un autre point bien différent et tout historique, j’ose n’être pas de votre avis. Le christianisme aurait-il sauvé l’Empire, si l’Empire se fût fait chrétien cent ans plus tôt ? Vous semblez le croire. J’incline, au contraire, à penser qu’en adoptant le christianisme avant l’époque, l’Empire l’eût entraîné dans sa décadence. Trois siècles de persécution n’étaient pas trop pour laisser à la jeune plante le temps de croître et de se fortifier dans son isolement. Le triomphe prématuré des chrétiens eût été leur perte. Ils se seraient bien vite confondus dans la foule et ne lui auraient donné leur foi qu’en prenant ses mœurs. N’avez-vous pas remarqué vous-même, Monsieur, que lorsque la persécution se ralluma sous Dèce et sous Dioclétien, une paix assez longue avait presque éteint le courage du martyre dans l’Église ? Les apostasies furent nombreuses ; la ferveur ne renaquit que sous la hache.
Comment d’ailleurs le christianisme, par l’effet seul de son influence morale, aurait-il arrêté la dépopulation des campagnes, rétabli l’ordre dans les finances, fait refleurir le commerce et l’industrie, rendu un peu de liberté aux provinces, rallumé l’esprit militaire dans les légions ? Les causes de la décadence remontaient trop haut. La république les avait transmises à l’empire, et l’on s’étonne moins des récits de Tacite quand on a bien lu ceux de Tite-Live. Qu’étaient donc les Césars, sinon les successeurs très-naturels de ces proconsuls et de ces dictateurs qui n’avaient conquis le monde qu’en le remplissant de sang et de carnage ?Les barbaries d’un Caligula ou d’un Néron pouvaient-elles surprendre beaucoup un peuple qui se souvenait encore, non-seulement des proscriptions de Marius, de Sylla et d’Octave, mais des cinq mille citoyens assommés à coups de bâton dans la lutte du sénat contre les Gracques ? N’avait-on pas vu sous cette république du dernier siècle, que le bon Montaigne nous représente comme la chose publique la plus florissante du monde, un Clodius courir les rues à la tête d’une troupe de bandits stipendiés, pillant, brûlant, tuant tout ce qu’il rencontrait ; un Saturninus se faire assiéger dans le Capitole et y périr sous les tuiles qu’on arrachait du toit pour l’en accabler ? À chaque élection de magistrats, le sang n’inondait-il pas le forum, à moins que les candidats ne s’entendissent entre eux pour acheter ce qu’ils voulaient bien ne pas se disputer les armes à la main ? Que faisaient les prétoriens en vendant l’empire, sinon ce qu’avait fait tant de fois le peuple en vendant le consulat ? Le germe de la décadence, on le trouverait peut-être jusque dans les temps qui passent pour les plus beaux et les plus purs de Rome. Que pouvait le christianisme à toutes ces vieilles causes de destruction et de ruine ? Il aurait fallu faire rebrousser les siècles et changer toute l’histoire ; le christianisme le pouvait-il ?
Ce ne sont pas même les grands hommes qui ont manqué à la Rome impériale. Trajan, Pertinax, Aurélien, pouvaient, sans rougir, placer leurs images à côté de celles des Camille et des Scipion. Une sagesse plus douce et plus haute que la sagesse tant vantée des deux Caton échauffait le cœur et réglait l’âme de Marc-Aurèle. Vous le dirai-je, Monsieur ? Dans les éloges que vous ne refusez pas à ces grands hommes, on désirerait quelquefois que votre cœur n’eût pas l’air de regretter ce que votre justice leur accorde. Le christianisme a fait assez de bien au monde pour qu’il ne soit pas nécessaire de grossir sa part de la part d’autrui, et de ramasser, pour lui en faire honneur, tout ce qui est clémence, bonté, justice dans les lois et dans les actes de ces Antonins, une des plus pures gloires de l’humanité. On peut laisser aussi, je crois, le stoïcien Sénèque au paganisme. Je lui envierais bien davantage Platon. Il est au moins fort douteux que Sénèque ait eu des rapports avec saint Paul, et l’orgueilleux auteur des lettres à Lucilius aurait, en tout cas, bien mal profité des humbles leçons de l’apôtre de la grâce.
Vous me pardonnerez ces petites critiques, Monsieur, et vous n’y verrez, j’en suis sûr, qu’une preuve de plus du soin et de l’intérêt avec lesquels on lit des ouvrages aussi graves et aussi importants que les vôtres. Fussiez-vous coupable de quelques fautes bien légères, le public vous a absous. Des éditions répétées attestent le bon accueil qu’on a fait à votre travail. Vous l’amènerez aisément à la perfection dans une édition définitive, et vos Études sur l’empire romain, supérieures pour le fond et pour la forme à tous les livres du même genre qui les ont précédées, les remplaceront entre les mains de tout le monde.
Parmi vos titres académiques, je me reprocherais d’autant plus d’oublier le volume où vous avez esquissé d’une plume si touchante le tableau de la charité chrétienne dans les premiers siècles de l’Église, qu’il est un de ceux que l’Académie française a couronnés. Grâce à Dieu, de toutes les vertus antiques, c’est à cette céleste charité que nous sommes restés le plus fidèles, et peut-être, en ce moment même, sous ces toilettes élégantes, plus d’une âme charitable attend-elle la fin de la séance pour aller porter ses consolations et ses secours à un pauvre malade dans un hôpital, ou à quelque famille indigente dans le misérable grenier qu’elle habite.
Comment encore passer sous silence un petit écrit de circonstance qui vous honore à un double titre ? La date de sa publication rehausse son mérite, et les événements semblent lui avoir donné quelque chose de prophétique. Il a paru dans ces années d’agitation et de sombre inquiétude qui suivirent la Révolution de 1848 ; il est intitulé : Un examen de conscience. Tout le monde se frappait la poitrine alors ; on eût dit qu’une voix du ciel nous eût fait entendre la terrible sentence : « Encore quarante jours, et Ninive sera détruite ! » Ninive avait été bien près de l’être, en effet, dans les sanglantes journées de juin, et les plus humbles confessions ne coûtaient à personne. Les honnêtes gens se tendaient la main sans distinction de parti. Toutes les divisions étaient oubliées pour défendre en commun les trois grands intérêts sociaux : la religion, la famille, la propriété. Pouviez-vous, Monsieur, ne pas apporter votre concours à cette ligue vraiment sainte ? Deux libertés éveillaient surtout votre sollicitude et vous paraissaient en péril : la liberté religieuse, parce que la religion est le premier frein que toute anarchie veut briser, l’obstacle le plus gênant que rencontrent les rêveurs fanatiques d’une refonte sociale ; et la liberté personnelle, qu’on oublie trop souvent en France quand on veut fonder la liberté générale, comme si tout le monde pouvait être libre à titre de citoyen lorsque personne ne l’est à titre de particulier.
Votre livre, Monsieur, a repris de l’à-propos ; il est aussi bon à lire aujourd’hui qu’il y a vingt ans, et la réflexion qu’il suggère terminera naturellement ce discours.
Loin de moi la pensée d’assimiler les temps et les circonstances ! Il ne s’agit pas d’étouffer l’anarchie presque triomphante, il s’agit de l’empêcher de renaître. La liberté est rentrée dans nos institutions ; elle y est rentrée sous les auspices du plus généreux des princes. La main puissante qui avait mis un frein à la tempête dans une heure de suprême péril, trace maintenant au vaisseau le sillon qu’il doit suivre pour arriver à ce port, entrevu tant de fois déjà depuis quatre-vingts ans et toujours manqué, d’une liberté régulière et sage. Le moment est critique et décisif. Ah ! si ce jour pouvait être celui d’une réconciliation entre tous les esprits sensés, tous les cœurs droits, nous aurions enfin fondé quelque chose, et 1870 tiendrait ce que 1789 a promis ! C’est le vœu que vous exprimiez tout à l’heure, Monsieur, et auquel je m’associe de toutes les puissances de mon âme ! Les honnêtes gens ont toujours été les plus nombreux en France et les plus forts. L’union seule leur a manqué, et pourrait leur manquer encore. Après tant d’expériences et de si douloureuses épreuves, n’est-il pas temps de sacrifier ce qui nous divise, et qui est si peu de chose, à ce qui doit nous réunir et qui est tout ? Qu’importe sous quel drapeau la France soit libre et heureuse, pourvu qu’elle le soit ? Ne sommes-nous pas les enfants de la même patrie ? Notre bonheur à tous n’est-il pas compris dans le sien, notre repos dans son repos, notre gloire-dans sa gloire ? Qu’un patriotisme plus large se substitue à l’étroit patriotisme des partis, au lieu d’un présent toujours précaire, la France aura un avenir, et nous, que l’âge approche déjà du terme de notre carrière, nous pourrons du moins nous dire en quittant ce monde : Nos peines n’ont pas été perdues, nos enfants jouiront du repos que nous n’avons pas eu !