REPONSE de MONSIEUR L’ABBÉ d’Eftrées, Commandeur de l’Ordre du faint Efprit, alors Directeur de l’Académie, au Difcours prononcé par M. le Duc de la Force, le jour de fa reception.
Monsieur,
Dans les fréquentes pertes que l’Académie a faites depuis quelques mois, Elle s’eft vüe enlever beaucoup d’hommes illuftres ; c’eft ce qui fait fa douleur ; mais de ne pouvoir guéres en perdre que de tels, c’eft ce qui fait fa gloire ; & enfin de pouvoir les remplacer, c’eft ce qui peut la confoler.
C’eft en effet, MONSIEUR, par cet endroit qu’elle fe confole aujourd’hui, en voyant un homme de votre naiffance, & de votre mérite prendre la place d’un grand Prélat qu’elle regrette, & dont j’avoüe que je ne fçaurois me fouvenir fans me fentier attendri : je fuis perfuadé, MESSIEURS, que ceux d’entre vous qui ont eu quelque liaifon avec lui, reffentent ce que je fens moi-même dans ce moment ; car c’eft faire un Eloge également véritable & glorieux de feu M. l’Évêque de Soiffons, que de dire qu’il s’étoit attiré l’eftime & l’amitié de tous les gens d’honneur ; & vous me pardonnerez fi je fais le mien en difant que j’étois de fes amis.
Son efprit, fa candeur, fes maniéres polies, fa fidélité dans le commerce de l’amitié méritoient qu’on s’attachât à lui : il tiroit toutes ces qualités du fond d’un beau & noble naturel, commun à tous ceux de fa Maifon. De là venoit cette union intime de trois fréres, tous trois diftinguez chacun dans leur état, digne poftérité du fameux Chancelier de Sillery.
Une mort prématurée dans un âge qui n’étoit pas encore fort avancé, nous a ravi cet aimable & refpectable Prélat, auffi recommandable par fa régularité, par fa charité envers les pauvres, par l’application à fes devoirs, que par les qualités dont la nature l’avoit avantagé. Vous lui fuccédez, MONSIEUR, & vous honorerez.la place que vous allez prendre parmi nous, vous l’honorerez, dis-je, non feulement par le rang que vous tenez dans le monde, & par le nom que vous portez, un des plus illuftres qu’il y ait dans le Royaume ; mais encore par les talents propres d’un Académicien, qui ont défia brillé dans une Cour qui eft l’Ecole du bon goût & le régne de la politeffe, & où tout jufqu’aux plaifirs eft affaifonné d’efprit.
Quand ces talens vous auroient manqué, MONSIEUR, nous aurions de quoi juftifier le choix qu’on a fait de vous par la faveur & la protection que vous accordez aux Sciences, aux beaux Arts, aux belles Lettres, & par la libéralité dont vous usez envers ceux qui s’y appliquent. Nous fommes Académiciens, notre Académie eft comme la mere & le modelle de toutes les autres : elle prend part, elle s’intéreffe à ce qui les regarde. Nous n’ignorons pas ce qui s’eft passé à Bordeaux : vous y avez établi une Académie qui renferme dans fon objet tout ce que les trois Académiciens inftitués ici, & qui travaillent fous l’autorité & la protection du Roi, fe font chacun propofé féparément, vous lui avez obtenu des Lettres Patentes de Sa Majefté ; vous y avez fondés des prix ; vous en êtes le Père : ce titre feul méritoit que nous euffions de l’empreffement pour vous aggréger à la nôtre.
Après cela, il feroit inutile que je vous exhortaffe au nom de l’Académie à remplir les devoirs d’Académicien par votre affiduité aux Affemblées, par vos lumiéres, & même comme vous le pourrier, par vos Ouvrages ; vous n’aurez qu’à fuivre votre inclination, & à laiffer prendre l’effor à votre génie, pour répondre à nos efpérances, & pour confirmer l’approbation générale qu’on a donné au choix que nous avons fait de votre perfonne.
