INSTITUT DE FRANCE.
FUNÉRAILLES DE M. DOMERGUE
Le 30 mai 1810
L’INSTITUT NATIONAL, en exécution de l’arrêté pris dans sa séance du 25 frimaire an 7, a assisté aux funérailles de M. DOMERGUE (Urbain), membre de la classe de la langue et de la Littérature françaises.
Le convoi arrivé au lieu de la sépulture, M. le comte DARU, président et membre de la Classe a prononcé le discours suivant :
MESSIEURS,
Le confrère dont nous venons déposer ici les tristes restes, a d’autant plus de doits à nos regrets qu’il nous appartenoit en quelque sorte tout entier. Quelquefois dans ces-cérémonies où nous accompagnons, du pied des autels au bord de la tombe, l’homme de lettres que nous avons perdu, nous voyons notre douleur se confondre avec celle des Corps de l’État qui rendent le même devoir à un magistrat, à un fonctionnaire que des travaux divers recommandent à la reconnaissance publique.
M. Domergue n’a exercé de magistrature que celle de l’enseignement ; mais il en a connu toute l’importance, il en a rempli tous les devoirs avec ce zèle qui soutient dans ces honorables fonctions ceux qui les ont embrassées par choix.
Dès sa jeunesse il entra dans une de ces sociétés respectables où l’on n’était appelé par aucune ambition, si ce n’est celle de s’instruire et d’être utile. La Congrégation des Doctrinaires encouragea ses premiers efforts en adoptant ses principes, et une grammaire qu’il composa devint celle qu’on enseignait dans plusieurs colléges confiés-à cette association.
En entrant dans la carrière des lettres il se voua au perfectionnement de la langue, à cette étude qui exige dans l’esprit autant de justesse que de sagacité. Tous ses travaux ont été constamment dirigés vers le même objet. Mais ce n’est point ici le lieu de vous rappeler ces ouvrages sur lesquels il aimait à vous consulter, ce n’est point ici que je dois chercher à en apprécier le mérite ; c’est l’homme que nous nous entretenons aujourd’hui, et cet homme n’est plus,
Qui de vous, Messieurs, ne se rappelle le zèle avec lequel il cherchait à rendre plus générale et plus facile la science qu’il aimait passionnément ? L’Institut depuis sa fondation comptait M. Domergue parmi ses membres, et lorsque le Gouvernement organisa les écoles publiques, ce grammairien fut choisi pour occuper une chaire qu’il a remplie avec assiduité jusqu’au moment où des infirmités douloureuses sont venues le priver du plaisir qu’il éprouvait à se trouver au milieu de ses élèves dont il savait se faire des amis.
Il ne témoignait pas un moindre empressement à venir parmi nous se mêler à ces discussions où le goût s’épure, où les principes se développent où les exemples se comparent où les usages s’expliquent et dans toutes nos relations avec lui vous aimiez à reconnaître la candeur de son caractère, la facilité de son commerce autant que la pénétration de son esprit.
Lorsque du lieu où cette triste cérémonie nous rassemble on tourne ses regards vers le passé, une vie consacrée à l’étude, sans événemens, mais sans agitations, paraît plus que jamais une destinée desirable. Et que pourrait en effet souhaiter le sage, qu’une douce jouissance dans ses travaux, la satisfaction d’avoir fait quelque bien, et cette espérance de laisser après soi d’honorables souvenirs, dernière consolation des mourans ?