COMPLIMENT
DE CONDOLEANCE DE l’Académie Françoiſe au Roy ſur la mort de S. A. R. MONSIEUR, Frere unique de Sa Majeſté, par M. l’Abbé Regnier des Marais, Secretaire perpetuel de l’Académie.
SIRE,
VOSTRE MAJESTÉ vient d’eſtre touchée par un endroit bien ſenſible. Un Frere qui eſtoit rempli d’amour & de veneration pour Vous ; qui dans tout le cours de ſa vie n’avoit ſongé qu’a vous obeïr, & qu’à vous plaire; & que vous aimiez tendrement, vient de vous eſtre enlevé tout d’un coup, avec des circonſtances ſi triſtes, que meſme la douleur du ſpectacle ne vous a pas eſté eſpargnée.
La fermeté de voſtre courage, SIRE, peut Vous fournir des reſſources contre toutes ſortes d’accidents : mais dans un naturel auſſi excellent que celuy de V. M. il eſt impoſſible que la fermeté de courage ne ſoit quelquefois contrainte de ceder aux mouvements de la tendreſſe & de l’amitié ; & les larmes de V. M. l’ont bien fait voir.
Elles ont eſté suivies de celles de toute la France, accouſtumée depuis long-temps à regler ſes ſentiments ſur les voſtres, & à s’affliger, ou à ſe resjouir avec vous : C’eſt à vous maintenant, SIRE, à la conſoler, c’eſt à vous à en eſſuyer les pleurs : mais le pouvez-vous, ſi vous n’eſſuyez premierement les voſtres.
Que V. M. tourne donc deſormais les yeux, non plus ſur la perte qu’Elle vient de faire ; mais ſur tant de graces, dont le Ciel a comblé ſi abondamment voſtre Regne ; ſur Monſeigneur qu’il vous a conſervé depuis peu ſi heureuſement, & qui n’aime pas moins en vous le Roy que le Père ; ſur les Princes vos Petits-fils, qui ſe rendent ſi dignes de leur Ayeul ; ſur le partage du Second, qui remplit desja le ſecond Throſne de l’Univers ; enfin ſur l’amour, ſur l’attachement & ſur le zele que tous vos Peuples & tous les Ordres de l’Eſtat ont pour V. M.
L’Académie Françoiſe, SIRE, ne preſume pas aſſez d’elle, pour oſer vous parler de ſes ſentiments, comme d’une choſe qui puiſſe meriter d’entrer dans voſtre conſolation : Mais ſi V. M. ne regardant que les cœur, peut s’en faire une, d’eſtre aimée, d’eſtre reverée, avec le zele du monde le plus veritable & le plus ardent, nous en diſputerons le prix à toute la France.