Réponse de M. Abel-François Villemain
au discours de M. Bon-Joseph Dacier
DISCOURS PRONONCÉ DANS LA SÉANCE PUBLIQUE
le jeudi 28 nocembre 1822
INSTITUT ROYAL DE FRANCE
Appelé à l’honneur de recevoir dans l’Académie l’un des plus vénérables représentans de l’érudition littéraire, je n’éprouve ni l’embarras, ni le besoin de préparer avec art un de ces éloges publics et solennels dont l’usage est un peu ancien parmi nous, et que la vérité même ne sauve pas toujours de la monotonie. Quatre-vingts ans d’une vie honorable et pure, incessamment occupée par l’étude, dévouée tout à la fois à l’amour des lettres, et à l’encouragement, à la gloire de ceux qui les cultivent ; voilà ce qui rend inutile envers vous, Monsieur, tout langage flatteur, et ce qui ne permet, dans ma bouche surtout, que l’expression mesurée du respect. Les louanges passagères sont la palme et l’ambition du jeune homme ; l’estime publique est la couronne du vieillard. Que pourrais-je vous dire, Monsieur, qui valût ce témoignage universel et paisible d’une considération lentement acquise par de nobles travaux, et consacrée sur votre tête par l’épreuve de l’âge et du temps ? Votre réputation date déja d’un autre siècle ; et l’auteur du Voyage d’Anacharsis, le vertueux, le savant, l’ingénieux Barthélemy, frappé de retrouver en vous ce mélange d’érudition et d’urbanité dont il était lui-même le modèle, vous nommait, il y a plus de trente ans, à cette même place où les suffrages d’une autre génération vous appellent aujourd’hui. Ainsi, monsieur, vous ne pouvez dire comme un célèbre Romain, d’une humeur un peu chagrine, que l’on est malheureux d’avoir pour juges de ses actions des hommes qui n’étaient pas nés quand on les a faites. Vous éprouvez, au contraire, que les bons écrits, qui sont les actions de l’homme de lettres, ne vieillissent pas dans la mémoire, et forment une recommandation toujours contemporaine et des titres toujours présens.
Les vôtres d’ailleurs, Monsieur, s’ils ont commencé à une époque déja bien loin de nous, se sont jusqu’à ce moment même entretenus et renouvelés sans cesse par de rapides et intéressantes productions, où se conserve toujours le précieux caractère qui marqua vos premiers travaux, la connaissance profonde, le sentiment vrai de l’antiquité, surtout de cette antiquité grecque, la mère de tous les arts, et la source des plus vives lumières qui aient éclairé l’esprit humain.
Cette heureuse prédilection, ce culte du bon goût qui vous dicta, dès la jeunesse, l’élégante traduction du plus naturel et du plus pur des écrivains attiques, semblait il y a peu de temps encore vous inspirer une véritable éloquence, lorsque, rendant hommage à la mémoire de l’un des plus fervens adorateurs de la Grèce, de M. de Choiseul-Gouffier, vous partagiez l’enthousiasme exprimé dans son ouvrage. Avec quelle force, Monsieur, avec quelle jeunesse de pinceau, pardonnez-moi cette expression, n’avez-vous pas représenté ce digne et fidèle amant de tous les beaux souvenirs, parcourant, plein d’une religieuse douleur, le territoire asservi du Péloponèse, remuant tous les débris, interrogeant toutes les ruines, sans négliger la population moderne, qui est elle-même une ruine vivante et glorieuse de la Grèce antique ! Vous redisiez alors ce vœu de M de Choiseul, ce vœu du christianisme et de l’humanité pour l’affranchissement de la Grèce ; vœu sacré que n’ont point affaibli, sans doute, les nouvelles barbaries des oppresseurs et l’héroïsme infortuné de leurs victimes.
Ainsi, Monsieur, le culte des beaux-arts est l’allié naturel de tous les nobles sentiments, de toutes les pensées conformes à la dignité humaine. La perfection même du goût ne fait que développer la générosité du cœur. Éclairer notre raison, c’est élever notre ame. Par combien d’exemples, et sous combien de nuances délicates cette heureuse union ne se reproduit-elle pas dans la vie de tant de savants illustres dont vous avez été, depuis quarante ans, le fidèle et ingénieux historien !
Le recueil de vos éloges, si curieux et si varié, où figurent tour à tour tant de mérites différents, tant de célébrités étrangères et nationales, ce recueil que l’on pourrait nommer justement une histoire dramatique et animée de la littérature savante depuis un demi-siècle, serait aussi l’heureuse démonstration de cette vérité, qui rattache à l’amour des sciences et des lettres l’habitude des plus nobles sentiments ; et la vie entière du panégyriste en serait la dernière preuve. L’Académie, Monsieur, par le choix qu’elle fait de vous, a donc voulu tout ensemble rendre honneur à vos utiles travaux, au corps savant qui vous les inspira, et à la mémoire de l’illustre prédécesseur que vous avez loué si dignement, et dont le nom rappelle une autre gloire qu’il ne nous est pas permis d’oublier.
Pendant plus d’un siècle, chaque solennité semblable à celle qui nous réunit en ce jour ramenait avec de nouveaux éloges le puissant nom de Richelieu, de ce ministre ambitieux, mais au profit de l’état, qui, tenant le monarque esclave sur un trône aggrandi, releva les étendards de la France à la hauteur où les avait portés l’immortel Henri IV, et, du milieu de toutes les factions et de toutes les faiblesses, fit sortir un royaume florissant, belliqueux, paisible, dont la splendeur, pour éclater toute entière, n’attendait plus que Louis XIV. Sans doute, l’histoire et la postérité ont fait un choix sévère dans les louanges que la littérature reconnaissante avait prodiguées à Richelieu ; et l’Académie a pu sagement interrompre cette tradition d’un panégyrique uniforme, contre lequel la morale et la justice avaient souvent à réclamer. Mais quand l’homme puissant n’est plus loué par cette flatterie héréditaire qui survit quelquefois à la force, et semble en aduler le souvenir, il a droit encore d’être jugé ; et s’il fut un grand homme, il conserve une immortalité désormais indépendante des exagérations de l’enthousiasme et de la haine. Tel nous apparaît ce Cardinal de Richelieu, qui, malgré l’inflexible hauteur de son génie, aima les lettres, en conçut la grandeur, en favorisa l’influence. Que son nom, toujours présent dans l’histoire et dans la politique, retentisse encore parmi nous, aujourd’hui surtout, qu’il semble disparaître de cette enceinte avec son illustre et dernier représentant !
Vous venez, Monsieur, de payer un juste hommage à la mémoire de ce noble héritier d’une grande famille, qui, dans une vie consacrée trop peu de temps à la France, fut assez heureux pour rajeunir l’illustration de sa race, par de nouveaux titres et de nouveaux services. Vous avez retracé cette gloire que la destinée cruelle des révolutions le força de chercher long-temps sur une terre étrangère ; vous l’avez montré civilisant une contrée barbare, et faisant fleurir les arts et l’industrie de l’Europe dans une portion de ce récent et vaste empire, dont le glorieux fondateur était venu jadis honorer dans Paris le tombeau de Richelieu, et consulter, près de ce monument, le génie des grands hommes et celui de la France. Vous l’avez représenté, dans une carrière plus heureuse, quoique pénible, dévouant ses efforts aux intérêts du trône et de la patrie.
Essaierai-je de toucher après vous ce difficile sujet ? Qui peut se croire assez sûr de sa raison et de la justice des autres, pour entreprendre d’apprécier la vie d’un homme d’état, au milieu des intérêts et des passions qu’il eut à gouverner ? Mais, par un privilége remarquable, tel est le caractère des plus importantes actions du duc de Richelieu, qu’elles peuvent espérer déja l’impartialité de l’histoire. Ministre du Roi, au milieu des infortunes et de la détresse que nous avaient léguées l’usurpation et la guerre, M. de Richelieu obtint et mérita l’inappréciable bonheur de concourir puissamment à la libération de la France. Dans ce mot seul est renfermé son éloge, sa défense, sa gloire.
Faut-il craindre de rappeler, Messieurs, les circonstances déplorables d’une épreuve si accablante pour un grand peuple ? Le patriotisme conseille-t-il l’ingratitude et l’oubli ? Si, par le bienfait du pouvoir légitime, par la force de nos institutions, et, pour ainsi dire, par la vertu de cette heureuse terre de la France, les vestiges de nos désastres ont promptement disparu, en doit-on moins de reconnaissance aux premières et généreuses mains qui luttèrent contre la calamité publique ? Nous avons tous présente à la mémoire cette époque où notre patrie, après un court et terrible orage, ayant de nouveau recouvré son roi et l’espoir de ses institutions, voyait les drapeaux étrangers envahir obstinément nos provinces, et l’Europe camper toute entière en armes autour de la France, redoutable encore dans son repos et dans ses revers.
Quelle était, Messieurs, la mission de l’homme d’état qui devait tout ensemble faire pressentir combien il restait de force à la France abattue, et rassurer les couronnes étrangères contre les souvenirs et les inquiétudes d’une telle pensée ! quel mélange de modération et de juste fierté, quel éloignement de toute passion, quel mépris de toute vaine crainte était nécessaire pour hâter, pour finir des transactions politiques extraordinaires comme le désastre de la France, et placées par leur nouveauté même hors de tous les calculs et de tous les exemples.
Autrefois dans l’Europe, la diplomatie était un art presque régulier, une tactique d’ambition, une science cachée d’envahissemens, dont les traditions s’étudiaient, dont les hasards même étaient prévus et fixés d’avance. C’était, s’il est permis de le dire, un jeu plus savant que ruineux, où les pertes se balançaient, où la fortune d’un empire n’était jamais engagée sans réserve, où la lenteur était permise, où la ruse était ordonnée. Les souverains et les peuples demeuraient spectateurs intéressés, mais paisibles, du débat soutenu par quelques habiles négociateurs choisis de part et d’autre, et qui discutaient à loisir la possession de quelques villes enlevées ou défendues par des armées peu nombreuses. Il n’en est plus ainsi, depuis que, par le mouvement terrible dont l’Europe fut ébranlée, il y a trente ans, les rois, les dynasties, les nations tout entières, sont descendues sur le champ de bataille. On a vu les bornes antiques des états tomber sous le niveau de la conquête ; des peuples ont perdu jusqu’à leurs noms ; des races de souverains éphémères ont passé ; et la victoire, illimitée dans chacune de ses vicissitudes, a parcouru successivement les capitales de tous les empires. Alors les états, soulevés jusque dans leurs fondements, ont eu leurs populations entières pour soldats ; leurs rois pour généraux et pour ambassadeurs. La guerre avait été le péril de tous les droits et de tous les trônes : la paix semblait devenir le rétablissement de la société même ; et les destinées de l’Europe paraissaient comprises dans l’accomplissement et les conséquences d’un traité.
Sans doute, Messieurs, si la France survécut à ses malheurs, si elle reprit sa dignité, si elle effaça l’injure de son territoire, c’est à elle-même, c’est à son roi qu’elle doit en rendre grace. C’est à son roi surtout qu’elle doit reporter le premier honneur de sa délivrance anticipée ; et certes, Messieurs, dans un tel bienfait, nous ne voudrions pas accepter un autre bienfaiteur que le fondateur même des libertés nationales ; que ce monarque dont l’Europe vénérait les vertus et les droits comme une publique sauvegarde ; que ce digne héritier d’Henri IV et de saint Louis, qui, en remontant sur le trône de ses pères, aux acclamations de son peuple, avait, par sa seule présence, raffermi les trônes de tous les rois.
Mais M. de Richelieu, par son zèle et par ses efforts, n’eût-il que de quelques jours hâté la fin de l’occupation étrangère et du deuil public, tout cœur français lui devrait un hommage ; et, sans lui attribuer ici plus de part qu’un seul homme n’avait le droit d’en avoir dans un événement rendu nécessaire par tant de causes, disons qu’au milieu du sénat des rois, il fut un incorruptible témoin, un ardent zélateur, un habile interprète des vœux de la patrie et de la dignité du trône. Là, sans doute, il avait à combattre plus d’un intérêt exigeant, plus d’une crainte spécieuse. Là, siégeait cette puissance circonspecte et persévérante qui, depuis trente ans, s’est agrandie au milieu des fortunes les plus diverses, toujours attentive à profiter de ses succès, et quelquefois même de ses revers. Là, paraissait ce vaillant héritier de Frédéric, dont les états avaient supporté tout le poids de la conquête, et qui pouvait être armé contre nous du souvenir de ses pertes et de ses malheurs. Près de lui, l’habile Angleterre était représentée par ce ministre, à qui son génie ardent et laborieux et sa longue pratique des mouvements de I’Europe donnaient tant de crédit sur les conseils des rois, Castelreagh, qu’une mort si cruelle et si récente ne soumet pas encore au jugement de l’histoire. Là, enfin, M. de Richelieu revoyait ce monarque, dont il avait autrefois mérité l’auguste amitié, et secondé les premières vertus dans le soin d’un vaste empire, ce monarque, dont la grande ame servait seule de contrepoids à sa propre puissance et à l’ambition de tous, Alexandre, que la religion et l’humanité, ces deux souveraines de son noble cœur, voudraient proclamer le pacificateur de l’Orient, comme il fut celui de l’Europe.
Sur cet imposant théâtre de la politique moderne, M. de Richelieu était puissant par l’élévation et la pureté de son ame. En lui, l’honnête homme soutenait et agrandissait l’homme d’état. La véracité de sa parole, l’énergie de sa conviction écartaient les ruses subalternes de la politique, et frappaient droit au cœur des souverains dignes de l’entendre. Il réussit ; il devait réussir : et sa loyauté toute française éprouva dans le sentiment du bien qu’il fesait à son pays, une de ces joies vertueuses qui se servent de prix à elles-mêmes, et auprès desquelles la gloire n’est qu’une seconde récompense.
Le noble caractère de M. le duc de Richelieu, appliqué au gouvernement intérieur de la France, ne devait pas, ce semble, obtenir une influence moins heureuse. Des études variées, une attention vive et pénétrante, exercée par de longs voyages, par le spectacle des révolutions, et par les épreuves du malheur, avaient étendu son esprit. Son ame, naturellement haute et modérée, était étrangère aux passions communes, et n’admettait que la justice et le devoir. Un dévouement inaltérable à la monarchie, une ferme confiance dans ses propres intentions, et cette heureuse sécurité d’une vertu toujours la même lui inspiraient des pensées calmes et conciliatrices. Il ne se précipitait pas vers le bien ; il savait le préparer et l’attendre. Il avait beaucoup de lumières sur les diverses parties du gouvernement, une prompte intelligence de toutes les idées d’ordre, d’industrie, de prospérité sociale. Il souhaitait, il cherchait pour les peuples tout le bonheur dont les institutions les plus libres ne sont que l’instrument et la garantie. Tant de précieux avantages et des vœux si purs suffisaient-ils pour achever le grand ouvrage du rétablissement du trône légitime sur la base nouvelle et nécessaire des libertés publiques ? Le développement des institutions généreuses que la France doit à son Roi, leur application, forte et paisible, loyale et populaire, pouvait-elle être le résultat d’un seul effort et d’une seule époque ? On jugera plus tard ces questions. Pour les hommes d’état, le tombeau ne commence pas encore l’avenir. Heureux cependant le sage dépositaire du pouvoir, dont il faut estimer les lumières et la vertu, avant même d’avoir eu le temps de vérifier les prévoyances de sa politique ! Honneur durable à l’homme d’état qu’aucune opinion ne peut juger même sévèrement, sans lui rendre d’abord une espèce d’hommage, et sans lui accorder quelques-unes des louanges qu’une autre opinion lui refuse !
Avouons-le d’ailleurs, Messieurs, s’il est aux yeux de l’histoire une tâche difficile autant que glorieuse, pleine de mécomptes et de périls, c’est le fardeau du ministère dans ces mémorables époques de restauration politique, où la souveraineté légitime reprend et modifie ses droits, où les traditions renaissent et manquent de toutes parts, où le présent même est encore inconnu, où le pouvoir enfin, nouveau, quelle que soit son antique origine, ne va plus comme de lui-même, suivant la pensée de Bossuet, et doit calculer à chaque pas le mouvement des ressorts qu’il vient à peine de créer. Dans le premier essai, au dans le développement inattendu des libres institutions qu’embrasse la monarchie, le succès ne suit pas toujours les plus nobles efforts. Des hommes vertueux, des hommes habiles succombèrent à cette épreuve. Clarendon s’exila : l’illustre Bolingbroke fut condamné. M. de Richelieu qu’une situation sans exemple et que l’inviolabilité de son beau caractère mettait à l’abri de ces grands orages de la liberté politique, éprouva cependant toutes les contradictions qu’entraîne cette liberté salutaire. Sur un sol incertain et mouvant, il marcha sans défiance et sans intérêt personnel, n’hésitant jamais à s’engager lui-même pour ce qu’il croyait la justice. Peut-être sa loyauté vive et sans détour ne s’armait-elle pas assez contre les chances compliquées d’une forme de gouvernement difficile et nouvelle. Ces attaques variées, ces rapides évolutions des partis, ces brusques changemens dans les amitiés et dans les haines, qui sont les accidens naturels de la guerre politique, et les stratagèmes de la tribune, étonnaient sa vertu. D’ailleurs, Messieurs, dans cette admirable constitution politique où les passions même tournent à l’intérêt commun, où l’ambition ennoblie par le combat et la publicité devient le droit légal du talent, pour conserver long-temps le pouvoir, il faut en être jaloux, il faut l’aimer avec passion, et le défendre comme une conquête : mais l’ame désintéressée de M. de Richelieu pouvait elle éprouver ce sentiment exclusif ? un péril de l’état et du trône, l’occasion d’un difficile dévouement, de royales douleurs à consoler, voilà les seuls motifs qui triomphaient de sa modeste indifférence pour les honneurs, et le forçaient d’accepter le pouvoir. Mais le danger s’éloignait-il ; les temps devenaient-ils plus calmes et meilleurs, cette ame généreuse se détachait de la puissance, à mesure qu’elle y voyait un autre intérêt que celui d’un grand devoir et d’un sacrifice. Il lui semblait que sa tâche finissait, au moment où elle aurait pu flatter l’orgueil et l’ambition.
Je n’essaierai pas de pénétrer plus avant dans le secret de ce noble cœur. Ce droit n’appartenait qu’à l’amitié éloquente qui s’est fait entendre à la Chambre des pairs, avec une si grande autorité de douleur et de talent. Pour nous, il nous suffit de rappeler ce qui frappait tous les yeux, ce qui formait le caractère public de M. de Richelieu, cette probité imposante et simple, qui, dans les plus hautes affaires devient une puissance ; ce mépris de la richesse si naturel en lui, qu’il ne semblait pas même une vertu ; ce zèle actif pour la France, ce dévouement si pur, si désintéressé pour l’auguste dynastie de nos rois ; ce respect religieux pour le Roi fondateur de la charte, cet empressement à montrer que l’immortel auteur de nos libertés en était le sage et constant défenseur, et qu’il les protégeait comme le monument de sa gloire, et l’héritage immuable de son peuple.
Il nous suffit surtout, Messieurs, de rappeller ce mouvement de consternation publique, ce deuil profond qui suivit la mort si soudaine de M. de Richelieu et honora ses funérailles. Dans cette vie de notre siècle où l’intérêt et l’ambition occupent tant de place, dans nos jours agités et distraits par tant d’événemens, parmi tant d’émotions qui passent si vite, ce n’est pas un faible titre d’honneur, que ces témoignages publics d’intérêt sur la perte d’un homme, et ces regrets unanimes autour d’un tombeau. Le pouvoir n’était plus là ; il avait cessé même avant la mort, les engagemens de la politique n’avaient plus où se prendre : il n’y avait plus ni calculs ni espérances : il n’y avait que des souvenirs, de la justice et de la douleur : c’était l’honnête homme que l’on pleurait : c’était l’ami loyal de son prince et de son pays, le français fidèle, l’homme juste, éclairé, généreux, à qui l’on rendait un tardif, mais universel hommage.