COMPLIMENT
Fait à Fontainebleau le 23. Sept. 1726.
À S. E. Monseigneur le Cardinal DE FLEURY, par M. DE VALINCOUR, l’un des Députés de l’Académie Françoise.
MONSEIGNEUR,
L’Académie Françoise nous a chargés de venir témoigner à VOTRE EMINENCE, la joie qu’elle a ressentie en apprenant la nouvelle dignité dont vous êtes revêtu, & qu’elle vous souhaitait depuis si long-tems.
Vous savez, MONSEIGNEUR, les raisons qui attachent cette Compagnie à votre personne, & qui l’obligent à regarder tous vos avantages comme les siens propres.
C’est à V. E. que nous devons l’honneur que nous a fait le plus grand Roi du monde, lorsqu’à l’exemple de son auguste Bisaïeul il s’est déclaré notre Protecteur, lorsqu’il a bien voulu assister lui-même à nos exercices & qu’il nous a donné avec son portrait ; un gage précieux de la bonté que vous lui avez inspirée pour nous.
Nous vous sommes encore redevables de bien d’autres grâces, dont nous ne ferons point ici le détail, mais qui ne sortiront jamais de notre souvenir.
Jugez, MONSEIGNEUR quels effets cela doit produire dans les cœurs d’une Compagnie, qui faisant profession d’asservir son langage au caprice de l’usage & aux règles pointilleuses de la Grammaire, se croit encore plus obligée de former ses sentiments sur les principes invariables de la justice & de la reconnaissance.
Nous espérons, MONSEIGNEUR, qu’en devenant un des Membres du Sacré Collège, vous n’oublierez pas que vous êtes un des Membres de l’Académie Françoise, & si nous avons le regret de ne vous plus voir à nos assemblées, nous nous flattons que vous regretterez quelquefois de n’y pouvoir assister.
Nous dirons en regardant votre portrait, Il serait ici lui-même parmi nous & comme un de nous, si le service du Roi, & le bien de l’État ne le demandaient ailleurs.
Pendant que nous sommes occupés à tracer des règles & des conseils pour bien écrire, il inspire à notre auguste Monarque, le désir de faire des actions dignes d’être écrites & de servir de modèle aux Rois qui viendront après lui ; il lui représente que le premier & le plus grand devoir d’un bon Prince, est de rendre ses sujets heureux, & qu’il lui est bien plus glorieux, de travailler à n’avoir jamais d’ennemis, que de se mettre dans la triste nécessité de remporter sur eux des victoires, qu’il paye toujours trop chères quand elles lui coûtent le sang de ses sujets, & la ruine de son Peuple.
Voilà, MONSEIGNEUR, de quoi nous nous entretiendrons en votre absence, persuadés d’ailleurs que les grandes & importantes affaires dont vous avez la conduite, ne diminueront rien de la généreuse attention que vous avez bien voulu donner jusqu’à présent à tout ce qui regarde notre Compagnie. Dans votre vigilance bienfaisante, semblable à ce sage économe qui s’appliquant à rendre les campagnes fertiles, & les moissons abondantes, ne néglige pas la culture ni l’ornement des Jardins, sachant bien que les fleurs qui s’embellissent par ses soins, embelliront elles-mêmes tous les lieux où elles font cultivées.
Comme il connaît parfaitement la valeur de chaque chose, il sait aussi qu’il n’y en a aucune qui ne mérite son attention & qui n’ait son utilité particulière quand elle est employée à son véritable usage.
Il ne nous reste plus, MONSEIGNEUR, qu’à souhaiter à V. E. des succès dignes de vos bonnes intentions, & que votre santé puisse résister aux fatigues de vos glorieux emplois, comme votre cœur & votre esprit résisteront toujours aux charmes flatteurs des dignités & de la grandeur, où vos vertus & la confiance du Roi viennent de vous élever.