L’engagement de l’Institut de France en matière de fondations. Discours prononcé lors de la remise des Grands prix des fondations de l’Institut de France

Le 4 juin 2014

Gabriel de BROGLIE

Remise des Grands prix des fondations de l’Institut de France

Allocution de M. Gabriel de Broglie,
de l’Académie française,
Chancelier de l’Institut

L’engagement de l’Institut de France en matière de fondations

Mercredi 4 juin 2014

 

L’engagement de l’Institut de France en faveur des fondations est ancien, fruit d’un héritage que nous nous honorons de respecter. Après tant de séances de travail, réunissant au long de l’année les acteurs des fondations, cette cérémonie est l’occasion de rappeler d’où vient notre engagement, en quoi il consiste et comment il s’exerce.

Les académies ont toujours eu une vocation de bienfaisance et le mécénat, auquel nous consacrons aujourd’hui une part de notre activité, loin d’être pour nous une pratique récente, est consubstantiel au corps académique. Dès l’origine, en effet, en contrepartie des privilèges qui leur étaient accordés, les académies se virent confier le soin, non seulement de consacrer l’excellence, mais aussi de cultiver et de répandre la philanthropie. Car, c’est bien de cela qu’il s’agit, du bien commun, de l’intérêt général auquel les académies devaient contribuer.

Dès lors, on ne s’étonnera pas qu’en 1795, les Conventionnels aient prolongé cette mission pédagogique et philanthropique et en aient investi le jeune Institut national des sciences et des arts qui devait, je les cite, « raccorder toutes les branches de l’instruction et leur imprimer la seule unité qui ne contriste pas le génie et qui n’en ralentisse pas l’essor […]. Des récompenses, ajoutaient-ils, seront également décernées aux inventions et découvertes utiles, aux succès distingués dans les arts, aux belles actions et à la pratique constante des vertus domestiques et sociales ».

Ainsi, au-delà d’une métamorphose, la continuité fut-elle assurée, confortée récemment par des dispositions fiscales favorables aux particuliers et aux entreprises qui soutiennent d’un même élan les activités d’ordre social, humanitaire, scientifique, culturel et artistique, les nôtres en l’occurrence.

Un magistère donc, sans salles de classe ni amphithéâtres, sans laboratoires ni ateliers d’artistes, dont la manifestation ultime, le couronnement, est une cérémonie qui a fait battre bien des cœurs et suscité bien des espoirs chez de jeunes ou de moins jeunes talents ; je veux parler bien sûr de la distribution des prix, qui nous réunit.

L’engagement de l’Institut auprès des fondations est sans réserve car la tâche est exaltante, lourde aussi. En effet, dans la société actuelle, la puissance publique peine à répondre à tous les besoins et le mécénat joue désormais un rôle original et capital. Sans se substituer à l’État, il comble des lacunes, innove, expérimente ou couronne le mérite où qu’il se manifeste.

Comment naît une fondation ? De la volonté d’une personne, d'une famille, d’une entreprise ; c’est un engagement dans la durée, au-delà des contingences ; il y faut aussi de la générosité et de l’audace pour s’aventurer sur le terrain de la recherche ou explorer les domaines de l’art et de la création et plus encore pour affronter les immensités de l’injustice et de la détresse.

L’Institut de France à son tour, convaincu des responsabilités qu’exige l’action philanthropique, s’engage aux côtés de ceux qui lui font confiance et prend en charge le destin de leur fondation.

Pourquoi rejoindre l’Institut de France ? Dans un moment où le mécénat se professionnalise et où ses résultats font l’objet d’une évaluation rigoureuse, ce choix est tout sauf aléatoire de la part de celles et ceux qui font souvent de leur fondation l’œuvre d’une vie.

 

Certes, notre institution séculaire garantit la pérennité et la transversalité de nos compétences est un socle sur lequel la philanthropie peut s’élancer.

Mais il est un engagement plus fondamental, dont découlent tous les autres : la confiance de ceux qui placent ici leur patrimoine et qui, sanctionnée par le Conseil d’État, doit être honorée ; elle crée des devoirs, comme nous en crée notre position d’institution académique.

La liberté et l’indépendance, qui seules nous permettent de jouer pleinement notre rôle au service de la nation, exigent de notre part une gouvernance exemplaire, une rigueur intransigeante et une totale transparence. C’est pourquoi, depuis de nombreuses années, le perfectionnement des procédures et des outils de contrôle de gestion interne est pour nous une priorité. Cette rigueur, nous l’imposons à nos fondations pour exclure tout risque de conflit d’intérêt et de confusion des genres entre l’activité lucrative et l’activité philanthropique.

La collégialité de notre gestion est une réelle garantie ; la commission administrative centrale, composée des représentants des cinq académies, qui définit les orientations générales et prend les principales décisions, en est l’incarnation.

Afin d’agir dans le respect de la volonté des fondateurs exprimée dans la convention de création des fondations et pour une parfaite transparence, nous avons mis au point un dispositif qui fait notre originalité.

Chaque fondation, créée après consultation, délibération et décision de toutes les instances de l’Institut, est administrée individuellement et toute décision la concernant est prise lors de son comité qui réunit des membres de l’Institut et des personnes appelées au gré des fondateurs. Leur fidélité nous conforte dans ce choix.

Quant à la gestion financière, elle est assurée par des professionnels, sélectionnés par une mise en concurrence et contrôlés par des instances spécifiques. Les audits que nous avons fait réaliser confirment la parfaite rectitude de notre gestion dont, par ailleurs, les coûts sont calculés au plus juste afin de ne pas peser sur les activités de la fondation.

L’engagement de l’Institut s’exerce certes, non seulement sur la naissance et la gouvernance des fondations, mais surtout sur les objectifs et les programmes des actions menées. Comment déterminer les justes critères et les meilleures méthodes pour prospecter, susciter, sélectionner, évaluer des projets dont le nombre est en constante augmentation ? C’est précisément dans cette identification qu’intervient l’expertise des académiciens.

La meilleure des garanties, scientifique et éthique, consiste dans le respect de la volonté des fondateurs et dans notre détermination à agir toujours dans l’intérêt général en appui de l’action globale de la puissance publique, qui viennent heureusement prolonger nos propres vocations et ambitions académiques.

Ainsi dans le domaine de la recherche nos interventions se traduisent par des soutiens appuyés aux unités de recherche de l’Inserm, du CNRS ou de l’Inra qui conduisent des travaux de plus en plus sophistiqués, performants et coûteux ; dans les disciplines des sciences sociales, par ceux apportés à des chercheurs qui assurent à notre pays une réputation internationale ; dans le domaine de la santé, aux hôpitaux, dispensaires, laboratoires dont on s’accorde à reconnaître la qualité mais dont on connaît les difficultés ; à la prise en charge du handicap, si souvent laissé pour compte, faute de moyens mais aussi de résolution ; dans le domaine du patrimoine, immatériel ou matériel, « ce qu'une nation a de plus sacré après l'avenir » disait Victor Hugo, par notre contribution à la sauvegarde de monuments dont l’intérêt historique est l’affaire de tous. Les champs dans lesquels nous intervenons comme force d’appoint sont infinis.

Il faudrait pouvoir parler longuement des questions complexes de l’accès au logement et de l’exclusion sociale sur lesquelles certaines fondations mènent une réflexion de fond et deviennent une force de proposition ; de notre contribution à la vie culturelle, par l’aide apportée à des artistes, aux arts vivants, aux arts du spectacle, aux festivals, dont le foisonnement fait notre richesse… Tous les projets auxquels nous apportons notre concours mériteraient d’être exposés en détail tant il est vrai qu’ils nous concernent tous.

Quant au domaine de l’éducation, évidemment nous y sommes attentifs. Elles conjuguent les objectifs humanitaires et éducatifs et se déploient dans des directions multiples. En matière d’égalité des chances, de justice donc, notre soutien aux internats d’excellence illustre là encore notre appui aux pouvoirs publics. D’une façon générale, l’attribution de bourses est un levier puissant ; dont nous sommes, après l’État, les premiers pourvoyeurs.

Ainsi, Mesdames et Messieurs, grâce à vous, mécènes, chercheurs, porteurs de projets, responsables d'associations, l'activité philanthropique de l'Institut est riche et féconde. Grâce à vous, une mosaïque se dessine sous nos yeux : dans plus de cent universités ou écoles, dans plus de vingt villes ou régions et dans plus de trente-deux pays dans le monde, des actions sont menées avec le soutien des fondations de l’Institut.

Permettez-moi pour conclure de réaffirmer l'engagement sans faille de la centaine de membres de l’Institut qui participent aux conseils d’administration annuels, et davantage encore pour les jurys, dès lors qu’il s’agit pour nous tous de porter les valeurs de l’humanisme, du respect de la pensée indépendante, de la dignité de la personne et de la liberté.