HARANGUE à Madame la Dauphine faite en 1680, par Mr. le Duc de S. AIGNAN alors Chancelier de l’Académie.
MADAME,
IL restait encore pour comble des grâces que le Ciel a faites à la France, celle qu’elle en reçoit aujourd’hui. Après les Triomphes de LOUIS LE GRAND : Après avoir vu arriver par sa valeur des merveilles si surprenantes, qu’elles sont à peine croyables, il fallait encore voir arriver une autre merveille en vôtre Personne. J’abuserais de vos bontés, MADAME, par un trop long Discours en venant au détail des grandes Actions de nôtre invincible Monarque, à celui des perfections dont vôtre illustre Naissance est accompagnée. Ce n’était pas assez pour devenir la Belle-Fille de leurs Majestés, et l’Épouse de MONSEIGNEUR, d’avoir beaucoup de Vertus, il fallait les posséder toutes en un souverain degré, et avoir comme Vous, MADAME, beaucoup d’esprit, de charmes et de sagesse. Il était même assez juste que l’on se vit si fort occupé au discernement de tant de rares qualités ensemble, que cet agréable embarras fût capable d’interdire les plus Eloquents. Que ne fera-t-il point en moi, MADAME, qui, outre l’admiration et le respect qui me devraient ôter la parole, me vois choisi pour un honneur auquel raisonnablement je ne devais jamais m’attendre ? Moi qui ai toujours plus aspiré à cueillir les Lauriers de Mars, que ceux d’Apollon, et que ma profession devrait avoir instruit à monter plutôt à l’assaut, qu’au Parnasse. Mais, MADAME, ce généreux Sang, dont vous êtes sortie, me fait espérer, que malgré la douceur si naturelle à vôtre sexe, vous tiendrez quelque chose de la noble fierté des braves Aïeux qui vous ont donné l’Être. Ainsi j’ose me flatter que vous écouterez, avec quelque indulgence, le peu de politesse du Discours d’un Soldat, à qui son Auguste Protecteur a permis d’essayer sa plume lorsque ce glorieux Vainqueur, par la Paix qu’il a donnée à l’Europe, lui a ôté l’espérance de le pouvoir servir de son épée. C’est ici, MADAME, que je crois devoir terminer un Discours qui peut avoir lassé la favorable attention, d’une grande Princesse qui attendait apparemment du célèbre Corps, dont je ne suis qu’une des moindres parties, quelque chose de plus achevé et de plus digne de la belle réputation que ce Corps s’est si justement acquise. Il vous assure par moi, MADAME, qu’il fera toujours des Vœux pour la prospérité de la haute et sublime Alliance qui vient de s’accomplir, et pour une félicité qui fasse dire à toute la Terre, que quand on a l’honneur de Vous regarder on voit toujours la Fortune et la Vertu dans une parfaite intelligence. Elle n’est pas moindre entre nôtre inclination et nôtre devoir qui nous engagent à vous assurer, MADAME, que nous ne perdrons jamais les favorables occasions de vous donner des marques de nôtre profond respect, et de nôtre parfaite obéissance.