Messe à la mémoire de M. Max Gallo
En l'église Saint-Étienne-du-Mont,
le 21 juillet 2017
J’aimerais évoquer auprès de vous, dans cette église Saint-Étienne-du-Mont qu’il aimait, qui était sa paroisse et dans laquelle il avait toujours souhaité que fussent célébrées ses obsèques, la dernière partie de la vie et de la carrière de Max Gallo : sa présence à l’Académie française où nous l’avions accueilli il y a dix ans tout juste, en 2007.
Il avait succédé à un grand philosophe, qui avait été aussi un immense journaliste, un analyste politique et un esprit libre comme il y en a peu. Je vous parle de Jean-François Revel. À ce titre, la transition s’imposait entre ces deux hommes qui, du reste, avaient collaboré au même hebdomadaire : L’Express.
Des amis, des proches de Max Gallo, plus autorisés que moi, nous parleront de lui et de ses fidélités familiales et donc niçoises qui ont nourri en particulier son œuvre romanesque, à commencer par sa mémorable Baie des Anges de 1975.
Ils nous parleront aussi de l’essayiste et de l’historien infatigable qui a su faire aimer l’histoire au plus grand nombre, tout comme de l’homme engagé, passionnément engagé qui sut prendre ses responsabilités politiques au service d’une unique passion, la France, dont il n’a cessé de raconter, de commémorer, de faire aimer le « roman national » (j’ose cette expression devenue si controversée !), sans en méconnaître pour autant les zones d’ombre, aussi bien dans ses livres que dans les émissions de radio où il intervenait (je pense en particulier à « L’Esprit public », le dimanche sur France Culture).
L’amour de la France, c’est aussi l’amour du français, l’amour de la langue française. Il était donc logique qu’il nous rejoignît à l’Académie et se montrât même particulièrement actif au sein de notre Commission du Dictionnaire qui se réunit le jeudi matin.
C’est là où j’ai vraiment connu Max. Je revois sa haute silhouette, ses yeux d’une intelligence malicieuse derrière ses épaisses lunettes, quand il se penchait vers nous avec bienveillance et nous suggérait une meilleure définition d’un mot, nourri qu’il était par sa phénoménale culture politique et historique.
Passait pourtant souvent en lui, dans son beau regard, comme un voile de mélancolie que sa pudeur ne parvenait pas à cacher. On avait alors le sentiment que cet homme qui était parti si loin, qui avait connu de si douloureuses tragédies familiales, semblait dès lors revenu de tout.
Je conclurai par un mot qui me tient particulièrement à cœur : celui de « Compagnie ». C’est ainsi que les membres de l’Académie définissent le groupe qu’ils forment.
Au sein de ce groupe, Max a été heureux, je peux en témoigner, comme nous avons été heureux de le compter parmi nous. À la fin de sa vie, alors que les atteintes de la maladie de Parkinson l’éprouvaient si cruellement et qu’il ne pouvait plus participer à nos travaux de la Commission du Dictionnaire, il fit l’effort tout de même, à plusieurs reprises, de venir nous attendre, le matin, à l’entrée du 23 quai de Conti, juste le temps de nous serrer la main, d’échanger quelques mots avec nous, de nous dire qu’il espérait bientôt être en mesure de nous retrouver et de reprendre avec nous nos travaux – mais y croyait-il vraiment ? Puis il regagnait tant bien que mal son domicile. Et nous avions le cœur serré.
Max, en rejoignant notre Compagnie, a donc été, stricto sensu, mon compagnon – une étymologie magnifique pour définir celui qui partage le pain avec un autre – ce pain qui peut être celui de l’esprit, de la langue.
Compagnon, vous l’avez compris, est une autre manière, l’une des plus belles que je connaisse, de désigner un ami. Max, et Marielle son épouse, sont devenus très vite de chers et fidèles amis. De ceux qui nous rendent la vie plus douce, plus confiante, plus enrichissante aussi.
Perdre un ami compte parmi les épreuves les plus douloureuses qui soient. Je n’insisterai pas. Mais ne jamais oublier Max, penser à lui, resonger à l’ami disparu, à l’ami à qui nous rendons hommage aujourd’hui, sera encore pour moi un bienfait.