HARANGUE AU ROI SUR SA MAJORITÉ
Prononcée le 13. Février 1723
Par M. l’Abbé MONGIN, alors Directeur de l’Académie.
SIRE,
L’ACADÉMIE FRANÇOISE impatiente de publier votre gloire s’était contentée jusqu’à ce jour, d’annoncer à vos Peuples de grandes espérances de VOTRE MAJESTÉ ; mais 1a nouvelle carrière où nous la voyons entrer, nous demande un autre langage. Le temps des promesses est passé & nos éloges sont tous prêts. Régnez SIRE, dans les grands principes de sagesse, de justice & de bonté qui vous ont été inspirés, & bientôt nous annoncerons à toute la terre que vos vertus auront déjà surpassé nos espérances.
Nos besoins, SIRE, & votre gloire le demandent, & heureusement pour nous, la raison qui dans VOTRE MAJESTÉ a toujours devancé les années, nous en donne un gage affuré. Déjà la France sous les seuls auspices de votre nom sacré, a vu pour la première fois, une Minorité tranquille. Les Princes de votre Sang ont mis leur gloire à vous être fidèles, ou à vous conduire avec sagesse. Votre Conseil a été regardé comme l’Arbitre & l’Oracle de toutes les Puissances. La pompe de votre Sacre est devenue le spectacle de toute l’Europe, & les fêtes brillantes qui l’ont suivie, ont été comme autant de présages de la félicité & de la grandeur du Règne que VOTRE MAJESTÉ nous prépare.
Vous avez vu, SIRE, toutes ces merveilles ; mais en les voyant, VOTRE MAJESTÉ n’a vu encore, pour ainsi dire, que les décorations du Trône, & les magnificences de la Royauté. Votre jeunesse vous avait dispensé d’en porter tout le poids ; mais votre Majorité vous en impose les devoirs & les soins. En devenant Majeur, Vous devenez, SIRE, le père de vos Peuples. Ils n’ont pas attendu pour vous aimer, que vous devinssiez le dispensateur des grâces & des récompenses ; leur amour s’est déclaré sans l’attrait des bienfaits ; & aujourd’hui pleinement rassurés sur les derniers périls qui semblaient encore menacer vos jours, ils attendent de VOTRE MAJESTÉ qu’elle justifiera de plus en plus, & leurs acclamations tant de fois réitérées & toutes les larmes que vous leur avez coûtées.