COMPLIMENT
À M. DE MACHAULT, Garde des Sceaux, par M. DE MARIVAUX, le 8 Janvier 1751.
MONSEIGNEUR
Voici le moment de nous livrer à toute la vivacité de nos respects ; cependant nous n’en jouirons qu’avec la modération qui vous convient. L’Académie Françoise a résolu de vous plaire ; & ce ne seroit pas le moyen d’y parvenir, que de céder à l’extrême envie qu’elle a de vous louer.
On doit même ce respect à vos pareils, de ne jamais les confronter, pour ainsi dire, avec les vérités qui les louent. Ils y voyent toujours je ne sais quelle image de flatterie qui les rebute, & qui répugne à la noble, à la modeste & fière simplicité de leur âme.
D’ailleurs quel éloge pourrions-nous faire de vous, qui ne soit déjà fait dans tous les esprits, & que le ROI lui-même n’ait confirmés par l’éminente dignité dont il vous honore ?
Il ne faut pas le dissimuler, MONSEIGNEUR, vous êtes aujourd’hui l’objet intéressant des attentions du Public. Vous éprouvez le fort de ces Ministres que l’admiration & l’envie ont loué chacune à leur manière ; de ces Ministres que leurs lumières supérieures, que leur fermeté, pour les intérêts de l’État, que leur invariable amour pour l’ordre, que leur zèle ardent pour la grandeur de leur Maître, & que leur illustre naissance ont consacrés à l’Histoire.
Il nous sied bien de vous le dire, à nous que regarde principalement le soin de transmettre à la postérité & la gloire du ROI, & les grandes qualités des Ministres qui auront illustré son Règne, & par conséquent les vôtres.
Voilà, MONSEIGNEUR, le seul mot d’éloge qui nous échappe, & que vous voudrez bien nous pardonner.