VERS
Récités au Roi le même jour, & présentés deux jours après à SA MAJESTÉ, par M. de LA CHAUSSÉE, de l’Académie Françoise.
ENFIN, je te revois, cher & nouvel AUGUSTE,
Que mon cœur en secret a toujours encensé…
Pardonne en ce moment le transport le plus juste,
Qui le fait exciter, n’en peut être offensé.
QUOI ! c’est toi que la mort d’une main criminelle
Entraînait à grands pas vers la nuit éternelle !
Grands Dieux ! quel sacrifice allait être accompli !
Déjà tu descendais dans la fatale barque ;
En quel temps... jours affreux, perdez-vous dans l’oubli.
L’horreur de ce forfait a désarmé la Parque.
FRANCE, il n’est plus couvert des ombres du trépas ;
Il vit, pour ressentir tout l’amour qu’il t’inspire :
Renais avec ton ROI, reprends tous tes appas
Tu viens de recouvrer l’âme de ton Empire.
ET toi, daigne agréer l’hommage mérité
Que t’offre par ma voix la simple vérité.
La feule flatterie a besoin d’être ornée :
Eh ! quand nous t’offririons ses dangereux attraits,
Tu ne recevrais point la coupe empoisonnée
Que le commun des Rois aime boire à longs traits :
Fuis, malheureuse, ailleurs va porter tes prestiges,
Tu n’élevas jamais de véritable autel.
POURSUIS, PRINCE, poursuis ton cours & tes prodiges.
Tel jadis commença ton Aïeul immortel…
Que dis-je … À peine entré dans la même carrière,
Quel amas de lauriers ([1]) ! La plus forte barrière
N’est qu’un frivole obstacle à tes premiers travaux,
Et l’altière Cité ([2]) qui bravait ton tonnerre,
Sur ses débris sanglants sert d’exemple à la terre.
Tremblez, vains ennemis... Vous, Amphions nouveaux,
Formez-vous désormais, à l’ombre de sa gloire…
Que peut mieux vous offrir le Temple de Mémoire ?
Chantez, Muses, chantez, voilà votre Apollon…
MAIS quels que soient les chants qu’elles fassent éclore,
Vois au fond de nos cœurs, tu liras plus encore,
Que n’en peut exprimer tout le sacré Vallon.
