Réponse au discours de réception de Jean Barbier d’Aucour

Le 29 novembre 1683

Jean DOUJAT

Réponse de Mr. DOUJAT, au Difcours prononcé par Mr. Daucour, le jour de fa reception.

 

MONSIEUR,

L’ACADEMIE Françoife aura toûjours des fentimens de veneration & de reconnoiffance pour la memoire du grand Miniftre dont la perte ne luy eft pas moins fenfible qu’à vous. Comme c’eft un malheur qui nous eft commun, il me feroit difficile de trouver des termes propres pour vous donner la confolation, dont nous avons nous-mémes befoin. Nous avions fait un peu auparavant une autre perte confiderable en la perfonne de Monfieur de Mezeray. La Compagnie fe tenoit honorée de fa profonde érudition & de la beauté de fon efprit ; tout le monde fçait ce que luy doit nôtre hiftoire, & nous sommes tefmoins de la grande part qu’il a euë à nos travaux ordinaires par une continuelle application & par une étude particuliere des Langues qui peuvent fervir à rendre la nôtre plus parfaite. On trouvoit toûjours de quoy s’inftruire dans fa converfation, & l’on voyoit aifément qu’il y avoit peu de chofes dans l’eftenduë des belles Lettres, qui euffent efchappé à fa connoiffance.

Vous pouvez juger, MONSIEUR, par le choix que l’Académie Françoife a fait de vous pour remplir la place d’un homme de ce merite, quelle eftime elle fait de vôtre perfonne. Elle a confideré vos talens, qui malgré le foin que vous avez pris de les cacher ne peuvent être inconnus qu’à ceux qui n’ont aucune connoiffance du monde. Comme elle a beaucoup de fatisfaction de vous voir entrer dans fes exercices, elle efpere que par vôtre affiduité vous refpondrez à fon attente & que vous contribuerez beaucoup par les lumieres de vôtre efprit à la perfection des Ouvrages qu’elle a voulu entreprendre. Elle efpere même que vous joindrez vos nobles efforts à ceux de ces grands & beaux genies qui tafchent de fe prevaloir des incomparables actions de nôtre Augufte Protecteur, pour relever par leur profe ou par leurs vers la gloire de nôtre nation & la beauté de nôtre langue.