RESPONSE DE M. L’ABBÉ DE CHOISY, au Difcours prononcé par Monfieur l’Evefque de Mets, le jour de fa reception.
MONSIEUR,
Lorfque l’Académie Françoife vous a donné la place que vous venez occuper aujourd’huy, elle n’a pas creu vous faire un prefent, c’eft une dette qu’elle a payée. Ces grands Hommes que nous regardons comme nos Fondateurs, dont les images tous-jours prefentes à nos yeux raniment fans ceffe noftre reconnoiffance, RICHELIEU, SEGUIER, noms capables feuls d’eternifer dans la memoire des hommes une Maifon, qui ne le feroit pas d’ailleurs par la gloire des armes & par les Dignitez de l’Eglife ; ces grands Perfonnages à jamais illuftres dans l’empire des Lettres vous ont tranfmis avec leur Sang le titre d’Académicien, comme un bien de famille qu’on n’oferoit refufer à une pofterité digne d’eux.
Mais, MONSIEUR, quand, pour entrer parmi nous, vous n’auriez pas eu le titre de fucceffion, celuy d’election vous auroit egalement ouvert toutes nos portes. C’eft le merite, c’eft l’éloquence qui donne les places de l’Académie ; & ce que nous venons d’entendre, composé avec tant de jufteffe, prononcé avec tant de grace, juftifie affez noftre choix. Vos qualitez perfonnelles ont enlevé tous nos fuffrages. Le Roy en vous comblant de fes dons, nous a prefcrit noftre devoir, & nous a prefque forcez, en vous accordant fon eftime, à vous prodiguer la noftre. Il vous a prévenu dés voftre enfance par Ces bienfaits ; il vous a donné auprès de fa Perfonne facrée un emploi qui ne refpire que la charité & la Religion : Il vous a fait porter cette marque d’honneur, qui donne un nouveau relief à la plus haute nobleffe. Il vous a mis dans une des plus grandes places de l’Ordre Hiérarchique ; & nous ofons fouhaiter de revoir bientoft en vous ces grandes Dignitez fi familieres dans voftre Maifon, où plus d’une fois la mefme perfonne a poffedé en mefme temps tous les honneurs de l’Eftat ; on y trouvera des exemples de tout. Un Cardinal voftre grand oncle, premier Miniftre d’un puiffant Roy, Duc & Pair de France, Général d’armées, qui, aprés avoir abbattu par fes confeils, par fa prévoyance, par fon activité infatigable cette efpece de République, que l’herefie vouloit former au milieu du Royaume, ne creut neanmoins fon immortalité bien affeurée que par l’eftabliffement de noftre Compagnie.
On y verra voftre ayeul Duc & Pair, Chancelier de France, honoré de tous les titres dont les Princes ont accouftumé de recompenfier le mérite dans toutes les Profeffions, Chef du premier Tribunal de la Magiftrature, foufmettant par la force des armes une Province revoltée, reuniffant ainfi en fa perfonne les premiers Emplois de la Juftice & de la Guerre.
Des exemples moins efloignez vous toucheront davantage. Un pere auffi recommandable par fa valeur, que par un tendre attachement à la Perfonne du Roy, & que nous regardions avec refpect comme le Compagnon de ces Efprits du premier ordre, qui ont affifté à la naiffance de l’Académie.
Un oncle, dont la dignité éminente n’avoit point changé la fituation naturelle, & dont la vertu tousjours aimable, tousjours pure, tousjours dans l’innocence, n’avoit peu eftre altérée par la contagion du monde, ni par les charmes de la Cour.
On y remarquera particulierement le caractcere des Coiflins, hauts fans orguëil, polis fans baffeffe, auffi attentifs à ce qu’ils devoient aux autres, qu’à ce qu’ils fe devoient
Quand on a devant foy de fi grands exemples, le moyen de degenerer ? auffi vous voyons-nous, MONSIEUR, vous acquiter également de toutes vos obligations, donner vos foins à l’inftruction d’un grand peuple, & remplir de temps en temps d’autres devoirs, que le commun des hommes tousjours enchantez des grandeurs humaines, voudroit bien croire les plus indifpenfables. Mais vous fçavez tout allier, & le plaifir de voir, de fervir le plus grand Prince du monde, ne vous fera jamais oublier les befoins de voftre Diocefe. Obligation de la refidence Epifcopale, qui nous fera excufer vos abfences aux defpens de nos interefts.
Ne craignez pas que je m’eftende davantage fur une matiere fi abondante. Apprendrois-je au public, qui en eft affez inftruit, l’ufage que vous fçavez faire des richeffes, & les nouveaux effets de voftre liberalité ? vertu qui dans le temps prefent a bien de la peine à fe fouvenir & à ne pas paffer pour un vice.
Mais quand à toutes ces grandes qualitez vous auriez adjoufté tous les titres qu’ont merité vos Anceftres, j’ofe avancer, & je fuis en place pour le dire, que le titre d’Académicien femble donner un nouveau luftre à tous les autres, & que le défir que vous avez monftré d’eftre noftre Confrere, vous honore en nous honorant. Ce defir eft dans voftre fang, celuy que nous regretons l’avoit tousjours eu au fond de fon cœur. Il ne falloit pas moins que vous pour remplacer un autre vous mefme. La mort de ce cher Frere laiffoit parmi nous un vuide que vous feul pouviez remplir. Noftre douleur à l’avenir fera trompée. En vous voyant nous nous imaginerons que nous le poffedons encore. Nous croirons le voir affifter à nos exercices, s’en faire un plaifir & mefme un devoir, depofer fa dignité, ne chercher pas mefme à fe diftinguer par la jufteffe de fon difcernement, qui luy monftroit tousjours le vrai, & luy faifoit demefler les queftions les plus embarraffées, attentif feulement à l’emporter par l’envie de faire plaifir, par la douceur de fa focieté, & par cette aimable politeffe qui vous eft hereditaire. Enfin, MONSIEUR, tant que nous vous verrons, nous croirons n’avoir rien perdu. Vous cultiverez avec nous le precieux talent de la parole, talent qui fert fi bien la raifon, que de grands Prelats nos Confreres ont fi utilement employé à l’avantage de l’Eglife, & qui nous a fervi en tant d’occafions à publier les vertus de noftre augufte Protecteur.
Faffe le Ciel que nous puiffions bientoft employer le mefme talent à celebrer une heureufe Paix, que ce grand Prince noftre Pere auffi bien que noftre Roy, defire avec tant d’ardeur, non pour une gloire mondaine, dont il a efté raffafié tant de fois, mais uniquement pour noftre bonheur & pour la tranquillité universelle.