Discours de réception de François de Clermont-Tonnerre

Le 13 décembre 1694

François de CLERMONT-TONNERRE

DISCOURS prononcé le 13. Decembre 1694. par Mr. l’Evefque Comte de Noyon, Pair de France, Confeiller ordinaire du Roy en fon Confeil d’Eftat, lorfqu’il fut reçû à la place de Mr. d’Aucour.

 

MESSIEURS,

 

S’IL y avoit quelque rapport entre la foibleffe des paroles, & la force des fentimens, ma bouche deviendroit aujourd’huy le fidele organe de mon cœur, & vous feroit connoiftre aifément tout ce que je ne puis affez reconnoiftre. Il eft vray, je l’avouë, & qui ne le fçait pas ? Le fublime Genie qui anime & foutient cet illuffre Corps, m’a feul infpiré le glorieux deffein d’en eftre Membre ; & comme eftant fuperieur à tout, il n’a que de grandes veuës, j’en reçois heureufement celles, que je n’aurois ofé prendre de mon chef, & que vous avez bien voulu rendre effectives. Telles font les graces de Louis LE GRAND ; graces femblables aux influences du plus beau des Aftres, & qui me donnent droit de dire avec plus de juftice, à l’honneur du Roy, que Tertullien n’écrit pour flatter les Princes de l’Afrique ; L’Eftat & le Ciel, ont le mefme fort, & doivent leur bonheur à deux Soleils, L’un furveillant à tous nos befoins, ne fe repofe jamais icy-bas, l’autre agit tousjours au deffus de nous, & l’Empire eft auffi content de fon Soleil, que le Ciel l’eft du feu. Cependant, MESSIEURS, toutes ces Royales protections confervent la liberté de voftre choix fans aucune atteinte. La feconde Majefté garde les mefmes mefures que la premiere ; prepare les cœurs, & ne les force pas, pour n’en point bleffer la délicateffe, par le pouvoir abfolu de fes ordres.

 

Mais fuivons la louable couftume de cette célébre Compagnie ; entrons dans noftre fujet & remarquons les âges differens de l’Académie Françoife. Née fous les aufpices du Cardinal Duc de Richelieu Fondateur ; élevée par les foins du Chancelier Seguier Confervateur : fortifiée des doctes écrits de mon Prédeceffeur ; confommée & comblée de toute la gloire de Louis LE GRAND, fon Augufte & Magnifique Protecteur. Ouvrages dignes de leurs Auteurs ; Auteurs dignes de leurs Ouvrages. Voilà, MESIEURS, les temps fortunez de l’enfance, de l’adolefcence, de la jeuneffe, & de la perfection, qui ont formé fucceffivement ce venerable Corps, qui eftant un chef-d’œuvre, n’a pu eftre achevé tout d’un coup.

 

Il eft certain, MESSIEURS, que le merite eft au deffus de tout ; la fortune domptée ou méprifée le reconnoift pour fon Maiftre, & fi la jaloufie combat quelquefois, la verité triomphe tousjours. L’Ecriture Sainte appelle Moïfe à ce propos, le Dieu de Pharaon, pour nous apprendre que l’homme jufte eft par excellence, le Dieu de l’Impie, & que l’eftime particuliere de la Vertu, eft une preuve publique de la Divinité. Tel a efté le fort de Jofeph, dont la Gerbe myfterieufe & élevée, eftoit le fymbole de fon merite éclatant, & de fon autorité abfoluë, exprimée par le titre glorieux de Sauveur de l’Egypte. Vous me prévenez, MESSIEURS, & vous faites par avance l’heureufe application de cette belle figure en faveur de notre incomparable Fondateur, aimé, craint, eftimé & admiré de tout le monde, malgré les vains efforts de l’envie tant de fois déchaifnée. Oui, MESSIEURS, la feule Académie Françoife peut faire dignement l’éloge de ce rare Perfonnage, l’Homme de les talens, & qui connoiffoit fi parfaitement les talens de tous les hommes. C’eft d’elle que nous apprendrons que la mefme Providence qui donna pour Miniftres le Patriarche de Jofeph à l’Egypte, & le Prophete Nathan à David, avoit refervé Armand Cardinal à Louis LE JUSTE, & à la France, pour y reftablir le pouvoir du Prince, la tranquillité de l’Eftat, & la fidelité du peuple. Tant il eft vray que le Miniftere Ecclefiaftique & facré n’eft pas incompatible avec le Politique & le Civil ; qu’il en releve & confacre les emplois ; qu’aprés avoir formé des Decrets dans les Conciles, il prononce des Arrefts dans les Confeils, & qu’eftant le canal propre & le plus prés de la fource des eaux vives & celeftes, il les verfe avec plus d’abondance & de fuccez fur les Monarques & fur les Monarchies Chreftiennes. L’Eglife & l’Eftat en feront les fideles tefmoins ; & qui pourroit en douter aprés tant de favorables experiences ?

 

Interrogez l’Eglife particuliere de Luçon, elle vous répondra que le precieux fouvenir des vertus & des fonctions Apoftoliques, Epifcopales & Hierarchiques de fon cher Armand eft tousjours prefent à fa memoire, & n’en fera jamais effacé. Confultez l’Eglife Univerfelle qui ne fouffre aucune exception de perfonnes, de lieux & de temps ; elle retentit par tout des fervices fignalez que ce religieux Cardinal luy a rendus. Remontons encore plus haut, fuivons, s’il eft poffible, le vol de cet Aigle, lorfqu’il s’éleve de la Terre au Ciel ; qu’il s’adreffe à Dieu dans l’amertume de fon cœur, luy reprefente le pitoyable eftat de l’Eglife, & en reçoit des ordres que l’homme ne peut executer fans Dieu. C’eft là qu’ont efté formez les faints projets de l’extirpation des nouvelles herefies, & de la reftitution des droits facrez de la divine Epoufe dont l’unité eftoit divifée par le fchifme, la fainteté profanée par le crime, l’eftenduë abregée par la defertion, & la fucceffion interrompue par la defobéiffance. C’eft dans le fein du Pere des lumieres qu’ont efté puifées celles de tant de Livres admirables, que le faint Efprit qui eft le doigt de Dieu, a dictez & écrits. C’eft fur la Montagne de la Sainte Sion, que le plan de la Sorbonne a efté tracé & donné par le divin Architecte à fon digne Miniftre, de mefme que le crayon du tableau de la Loy fut laiffé à Moïfe fur la Montagne de Sinaï. Sorbonne le chef-d’œuvre de noftre fiecle, l’ornement de l’Eglife Gallicane, le Sanctuaire de la Religion, l’Azile de la Foy, le fleau de l’Herefie, & le Monument éternel du zele & de la pieté du grand Richelieu.

 

L’Eftat jaloux & impatient veut auffi parler, & appelle pour tefmoin de fa gloire, la honte de tout le monde foûmis, l’Empire humilié, l’Allemagne vaincue, l’Angleterre intimidée, la Hollande allarmée, le Portugal affranchi, l’Efpagne defpouillée, l’Alliance de nos Ennemis déconcertée, celle de nos amis affermie, la noftre recherchée ; l’Europe defabufée de la fauffe prevention de l’invincible pouvoir de la Maifon d’Autriche réduite aux abois, & à la veille de tout perdre. Les elemens mefmes ont efté affujettis fous le joug & fous le poids d’un genie Maiftre & fuperieur. Et n’a-t-on pas veu le feu de la Rebellion éteint avec celuy de l’Herefie dans le fein du Royaume, l’eau de la Mer retenuë par la force d’une digue infurmontable, l’air plus ferein, & la Terre eftonnée de tant de prodiges ? Mais helas ! noftre joye n’a pas affez duré. La douleur d’une perte irreparable la fuit de trop prés. Je me trompe, MESSIEURS, Armand ne peut mourir, fon efprit & fon cœur vivent encore, & furvivront tousjours à fon corps. Moïfe le Legiflateur d’Ifraël pourveut avant fa mort à tous les befoins du peuple de Dieu, & donna des benedictions propres à chacun des douze Tribus, en regla les fonctions, retrancha les abus, & fit une efpece de Teftament général fur le modele de celuy de Jacob en faveur de fes enfans. Voilà, MESSIEURS, la noble idée du Teftament Politique d’Armand le Legiflateur de la France, où il a prevû & prefcrit tous les devoirs des Ordres & des Emplois de l’Eftat. Le Prince doit eftre tel que celuy que Dieu nous a donné, la Maifon Royale unie, le Clergé parfait, la Nobleffe généreufe, la Juflice inflexible, le Peuple fidele, le Confeil fecret, le Miniftere éclairé, le fonds des Finances affeuré ; l’abondance procurée, la Cour modefte, la Guerre jufte, la Milice difciplinée, la Paix honorable, la Vertu récompenfée, le vice puni, le merite eftimé, la fcience cultivée, & l’Académie floriffante. Teftament dont la divine Providence avoit refervé l’execution au feul Regne de Louis LE GRAND, qu’on peut dire juftement avoir plus & mieux fait en qualité de Maiftre, qu’Armand n’a penfé & écrit en celle de Miniftre.

 

Que n’ay-je affez de temps pour le confacrer à la memoire de l’illuftre Seguier, & à noftre reconnoiffance ? Je dirois qu’il a efté le Confervateur & le Tuteur de l’Académie Françoife, errante d’abord & depuis fixée en fon Hoftel, où il eft devenu l’hofte généreux des Anges vifibles de la fcience. J’adjoufterois que ce digne Succeffeur du grand Cardinal eftant le parfait Elizée de ce veritable Elie, en a receu & fait paroiftre le double efprit, de zele pour l’Eglife, & de fidelité pour l’Eftat. Je n’oublierois pas auffi qu’un Chancelier de France n’a pas dédaigné les moindres fonctions de fils & de fimple auditeur avant que d’eftre le Pere & le Chef de cette célébre Compagnie ; & qu’il nous y a laiffé un gage precieux de fon eftime & de fon amour en la perfonne de fon Petit-fils noftre Confrere, honoré des premieres Dignitez & encore plus honorable.

 

J’avouë, MESSIEURS, que les talens de mon Prédeceffeur me feroient neceffaires, pour expliquer tous ceux qui l’ont rendu fi recommandable à l’Académie. Son Eloquence grave & facile dans les ouvrages de profe & de vers, fon merite eftimé par un Miniftre eftimable, fa reconnoiffance dans une Harangue qui marque autant de cœur que d’efprit, fa charité victorieufe pour la défenfe d’un innocent preft à fubir le dernier fupplice d’un coupable, & fon attachement inviolable à tous les interefts de fon Corps. C’eft, MESSIEURSs, en ce point feul que je ne luy cede pas, que je pretends l’égaler, & que mefme j’efpere le furpaffer.

 

Vous le voyez, MESSIEURS, & je le fens encore plus ; Je tremble de peur & je fuis tranfporté de joye. Je connois comme vous que l’Efprit eft trop borné pour appliquer une forme convenable à la matiere infinie qui me refte ; mais s’il avoit autant d’eftenduë que le cœur, & fi le talent répondoit à l’amour, je pourrois tout ce que je defire. L’objet étonne & ravit l’Orateur, & sur tout un Orateur éblouï des lumieres, convaincu des merites, penetré des bontez, & mefme prévenu, s’il eftoit poffible, en faveur de fon Roy, de fon Heros, & de fon Bienfaicteur. L’hiftoire des Heros eft au deffus des Hiftoriens, les paroles n’en peuvent égaler les actions, & les Peintres manquent de couleurs ; cependant nous tenterons l’Eloge de noftre grand Monarque, & fans le charger de titres inutiles, il fuffira de dire fimplement, & de l’aveu de tout le monde, que Louis eft auffi aimable par le charme de fa Perfonne, qu’il eft eftimable par la gloire de fon Regne.

 

Il y a deux perfonnes dans un mefme homme, lorfque la Providence l’éleve aux premieres Places. La Perfonne particuliere, & la Perfonne publique. Tertullien diftingue d’abord l’Homme & Cefar, & forme enfuite des vœux proportionnez à ces deux eftats. Mais ne cherchons point d’autre exemple que celuy que nous trouvons & que nous admirons en noftre Augufte Prince, dont la Perfonne particuliere fouftient, releve, & mefme furpaffe la Perfonne publique fi glorieufement, qu’il vaudroit mieux eftre Louis fans eftre Roy, que d’eftre Roy fans eftre Louis. Rare & inimitable Original. Son air charmant & majeftueux fe répand fur toutes fes actions, fa maifon Royale emprunte quelques rayons de fa gloire, fon âge eft meur & parfait, le travail infatigable luy eft devenu naturel, fa fageffe n’a point vu d’exemple dans les fiecles paffez, & les fiecles à venir ne pourront jamais luy donner de Rivaux. Son augufte vifage n’eft pas moins connu & reveré des Eftrangers que des Sujets ; il partage fouvent les deux Saifons, de l’Efté en Campagne, & de l’Hyver en fes Palais, pour faire également la terreur de fes Ennemis, & les délices de fes Peuples. Son amour extrême pour nous facrifie toutes fes veilles à noftre repos, & s’il abrege, & méprife le temps du fommeil, c’eft parce qu’il le paffe fans nous. Son merite perfonnel épuife le fonds de la plus riche Éloquence, ou ingrate à fa vertu, ou onereufe à fa modeftie.

 

Ne vous eftonnez pas, MESSIEURS, du zele de ce Difcours ; chaque mot eft un trait de flâme. La langue & le cœur font de concert, & il feroit facile de les excufer par l’exemple de faint Grégoire de Nazianze tousjours preft à parler, & infatiable fur les louanges de faint Bafile le Grand. Dieu mefme ne condamne pas les tranfports de David, qui appelloit Dieu, le Dieu de fon cœur. Quel honneur auffi & quelle joye à un fidele Sujet attaché par tant de liens, de fermens, & de charges, de mettre fon cœur entre les mains d’un Roy, dont le cœur eft entre les mains de Dieu !

 

A peine avons-nous veu Louis fi aimable par le charme de fa Perfonne, que Louis fi eftimable par la gloire de fon Regne, fe prefente à nous. Régne religieux que la pieté confacre dans le faint exercice des divines vertus. Foy vive de Louis, qui ne porte fi loin les bornes de fon Empire, que pour donner plus d’étendue au Royaume de JESUS-CHRIST. Efperance ferme de Louis qui releve l’Eglife, dont il eft le fils Aifné fur les ruines de l’Herefie, qui en eft la Fille rebelle. Ardente Charité de Louis, qui épargne le fang de fa plus pure Nobleffe, que l’aveugle fureur des Duels immoloit à celle des Demons. Eft-il forcé par la neceffité des temps, d’impofer de nouveaux fubfides ? il en porte le poids ; fes épaules font plus chargées, que celles de fes Peuples, & fes mains liberales accouftumées au plaifir de donner, ont beaucoup de peine à recevoir. Qui pouvoit s’imaginer avec quelle impatience un Roy fi fage & fi patient d’ailleurs, foupire après le retour des temps paifibles & fortunez, pour reconnoiftre les grands fecours que fes Sujets luy donnent auffi volontiers, que les Enfans d’Ifraël offrirent à Moïfe, plus qu’il n’eftoit neceffaire ? Regne glorieux & redoutable à tout l’Univers. La Victoire affervie, & infeparablement attachée au Char de noftre Conquerant, luy doit encore plus que le tribut qu’elle paye, & ne peut eftre affez reconnoiffante. Son Trophée eft fermé des armes des Ennemis de Louis L E GRAND ; fon front n’eft couronné que de Lauriers qu’il a luy-rnefme cueillis ; fes mains font pleines de nos palmes ; la France feule empefche la prefcription de fa gloire, oubliée dans les autres Nations, & le Vainqueur a plus fait pour la Victoire qu’il a renduë conftante, que La Victoire ne fait pour le Vainqueur qu’elle rend heureux. Je paffe tous les détails de tant d’exploits fignalez, que la voix & la plume de l’Académie ont relevez avec autant d’éloquence que de zele. Nul deffein fans fuccez, nul ordre fans execution, nul fiege fans prife de Villes, nul combat fans triomphe. Je fçay bien, MESSIEURS, le magnifique éloge que le Texte facré fait à l’honneur du Grand Alexandre, & je fçay encore mieux que la gloire de Louis LE GRAND l’emporte fur celle de ce Prince fi fameux. Alexandre retenoit la Terre foumife, comme une Efclave enchaifnée qui gardoit le filence ; Louis s’oppofe, & fait tefte à l’Europe déchaifnée. Alexandre a fceu affermir l’obeiffance ; Louis a pû vaincre la refiftance. Le Pilote conduit fort vaiffeau facilement au milieu d’une mer calme & tranquille, mais le chef-d’œuvre de la navigation confifte à le préferver du naufrage, malgré la tempefte. Jugez, MESSIEURS, de la difference des Eloges, par celle du fort des Heros, & des actions. Regne heureux, & dont la durée devroit eftre auffi longue que celle des temps. La nombreufe Pofterité a tousjours efté le caractere vifible de l’une des plus grandes profperitez des perfonnes, des Familles & des Eftats. Dieu la promit au Patriarche Abraham, 1’eftendit en faveur de fa race, & la porta depuis Ifaac jufqu’à JESUS-CHRIST, le principe, & le centre de toutes les benedictions. David demanda plufieurs fois, & receut les mefmes graces confommées en la divine Perfonne du Meffie. Le fçavant Africain adjoufte les vœux ardens d’une perpetuelle fucceffion de la Maifon Impériale à ceux de la fanté du Prince, des armées victorieufes, & du Monde paifible, & faint Auguftin flatte les enfans de l’Empereur Conftantin, du partage héréditaire de l’Empire univerfel. Pouvons-nous moins efperer, MESSIEURS, de la glorieufe pofterité du Roy, de Monfeigneur, & de nos trois auguftes Princes, nez fi heureufement, élevez fi dignement, & inftruits fi chreftiennement, que nous voyons desja les femences de la gloire qui leur eft preparée. Regne paifible, s’il plaift à Dieu de faire fucceder la Paix de Salomon aux Victoires de David, & d’adjoufter des couronnes d’Olives à celles des Lauriers. Toute la Terre eft eftonnée des grands orages qui fe forment en l’air, & le Ciel eft fi couvert de nuages, qu’il y a plus de fujet d’en craindre la colere que d’en efperer le fecours. Tous les Peuples font armez. Les Fideles & les Infideles font aux mains, les Catholiques & les Heretiques entrent dans le mefme party, les Ifraëlites & les Egyptiens ne fe reconnoiffent plus, & la France feule fouftient la pureté de fa Foy, marquée par celle de fes Lys.

 

Mais parmy tant de troubles & d’agitations, que ne fait pas le plus religieux auffi bien que le plus glorieux de tous les Rois, pour rétablir l’union des Princes Chreftiens, reprefentée dans l’alliance d’Ifraël & de Juda, qui eftoit toute la force du Peuple de Dieu ? Cependant comme le point capital de cette grande affaire dépend du moyen d’accorder les differens interefts de tant de Princes conjurez ; faffe le Ciel qu’enfin ils ouvrent les yeux, les jettent fur Louis, le rendent l’arbitre de la Paix, & prennent ce fage party, fuivant l’exemple des douze tribus d’Ifraël qui convinrent unanimement de Jofué, pour eftre feul le maiftre de leur fort. Le fuccez n’en fera pas moins heureux ; & fi Jofué aprés avoir divifé, partagé, & prefcrit à chaque Tribu les limites de la Terre promife, procura une Paix jufte, folide & générale ; l’experience du Traité de Nimegue, dont Louis LE GRAND a reglé les principaux articles, fonde les mefmes efperances ; & les Alliez doivent avoir autant de confiance en fa Juftice, qu’ils ont fait paroiftre de crainte pour fa Puiffance.

 

Il ne me refte plus, MESSIEURS, qu’à vous marquer avant que de finir, ce qui me reftera tousjours, & ne finira jamais ; l’eftime pour l’Académie Françoife, la reconnoiffance de fes bontez, le defir de la fervir, & la joye de concourir à la gloire immortelle de Louis LE GRAND. Je n’oublieray pas auffi le refpect particulier pour nos illuftres Confreres. Les uns relevent l’éclat de la Pourpre Romaine, ou font revivre dans l’Epifcopat les grands Bafiles de la nouvelle Cefarée, les Auguftins zelez pour la défenfe de la Foy, les Ambroifes éloquens dans les Chaires, & les fçavans Origenes. Les autres font diftinguez par les honneurs de la Cour, ou choifis pour des Emplois dignes de leurs plumes ; & tous font juftement parvenus au plus fublime degré du merite.