Réception de M. Alphonse de Lamartine
M. de Lamartine, ayant été élu par l’Académie française à la place vacante par la mort de M. le comte Daru , y est venu prendre séance le jeudi 1er Avril 1830, et a prononcé le discours qui suit :
Messieurs,
Appelé par votre indulgence bien plus que par mes faibles titres à l’honneur dont je viens jouir aujourd’hui, à voir un nom qui vous emprunte tout et qui vous rend si peu, inscrit parmi les noms du siècle dont vous êtes l’ornement et l’élite, j’ai tardé longtemps à venir prendre acte de cette part d’illustration que vous m’avez décernée, à vous apporter le tribut de ma reconnaissance et de mon bonheur ! Mon bonheur ! j’en avais alors ! La distinction dont vos suffrages m’honoraient, cette gloire des lettres dont votre choix est la récompense ou le présage, cet éclat d’estime et de bienveillance que répand sur une famille, sur une patrie tout entière, l’élection d’un de ses enfants ; toutes ces joies de l’esprit, de la famille, de la patrie, étaient doublées pour moi ! Elles se réfléchissaient dans un autre cœur. Ce temps n’est plus ! Aucun des jours d’une longue vie ne peut rendre à l’homme ce que lui enlève ce jour fatal où, dans les yeux de ses amis, il lit ce qu’aucune bouche n’oserait lui prononcer : tu n’as plus de mère ! Toutes les délicieuses mémoires du passé, toutes les tendres espérances de l’avenir s’évanouissent à ce mot ; il étend sur sa vie une ombre de mort, un voile de deuil que la gloire elle-même ne pourrait plus soulever ! Ces joies, ces succès, ces couronnes, qu’en fera-t-il ? Il ne peut plus les rapporter qu’à un tombeau !
Ainsi la Providence, qui se voile sous nos joies comme sous nos douleurs, nous attend avec un arrêt de mort, à l’heure de nos vains triomphes ! Et mieux que ces insultes jalouses, que les Anciens mêlaient à leurs honneurs pour en tempérer l’ivresse, au moment où notre cœur s’élève, où notre félicité déborde, elle nous atteint avec un mot qui corrompt tout, qui détruit tout, et nous dit plus haut : Tu n’es rien ! Tu n’es qu’un homme ! le jouet de la mort ! le fils de ce qui n’est déjà plus !
Tandis que je me préparais à apporter ici à la mémoire d’un homme qui m’était inconnu, le tribut de vos funèbres hommages et de ceux de la France ! tandis que je cherchais dans vos cœurs, dans les souvenirs de son inconsolable famille, des regrets et des éloges, une source intarissable de larmes s’ouvrait dans mon propre cœur, et cette douleur que j’avais à peindre, c’était à moi de la sentir et de l’étouffer !
Pardonnez-moi donc, Messieurs, si je réponds si faiblement à ce que vous aviez le droit d’attendre du successeur de M. le comte Daru ! à ce que demandait de moi la mémoire de cet homme, que de son vivant même on appela l’homme probe ! Je parle, dans ce temple de la parole, une langue qui n’est pas la mienne ; je parle d’une douleur publique, abîmé dans ma propre douleur ; mais je parle d’un homme dont le nom seul est une illustration pour sa mémoire, et dont la vie se loue elle-même dans la conscience des hommes de bien !
Poëte, philosophe, orateur, historien, administrateur, homme d’État, tant de titres vous étonnent d’abord ! Tant de titres m’ont étonné moi-même ! Vous cherchez le secret de cette universalité dans l’homme même ? Il est dans son temps : l’histoire de notre talent est presque toujours celle de notre vie !
Il naquit, il fut jeté sur la scène du monde à une de ces rares époques où la société dissoute n’est plus rien, où l’homme est tout : époques funestes au monde, glorieuses pour l’individu ! temps d’orage qui fortifient le caractère quand il n’en est pas brisé ; tempêtes civiles qui élèvent l’homme quand elles ne l’engloutissent pas ! Dans les jours d’ordre et de règle, la scène pour chacun est étroite, le sentier tracé, la vie écrite pour ainsi dire d’avance. Nous naissons dans la classe pour laquelle la fortune nous a marqués ; la société presse ses rangs à droite et à gauche, il faut suivre ceux qui nous précèdent, poussés par ceux qui nous suivent dans un lit social déjà creusé devant nous ; nous y marchons d’un pas plus ou moins ferme, avec la seule distinction de nos forces ou de nos faiblesses individuelles, nous arrivons au terme ; si nous en valons la peine, on nous nomme, on nous caractérise en deux mots ! et voilà la page de notre vie dans un siècle ! changez le nom, et cette même page sera l’histoire de cent autres hommes ! Mais dans ces drames désordonnés et sanglants qui se remuent à la chute ou à la régénération des empires, quand l’ordre ancien s’est écroulé, et que l’ordre nouveau n’est pas encore enfanté ; dans ces sublimes et affreux interrègnes de la raison et du droit que la pensée n’ose contempler, et sur lesquels l’histoire même jette un voile, de peur que l’humanité n’ait à rougir à son réveil ! tout change ; la scène est envahie, les hommes ne sont plus des acteurs, ils sont des hommes ; ils s’abordent, ils se mesurent corps à corps, ils ne se parlent plus la langue convenue de leurs rôles, ils se parlent la langue véhémente et spontanée de leurs intérêts, de leurs nécessités, de leurs passions, de leurs fureurs ! héroïsmes, bassesses, talents, génie, stupidité même, tout sert ; toute arme est bonne ! tout a son règne, son influence, son jour ; l’un tombe parce qu’il porte l’autre, nul n’est à sa place, ou du moins nul n’y demeure ; le même homme, soulevé par l’instabilité du flot populaire, aborde tour à tour les situations les plus diverses, les emplois les plus opposés ; la fortune se joue des talents comme des caractères ! il faut des harangues pour la place publique, des plans pour le conseil, des hymnes pour les triomphes, des lumières pour la législation, des mains habiles pour amasser l’or ! des mains probes pour le toucher. On cherche un homme ! son mérite le désigne : point d’excuses ! point de refus ! le péril, n’en accepte pas ! on lui impose au hasard les fardeaux les plus disproportionnés à ses forces, les plus répugnants à ses goûts ; et si, parmi ces victimes de la faveur populaire, il se rencontre un homme doué, d’autant de vertus que de courage, d’autant d’activité que de forces, toujours propre au rôle qu’on lui assigne, si ce rôle n’a rien que d’honorable, toujours supérieur au fardeau qu’on lui impose, s’il consent à l’accepter, toujours prêt au dévouement, si la conscience le commande ; l’esprit de cet homme s’élargit, ses talents s’élèvent, ses facultés se multiplient, chaque fardeau lui crée une force, chaque emploi un mérite, chaque dévouement une vertu ; il devient supérieur par circonstance, universel par nécessité ; et à l’heure où le pouvoir qui peut seul succéder à l’anarchie, le despotisme, fort aussi de sa nécessité, se présente, et cherche des appuis dans ce que la révolution a laissé d’intact et de pur ; il voit cet homme, il s’en empare, il l’élève, il se dit : Ce n’est plus l’homme de la foule, c’est l’homme de l’ordre, l’homme du pouvoir, l’homme de la réparation. Il est à moi ! cet homme est M. Daru. Le secret de son universalité se trouve écrit dans sa destinée ; le secret de ses forces et de son génie vous sera révélé dans ses fonctions et dans ses ouvrages.
Né à Montpellier, en 1767, d’une famille honorable et distinguée, M. Daru reçut une éducation analogue à sa naissance, et fut destiné à l’état militaire. La révolution le surprit jeune encore ; elle apparaissait comme l’aurore d’une régénération morale et politique : on ignorait alors que les peuples ne se régénèrent point par des théories, mais par la vertu ou par la mort, et la hache sanglante des révolutions n’avait point été pesée dans les calculs de l’espérance. M. Daru passa sous les drapeaux le temps où la France s’y réfugiait tout entière ; employé au ministère de la guerre, il en sortit volontairement au 18 fructidor, voulant bien servir son pays dans ses périls ; dans ses passions ou dans ses crimes, jamais ! Dix mois de prison lui firent payer à son prix ce jour de courage et de vertu. Ordonnateur en chef des armées, secrétaire général du ministère de la guerre, commissaire pour l’exécution de la convention de Marengo, déjà son nom s’unissait au récit de nos victoires ; déjà il portait l’ordre, la lumière et la probité dans cette administration des armées, jusque-là confuse comme le pillage, imprévoyante comme le hasard ; déjà l’homme dont le coup d’œil était un jugement l’avait distingué dans la foule, et avait reconnu en lui cette patience et cette énergie qu’avec sa brutalité de génie il comparait au bœuf et au lion. Bientôt nous le retrouvons tribun : ce mot sonne mal avec le nom de M. Daru ! Il n’avait du tribun que le nom. Sorti de l’école de l’anarchie, homme d’un esprit ferme et d’un cœur droit, il comprenait mieux à cette époque le pouvoir que la liberté ; le pouvoir était la nécessité du moment ; et c’est, n’en doutons pas, dans cette horreur de la licence qu’il faut chercher le principe de son dévouement à un homme qui fut le pouvoir incarné, parce qu’il fut la volonté inflexible. Entre la dictature et l’anarchie, M. Daru, comme la France, n’avait pas à choisir ; pour remonter de la licence à la liberté, les peuples n’ont d’autre chemin que la tyrannie.
Intendant général de la grande armée et des pays conquis, secrétaire d’État en 1811, ministre de l’administration de la guerre en 1813, il déploya partout ce courage d’esprit, cette fertilité de ressources, cette inflexibilité de devoirs qui le firent toujours admirer, souvent bénir, et, disons-le, quelquefois redouter des provinces où il organisait la conquête. Ministère terrible pour un cœur généreux, que celui de servir d’organe à la victoire, de demander aux peuples vaincus ou le salaire de leur liberté, ou la rançon de leur défaite ! Le caractère de M. Daru passa par cette rude épreuve comme par celle du feu sans en être atteint, et, dans des fonctions où Rome employait ses plus inexorables proconsuls, où les nations tremblantes ne s’attendent qu’à rencontrer des Verrès, elles reconnurent avec estime, quoique avec douleur, des mains probes, un esprit élevé et un cœur d’honnête homme.
Parmi tant de fonctions diverses où la pensée a peine à trouver une lacune, comment l’administrateur trouva-t-il le temps de la philosophie, de l’histoire, de la poésie ? dans des moments toujours employés ; dans des heures dérobées par minutes, non à ses devoirs, mais au plaisir, à la nuit, au sommeil ; dans une âme toujours active, pour qui le travail était le repos du travail.
La traduction d’Horace, des traductions de Cicéron, un poëme sur Washington, un poëme sur les Alpes, un autre sur la Fronde, une épître à Delille, la traduction de Casti, des discours en vers, des discours à l’Académie, des travaux sur la librairie, sur les liquidations, l’histoire de Bretagne, l’histoire de Venise ; enfin un poëme sur l’astronomie, qui n’est publié que d’hier, et qui promet d’éclairer son tombeau du rayon le plus tardif, mais le plus éclatant de sa gloire ; tels furent ce qu’un tel homme appelait ses loisirs. Presque tous ses ouvrages, vous les connaissez, Messieurs ! Il aimait à vous apporter les essais de son esprit, et trouvait dans vos suffrages l’avant-goût de ce jugement du public qu’il voulait conquérir comme il avait conquis sa fortune, avec labeur et loyauté. Parmi les discours qu’il prononça dans cette enceinte, on aime à distinguer surtout sa réponse au duc Matthieu de Montmorency, ravi sitôt aux espérances du pays et à la confiance du trône, et qui vous apportait pour titres l’âme de Fénelon dont il avait reçu la mission sacrée. Quoique assis sur des bancs opposés, M. Daru l’honorait ; car toutes les vertus se comprennent. Dans sa réponse, il lui parla de sa piété céleste et de son infatigable charité ; seul homme en effet à qui l’on pût parler en face de ses vertus, car elles n’étaient un secret que pour lui-même. Il n’est plus ! Une voix plus heureuse s’est élevée sur sa tombe, et a consacré parmi vous cette vie, dont la fin ressembla moins à une mort qu’au mystique sommeil du juste ; mais je n’ai pu prononcer ce beau nom, ce nom qui retentira à jamais dans mon cœur comme dans un sanctuaire, sans m’arrêter un instant, sans saluer au moins d’une larme et d’un respect cette vertu qui brilla dans nos jours d’orage comme un arc-en-ciel de réconciliation et de paix, qui ne se mêla aux partis que pour les adoucir, aux lettres que pour les élever, à la politique que pour l’ennoblir. Plus heureux ou plus malheureux que la plupart d’entre vous, j’unis des regrets personnels à ceux de la France et de l’Europe ; les regrets d’une chère et illustre amitié. Les dernières lignes qu’ait tracées sa main mourante, ces lignes interrompues par la mort même, m’étaient adressées ; plus qu’à un autre ce souvenir m’appartient ; j’y serai fidèle ! Mon titre le plus cher à mes yeux sera d’avoir été aimé d’un tel homme, et ma plus douce consolation de m’attacher à sa mémoire et de la vénérer à jamais.
L’œuvre de prédilection de M. Daru était cette traduction d’Horace, commencée dans les cachots de la terreur, poursuivie et achevée enfin dans les camps, dans les palais, à travers toutes les. vicissitudes d’une vie si pleine et si agitée.
Horace était le poëte de l’époque, comme le Dante semble le poëte de la nôtre ; car chaque époque adopte et rajeunit tour à tour quelqu’un de ces génies immortels qui sont toujours aussi des hommes de circonstance ; elle s’y réfléchit elle-même, elle y retrouve sa propre image et trahit ainsi sa nature par ses prédilections. L’époque ressemblait à celle d’Auguste ; l’Europe sortait des rudes épreuves d’une révolution qu’elle ne comprenait pas encore ; il fallait détourner les yeux d’un passé souillé de sang et de boue ; ne s’étonner de rien, nil admirari, ni des changements de maîtres, ni des changements de rôle, ni des murmures, ni des adulations, ni des servilités populaires ; il fallait glisser sur tout pour ne rien heurter, ne jeter sur les choses qu’un regard superficiel et dédaigneux, de peur d’arriver à l’horreur ou au mépris, et ne prêcher aux hommes que cette sagesse insouciante et facile, cet épicurisme de la raison qui ne donne point de remords à la servitude, point d’ombrage à la tyrannie, qui venge de tout par le léger sourire de l’ironie, amuse l’indifférence, console la faiblesse, excuse la lâcheté, et dont le vice s’accommode comme la vertu. Voilà Horace, l’ami de Brutus, l’ami de Mécène ; l’homme qui jette son bouclier à Philippes, et qui chante la fermeté stoïque, le justum ac tenacem, entre les délices de Tibur et les complaisances de Rome. Un tel poëte devait plaire à un tel moment ; le pouvoir inquiet de l’époque devait voir avec une joie secrète les esprits détournés des pensées fortes, des résolutions graves, se porter sur cette philosophie complaisante et molle, qui prend le destin en patience et les hommes en plaisanterie ; les tyrans, et les peuples eux-mêmes, aussi affamés d’adulations que les tyrans, ont toujours aimé les poëtes de cette école. Ce n’est pas pour eux que s’ouvrent les cachots de Ferrare, que s’élèvent les échafauds de Roucher et d’André Chénier, que Syracuse a des Carrières et que Florence a des exils. Ils chantent, couronnés de grâces insouciantes, dans les banquets des maîtres du monde ou dans les saturnales populaires ; une sympathie secrète les attache à toutes les tyrannies ; car ces poëtes amollissent les hommes, pendant que les sophistes les corrompent, et que les tyrans les enchaînent.
Telle ne fut point la pensée de M. Daru en nous rendant Horace : Horace était l’ami de son âme ; il voulut le rendre l’ami de son siècle ; mais il entreprit l’œuvre la plus difficile, je dirais presque l’œuvre la plus impossible de l’esprit humain. On ne traduit personne : l’individualité d’une langue et d’un style est aussi incommunicable que toute autre individualité. La pensée tout au plus se transvase d’une langue à l’autre : mais la forme de la pensée, mais sa couleur, mais son harmonie, s’échappent : et qui peut dire ce que la forme est à la pensée, ce que la couleur est à l’image ? Mais si ce qu’on prétend traduire n’est pas même une pensée, si ce n’est qu’une impression fugitive, un rêve inachevé de l’imagination ou de l’âme du poëte, un son vague et inarticulé de sa lyre, une grâce nue et insaisissable de son esprit, que restera-t-il sous la main du traducteur ? quelques mots vides et lourds, pareils à ces monnaies d’un métal terne et pesant, contre lesquelles vous échangez la drachme d’or resplendissante de son empreinte et de son éclat ; et d’ailleurs, dans la poésie d’un autre âge, il y a toujours une partie déjà morte, un sens des temps, des mœurs des lieux, des cultes, des opinions, que nous n’entendons plus, et qui ne peut plus nous toucher ! ôtez à une poésie sa date, sa foi, son originalité enfin, qu’eu restera-t-il ? ce qui reste d’une statue des dieux dont la divinité s’est retirée, un morceau de marbre plus ou moins bien taillé ! La révolution que le christianisme a dû produire dans la poésie, cette révolution dont les progrès sont sensibles dans le Dante, dans Milton, dans le Tasse, dans Pétrarque, dans Athalie, a été lente à agir sur nous : nos cœurs étaient chrétiens, et nos lèvres étaient païennes ; de là, froideur et désaccord entre notre poésie et le cœur humain. Mais cette révolution se manifeste enfin ; elle nous détache d’une muse sans individualité, d’une philosophie sans espérance et sans règle, d’une mythologie sans foi ; elle nous demande quelque chose de grave et de mystérieux comme la destinée humaine, d’élevé comme nos espérances, d’infini comme nos désirs, de sévère comme nos devoirs, de profond et de tendre comme nos pensées et nos affections ! elle nous demande enfin ce que le père de toute poésie moderne a si bien défini : – Il parlar che nell’ anima si sente ! ce langage qui s’entend, qui se parle, qui retentit dans l’âme humaine, l’écho vivant de nos sentiments les plus intimes ! la mélodie de notre pensée !
La chute d’un empire dont M. Daru avait été une des colonnes, tourna ses regards vers les enseignements de l’histoire ! il fut tenté de l’écrire : il choisit Venise ; le choix seul était du génie. Venise, avec son berceau caché dans les lagunes de l’Adriatique, avec ses institutions mystérieuses, sa liberté tyrannique, ses conquêtes orientales, son commerce armé, son despotisme électif, ses mœurs corrompues et son régime inquisitorial, ressemble à un de ces monuments gothiques, moitié arabes, moitié chrétiens, qu’elle éleva elle-même, et dont on admire l’étrange et colossale architecture, sans pouvoir en assigner l’origine et la fin ; c’est l’Alhambra de l’histoire ! ou plutôt ce n’est pas une histoire, c’est le roman du moyen âge ! c’est un de ces récits fabuleux de l’Orient, où les merveilles s’enchaînent aux merveilles dans la bouche des conteurs arabes, jusqu’à ce que les palais et les temples, les héros et les pompes, tout disparaisse par le même enchantement qui les avait évoqués, et tout s’écroule dans le tombeau silencieux de l’Océan. Ainsi s’est écroulée cette reine de la mer dans ses propres flots ! Venise est à elle-même son tombeau ! tombeau digne d’elle et qui raconte à lui seul de puissantes et lamentables destinées ! L’étranger va la chercher dans ses ruines, et chaque pas qui retentit sur ses pavés, chaque herbe qui croît entre ses débris, chaque pierre qui tombe de ses palais dans ses canaux à moitié comblés, réveillent en lui, avec une impression de terreur mystérieuse, des images de gloire, de volupté et de néant ! M. Daru s’est élevé souvent à la hauteur de ce sujet : son style a quelque chose de la sincérité et de la gravité antique, de cette solennité des premiers temps, où l’historien exerçait une sorte de sacerdoce des traditions ; cette gravité lui sied ; ce n’est pas une chose légère et plaisante que cet enseignement du passé pour instruire l’avenir ! nous aimons à retrouver dans le ton de l’historien quelque chose d’animé comme les impressions qu’il éveille, de sublime et de triste comme ces destinées des empires qui sortent du néant pour y retomber après un peu de poussière et de bruit !
Après ce monument du moyen âge, M. Daru voulut en élever un à sa patrie : il écrivit l’histoire de Bretagne ; mais ici les souvenirs et les couleurs manquaient : il en est des provinces comme des hommes, elles ont leurs destinées indépendantes de leur importance relative ; une lagune de l’Adriatique, un rocher de la Méditerranée, une montagne de la Judée ou de l’Attique, éveillent puissamment la sympathie des générations, tandis que d’immenses et populeuses provinces n’ont que leur nom dans la mémoire des siècles ; c’est la physionomie des nations comme celle des individus qui les fait saillir dans la foule, et qui les grave dans nos souvenirs ; la gloire, les revers, les orages politiques impriment cette physionomie aux peuples ; ce sont les rides des nations ! La Bretagne n’en avait pas encore ; l’on regrette que le regard de l’historien n’ait pas plongé plus avant dans les antiquités de la Bretagne ; on regrette surtout que sa plume s’arrête à la page la plus historique de son récit, à cette page qui semble arrachée à l’histoire des temps héroïques, où la foi du chrétien se confondait avec la fidélité du soldat, où des provinces entières se levaient d’elles-mêmes aux seuls noms de Dieu et du roi, et, ne puisant leurs forces que dans leur désespoir, renouvelaient dans un coin de l’Armorique les prodiges de l’antique patriotisme, et montraient à l’Europe vaincue ou muette que rien n’est plus invincible qu’un sentiment généreux dans le cœur de l’homme, qu’il s’appelle dévouement ou liberté ! et que si la religion et la royauté ne devaient pas avoir leur Salamine, elles avaient du moins leurs Thermopyles sur la terre des Clisson et des du Guesclin !
Ces grands ouvrages furent entremêlés de compositions moins sévères, de poésies pleines de sens et de grâces, de rapports qui sont restés des ouvrages sur de hautes matières d’administration ; on y distingue ces rapports annuels sur les prisons adressés à l’héritier du trône, qui ne trouve point d’infortunes trop abjectes pour le regard d’un roi, point de misères au-dessous de la charité du chrétien et qui, comme ses aïeux au jour de leur sacre, ose toucher du doigt ces plaies honteuses de l’humanité pour les soulager ou pour les guérir !
Élevé à la pairie, M. Daru parla à la Chambre avec cette élévation de talent, cette maturité d’expérience, et cette roideur de conviction, fruit d’une longue et forte éducation politique ; le temps et le bienfait de la restauration lui avaient appris à tempérer les doctrines sévères du pouvoir d’un esprit de modération et de liberté, dont il n’avait pas reçu les inspirations sous les tentes du conquérant ou sous les faisceaux du dictateur ; il siégeait sur les bancs de l’opposition, mais d’une opposition pleine de droiture et de loyauté ; nous ne sommes point ici pour juger des opinions ; les opinions n’ont d’autre juge que la conscience et le temps ! Comme ces cultes divers qui ont leurs autels sous un même temple, nous devons les respecter sans fléchir devant elles, et les comprendre sans les partager ! Personne ne sut mieux que M. Daru distinguer les affections de l’homme privé des devoirs de l’homme politique. Ses souvenirs furent de la reconnaissance, et jamais de la faction ! Il apprécia l’immense bienfait d’une restauration qui lui coûtait un ami, mais qui régénérait l’Europe ; ce n’est point à nous de réprouver des sentiments dont nous nous glorifierions nous-mêmes envers la famille de nos rois, d’avoir deux poids et deux mesures, et de condamner, dans des hommes comblés de confiance et de grandeur par un autre homme, des sympathies que nous ne pourrions flétrir sans flétrir en même temps ce qu’il y a de plus noble et de plus désintéressé dans le cœur humain, la mémoire du bienfait, la pitié pour la chute, et l’innocente fidélité des souvenirs
Telles étaient, Messieurs, les destinées de M. Daru, encore pleines de promesses et d’espérances, quand la mort vint clore à jamais cette vie laborieuse et lui imposer le repos avant la fatigue ! Ainsi nous passons ! ainsi une génération s’effeuille, pour ainsi dire, devant nous, et tombe homme à homme dans l’oubli ou dans l’immortalité ! Encore quelques noms illustres, encore quelques éloges éclatants, et celle dont l’agitation et le bruit ont fatigué le monde et retentiront dans de longs âges, dormira tout entière dans le repos et dans le silence. Quand ce moment est arrivé, quand les passions et les opinions contemporaines sont ensevelies avec la poussière des générations éteintes ; quand l’amour et la haine, quand le bienfait et l’injure ne retentissent plus dans les cœurs des hommes nouveaux, alors la postérité se lève et juge l’heure : est venue pour cette grande renommée du 18e siècle, de ce siècle qui, né dans la corruption de la Régence, grandissant à l’ombre d’un règne qui se trahissait lui-même, jouant indifféremment avec les armes du sophisme ou de la raison, sapant les fondements de toutes les institutions avant de les avoir étayés, s’assoupissait dans tous les délires de l’espérance à la voix de ses poëtes et de ses sages, et se réveillait au bruit de ses institutions croulantes, aux lueurs de ses incendies, aux cris de ses victimes et de ses bourreaux. Son nom, que nous cherchons encore, sera difficile à trouver ! De sa naissance à sa fin, il y a de tout en lui, depuis la pitié jusqu’à l’horreur, depuis l’admiration jusqu’au mépris ! Mais, quelle que soit l’épithète glorieuse ou vengeresse dont les générations futures le marquent parmi les siècles, nous pouvons le dire ici, sans crainte d’être démentis par l’avenir : Ce ne fut point un siècle de pensée, ce fut un siècle d’action ! la philosophie moqueuse n’y fit point un de ces pas immenses qui portent l’intelligence humaine sous un nouvel horizon ; les arts n’y furent point inspirés ; car ils ne regardèrent jamais le ciel, d’où toute inspiration descend ; la poésie y négligea sa lyre, pour n’y saisir qu’un froid pinceau ; elle étouffa sur ses lèvres le grand nom, le nom de Dieu, qui doit retentir au moins dans l’âme des poëtes, ces instruments animés du grand concert de la création ! La science seule y grandit, parce que la science vit de faits et non d’idées ; l’éloquence seule y fut forte, parce que l’éloquence est encore de l’action. La voix de Mirabeau y retentit, mais c’est de la tribune : Mirabeau, un de ces hommes gigantesques qui apparaissent à la chute des empires, et qui, comme Samson, semblent pouvoir à leur gré soutenir seuls les colonnes de l’édifice, ou les entraîner dans leur chute. Mais Mirabeau lui-même n’y serait qu’une renommée vulgaire, s’il n’eût été le premier des orateurs et des tribuns
Et nous, qui jugeons les autres, bientôt on nous jugera nous-mêmes ; bientôt un impartial avenir nous demandera nos titres à cette part de renommée, que nous croyons immense, et qu’il connaîtra seul ; bientôt il fera le redoutable inventaire de nos opinions, que nous nommons des principes ; de nos préventions, que nous appelons de la justice ; de notre bruit, que nous prenons pour de la gloire. Et déjà nous nous jugeons nous-mêmes ; déjà, invoquant nos préjugés pour arbitres, nos affections pour juges, nous prononçons, au gré de nos passions encore brûlantes, l’apothéose ou l’arrêt d’un siècle dont nous n’avons vu que la sanglante aurore ; siècle de ténèbres pour les uns, siècle de lumière pour les autres, siècle à controverse pour tous !
Ne partageons, Messieurs, ni ce mépris, ni cet orgueil ! ne croyons point que cette vérité qui appartient à tous les temps et à tous les hommes, ait attendu notre heure pour se lever sans nuage sur notre berceau ! n’oublions point que toute vérité est fille d’une autre, fille du temps, comme ont dit les sages, et que la civilisation tout entière est suspendue à cette chaîne de traditions dont la chaîne d’or, qui portait le monde, n’était qu’une éclatante figure : mais aussi ne nous calomnions pas nous-mêmes ! le jour de la justice se lèvera assez tôt ! assez tôt la postérité dira, en pesant nos mémoires : Ils furent (ce que nous sommes en effet) les hommes d’une double époque dans un siècle de transition !
Quant à moi, Messieurs, si, atteint quelquefois de ce dégoût de mon temps, maladie éternelle de tout ce qui pense, j’étais tenté d’être injuste envers mon siècle, je jetterais un regard sur les hommes devant qui s’élève aujourd’hui ma voix ! je contemplerais, dans cette enceinte même, ici l’Homère du christianisme, assis non loin de son Platon ! là cet orateur philosophe, que la pensée et la parole, que la monarchie et la liberté revendiquent comme leur plus loyal et leur plus profond interprète ! ici ce généreux citoyen, qui le premier osa tenter la colère de la tyrannie, quand tout flattait ou se taisait ! homme digne des temps antiques, si les temps antiques furent ceux de la simplicité, de la vertu, de la candeur, du génie, du dévouement qui ne se compte pour rien, et de la gloire qui s’ignore elle-même ! Sa parole, comme un glaive libérateur, trancha ce nœud de servitude qui enchaînait la France à l’oppression, et retentira longtemps dans notre histoire comme le premier soupir de restauration et de liberté, sorti du cœur d’un homme de bien, son plus digne temple et son plus éloquent organe ! Ce Pline français, chez qui le génie n’est que l’œil de la science, et dont la vaste et puissante intelligence semble avoir été créée par la nature pour la surprendre dans ses mystères, comme pour la décrire dans sa majesté ! Ce digne chef de notre premier corps politique, dont la sagesse se confondra dans l’avenir avec la sagesse de nos législations qu’il a préparées ! Ces maîtres de nos deux scènes, les uns habiles héritiers de nos chefs-d’œuvre qu’ils perpétuent, les autres hardis novateurs cherchant le vrai dans la seule nature, et la lumière dans leur seul génie ; ces dignes princes de l’Église, qui consacrent les lettres de la sainteté de leur vertu ; enfin ce jeune et brillant Quintilien, qui, dans l’ombre de nos écoles, s’est élevé à lui seul une tribune retentissante, et dont l’éloquence, dépassant cette tribune même, s’élève à la hauteur de tous les sujets, à la rivalité de tous les talents ! Que si, franchissant les bornes de cette enceinte, mon regard se porte sur la génération qui s’avance, je le dirai, Messieurs, je le dirai avec une intime et puissante conviction, dussé-je être accusé d’exagérer l’espérance et de flatter l’avenir, heureux ceux qui viennent après nous ! tout annonce pour eux un grand siècle, une des époques caractéristiques de l’humanité. Le fleuve a franchi sa cataracte, le flot s’apaise, le bruit s’éloigne, l’esprit humain coule dans un lit plus large, il coule libre et fort ; il n’a plus à craindre que sa propre fougue, il ne peut être souillé que de son propre limon. Une intention droite l’emporte et le dirige ; une soif immense de perfectionnement, de morale et de vérité le dévore ; un sens nouveau, un sens salutaire ou terrible, lui a été donné pour l’assouvir. Ce sens qui a été révélé à l’humanité dans sa vieillesse, comme pour la consoler et la rajeunir, c’est la presse ; cette faculté nouvelle qui s’ignore, s’épouvante encore d’elle-même, elle jette dans une civilisation toute faite le même désordre qu’un sens de plus jetterait d’abord dans l’organisation humaine ; mais le temps, mais ses propres excès, mais l’épreuve seule infaillible des législations en régleront l’usage, sans en retrancher les fruits, et quel que soit le doute effrayant dont elle travaille encore les plus fermes intelligences, je ne puis croire que nous devions maudire une puissance de plus accordée à la pensée de l’homme par une Providence plus généreuse et plus prévoyante que nous, étouffer un de ses plus beaux dons, et lui rejeter son bienfait.
Une jeunesse studieuse et pure s’avance avec gravité dans la vie ; les grands spectacles qui ont frappé ses premiers regards, l’ont mûrie avant l’âge ; on dirait qu’un siècle la sépare des générations qui la précèdent. Elle sent la dignité de la vocation humaine, vocation relevée et élargie par des institutions où toutes les libertés de l’homme ont leur jeu, où toutes ses forces ont leur emploi, où toutes ses vertus ont leur prix. Les lettres s’imprègnent de cette moralité des mœurs et des lois. La philosophie, rougissant d’avoir brigué la mort et revendiqué le néant, retrouve ses titres dans le spiritualisme, et redevient divine en reconnaissant son Dieu. Le spiritualisme lui-même remonte d’un cours insensible vers la philosophie révélée, il s’incline devant le dogme, mystérieuse expression de vérités surhumaines, et confesse enfin que, pour être juste comme pour être vraie, la philosophie ne peut point faire abstraction de la plus pure et de la plus large émanation de la lumière qui ait été départie à l’homme : le christianisme ! L’histoire s’étend et s’éclaire ; elle écrit l’homme tout entier, elle voit les idées sous les faits, et suit les progrès du genre humain dans la marche sourde et lente de la pensée, plus que dans ces journées sanglantes qui élèvent ou précipitent la fortune d’un homme, sans rien changer au sort de l’humanité. La poésie, dont une sorte de profanation intellectuelle avait fait longtemps, parmi nous, une habile torture de la langue, un jeu stérile de l’esprit, se souvient de son origine et de sa fin. Elle renaît fille de l’enthousiasme et de l’inspiration, expression idéale et mystérieuse de ce que l’âme a de plus éthéré et de plus inexprimable, sens harmonieux des douleurs ou des voluptés de l’esprit ; après avoir enchanté de ses fables la jeunesse du genre humain, elle l’élève sur ses ailes plus fortes, jusqu’à la vérité aussi poétique que ses songes, et cherche des images plus neuves pour lui parler enfin la langue de sa force et de sa virilité. Un souffle religieux travaille la pensée humaine ; mais cette religion intime et sincère ne s’appuie que sur la conscience et la foi. Elle ne demande au pouvoir ni des alliances qui l’altèrent, ni des faveurs qui la corrompent ; elle ne demande que ce qu’elle accorde elle-même, que ce qui fait son essence et sa gloire, indépendance et conviction. La politique n’est plus cet art honteux de corrompre ou de tromper pour asservir. Le christianisme avait jeté aussi en elle un germe divin de moralité, d’égalité et de vertu, qu’il a fallu des siècles pour faire éclore. On le voit poindre d’âge en âge, dans les soupirs des peuples et dans les vœux des bons rois, comme une pensée vivace du genre humain, toujours combattue, jamais étouffée ; déjà le génie bienfaisant de Fénelon la révèle au pouvoir, comme la sainte loi de la charité politique, comme l’évangile des rois. Elle survit aux rigueurs du despotisme, comme aux saturnales de l’anarchie ; elle triomphe des faibles qui la nient comme des insensés qui la profanent. La morale, la raison et la liberté sortent enfin du vague des théories, essayent des formes, et prennent une vie et un corps dans des institutions où l’ordre et la liberté se garantissent, où la monarchie qui les protége grandit à nos yeux du seul titre que nous revendiquions pour elle, la tutrice des droits et des progrès du genre humain.
Voilà les prémices du siècle qui s’ouvre ! S’il n’oublie point les sanglantes leçons du passé ; s’il se souvient de l’anarchie et de la servitude, ces deux fléaux vengeurs, qui attendent, pour les punir, les fautes des rois ou les excès des peuples ; s’il ne demande point aux institutions humaines plus que l’imperfection de notre nature ne comporte, il remplira sa glorieuse destinée ; il répondra à ce sentiment sympathique dont les hommes d’espérance aiment à le saluer dès aujourd’hui. Ce siècle datera de notre double restauration ; restauration de la liberté par le trône, et du trône par la liberté. Il portera le nom ou de ce roi législateur qui consacra les progrès du temps dans la Charte, ou de ce roi honnête homme dont la parole est une charte, et qui maintiendra à sa postérité ce don perpétuel de sa famille. N’oublions pas que notre avenir est lié indissolublement à celui de nos rois ; qu’on ne peut séparer l’arbre de sa racine sans dessécher les rameaux, et que la monarchie a tout porté parmi nous, jusqu’aux fruits parfaits de la liberté. L’histoire nous dit que les peuples se personnifient, pour ainsi dire, dans certaines races royales, dans les dynasties qui les représentent ; qu’ils déclinent quand ces races déclinent ; qu’ils se relèvent quand elles se régénèrent ; qu’ils périssent quand elles succombent ; et que certaines familles de rois sont comme ces dieux domestiques, qu’on ne pouvait enlever du seuil de nos ancêtres sans que le foyer lui-même fût ravagé ou détruit.
Et vous, Messieurs, vous ouvrirez successivement vos rangs au talent, au génie, à la vertu, à toutes les prééminences de ces époques ; déjà d’illustres et pures renommées vous attendent ; vous n’en laisserez aucune sur le seuil ! Sans acception d’écoles ou de partis, vous vous placerez, comme la vérité, au-dessus des systèmes. Tous les systèmes sont faux ; le génie seul est vrai, parce que la nature seule est infaillible. Il fait un pas et l’abîme est franchi ! il marche et le mouvement est prouvé ! Vous voudrez que ce corps illustre, comme le prisme dont les nuances diverses forment l’éclatante harmonie, réunisse toutes les célébrités contemporaines, et concentre tous les rayons de cette immortalité nationale dont vous êtes le foyer et l’emblème ! et vous glorifierez ainsi le roi qui vous protège, le grand homme qui vous fonda la France qui se reconnaît et qui s’honore en vous !