INAUGURATION DU MONUMENT DU COMTE DE FALLOUX
AU BOURG-D’IRÉ
Le Dimanche 7 juillet 1912.
DISCOURS
DE
M. LE MARQUIS DE VOGÜÉ
MEMBRE DE L’ACADÉMIE
MESSIEURS,
Vous avez convié l’Académie française à l’inauguration du monument élevé au comte de Falloux par votre pieuse initiative. L’Académie répond à votre invitation. Elle s’associe avec empressement à l’hommage rendu par vous à la mémoire d’un de ses membres, d’un de ceux dont elle conserve le souvenir avec plus de fidélité et de respect. Je vous apporte ses félicitations et l’expression de sa sympathie. En me confiant cette agréable mission, s’est-elle souvenue des liens de respectueuse affection qui m’unissaient à Falloux et à ses collaborateurs ? J’aime à le penser, et je l’en remercie. J’aime aussi à croire qu’elle s’est souvenue des circonstances qui ont fait de moi comme le gardien de la maison que ces illustres maîtres ont honorée et où leurs disciples s’efforcent de maintenir la tradition qu’ils ont créée.
Montalembert, Dupanloup, Lacordaire, Broglie, Berryer, Buffet, Cochin, Gratry, Ozanam..., noms chers et vénérés, je ne puis m’empêcher de vous prononcer, en ce jour consacré à glorifier l’un des vôtres et où j’ai l’insigne honneur de représenter l’Académie, à laquelle, presque tous, vous avez appartenu. Vous, dont la grande âme, la foi ardente, le dévouement désintéressé à toutes les nobles causes, la claire intelligence des besoins du temps présent ont exercé sur ma génération une si profonde influence, vous qui avez accueilli ma jeunesse, ma pensée vous cherche avec émotion et reconnaissance. Votre souvenir m’enveloppe et me pénètre ; puisse-t-il inspirer à ma vieillesse des paroles que vous auriez approuvées !
Les traits de celui que vous avez aimé revivent dans l’œuvre distinguée qu’on vient de dévoiler. J’en félicite l’artiste que vous avez choisi, Messieurs. Je ne vous félicite pas moins vous-mêmes du cadre que vous avez donné à son œuvre. Vous l’avez voulu en harmonie complet, avec le personnage. Vous l’avez demandé à la terre angevine, à cette terre à laquelle Falloux tenait par toutes les fibres de son être, dont il incarnait, pour ainsi dire les énergies, les fidélités, les regrets, les espérances. Vous avez planté sa statue sur le coin de cette terre qu’il affectionnait par-dessus tout, à l’ombre de la vieille église qui a abrité son enfance, près de la tombe où il a voulu reposer, en face de la demeure qu’il a créée et ornée, dans ce lieu plein de son souvenir, où tout porte la trace de sa laborieuse activité, où tout parle de sa charité inépuisable et intelligente.
Sa statue le montre tel que je l’ai vu pour la première fois, âgé de trente-huit ans, dans le plein épanouissement de l’autorité et du talent. Je retrouve sa taille haute, élégante et souple, qui semblait par instants s’infléchir avec abandon, mais qui se redressait avec fierté sous l’impulsion des mouvements de l’âme ; je crois subir le charme attirant de ses yeux bleus, qui se voilaient parfois de tristesse et de l’austère, mais qui, eux aussi, avaient des réveils d’une autorité décisive ; je crois entendre sa voix rythmée, aux inflexions caressantes, aux fiers accents, qui suivait, avec une docilité merveilleuse, le travail d’une pensée toujours maîtresse d’elle-même et les nuances d’un langage tour à tour persuasif, mesuré, ardent, que les entraînements de l’improvisation et les mouvements d’une passion généreuse pouvaient soulever aux plus grandes hauteurs sans jamais en altérer la correction, l’élégance ou l’habileté.
Et entre sa nature physique et sa nature morale, quelle saisissante harmonie ! Comme sa démarche flexible aux fières attitudes, comme sa voix douce aux accents impérieux et graves, son âme était souple et forte. Appuyé sur des convictions inébranlables, fidèle aux principes nécessaires, il avait la perception juste des réalités, le sens du possible, l’art des transactions opportunes. Nul ne savait mieux que lui, par les ressources d’un esprit ingénieux et cultivé, par le charme et l’autorité de la parole, par l’habileté et la méthode de l’argumentation, conduire une discussion, rapprocher les opinions, amener les solutions ; mais nul aussi ne savait se redresser avec plus de hauteur, se décider avec plus de résolution, agir enfin avec une volonté plus nette et plus persévérante. En un mot, il avait les dons et les qualités de l’homme d’État et il ne lui a manqué que les occasions pour prendre rang parmi les hommes qui ont le plus influé sur les destinées de leur pays.
Quelques courtes années de vie publique, quelques mois à peine de l’exercice du pouvoir lui ont suffi pour donner sa mesure et montrer quels services il aurait pu rendre à la France si la fortune lui eût souri.
À trente-cinq ans, en 1846, les électeurs de Segré lui ont ouvert l’entrée de la vie publique : il est député ; il siège dans la petite minorité légitimiste ; mais le régime s’écroule avant qu’il ait eu le temps ou l’occasion de se faire connaître. La tourmente passée, il revient à Paris comme représentant du département de Maine-et-Loire à l’Assemblée constituante et, dès le début, il se révèle et se place d’emblée au premier rang par un grand acte de vaillance civique et de clairvoyance politique. Les ateliers nationaux, créés par une pensée plus généreuse que réfléchie, sont devenus un grave danger. Ils empêchent la reprise du travail et préparent la guerre civile. Leur dissolution s’impose, mais nul n’ose la proposer. Le jeune député de Maine-et-Loire a ce courage. Dans un langage inspiré à la fois par la plus touchante compassion pour les souffrances populaires et par la conception la plus nette du devoir public, sans se laisser émouvoir par les sourds grondements de l’émeute qui monte, il enlève le vote de l’Assemblée. La plus formidable des insurrections éclate, mais la victoire de l’ordre, suivie de la reprise normale du travail, justifie les prévisions du rapporteur. Le public apprend à la fois et le nom de Falloux et la haute valeur de celui qui le porte.
Quatre mois après, il était ministre et, dans les dix mois d’un trop court ministère, il attachait son nom à deux actes mémorables : l’expédition de Rome et la loi de l’enseignement.
Si vous voulez bien. Messieurs, vous reporter en esprit à cette époque troublée, évoquer le tableau qui a frappé mes yeux de vingt ans : l’Europe secouée dans ses fondements, les trônes ébranlés, les convoitises allumées, l’inquiétude et l’hésitation partout, vous pourrez vous rendre compte de ce qu’il a fallu d’habileté et de vaillance, de souplesse et de fermeté dans l’âme et la parole de ce jeune ministre pour obtenir d’une assemblée inexpérimentée, d’un cabinet divisé, d’un chef du pouvoir exécutif hésitant, cet acte d’énergie militaire et diplomatique, ce fait inouï et nouveau du débarquement d’une armée française en Italie. Ce geste hardi ne résolvait pas les difficiles problèmes que soulevait la question romaine ; mais, en relevant le prestige extérieur de la France, il empêchait que ces problèmes ne fussent résolus sans elle ou contre elle et il assurait à la Papauté, pour quelques années du moins, l’indépendance temporaire considérée alors, par tout le monde catholique, comme indispensable à l’exercice intégral de son pouvoir spirituel.
La loi de 1850 sur l’enseignement a eu des conséquences plus profondes et des effets plus durables. Elle constitue un fait historique d’une haute signification. Elle a inauguré en France la liberté de l’enseignement secondaire ; on peut même croire, en dépit des mutilations qu’elle a subies et des attaques qui se préparent contre ce qui reste d’elle, qu’elle a définitivement fondé cette liberté. La charte de 1830 l’avait promise et ne l’avait pas donnée ; la constitution de 1848 en avait également proclamé le principe, mais le gouvernement ne se hâtait pas de l’accorder. Falloux fit de la réalisation de cette promesse la condition expresse de son entrée au ministère. À peine au pouvoir, il la prit en main et sut la mener à bien avec une suite, une habileté et une maîtrise qui ne se démentirent pas un instant. Son action s’exerçait partout : dans la commission extraparlementaire, si sagement composée, qu’il avait chargée de préparer la loi, dans les négociations préliminaires et intimes, dans la discussion publique. Violemment attaqué par ses ennemis naturels, combattu par une partie de ceux qu’il voulait servir, il faisait tête de tous côtés, recrutait des alliés dans les rangs de ses adversaires, décourageait ses interrupteurs par l’écrasante hauteur de ses reparties, — certains de ses mots, dira Gréard, appartiennent à l’Histoire ; — tour à tour inflexible, accommodant, incisif et séduisant, toujours maître de soi, semant de traits acérés les plus beaux mouvements oratoires, il dominait l’Assemblée par l’autorité du talent et du caractère.
La vigueur de son corps n’était pas à la hauteur de la vigueur de son âme ; gagné par la fatigue, il dut quitter le ministère ; il n’était plus au pouvoir le 15 mai 1850, quand la loi fut définitivement adoptée, mais elle était bien son œuvre et elle devait légitimement porter son nom.
C’était une loi de conciliation et, par cela même, assurée de l’efficacité et de la durée. C’était une loi de liberté, de liberté sage et mesurée, qui pouvait déplaire aux esprits absolus, mais à laquelle les esprits pratiques devaient faire produire les plus heureuses conséquences. C’était l’œuvre d’un homme politique qui revendiquait lui-même le titre de libéral et qui l’honorait par sa sincérité, par son loyal respect pour la liberté d’autrui, niais qui savait quelles limites doivent être assignées à la liberté pour qu’elle soit vraiment durable et féconde.
C’est enfin une œuvre qu’il faut juger par ses résultats, par les approbations qu’elle a reçues, par les colères qu’elle a soulevées. Ses résultats ont dépassé toutes les espérances. Elle a favorisé la rapide éclosion de toute une floraison d’écoles libres, qui, en quelques années, ont ouvert à l’enseignement chrétien le champ le plus vaste. Il n’est pas un esprit impartial et sincère qui ne reconnaisse, avec un de nos plus distingués confrères de l’école libérale, que la loi de 1850 était « la plus favorable à l’Église que les catholiques aient connue dans ce siècle », et ne déclare, avec un grand pape, qu’en la donnant à la France, Falloux ne se soit montré « un bon, un grand serviteur de l’Église ».
Il fut aussi, en cette circonstance, un bon serviteur du pays, car la loi de 1850 a largement servi les intérêts généraux de l’enseignement. La culture générale a profité des initiatives qu’elle a suscitées et de la féconde émulation qu’elle a provoquée dans le corps distingué de l’Université de France. À quelque point de vue qu’on se place, la loi a été bienfaisante. Tel sera, nous n’en doutons pas, le jugement de la postérité.
Peu de temps après ce grand acte, Falloux était définitivement rendu à la vie privée par le coup d’État de décembre. Il avait trente-neuf ans. Sa carrière publique était terminée. Jusqu’à son dernier jour, il sera un vaincu, mais un vaincu qui ne connaît pas le découragement et qui continuera à servir, par les moyens qui restent à sa disposition, les causes auxquelles il a consacré ses affections. Il continuera à les défendre par la plume et par la parole, à les honorer par la dignité de sa vie, par l’exemple de sa vertu, — oui, de sa vertu, Messieurs, — n’hésitons pas à prononcer ce mot, dût le scepticisme à la mode en sourire, car, par ses acceptions multiples et par ses mâles étymologies, il est celui qui exprime le mieux l’ensemble de nobles énergies, de qualités charmantes et pures qui caractérise la longue retraite de Falloux.
Tout lui sera occasion d’agir et instrument d’action : les lettres, dont le goût a précédé chez lui celui de la politique et se sent stimulé par les suffrages de l’Académie ; l’agriculture, dont la paix des champs lui a révélé le charme ; les intérêts locaux, auxquels il se mêle activement et qu’il apprend à servir. Il ne perd d’ailleurs pas le contact avec Paris : une tribune libre y a été élevée au Correspondant par les plus illustres de ses compagnons de défaite ; il y monte et y prend une part active aux luttes de la politique quotidienne. Chacun de ses articles est un acte : acte de foi politique et de foi religieuse — acte de protestation contre les atteintes portées à sa politique et aux deux grands résultats qu’elle a produits : la liberté du Saint-Siège et la liberté d’enseignement ; — il lui reste imperturbablement fidèle, fidèle aux principes qui l’ont inspirée, à la sage méthode qu’elle a suivie. Les événements n’ont ébranlé ni sa foi ni sa confiance : il persiste à ne réclamer pour l’Église que la liberté, sans privilège ni monopole ; il ne veut pour elle que le droit commun, loyalement appliqué, avec ses périls, mais avec ses garanties et avec la faculté qu’il lui assure d’exercer auprès des âmes, dans la sphère sereine qui domine les intérêts de parti, sa haute mission de lumière, de paix et de charité.
Au cours de ces luttes, Falloux a eu la douleur de retrouver en face de lui des défenseurs des mêmes causes, mais qui comprenaient autrement que lui la manière de les servir. Polémiques attristantes, qu’en historien fidèle je dois rappeler, mais dont je me garderai bien de réveiller les échos endormis, aujourd’hui surtout où l’union est le premier devoir de tous ceux qui partagent la même foi.
N’est-ce pas aussi un acte, le monument littéraire que Falloux élève à la mémoire de Mme Swetchine, cette sainte et noble femme, à l’âme pénétrée de tendresse et de raison, soulevée par les élans d’un mysticisme qui se ressentait parfois de ses origines slaves, mais que tempéraient une forte discipline intellectuelle et morale et les responsabilités d’une sorte de maternité spirituelle qu’elle exerçait sur des âmes d’élite ? En elle, écrit Falloux, « toutes les qualités, toutes les vertus, toutes les puissances étaient réparties dans le plus parfait équilibre ;... son âme rapportait tout à Dieu, sans se séparer jamais d’aucun des intérêts de l’humanité ». Rien de plus touchant, de plus instructif, de plus utile que le tableau de ce commerce entre esprits d’une aussi haute valeur, que l’exposé de cette action discrète, tendre, décisive, qui a si profondément influé sur le mouvement des idées. Rien de plus achevé que le portrait que Falloux a tracé en quelques pages, d’une plume magistrale et émue, de la femme supérieure dont les conseils avaient si utilement contribué à l’orientation de sa propre vie. Ce fut un acte de véritable piété filiale et de haut enseignement moral.
Un acte encore, le beau livre consacré par Falloux à Augustin Cochin : public hommage rendu à la vertu et au talent ; toutes une vie donnée en exemple, et quelle vie ! Laborieuse, féconde, bienfaisante, ornée de toutes les grâces de l’esprit, inspirée et soutenue par le souci permanent du devoir chrétien ; vie d’un grand homme de bien, qu’une mort prématurée a enlevé aux lettres, à la philosophie, aux œuvres sociales, à la patrie, à l’Académie elle-même où sa place était marquée et qui s’est souvenue de lui quand elle a porté ses suffrages sur le digne héritier de son nom et de ses traditions.
Un acte enfin, les deux volumes des mémoires de Falloux, qui sont à la fois un récit historique de haut intérêt, l’exposé d’une doctrine et d’une méthode, un testament politique. Il les a appelés Mémoires d’un Royaliste, indiquant lui-même à la postérité le nom sous lequel il voulait être connu d’elle. Il y affirme sa foi politique, montre comment il l’a servie, et comment il croit qu’elle doit être servie, c’est-à-dire par les voies légales et avec une juste appréciation des conditions de la vie moderne. L’histoire, étudiée avec une intelligente et loyale curiosité, lui a montré, dans l’œuvre de la monarchie française, une œuvre de progrès continu et d’évolution méthodique, poursuivie pendant huit siècles avec une persévérance, une fermeté et une souplesse admirables, arrivant à faire de la maison de France la première des maisons souveraines, de la France elle-même la première des nations par la puissance de ses armes, par l’homogénéité de son territoire et de sa race, par le rayonnement de son esprit, de sa littérature et de ses arts. L’œuvre interrompue par le grand malentendu de 1789, Falloux rêvait de la reprendre, de lui ouvrir des voies nouvelles, non par un chimérique retour aux formes du passé, mais par un retour réfléchi aux méthodes du passé, à savoir : sur la solide base des principes traditionnels, l’acceptation loyale des transformations légitimes, la part nécessaire faite à la liberté, l’utilisation des forces nouvelles écloses du sein même de la nation, appelées à rajeunir les forces épuisées, à collaborer avec la royauté au maintien de l’unité nationale, au développement de la grandeur du pays. Un jour vint où Falloux put croire que son beau rêve allait se réaliser : jour d’espérances patriotiques, trop tôt suivies de cruelles déceptions. Le rêve s’évanouit...
L’agriculture, comme les lettres, fut pour Falloux une consolation. En contact avec la terre et avec ceux qui la cultivent, il avait subi le charme attirant du travail agricole ; il en avait compris le vif intérêt ; il avait deviné les saines et fortes satisfactions qu’il réserve au propriétaire soucieux du devoir social, et qui sait le remplir avec son intelligence et son cœur.
L’œuvre qu’il accomplit est considérable : je ne saurais la décrire en détail ; mais, pour vous en faire apprécier la valeur, il me suffit de vous inviter, Messieurs, à en admirer avec moi les résultats. Il vous suffira d’embrasser d’un coup d’œil la scène qui nous entoure : dans un riant décor de haies en fleurs et d’arbres aux puissantes ramures, des champs où d’abondantes récoltes mûrissent au soleil, des prairies verdoyantes où paissent de beaux animaux de grande race, partout l’image de l’abondance, de l’ordre et de la paix. Que si vous évoquez par la pensée la vision des terres incultes, des broussailles inutiles, des maigres troupeaux qui ont précédé cette transformation bienfaisante, vous pourrez mesurer l’effort accompli, la somme de volonté, de savoir, de persévérance, de bonté dépensée, vous pourrez comprendre le sentiment de légitime fierté avec lequel Falloux se complaisait dans son œuvre, sentir les hautes et pures satisfactions qu’elle apportait à son cœur meurtri. Car, aux déceptions de la vie publique, vous ne l’ignorez pas, sont venues s’ajouter les cruelles épreuves qui ont frappé son foyer. Il supporta tout avec la sereine résignation du chrétien, qui a placé son idéal plus haut que les succès de la politique et les affections de la famille. Il est soutenu par la continuité de l’effort, par la certitude du bien produit, du bon exemple donné, par la respectueuse sympathie qui entoure ses derniers jours. Et, quand l’heure est venue, il s’endort au milieu du domaine qu’il a créé, avec la conscience d’avoir fait tout son devoir et la satisfaction de penser que deux choses au moins lui survivront : son œuvre scolaire et son œuvre locale.
Sur sa tombe, il n’a voulu qu’une courte inscription, la seule mention du titre de membre de l’Académie française. Vous ne vous étonnerez pas, Messieurs, que je comprenne ce sentiment : tous ceux qui, sans les avoir autant mérités que Falloux, ont été honorés des libres suffrages de l’Académie, savent en apprécier la haute valeur, et reconnaître qu’ils suffisent à recommander leur mémoire à la bienveillance de la postérité. Mais je me permets de penser qu’à ce titre la postérité en associera un autre. Quand l’heure de la justice définitive aura sonné, quand se seront tues ou auront été oubliées les mesquines récriminations de l’esprit de parti, nul, parmi les hommes impartiaux et sincères, soucieux de l’avenir des lettres françaises et de la haute culture nationale, pénétrés de la nécessité d’assurer, aux enfants de la France, la saine et vigoureuse formation de l’esprit, du cœur et du caractère, nul, j’en ai le ferme espoir, ne refusera de saluer en Falloux le fondateur de la liberté d’enseignement.