RAPPORT SUR LES CONCOURS DE L’ANNÉE 1915
PAR
M. ÉTIENNE LAMY
SECRÉTAIRE PERPÉTUEL
MESSIEURS,
L’Académie Française réserve ses prix littéraires de 1915 aux écrivains morts en soldats. Le temps reste aux vivants pour mériter et obtenir. Elle leur préfère ceux pour lesquels le temps n’est plus et qui viennent d’achever leur tâche par le don de leur vie.
Aux heures, déjà si lointaines, de la paix, l’oisiveté subtile discutait sur l’essence et la quintessence de l’art. Pour lui des novateurs réclamaient, comme son privilège intangible, la pleine licence de sacrer par son choix tous les sujets, et fixaient dans la hiérarchie du beau le rang des œuvres par le tour de force et le fini de l’exécution. L’immunité voulue pour l’œuvre l’était aussi pour l’ouvrier, soustrait à la loi des obligations communes par un droit supérieur d’accroître ses fécondités créatrices, et l’estime due à ses travaux s’étendait aux désordres de sa conduite, s’ils ajoutaient aux ressources de son talent. À cette formule de l’art pour l’art, les attardés opposaient la doctrine de l’art pour l’homme. L’homme, disaient-ils, n’a pas pour principale tâche de donner une forme aux rêves de son imagination, mais d’obéir aux réalités des devoirs que lui impose l’existence. L’art qui fait plus visibles les noblesses, les harmonies, les bonheurs de la destinée, et l’art qui souffle contre elle le désenchantement, le mépris, la révolte ne sont pas égaux : car l’un se met en accord et l’autre en lutte avec ce qui est plus essentiel que lui. Les œuvres qui rendent l’homme meilleur sont bienfaitrices, celles qui le rendent plus mauvais, mauvaises. Et par cela même que l’artiste est avant tout un homme, il n’a pas dispense pour déformer en lui l’homme, sous prétexte de parfaire l’artiste. Car l’assemblage d’une belle œuvre et d’une laide existence contient une contradiction, et la contradiction, atteinte à l’ordre, est par là même une atteinte à la beauté. Au contraire, quand l’homme qui met de la beauté dans son art en met aussi dans ses actes, de l’œuvre complétée par la vie se dégage cette perfection qu’il y a dans l’unité.
La guerre substitua tout à coup aux thèses qui divisent les évidences qui n’ont pas besoin de paroles pour convaincre. Elle mettait hors de doute qu’aux heures décisives le salut d’un peuple est le nombre de ses enfants, la vigueur des corps maintenue par la sagesse des mœurs, la fermeté d’âmes soustraites à l’égoïsme. Elle ne permettait plus de croire innocentes toutes les immoralités et toutes les utopies. Elle criait le péril des doctrines sceptiques et des corruptions amollissantes. Elle contraignait de réserver l’estime à la beauté persuasive du bien, elle rendait certain que cette beauté, quand il s’agit du courage, du dévouement, du sacrifice, n’est pas seulement dans les récits, dans les conseils, dans les panégyriques, mais surtout dans les actes. Voilà pourquoi les plus disposés naguère à admettre que l’art n’a ni patrie, ni croyance, ni vertu, n’ont pas été les moins ardents à acclamer, comme les meilleurs serviteurs des lettres, les écrivains qui ont consommé l’apostolat de la pensée par celui de la souffrance et de la mort.
Parmi les victimes de la mort les unes meurent plus que les autres. Les plus détruites sont celles qui renfermaient plus de vie : c’est pourquoi la pitié la plus tendre va aux plus jeunes de ceux qui ne sont plus. Quelle vie en ceux qui, il y a seize mois, passèrent des écoles aux batailles ! Ces enfants que la guerre transformait en hommes n’ont pas eu le temps de se faire un nom, leur signature ne se trouve qu’au bas de thèses universitaires, et seuls se signalent à une attention particulière de notre douleur ceux que recommandait la renommée paternelle : André Michel[1], par droit de naissance voué à l’art ; Picard[2], fils et petit-fils de grands mathématiciens : Maspero[3], formé par le maître de la plus vieille histoire. Mais il n’est pas besoin de savoir comment s’appelait chacun, pour les pleurer sous leur nom commun et magnifique, la jeunesse de la France. Tous ceux de vingt ans nous apparaissent sous les traits de Jean Allard-Méeus, Saint-Cyrien et poète. Dans son sac il cachait son volume de vers, Rêves d’amour et de gloire, et l’impersonnalité de ce titre fait mieux encore du rimeur le chantre de son âge. Chaque année, à Saint-Cyr, les élèves, le jour où ils deviennent officiers, célèbrent le « Triomphe », solennité empruntée à la gloire militaire de Rome, mais où la gravité romaine s’égaie de fantaisie française. Jean Allard-Méeus avait dû à son jeune renom d’être choisi comme l’organisateur du Triomphe en 1914. La date était fixée au 31 juillet, instant de la rupture avec l’Allemagne. La revanche apportait aux nouveaux officiers la plus désirée des fêtes, mais une fête dont la joie est trop profonde pour être gaie. Le Triomphe fut ajourné, c’est ailleurs qu’on le célébrerait. Il n’y avait plus d’immédiat que le devoir. C’est Au Devoir que Jean Allard-Méeus improvisa une invocation et que tous prêtèrent un serment. Ils venaient de nommer leur promotion « Montmirail » ; beau souvenir de combat défensif dans le pays de la Marne, comme si leur divination avait -voulu se choisir la place la plus proche d’une future et plus illustre bataille. Et le rappel du passé évoquait devant les plus nouveaux de nos officiers une coutume de la vieille guerre.
C’était pour des chefs une mode terne et étrangère de marcher sous un uniforme sans insignes et comme dégradé. Eux opposeraient à cette habitude l’ancien usage des officiers français, qui se paraient pour se battre : ils jurèrent d’aller à leur première bataille en grand uniforme et en gants blancs. Si l’on dit que cela n’est pas de la raison, soit : la vaillance n’est-elle donc faite que de raison ? Oui, pleines de deuils, mais pleines de résurrection, les races auxquelles la sève montante du courage inspire de telles folies de jeunesse ! Comme eux, parée de ses premiers succès et de ses énergies neuves, sûre de son droit, fière de scia péril, souriante à la destinée, toute la jeunesse de France est allée à la mort en gants blancs. Elle a présenté comme un cadeau de noce, elle a offert sans une hésitation, sans un soupir, son présent incomparable, sa vie toute en avenir. Tous ont sacrifié non seulement ce que cette vie leur réservait, mais ce qu’ils espéraient d’elle, et là est l’infinie magnificence de leur générosité.
La lumière de l’aurore promet plus de rayons que n’en gardent les midis et les soirs. Il y a de l’ombre dans la voix de ceux qui parlent après avoir vu et pensé, et c’est un peu l’inégalité des désenchantements qui crée deux sortes de littérature. L’une espère travailler à l’ordre général en se faisant éducatrice du genre humain : doctrine, controverse, propagande, elle est celle des généreux, des entraîneurs, des conquérants. Plus calmes, plus timides ou plus sceptiques, d’autres se persuadent que chacun est trop faible et trop passager pour convertir le monde. Au lieu de se briser contre ce qu’on ne saurait vaincre, pourquoi ne pas se restreindre aux tâches dont on est maître ? Dans tous les temps, même les pires, la pensée a de hautes retraites, la nature garde sa beauté incorruptible, l’imagination ses enchantements infinis, le commerce des hommes ses surprises inépuisables et le mystère de la femme ses charmeuses douceurs. Décrire, observer, inventer, émouvoir suffit à la littérature de l’imagination, du souvenir, de la grâce, du repos, du sourire et du rire.
De ces deux littératures, c’est la seconde qui, dans les temps ordinaires, compte le plus d’adeptes. Elle a parmi nos morts ses représentants dignes de mémoire. Lionel des Rieux[4], poète et classique, redoutait pour ses inspirations et pour ses rythmes le son de l’heure présente et le parfum de la terre natale : car il mesurait les rapides vieillesses de tout ce qui fut à la mode d’un jour. Petit-fils de Chénier par la piété grecque. il avait élu domicile sur l’Olympe avec Le Chœur des Muses, il aspirait à apprendre de ces immortelles la beauté sans âge qu’assurent à la pensée les formes parfaites. Paul Feuillatre[5] conversait avec la nymphe Écho et Narcisse. Gauthier-Ferrières[6], poète couronné, à vingt-quatre ans, par l’Académie Française pour La Belle Matinée, et dont la jeunesse eut pu alors s’appeler comme son livre, reconnaissait l’antiquité pour mère, et tentait de chanter comme elle Les Ombres heureuses et Le Parnasse royal. Près de là, Émile Despax [7]avait élevé La Maison des Glycines : ses fleurs n’appartiennent à aucun pays, mais à tous les étés, et ses hôtes habitent cette paix surhumaine dont Puvis dessina les asiles sacrés. Ce calme immobile n’agréait pas au raffiné et inquiet Robert d’Humières[8] qui, à la recherche d’émotions vives, était dans ses voyages à travers les continents et les génies étrangers parvenu tout ensemble à l’Inde et à Kipling. Sur cette terre des sortilèges, le plus prodigieux fut pour lui l’ubiquité du génial écrivain qui, à la fois réaliste incomparable quand il jette la vie de la lumière sur les choses, visionnaire sans égal à compléter l’exactitude par les divinations, magicien capable d’achever la vraisemblance par le merveilleux, donne à la jungle la vie d’un être, et associe dans une parenté mystérieuse les hommes et les bêtes de la forêt. L’intelligence de l’enthousiasme fit à d’Humières une plume apte à égaler en traduisant, à réussir cette transfusion presque impossible d’une langue en une autre, d’une race en une autre : par lui la France a pleinement compris cet Anglais qui est à la fois le peintre et l’enchanteur de la nature. Sturel nous ramène en France et à la compagnie de nos meilleurs anciens par son livre sur Jacques Amyot. Elles sont non seulement de notre pays, mais de notre temps et de leur quartier les muses casanières qui s’attardent au chambres d’étudiants et que Marcel Drouet[9] a chantées en vers purs, plus purs que leurs amours. Louis Codet[10] qui avant de prendre la plume avait manié le pinceau, suit à Montmartre La Petite Chiquette et son aventure avec un rapin de la butte. Il n’y a pas d’originalité dans l’accident, il y en a dans le récit. L’auteur peint par petits traits, comme s’il savourait à petits coups, et par touches juxtaposées et nuances légères, rend sensibles les impressions superficielles que donnent les riens de la vie. La misère d’une vie où il n’y a que ces riens est racontée par Jean de la Ville de Miremont[11] dans Les Dimanches de Jean Desert. Dans Le Grand Meaulnes, Alain Fournier[12] parcourt les impasses de complexités et de lassitudes où s’égarent les caprices nobles du cœur, s’ils prétendent être nos seuls guides. Dans L’Éveil, Maurice Deroure sait persuader que la conscience du devoir trace, même à la jeunesse ardente, une voie droite, sûre, puis consolatrice à travers les tentations. Muller[13] exécute ses pastiches A la manière de nos auteurs en vogue, pastiches d’autant plus fidèles que, dans les maîtres imités, le naturel est moindre et plus laborieux l’artifice. En donnant des recettes pour entrer dans la peau des autres, il mène comme un amusement une guerre sérieuse contre le « procédé », et, comme il instruit les lecteurs à le reconnaître et les écrivains à l’éviter, il se place parmi les meilleurs des critiques littéraires.
Ces hommes et d’autres, tels Magnard[14] et Écorcheville[15], écrivains et savants de musique : tel Cornu[16], critique d’art ; tel Déchelette[17] et Robert de Fréville de l’Orme[18], archéologues ; tels Loubers[19] et Gazin[20], juristes ; tel Maxime David[21], philosophe ; tels Pierre Ginisty[22] et Bayet[23], littérateurs ; tels Olivier Hourcade[24] et Raymond Cottineau[25], riches de fantaisie en vers et en prose, semblaient bien retranchés dans les asiles intellectuels où rien ne leur parviendrait des sollicitudes communes. Or il suffit que la France pousse un cri d’appel, ils l’entendent. Il suffit que l’intérêt général ait besoin de leurs concours, ils n’ont plus d’intérêts particuliers. Celui-ci abandonne ses Muses, celui-là ses Glycines, cet autre son atelier de Montmartre. L’angoisse publique leur a révélé leur dévouement qui s’ignorait quand ils le croyaient superflu. Ils ne songeaient qu’à être bons ménagers de leur vie et ils la donnent. La soudaineté du contraste est la gloire propre de ceux qui surent, en tous les sens et si bien, être les ouvriers de la dernière heure, Leur exemple prouve que nous juger à l’avance est presque toujours nous mal juger. Nous ne promettons rien au péril lointain, il ne fait pas battre notre cœur, et sans crainte pour la patrie nous songeons à nous-mêmes. Mais les périls venus réveillent en nous une vocation secrète qui dormait en les attendant, nous sommes alors prêts à ce que nous avons le moins préparé. Avec les Français il faut toujours se défier des inconséquences héroïques.
Mais au plus grand nombre de nos morts un autre témoignage est dû. Leurs écrits portent la preuve que leur consécration à leur pays ne fut pas un don de surprise, mais la plus habituelle de leurs pensées
Ceux-là se sentaient d’une génération tragique. Elle était née sous le signe de Mars. Elle avait dès le berceau du connu le malheur auquel la France était le moins accoutumée : l’humiliation de la défaite. Elle n’était plus la douce France, mais la France triste, si triste que les plus sensibles de ses fils, les poètes, au lieu de la chanter, la pleurent. Les titres mêmes de leurs vers, donnent une impression d’ombre et de captivité. Charles Dumas choisit L’eau souterraine[26], Louis Sailhan[27], Les Paysages inférieurs, Charles Perrot[28] La plainte intérieure et Le printemps sans soleil. Leur l’œuvre rend un son détendu et sourd comme le son des tambours voilés de crêpes qui escortent les grands deuils.
C’est cette détresse qui poussa vers l’armée tant d’hommes de cette génération. Chez leurs aînés le goût militaire s’épanouissait dans une impatience joyeuse et légère de la lutte pour la lutte, pour le bruit, pour la livrée éclatante de la gloire. Eux par leur vocation ne cédaient qu’à la plus grave des urgences. Ils virent que notre défaite nous avait enlevé non seulement le prestige des armes, mais l’hégémonie de l’esprit, qu’elle empêchait l’univers de nous rendre justice, qu’elle diminuait notre énergie vitale, et que nos dons étouffaient peu à peu dans notre infortune. Ils comprirent que pour guérir, il fallait à la France une cure de force. Ce qu’ils voulaient n’était pas rajeunir en elle les manies agressives, mais la soustraire aux menaces, et lui restituer, avec la confiance en elle-même, les moyens de redevenir utile au monde. Cette revanche juste les unissait tous dans une religion commune. Cette religion remplit les livres des officiers qui sont morts de la guerre désirée par eux. Car leur pensée maîtresse occupa même les loisirs que leur laissait la pratique de leur métier, et le choix des études montre que toujours ils eurent plus de goût pour les plus opportunes à l’entreprise du relèvement national.
L’éducation du soldat, voilà l’œuvre à laquelle se consacre par préférence, malgré les aptitudes d’un esprit naturellement attiré vers les plus hautes questions de la politique et de la stratégie, le lieutenant-colonel Duruy[29]. La même vocation d’enseignement pousse le capitaine Massacrier[30] à écrire ses petits traités. Les lieutenants-colonels de Cissey[31] et d’André[32] par leurs études sur la Cavalerie sollicitent les intelligences à s’occuper de l’arme sur laquelle les doctrines semblaient le moins fixées. Le capitaine Sautai[33] par son ouvrage sur L’œuvre de Vauban à Lille, rappelle aux oublieux l’importance de cette place. Le commandant Vidal de la Blache[34], en écrivant l’histoire de la campagne où l’Espagne de Ferdinand l’emporta sur la France de Napoléon, montre le courage de l’indépendance plus fort que le génie même de la conquête. Le capitaine de Saligny[35] tira de la guerre entre la Russie et le Japon, si inégaux de taille, la leçon que la supériorité de l’effort compense l’infériorité du nombre. C’est l’Allemagne que le commandant Minart[36] tient à connaître et à faire connaître. Il veut qu’elle parle elle-même, et qu’à travers le temps les Français la reconnaissent semblable à elle-même. Il choisit, pour les traduire, les livres où des Allemands ont raconté les guerres d’autrefois. Et comme les souvenirs des soldats sont les miroirs où l’on surprend le mieux les traits de caractère que l’histoire souvent omet ou farde, il se plaît, pour notre enseignement et notre fierté, à mettre les mémoires militaires de l’Allemagne en présence des nôtres. Le capitaine Léon Bernardin[37] est de Lorraine, il songe à la délivrer, il en parcourt pieusement la terre et l’histoire, il veut pour dire son espoir un livre où il mette de l’indestructible, L’Éternité des forteresses lorraines. Et parmi ces demeures où réside la puissance il compte celles auxquelles s’attache le souvenir des âmes héroïques, et il consacre un autre livre à La Maison de Jeanne d’Arc. Le capitaine Émile Hennequin[38] est aussi de Lorraine et c’est aussi en France qu’il cherche la place des anciennes batailles qu’il faudra peut-être gagner de nouveau. Le commandant de Pighetti de Rivasso[39] multiplie les formes littéraires des idées qu’il a voulu servir et discipliner par sa vocation de soldat : romancier pour dire la vie d’Afrique ; dramaturge pour offrir les spectacles de beaux faits d’armes à ses chasseurs : journaliste pour assainir l’atmosphère quotidienne par un souffle de courage ; analyste même et philosophe, car la vaillance d’un peuple lui paraît valoir plus ou moins selon l’état social qu’elle protège, et dans son livre L’Unité d’une pensée, il s’essaie à soutenir qu’un maître de la psychologie et de la sensibilité contemporaines, Paul Bourget, a été pour notre pays un maître continu des doctrines vivifiantes. Cette foi en la tradition française inspire leurs romans même aux jeunes officiers : Lapertot[40] qui donne à la Race une victoire disputée et lente sur l’égoïsme passionnel, les théories antisociales ; et de Boisanger[41] qui fait Le Lieutenant de Tremazan capable de s’oublier et de se sacrifier sans avoir même à se vaincre. Toute la diversité des œuvres par lesquelles peut être servie « l’unité d’une pensée » sollicite le talent multiforme d’Art Roë[42]. Les principales célèbrent comme sœurs inséparables la France et la Russie. Pour faire connaître l’armée lointaine il écrit : « Mon régiment russe », comme pour faire connaître un régiment français, il a écrit : « Pingot et moi ». Ce beau livre de l’amitié entre l’officier et le soldat ne pouvait venir que de France. Il y a plus d’une armée où le soldat a pour ses chefs du respect et de la crainte, où pour ses soldats le chef a de la justice et de la sollicitude ; mais il n’y a qu’une armée où ils échangent de l’affection. Ailleurs la bonté relâche la discipline, chez nous elle l’assouplit : ailleurs la familiarité abaisse le prestige, chez nous elle le popularise. Notre armée forme une société unique où la distance des hiérarchies reste intacte dans le rapprochement des cordialités. Pingot est le conscrit défiant : mêler aux sévérités qu’il redoute une bienveillance imprévue, guérir son mal du pays par des mots qui donnent chaud au cœur, accompagner d’un intérêt tutélaire ses espoirs et ses épreuves intimes, prendre contact avec sa raison et parfois avec sa gaieté, voilà les secrets de la conquête où l’officier français, pour se faire aimer, aime le premier. Et le soldat aime ceux qui, en lui n’estiment pas seulement la machine de guerre, mais tout l’homme : sa gratitude crée son dévouement, exprimé par les yeux plus que par les terres, par les actes plus que par les yeux. Chez nous, il n’est pas besoin d’attacher par des chaînes les hommes à leurs pièces. Il suffit de dire, comme le colonel de Pingot aux recrues : « Nous n’emportons pas l’étendard en guerre, ce sont nos canons qui deviennent nos signes de ralliement : ces canons, vous les défendrez jusqu’à la mort. » Par ces derniers mots, Art Roë avait d’avance raconté sa propre fin. En Alsace il protégeait la retraite de nos troupes ; à un moment il se trouva seul avec ses caissons vides, ses attelages rompus, ses servants hors de combat et ses pièces hors de service. Il resta avec elles.
Tous les enseignements donnés par ces officiers qui veillaient immobiles, près de notre frontière ouverte comme une blessure, sont graves. Ce sérieux ne s’éclaire que sur le visage des officiers coloniaux. Eux connaissent la joie de la marche en avant. Ils ont trompé leur faim de la revanche en taillant un vaste empire. Pour rendre la France meilleure gardienne de celui-ci que des empires acquis pour elle au XVIIe et au XVIIIe siècle, ils lui envoient, échantillons de leurs conquêtes, leurs livres, échantillons précieux et surtout ceux qui vinrent du capitaine Détanger[43]. Je ne dirai pas le charme de ses récits, ni la fluidité d’un style qui, semblable à une eau lumineuse et profonde, porte et caresse la Barque annamite, épouse toutes les formes des choses et fait un avec ce qu’il décrit. Je croirais amoindrir aujourd’hui l’hommage dû à ces témoins si je me laissais attarder par le talent lorsque j’ai à honorer la conscience. Il ne leur suffit pas, en effet, de découvrir le trésor des contrées lointaines et des richesses ignorées ; ils vont à la découverte des âmes plus lointaines encore et des civilisations, plus obscures. Ils ne concluent pas, de ce que ces intelligences et ces mœurs ne ressemblent pas aux nôtres, qu’elles sont barbares, ils estiment meilleur de comprendre que de mépriser. C’est avec sympathie qu’ils interrogent ces vieilles races, avec ménagements qu’ils les traitent, un scrupule les avertit qu’on n’a pas touché le fond de la justice quand on n’a pas atteint la bonté. Et la même vertu qui transforme en attachement l’inégalité entre nos officiers et nos soldats, transforme en une protection affectueuse le pouvoir de nos officiers sur les races soumises. Par ce second aspect d’un même caractère ils opposent aux brutalités impitoyables qui prétendent au droit supérieur d’exploiter, de tyranniser, de détruire, la seule doctrine de conquête où il ait de la civilisation.
La voix de ces soldats est confiante. Leur activité obtenait chaque jour sa récompense dans la vision de leur œuvre et l’armée, vivifiée par eux, tenait unie à son ordre puissant leur espérance. Ceux qui, hors de l’armée, pensaient à l’armée avaient plus d’inquiétude. Ils savaient que l’éducation militaire perfectionne les qualités guerrières, mais ne les crée pas, que nul dressage ne fait sortir rien de rien, que la matière brute des dons à affiner doit être fournie par le peuple lui-même, et que cela devient plus vrai encore là où, le service étant court, l’armée est davantage la nation. Or c’est la nation qui leur donnait de l’inquiétude. La diversité de leurs travaux leur ouvre des vues sur maints aspects de leur temps. Il leur semble que sur le bloc si solide et si éclatant de nos dons la rouille gagne. Partout où leurs veux regardent, ils la voient s’étendre et s’épaissir.
Le goût de la vérité, sauvegarde des hommes et des peuples contre, les décadences, avait été longtemps français : on la disait aux vivants, à plus forte raison aux morts qui sont moins susceptibles, et par l’histoire les morts corrigeaient les vivants. Historien, Laurentie[44] sent grandir, jusque dans l’étude du passé, l’esprit de parti qui se préfère aux réalités, il le prend sur le fait par des constatations rigoureuses et, dans son Louis XVII, montre comment la sensiblerie la plus déclamatoire peut couvrir la cruauté la plus féroce. Historien, Jules Arren[45] le devient aussi pour empêcher que nous nous trompions sur l’avenir et songeant au péril prochain compose son Guillaume II, ce qu’il dit et ce qu’il pense. Georges Weil[46] soucieux de signaler jusqu’où s’étend le danger, écrit : Le Pangermanisme en Autriche.
Le développement du travail est la mesure la plus visible de la vigueur nationale : il se ralentissait chez nous. Pierre Leroy-Beaulieu[47] après avoir mené à travers le monde entier ses enquêtes où il savait si bien voir et prévoir, décrivait les progrès des sociétés nouvelles pour réveiller en France quelque ardeur d’émulation. Georges Feuilloy[48] en traduisant l’Autobiographie de Stanley, rappelait combien vite grandit le domaine des peuples quand, l’habileté du gouvernement sait mettre à profit l’audace des aventuriers intrépides. Claude Casimir-Perier[49]et Louis Laffitte[50] redisaient les avantages préparés à la France par sa place maritime et le réseau de ses voies fluviales. Sazerac de Forges[51] montrait de nouveaux chemins à la France, les routes illimitées du ciel, si elle savait seconder l’audace de ses premiers aviateurs. Tous ces appels ne suscitaient que le premier mouvement d’une curiosité distraite qui retombait aussitôt à la somnolence, comme si les intérêts de tous n’étaient ceux de personne.
À la paralysie des initiatives l’action de l’État supplée parfois, et l’État avait pris en France plus de pouvoirs qu’en aucun pays. Remettre ces pouvoirs aux plus dignes semble le nécessaire et suffisant remède aux publicistes comme Pierre Nivet[52], Noël Trouvé[53], Brunel de Perrard[54], qui, dans des camps divers, servent avec une passion égale leur parti. D’autres sont convaincus au contraire que l’excès des pouvoirs est en France le grand mal de l’autorité, qu’il a aggravé de formalisme la torpeur sans la guérir : avec Frédéric Charpin[55], ils tiennent à combattre avant tout le désordre qui porte la congestion à la tête, l’anémie dans tout le corps et à ressusciter la provinciale. D’autres souffrent surtout de voir refusé à la moitié de la nation le suffrage qui s’appelle universel, comptent pour compenser les sottises des hommes sur la raison des femmes, et Jean du Breuil de Saint-Germain[56], pour obtenir à celles-ci le droit de vote, étend à plusieurs pays et à plusieurs langues l’activité de sa propagande favorite. D’autres attendent tout d’un changement de la constitution politique, d’une monarchie, monarchie à laquelle et par laquelle ils espèrent imposer leurs doctrines, doctrines où parle l’impatience impétueuse qu’inspire aux esprits absolus le zèle du bien et la foi en leur propre raison ; M. Léon de Montesquiou[57] consacre à ce royalisme renouvelé une philosophie où se rajeunit celle d’Auguste Comte ; Jean-Marc Bernard[58] cherche jusque parmi des poètes des alliés à cette cause, recueille les Pages politiques des poètes français ; et pour elle, Pierre Gilbert[59] se faisant le critique de l’intelligence contemporaine, soumet les vies et les talents à une orthodoxie toujours intraitable et qui jamais ne devient odieuse, tant elle révèle la vigueur de la nature et la fierté de l’âme.
À des penseurs moins systématiques et plus profonds, il apparait que la santé des nations ne se soutient pas par des mécanismes et des formes, mais par une morale, et que tout pouvoir, de tout nom, serait aussi mauvais si, comme le nôtre, il laissait se poursuivre et même favorisait les attaques les plus redoutables aux plus généraux des intérêts, à la patrie, à la famille, à la race. Le dommage fait à la race par l’abus de l’alcool est le mal que Léon Boneff[60], révolutionnaire et socialiste, ne pardonne point à l’État moderne et, à la face de ceux qui vendent ou laissent vendre ce poison, il lance comme une flétrissure le titre de son livre : Les Marchands de folie. Mais ce n’est pas par une seule complicité avec, le mal que le gouvernement est détourné de sa fonction essentielle : autrefois protecteur de la moralité politique, il devient de plus en plus étranger à elle, et, quand il s’agit d’elle, les partis diffèrent moins par les doctrines qu’ils ne se confondent par les défaillances. Ce mal profond de la politique décide Guy de Cassagnac[61] à suspendre l’escrime des idées où il était maître et, pour mieux servir la vérité, il a recours au roman. L’agitateur est le nom collectif de ceux qui font servir l’hypocrisie de leurs vertus publiques à la satisfaction de leurs secrets. D’une plume moins ardente, Paul Acker[62], au sourire triste, à la timidité discrète, à la persévérance douce, multiplie ses œuvres qui lui ressemblent, comme pour promener sur plus d’objets sa mélancolie : ses personnages de tout sexe, de tout rang, de toute origine, passent, victimes de l’égoïsme social qui rend étrangers et rivaux les êtres faits pour se secourir et s’aimer. Jacques Neyral[63] dans Le Miracle de Courteville montre, exploitée par tout le petit monde des politiciens dans une petite ville, la même corruption dont l’Agitateur, vivait au centre du pouvoir. Les plus bas appétits se disputent les plus répugnantes pâtures : pas un être estimable, pas une passion noble : rien que la souveraineté deux fois dissolvante de l’égoïsme dans l’individu qui fait à son image son gouvernement, et dans le gouvernement qui propage le vice dont il est issu. La colère brûle, comme l’acide d’une eau-forte, cette œuvre où tout est noir d’un pessimisme désespéré.
Mais à d’autres ce qui répugne le plus est le désespoir. Plus ils constatent le mal, plus il leur faut le remède. S’ils voient grandir la révolte contre la souffrance et l’idolâtrie de chacun pour soi-même, ils savent que la même nation fut la plus unie, la plus patiente, la plus courageuse, la plus fidèle à ses devoirs de race. Ils se demandent pourquoi elle a changé. Ils reconnaissent que ses vertus faisaient un avec sa doctrine de la vie. La fraternité était naturelle entre ceux qui se savaient fils d’un même créateur. La souffrance ne semblait pas déraisonnable à ceux qui tenaient la vie pour une épreuve. La vertu n’était pas une duperie pour ceux qui espéraient une récompense. La moi, la suprême épreuve, et qui pouvait devenir la suprême vertu si elle était offerte pour le plus parfait accomplissement du devoir, était l’acte suprême de la vie. Les nouvelles croyances qui ont détruit celles-là imposent aussi leurs suites logiques. Si les hommes ignorent leur origine ils n’ont pas de motifs pour s’aimer en frères. S’ils n’ont pas de créateur, ils n’ont de loi que leurs instincts. Si l’existence présente est la seule, la mort qui l’anéantit est le pire des maux. Mais l’existence née de ces doctrines est si inférieure à l’ancienne que les conséquences jugent les doctrines. Ceux donc qui ne renoncent pas à la noblesse de l’homme et à l’ordre de la société sont ramenés, par leur besoin des vertus nécessaires, aux croyances de jadis.
Dans La première gerbe, Dulhom Noguès assemble tout le froment des doctrines qui nourrissent la vie et la mort.
... Je connais le secret du mystère
Maintenant fauche-moi. Je renaîtrai demain...
Frères, nous sommes tous des plantes immortelles.
Sous le vocable des chênes, Paul Drouot[64] répond aux incrédules satisfaits
Mais plus heureux celui qui dans l’éternité
Place un dieu qui l’attend à son heure dernière.
Pour fuir la misère des espoirs et des lâchetés contenues dans l’idolâtrie de la vie présente, il pénètre loin dans l’intelligence de la mort. Il salue dans la grande séparatrice la maîtresse de tous les renoncements. Et telles sont les pensées, dit-il.
Qui m’ont appris le goût de la chose funèbre
Et de la volupté m’ont enseigné la fin.
Ces croyances, qui donnent à tous une loi commune, inspirent à leurs fidèles des témoignages divers comme la nature de chacun. André Lafon[65] fait son acte de foi à voix basse et distincte, en homme qui n’hésite pas à parler mais n’ose pas parler au nom de plusieurs. Ses certitudes gardent un doute, le doute qu’il possède le don de les répandre, sa timidité assourdit leur retentissement. Entre ses aspirations, ses ingénuités, ses délicatesses et les audaces, les cynismes, les brutalités du inonde, il constate l’irréconciliable contraste et préfère à un conflit inégal une retraite sans combat dans la solitude intérieure où il se sent invincible. Ses romans, L’Élève Gille et La Maison sur la rive, sont des examens de conscience. Et dans le huis-clos de sa vie morale les jugements qu’il porte sur les choses extérieures ressemblent aux vœux d’un profès qui trouve sa richesse dans ses renoncements, et, pour n’être pas envahi par le monde, sen retranche.
Joseph Lotte au contraire est, par état et zèle, un propagateur. L’enseignement qu’il donne dans un lycée de l’État lui révèle chaque jour, dans l’esprit de ses élèves, la puissance conquérante de la vérité. Des vérités la plus essentielle à l’ordre social et aux bonheurs individuels lui semble la vérité religieuse, et il sait que nombre de ses collègues pensent comme lui ; mais l’État, au .nom duquel ils enseignent, est incrédule. De là le danger que l’agnosticisme officiel, s’il ne les gagne pas, les paralyse et qu’ainsi la plus précieuse semence de l’éducation soit perdue. Le meilleur service à rendre à l’avenir est de maintenir vivante, dans une atmosphère de scepticisme, la croyance des maîtres. Le meilleur moyen de sauvegarder leur croyance est de les grouper en une compagnie où ils prennent conscience de leur nombre et fortifient leur courage par l’échange et la communion de leurs doctrines. Voilà pourquoi Joseph Lotte fonda et dirigea jusqu’à sa mort le Bulletin des professeurs catholiques de l’Université[66].
Pour quelques-uns ce n’était pas assez de consacrer à leur foi le témoignage de beaux vers, de livres efficaces, d’heures généreuses dans leurs journées, ils lui donnèrent toute leur vie. La permanence du mal social excite en eux la permanence des vertus réparatrices. La lassitude des désordres devient la nostalgie des disciplines. Cette nostalgie fait la beauté du roman où Henry du Roure[67] raconte La Vie d’un heureux. Un homme prêt à tous les bonheurs parce qu’il a tous les scepticismes, a pris la carrière qui mène à tout. Il s’est fait dans la politique sa place, et la première, en songeant à soi seul. Il pousse ceux qu’il méprise pour être servi par eux, il ne se vend pas, mais il achète les autres, et la réputation reste intacte de celui qui, avant de se marier, a une fille et l’abandonne, qui marié, délaisse sa femme et prend la femme d’un ami. Un jour vient où ses joies l’humilient, cette existence où il n’y a pas une bonne action l’épouvanté, il sent le vertige de ce vide accusateur, il s’en veut sauver et ses remords le jettent à la foi. L’écrivain qui se révélait dans cette œuvre n’avait pas songé plus tôt à se produire, tout occupé de se donner. Dès l’adolescence, acquis à la fraternité sociale du Sillon, il n’avait rien retenu pour lui-même dans l’apostolat qu’il offrait à l’idée. Certain que la forme la plus parfaite et la plus féconde du dévouement est le sacrifice, il s’était toujours imposé les taches les plus utiles aux autres, et, pour qu’elles fussent utiles à lui-même, il avait préféré les obscures.
Tout le monde sait comment Max Doumic[68] ancien lieutenant de réserve, âgé de 54 ans, reprit du service dans l’armée active et mourut. Dans les tranchées, une mission dangereuse venait d’échoir à un sous-officier. Doumic lui dit : Vous avez une femme et des enfants, je vais à votre place. Connaître cela, est ne connaître que le dernier des instants où il préféra les autres à lui-même. Cet homme froid d’abord, réservé de gestes, farouchement modeste, capable des plus longs silences contre les propos oisifs, incapable de taire une vérité qu’il jugeait utile, tout inertie pour ses intérêts, tout constance pour l’intérêt de ses amis, tout flamme pour l’intérêt public, dissimula aux indifférents une grande âme. Il aimait le beau comme peu le goûtent et s’était décidé pour l’architecture parce qu’elle accueille et ordonne dans sa beauté raisonnable tous les autres arts, et l’Hôtel de Ville de Douai qu’il restaura, gardera le nom du maître, si le monument respecté par les siècles survit à l’invasion. Mais, dès le début, sa vocation d’art fut traversée par sa vocation d’intérêt public, voir de près les entrepreneurs et les ouvriers, il avait jugé que les rapports du capital et du travail sont souvent des chocs d’égoïsme, que pour y établir la justice, il faut y introduire la générosité : il employa une part de sa fortune à organiser une société de charpentiers. Il ne put pas supporter davantage que la hiérarchie naturelle des talents fut troublée par les admirations de commande et, les roueries mercantiles : contre elles, il se fit critique et, dans une suite de Salons, affirma son impartialité rigoureuse et sa redoutable clairvoyante. Les vices dont souffrait l’art étaient ceux dont souffrait la société. Doumic reconnaît que le principal agent de ce désordre est la politique, et que le mal le plus funeste de la politique n’est pas son anarchie spontanée mais sa discipline occulte contre toutes les traditions, et que des traditions la plus attaquée est la foi religieuse. Il tient cette foi pour la base de tout ordre, il la défend donc. Lorsque la rupture du Concordat voue les églises de France à l’abandon, il se fait le pèlerin des édifices menacés, et ses études, sans égales pour la compétence et la vigueur, dénoncent la malfaisance des ruines invisibles que prépare l’écroulement des pierres. Jusqu’au bout, il se sera oublié, et d’autant plus qu’inébranlable sur la nécessité sociale de la foi, il ne sent pas cette foi en lui-même. Cet architecte de vie morale voit resplendir la stabilité sociale de l’Église, il n’a pas pu descendre aux fondations mystérieuses sur lesquelles elle repose. Son âme était d’un apôtre et sa raison d’un stoïcien. Lutte qui peut-être faisait la tristesse muette de son visage, inachèvement qui fit plus complète la générosité de son âme à défendre pour les autres un bien dont il n’avait pas sa part.
La plénitude de la foi fut au contraire la joie secrète et la force conquérante de Péguy[69]. Que cette plénitude ait parfois répandu sa véhémence en contradictions, on ne doit ni le nier, ni s’en émouvoir : il varia sur l’application passagère de principes qui ne varièrent point. Le chêne porte des frondaisons passagères sur un tronc qui demeure. Péguy fut cet arbre, dru en sa masse rustique, et profondément enraciné dans la plus vieille terre de France. En lui se continuait une lignée très noble de paysans qui, depuis l’origine, n’avaient changé ni de domaine ni de pensées. Ils s’étaient transmis, pendant des siècles, l’attachement à la terre comme à la face toujours jeune de l’aïeule, et la vénération pour la France comme le chef-d’œuvre de Dieu. La France méritait son privilège et l’exerçait par des vertus, le désintéressement, le courage, la pureté. Et pour renouveler en elle ces forces conservatrices de la faveur divine, la France avait des saints qui compensaient par la surabondance de leur mérite, les insuffisances de leurs frères. La solidarité que les socialistes croient avoir découverte et qu’ils restreignent à la jouissance collective des richesses terrestres fut la foi la plus ancienne des foules chrétiennes, et elles l’étendaient à la communion de biens impérissables.
Péguy naissait, en 1871, dans ce pays d’Orléans que Jeanne avait délivré des Anglais et que les Allemands occupaient encore. L’image des envahisseurs et de la libératrice grandirent inséparables dans la mémoire de l’enfant. Ce fils des siècles paysans avait besoin de croire que la France sortirait de l’épreuve nouvelle comme elle était sortie des anciennes. Il compta que le secours, serait le même, viendrait des saints. Plus que jamais, il fallait des simples, des vaillants et des purs. Il médita sur l’efficacité des mérites, et il lui apparut que le plus complet était l’oubli de soi, l’oubli de soi jusqu’au sacrifice de soi pour tous. L’holocauste demeurait le rachat propitiatoire. Et, s’il n’était pas donné à tous d’être choisis, il était possible à tous de s’offrir aux immolations, petites ou grandes, et tous ceux qui se tenaient prêts à souffrir quelque chose pour tous avec résignation, avec générosité, avec joie, renouvelaient à chaque détachement, et dans la mesure de ce détachement, la vertu du sacrifice. Dieu, à qui l’intention suffit quand elle est parfaite, permet ainsi à un grand nombre d’atteindre par leur seul désir à toute l’efficacité de l’héroïsme. Et les hommes capables d’un tel désir sont élevés par lui si haut, que non seulement la justice du ciel, mais celle de la terre, ne sauraient tenir pour peu de chose un peuple où ils se multiplient.
Telle est la doctrine que Péguy avait reçue de ses pères avec leur sang. Elle était en son propre sang, lorsqu’il reçut sa culture littéraire, et celle-ci ne lui fut qu’un moyen de servir sa tradition illettrée. Son premier livre, sa première Jeanne d’Arc, était dédié « à toutes celles et à tous ceux qui seront morts pour tâcher de porter remède au mal universel ». Son dernier livre, encore sur Jeanne d’Arc, n’est qu’une méditation passionnée sur le miracle de l’offrande. Et la même pensée remplit ses œuvres, et ses œuvres lui imposent son talent. Elles sont des examens de conscience où il appelle et consulte les doctrines dont ses pères furent les croyants, et qui sauvèrent la France. Il ne peut être court, puisqu’il s’agit de la chose essentielle. Il doit être familier, puisqu’il s’entretient avec lui-même, et se répète pour enfoncer en soi, à plus de coups, la certitude. Il évoque sans cesse les saints et les saintes de la France, parce que c’est avec eux seuls qu’il est en communion. Auprès d’eux il affermit son âme et poursuit une ascension à travers les pesanteurs et les aridités ; elle se traîne, pour s’élever magnifiquement ; elle a des déserts, mais des sources jaillissantes. Il n’a rien de l’écriture contemporaine, mais rappelle, par les beautés morales, les chansons de geste, et, par la profondeur de la doctrine expiatoire, les dépasse. Et par son intimité avec Geneviève et Jeanne, il est un de leurs contemporains, ou encore un de ces « donateurs » qui, dans nos tableaux primitifs, apparaissent entourés de saints et de saintes, pour offrir à Dieu des présents et s’offrir eux-mêmes.
Ce qui donna à cet anachronisme une puissance d’actualité, c’est la plénitude du contraste entre cette doctrine ancienne et la doctrine nouvelle qui vieillissait. C’est au moment où les orgueils de la pensée positive sombraient dans tant de naufrages qu’étaient ressuscités dans leur plus religieuse foi les siècles de l’idéal : c’est au moment où tant de laideur abaissait le présent et menaçait l’avenir que tout l’espoir de cet avenir était mis dans la perfection morale. Un homme apparaissait indifférent à la richesse, au pouvoir, au plaisir, a qui les vices des autres enlevaient son bonheur, en détruisaient l’ordre divin, et qui, pour rétablir cet ordre, était prêt à payer de sa vie. Ceux qui étouffaient dans les bas-fonds sentirent le bienfait de la secousse qui les jetait dans les hauteurs. Ce mystique violent, dont les colères étaient désintéressées, cet homme de désir, dont le désir était surhumain, fut un maître de perfection pour un grand nombre et si, comme il le croyait, la récompense de la vie est la mort pour les autres, personne ne mérita mieux que lui sa fin.
Psichari[70] ne représentait pas les stabilités héréditaires de la race, mais la rupture de la génération présente avec les nouveautés qui prétendaient la retenir. Psichari était né au foyer même de l’incertitude philosophique et personne n’avait entendu de plus près la belle langue qui a dit la supériorité de la pensée sur l’action, de la recherche sur la découverte et du doute sur tout le reste. Or, Psichari, par une préférence qui était presque une impiété filiale, opte pour la moins méditative, la moins calme, la plus active, la plus brutale des vocations. Entré dans l’armée, il y reste, il y recrute, il écrit l’Appel des armes. Cet appel promet surtout à ceux qu’il veut attirer la fuite hors de la société, la vie de la nature, le désert plus sain que la civilisation. Ce n’est pas que ce désert ait encore rien d’ascétique et les abbesses de Jouarre s’y rencontrent pour le plaisir des jeunes gens. Mais déjà l’armée paraît belle à l’écrivain parce qu’elle est aussi le danger couru pour la France, et que par elle se perfectionne dans le monde l’esprit de sacrifice. Et déjà ce livre contient sur l’Église une page qui est une prière, et non, comme la prière sur l’Acropole, l’adieu d’une foi éteinte à un temple détruit, mais le premier salut d’une croyance naissante à une religion debout. L’homme est entré sous l’influence de Péguy qu’il appelle maître et par qui il est appelé frère. Il comprend peu à peu le sacrifice avec toutes ses étendues, et ce n’est pas seulement contre l’invasion du territoire, c’est selon le mot de Péguy contre « le mal universel » qu’il aimerait à offrir sa vie. Un attrait religieux l’élève au-dessus de l’attrait guerrier. Mais la force de Péguy est sa solitude de prophète, et le jeune officier a appris de sa carrière à aimer l’action disciplinée. Il songe à quitter une armée, pour entrer dans une autre, où il pratiquera le sacrifice dans l’obéissance. Le sacerdoce l’attire. Et la mort le frappe sur le chemin.
Et pour fermer la marche sainte de ceux qui se sont donnés par une immolation de plus en plus parfaite à une cause de plus en plus infinie, voici le prêtre : un prêtre dont la simplicité a connu, dès le premier pas, sa route, son amour, son maître, et qui a écrit comme il a vécu, pour Dieu. L’abbé Léon Vouaux était un Lorrain de la frontière. Il professait au Collège de la Malgrange ; un peu d’aide prêtée à son intelligence l’avait aisément conduit à la licence ès lettres et à l’agrégation. Il satisfaisait à la fois sa piété et son savoir par l’étude de l’antiquité chrétienne. Une docte étude sur les Actes de Paul, une des légendes apocryphes par lesquelles l’imagination populaire tenta, dès le IIe siècle, d’embellir la vérité, avait valu au commentateur l’estime des bons juges. Il avait un frère, prêtre comme lui et, près de lui, curé de Jarny. Le 4 août le curé était appelé sous les armes, et le professeur prenait à Jarny la place de son frère. Le 8, Jarny est occupé par les Bavarois, avec des retours offensifs de nos troupes ; les Allemands se vengent de leur insécurité sur la population de Jarny, et l’abbé Vouaux se trouve le défenseur de la ville. Il l’est dix-sept jours. Mais tout embarras qu’il donne aux brutalités des occupants, accroit leurs griefs contre lui. Le 25 août, il est arrêté comme otage, et sous l’accusation, qui ne trompe personne, d’avoir de son clocher tiré sur les Allemands. Il ne comparait devant aucun tribunal, il apprend qu’il sera fusillé le lendemain. Après avoir demandé des juges qu’on lui refuse, il se tait et, portant sa cause au .juge des sentences iniques, n’a plus de regards que pour son bréviaire et son crucifix. Ainsi quitta le monde, le 26 août 1914, Léon Vouaux[71], né en 1870. Sa vie de quarante-quatre ans s’étendit comme un signe de paix entre deux dates de guerre et il mourut de la haine que soulève chez les Allemands le patriotisme des prêtres français.
Ces disparus ne comptent ni par leur nombre, ni par leur influence sur les heures où ils périrent, et leur immolation n’a pas plus changé le destin que le léger renflement du sol au-dessus de leur corps ne change les grandes lignes des contrées où ils reposent. Éparses sur la plus vaste région qui soit jamais devenue un seul cimetière, une centaine de tombes semblent un peu de douleur perdue dans l’infinité de la douleur. Pour beaucoup même cette tombe est incertaine et nous ne savons où porter nos couronnes pour que les fleurs en soient près d’eux. Mais à eux, cette cruauté du sort est propice, qui les défend d’un hommage solitaire et nous contraint à honorer leur société inséparable dans les villes immenses et peuplées soudain par la mort, à chercher avec plus de ferveur les places où de leurs personnes rien ne reste sinon un mélange indivisible de chairs héroïques. Les fosses communes de la guerre sont les plus glorieuses des sépultures, car ce sont elles qui enferment le plus de courage. Ou qu’ils soient tombés, ils sont clans la terre la plus sacrée de France, dans nos marches des Flandres, de Picardie, de Champagne, de Lorraine, d’Alsace, régions privilégiées où tour à tour, selon les siècles, fut sauvée notre race et qui, aujourd’hui, forment toutes ensemble son rempart. Les croix jalonnent sur ces chemins de mort, les trois mouvements de cette guerre : l’offensive où le courage seul était prêt, la retraite qui nous refoula sans nous rompre, la fixité de la halte où nous bâtîmes, de la Manche aux Vosges, cette grande muraille qui pour pierres a des hommes. L’honneur de nos morts est d’avoir pris leur part à cette œuvre de tous.
C’est à tous qu’ils ont consacré leur privilège, leur droit d’aînesse. Ils possédaient dans la pensée la source des joies qui ne vieillissent pas. Au lieu de se les réserver, ils ont pensé de l’intelligence comme Bossuet pensait de la fortune quand il appelait les riches les intendants des pauvres : ils se sont considérés comme débiteurs envers les moins pourvus de réflexion ou de savoir. En redisant aux Français les raisons d’aimer, les moyens de servir, les chances de relever la France, ils ont été les hommes de tous. Ils l’ont été plus encore le jour où ils n’ont plus voulu être que soldats. L’âge ou les infirmités, par lesquelles la matière prend sa revanche contre l’esprit, en dispensaient beaucoup de combattre et leur conseillaient de continuer leur apostolat. Une inspiration plus haute leur révéla que les plus décisives paroles devenaient vaines si la France était battue, que pour un peuple la source du génie national est l’indépendance, que plus une espèce est noble, moins elle enfante en captivité, que la race française surtout pour être féconde a besoin de sa spontanéité souveraine. Or, une race étrangère prétendait envahir non seulement notre sol mais notre intelligence, soumettre aux déformations de son dressage notre autonomie, écraser notre génie sous le marteau-pilon de sa culture. Ils comprirent que si cette violence l’emportait, ils n’auraient plus de continuateurs. L’essentiel pour eux n’était donc pas de poursuivre leur œuvre intellectuelle, mais, pour qu’ils pussent la reprendre et la transmettre, de l’interrompre. Puisque l’esprit lui-même était menacé par la matière, c’était à la matière de le défendre. Avoir bouché de leur corps la brèche mortelle à notre indépendance intellectuelle, avoir suspendu leur vocation afin que la France pût continuer la sienne, voilà la beauté singulière du renoncement qui, sur les champs de bataille, les fit pareils à tous.
Donner les louanges à ce sacrifice appartenait à tous, au peuple. Le cœur des simples a des profondeurs vierges et de là jaillissent des mots impérissables. Un de ces mots s’éleva d’une tranchée où à un ordre d’assaut, un soldat inconnu répondit : Debout les morts ! Mot de douleur, de défi, de fierté, de prière, d’espoir, de miracle. Parole inattendue, spontanée et définitive. Invocation française ! À la race qui met toute sa confiance dans les mécanismes de la matière, ce mot devait être jeté par la race qui crut toujours aux puissances immatérielles. Oui, s’il y a dans le sacrifice une vertu et dans l’univers une justice. ceux qui sont morts pour leur patrie, en demeurent les défenseurs. Ceux qui ont par leur générosité affermi dans les cœurs le devoir ont créé une puissance : sortie d’eux, et soustraite à la fragilité de leur vie particulière, elle ne termine pas leur action mais la perpétue. Debout les morts ! À qui cette invocation impérieuse et confiante s’adresse-t-elle autant qu’à vous, victimes privilégiées ? Vous aviez plus reçu et vous avez plus donné. Votre sacrifice a fait monter plus de flamme. De vous sont sorties les clartés des exemples. Ceux qui entraînent vivent, ceux qui instruisent vivent, ceux qui rayonnent vivent. Dans la mémoire, dans l’admiration, dans la reconnaissance, dans la piété de la France, à jamais vous resterez debout, nos morts !
[1] ROBERT-ANDRÉ MICHEL, sorti le premier de l’École des Chartes en 1908 ; sa thèse, Étude sur la politique royale à l’égard de la noblesse et des villes consulaires dans la sénéchaussée de Beaucaire au temps de saint Louis, obtint le second prix Gobert à l’Académie des Inscriptions ; élève de l’École française de Rome, y prépare l’Histoire du Comtat Venaissin sous les Papes, de Clément V à Grégoire XI, œuvre dont certains extraits ont déjà paru, et dont l’ensemble est en état d’être publié ; tué le 13 octobre 1914, à 30 ans.
[2] CHARLES PICARD, petit-fils d’Hermite et fils d’Émile Picard, docteur en droit avec une thèse sur Les chemins de fer du Simplon et les intérêts économiques de la France, la Suisse et l’Italie, nommé au concours inspecteur des finances : promu caporal au front, s’offrit pour couper, à la place d’un camarade père de famille, les fils de fer en avant des tranchées ennemies, près de Soissons, le 8 janvier 1915 ; mourut frappé de deux balles dans la tête, à 31 ans, cité à l’ordre du jour de l’armée.
[3] JEAN MASPERO. Élève de l’École des Hautes Études en 1905, agrégé d’histoire en 1907, membre de l’Institut archéologique français au Caire de 1907 à 1914, rédige là le Catalogue des papyrus byzantins du Musée du Caire, 3 vol. in-fol., apprend l’arabe et le russe pour puiser sans intermédiaire aux sources orientales, écrit sur l’histoire byzantine nombre d’études dans les revues savantes, rapporte en 1913, de fouilles faites par lui en Haute-Égypte, quelques-unes des plus anciennes peintures byzantines, et laisse inédits des travaux historiques et des poésies. Revenu d’Égypte en France, lors de la guerre, fait la campagne de l’Argonne, est blessé grièvement le 23 septembre 1914 à Cheppey ; après quatre mois de convalescence, retourne au feu et, sergent, est tué à 29 ans, le 17 février 1915, à Vauquoy.
[4] LIONEL DES RIEUX a publié : La Toison d’or, Le Chœur des Muses, La Belle Saison et Hécube, tragédie jouée sur le théâtre d’Orange. Officier de réserve, médaillé militaire, tué le 27 février 1915, au bois de Malancourt. Il avait 44 ans.
[5] PAUL FEUILLATRE. Archiviste de la Légion d’honneur, poète, a publié : Écho et Narcisse, Le Jeu de l’Amour et du désespoir. Tué à 34 ans.
[6] GAUTHIER-FERRIÈRES. Outre La Belle Matinée a publié : Les Ombres heureuses, Le Parnasse royal, Jours d’orage, La Romance à Madame, une Anthologie classique des écrivains français, et des études sur quelques contemporains. Lauréat de l’Académie Française en 1903 et 1913, a obtenu en 1910 le prix de poésie. Tué à 35 ans.
[7] Émile DESPAX. Lauréat de l’Académie Française en 1906. Sous-préfet d’Oloron au moment de la guerre, tué le lendemain de son arrivée sur la ligne de feu, dans l’Aisne, à 33 ans.
[8] ROBERT d’HUMIÈRES avait, outre les traductions de Kypling, écrit des études sur l’Angleterre, et dirigé quelque temps le théâtre des Arts pour y rendre familiers au public Français les œuvres dramatiques peu connues, oubliées ou empruntées à la littérature étrangère. Lauréat de l’Académie Française en 1901. Ancien officier, il avait repris du service au moment de la guerre.
[9] MARCEL DROUET laisse deux petits livres : Quelques feuillets du livre juvénile et l’Ombre qui tourne. Tué le 4 janvier à Consenvoye, il avait 26 ans.
[10] LOUIS CODET, député, a publié, outre La petite Chiquette, La Rose du jardin, laisse achevé et prêt à l’impression un troisième roman Monsieur Capdenac. Il avait donné à La Revue blanche et à la Vogue quelques pages brèves et des vers.
[11] JEAN DE LA VILLE DE MIREMONT. Rédacteur à la Préfecture de la Seine, engagé volontaire au 57e d’infanterie, sergent et mis à l’ordre du régiment le 2 novembre, allait être nommé sous-lieutenant et en faisait les fonctions quand il fut tué dans les tranchées, à Vermont (Aisne), le 28 novembre 1914.
[12] ALAIN FOURNIER, avant de publier son roman, avait rédigé la critique littéraire de Paris-Journal. A disparu, après avoir été blessé le 22 septembre 1914, au bois Saint-Rémy.
[13] CHARLES MULLER n’avait pas seulement écrit son œuvre maîtresse, les quatre séries du A la manière de… en collaboration avec M. Paul Reboux, mais fait du théâtre : Maison de danses, avec M. Nozières ; 1912, avec M. Régis Gignoux ; Richette aux enfers, avec M. Paul Reboux. Ajoutez un actif concours de quatre années, 1910-1914, à la partie littéraire du Journal. A la guerre, nommé sous-lieutenant pour sa conduite au feu, mortellement frappé à Longuenal, le 26 septembre 1914, cité à l’ordre du 11e corps.
[14] ALBÉRIC MAGNARD, à la fois compositeur et librettiste, a été tué le 3 septembre 1914, à Baron, en défendant à coups de révolver sa demeure, laisse plusieurs opéras. Dans l’incendie de la maison plusieurs de ses œuvres inédites ont péri.
[15] ÉCORCHEVILLE. Docteur ès lettres, directeur de la Revue S. I. M. (Société internationale de musique) a publié le Catalogue des fonds de musique ancienne de la Bibliothèque nationale, t. I à IV, Actes d’état civil de musiciens, 1539-1650, Corneille et la musique, de Lulli à Rameau, et 20 suites d’orchestre du XVIIe siècle français.
[16] CORNU. Archiviste paléographe, bibliothécaire des Arts décoratifs, a publié : Le Château de Béarn, la Correspondance des directeurs de l’Académie de France à Rome (suite de Montaiglon), la Table des procès-verbaux de l’Académie de peinture et de sculpture, a collaboré aux Cahiers Nivernais. Tué en janvier 1915.
[17] JOSEPH DÉCHELETTE. Correspondant de l’Institut, conservateur du Musée de Roanne, archéologue. Sa principale œuvre est son manuel d’archéologie en quatre volumes, où sont rassemblés les renseignements recueillis sur la Gaule antique. La contribution personnelle de Déchelette à cette science collective est la part qu’il prit aux fouilles du Mont-Beuveray de l’ancienne Bibracte. Capitaine de réserve d’artillerie, tué à 53 ans.
[18] ROBERT DE FRÉVILLE DE L’ORME. Élève de l’École des Chartes, a publié : Procès de recours devant l’Échiquier de Normandie au XIVe siècle, Fonctions des avocats normands au XIVe siècle. Organisation judiciaire en Normandie aux XIIIe et XIVe siècles.
[19] LOUBERS. Ancien pensionnaire de l’Institut Thiers, professeur agrégé de droit à la faculté de Montpellier, a publié : Des avantages et des inconvénients de l’inaliénabilité dotale, Essai d’une théorie générale des sociétés de fait, De l’application du repos hebdomadaire dans les chemins de fer. Sergent au 322e d’infanterie, blessé mortellement près d’Ypres, le 30 octobre 1914.
[20] GAZIN. Ancien pensionnaire de l’Institut Thiers, avait donné : Essai critique sur la notion du patrimoine, La nature périodique des règlements du travail. Contribution à l’étude des contrats d’adhésion, De la publicité de la justice criminelle. Sous-lieutenant au 210e d’infanterie, tué vers le 21 août dans la retraite de Sarrebourg.
[21] MAXIME DAVID. Ancien élève de l’École normale, professeur agrégé de philosophie au lycée d’Avignon, a donné sous ce titre : Berkeley, une vie de l’homme, des extraits de l’écrivain et une belle étude de philosophie spiritualiste.
[22] PIERRE GINISTY. Littérateur, secrétaire de la Conférence des avocats, a publié de nombreux articles dans les Annales et fait jouer Chambre d’amis.
[23] JEAN BAYET a publié : La société de auteurs et compositeurs dramatiques, Les édifices religieux, et laisse des vers.
[24] OLIVIER HOURCADE. Poète et prosateur, a publié : Ombres tremblantes, Les tendances de la peinture contemporaine en face des cubistes ; il a collaboré à la Revue de France et fondé les Marches du Sud-Ouest.
[25] RAYMOND COTTINEAU a publié sous le nom de Jean l’Hiver La première chanson, contes et poèmes.
[26] CHARLES DUMAS rédigea pendant quatre ans la critique dramatique au Figaro illustré, publia une étude sur la jeune poésie en France ; ses œuvres de poète sont L’Eau souterraine, qui obtint en 1903 le prix Sully Prudhomme, L’Ombre et les proies, Tournesol, comédie en un acte donné à l’Odéon. Stellus, pièce en trois actes, achevée au début de 1914, drame du rêve après lequel il préparait une Jeanne d’Arc, drame de l’action. Quand éclata la guerre, il appartenait à l’Administration des Beaux-Arts. Lieutenant de réserve, il rejoignit son régiment, le 102e capitaine ; après deux mois, il fut tué près de Montdidier, à l’Échelle Saint-Aurin, le 31 octobre 1914, à 33 ans et mis à l’ordre du jour de la IIe armée.
[27] Louis SAILHAN a publié en outre : Petits poèmes. Sergent, tombé à Perthes le 11 mars 1915.
[28] CHARLES PERROT. Licencié en droit, diplômé de l’École des Sciences politiques, attaché au service des Beaux-Arts, laisse un roman qui devait paraître à la fin de 1914, Les Bourgeons gelés. Lieutenant, tué le 23 octobre 1914, à Arras. Il avait 26 ans.
[29] VICTOR DURUY. Reçu le premier à l’École Saint-Cyr en 1892, admis en 1900 à l’École de guerre, ajoute à l’activité de ses campagnes en Afrique, de ses commandements en France, de ses fonctions comme attaché militaire en Belgique et en Hollande, son zèle d’écrivain. Il publia L’Éducation du Soldat, Le Sous-Officier dans l’armée moderne, L’Instruction du sous-officier d’infanterie, L’Histoire du premier régiment des tirailleurs algériens, L’Armée allemande et l’Alsace-Lorraine, L’Autriche et la frontière italienne. Tué le 30 octobre 1914, à 50 ans.
[30] MASSACRIER, Les Missions à la guerre d’un chef de section, Les Missions à la guerre d’un commandant de compagnie, Précis de morale destiné au soldat.
[31] Le colonel DE CISSEY avait collaboré aux règlements sur la Cavalerie et écrit plusieurs ouvrages sur cette arme, il commandait une brigade quand il fut mortellement blessé le ler septembre 1914 à Vitrimont (M.-et-M.).
[32] Le lieutenant-colonel D’ANDRÉ a écrit : La Cavalerie en liaison avec les autres armes, Les Tendances actuelles de la cavalerie allemande, Le Nouveau règlement de cavalerie, Quatre batailles, Les Franges du drapeau, Les Forces morales.
[33] MAURICE SAUTAI. Lauréat de l’Académie Française en 1900 et 1910. A publié : Montcalm au combat du Carillon, Les Milices provençales sous Louvois et Barbezieux, et une œuvre inachevée, Les Préliminaires de la guerre de succession d’Autriche. Tué le 7 mars 1915 à Souain.
[34] J. VIDAL DE LA BLACHE a publié sous ses initiales, dans la Revue d’histoire, Études sur la vallée lorraine de la Meuse, Napoléon et les places d’Allemagne en 1813, Les Deux hourrahs de Laon et d’Athies, Quelques observations sur l’histoire militaire, et un livre : Les Causes de la défaite de l’Autriche en 1866. Lauréat de l’Académie Française en 1914.
[35] Le titre de l’ouvrage est : Essais sur la guerre Russo-Japonaise, préface du général de Lacroix.
[36] Le commandant MINART a traduit : Les Allemands pendant la campagne de Russie, et Les Allemands à Paris pendant le Consulat, de Holzhausen ; Le Carnet du capitaine von Colomb ; il achevait de traduire le Journal du chancelier von Muiller.
[37] Le capitaine LÉON BERNARDIN a publié Domrémy-la-Pucelle, Guide du voyageur à la maison et au pays de Jeanne d’Arc, Le Département des Vosges et le ravitaillement de l’armée du Rhin, La Pologne n’est pas morte, Les Forces vosgiennes à l’époque révolutionnaire, Les Volontaires de la Révolution, Les Eaux de Plombières à l’époque révolutionnaire, L’Éternité des forteresses lorraines. Il collaborait aux marches de l’Est, et avait fondé La Pensée de France, pour faire connaître de nous les œuvres des écrivains français qui écrivent hors de France. Blessé mortellement, le 7 septembre 1911, à Bauzée.
[38] Le capitaine ÉMILE HENNEQUIN, au sortir de Saint-Cyr, rédigeait une étude restée manuscrite sur l’armée de la Restauration ; fut chargé par le ministre de la guerre d’un travail sur les volontaires de l’Aube à l’époque révolutionnaire ; son œuvre principale est Les Opérations de 1814 dans l’Aube où les affaires de la Rothières et Rosnay apparaissent sous un jour inconnu, La Préparation de l’offensive de Napoléon contre Blücher est exposée avec une intelligence non moins nouvelle, et enfin l’Occupation de Troyes par les alliés est racontée d’après des sources en parties inédites. Il laisse manuscrit un dernier livre : Le premier bataillon de chasseurs au Mexique. Tué le 8 septembre 1914 à 33 ans, sur les confins de la Marne et de l’Aube, le champ de bataille qu’il avait étudié en 1912. Cité à l’ordre du jour de la 1re armée.
[39] Le commandant de PIGHETTI DE RIVASSO. Œuvres : Nedgma, roman ; La Sidi-Brahim, poème et Villers-aux-Bois, drame historique ; L’Unité d’une pensée, essai sur l’œuvre de M. Paul Bourget ; nombreux articles de journaux et de revues.
[40] Le capitaine LAPERTOT. A signé du pseudonyme Dacre plusieurs œuvres : Traîneurs de sabre, L’Heure critique, L’Espion. Lauréat de l’Académie Française en 1910. Tué le 16 février 1915 en prenant une tranchée à l’ennemi.
[41] Le capitaine DE BOISANGER, après avoir publié, sous le pseudonyme de Pierre d’Aulnoye, Le Lieutenant de Tremazan, a donné sous son nom des vers, La Conquête nouvelle, et un autre roman, Le Coup de fouet. Lauréat de l’Académie Française en 1908.
[42] Le lieutenant-colonel PATRICE MAHON a publié sous le pseudonyme d’Art Roë : Pingot et moi, Sous l’Étendard, Racheté, Papa Félix, Mon régiment russe, Étude sur les armées du Directoire, Joubert à l’armée d’Italie, Championnet à l’armée du Rhin, et Observations sur le tir collectif. Tué le 24 août 1914 à Wissemhach.
[43] Le capitaine DÉTANGER a écrit sous le pseudonyme d’Émile Nolly : Hiên-le-Maboul, La Barque annamite, Gens de guerre au Maroc et Le Chemin de la victoire. Lauréat de l’Académie Française en 1910. Blessé le 21 août 1914, mort le 5 septembre à Blainville-sur-l’Eau près Lunéville.
[44] FRANÇOIS LAURENTIE. Élève de l’École normale, professeur à Stanislas et à l’Université de Montréal, a publié : Louis Veuillot, L’Affaire Naundorf ; Trois exemples de la méthode Naundorfiste ; Le comte de Chambord, Guillaume et Bismarck en octobre 1870 : Barbey d’Aurevilly ; Louis XVII, La méthode de M. Aulard. Tué le 12 janvier 1915.
[45] JULES ARREN. Élève de l’École normale, pensionnaire de l’institut Thiers, journaliste, a publié : Comment il faut faire de la publicité. Tué le 10 janvier 1915.
[46] GEORGES WEIL. Lauréat de l’Académie Française en 1893 et en 1897. Lauréat de l’École des Sciences politiques, rédacteur politique à la République Français.
[47] PIERRE LEROY-BEAULIEU. Élève de l’École polytechnique, professeur à l’École des Sciences politiques, député, orateur, économiste et écrivain a publié, outre de nombreux articles à l’Économiste Français et à la Revue des Deux-Mondes. Les nouvelles sociétés anglo-saxonnes, La rénovation de l’Asie, Les États-Unis au XXe siècle. Capitaine d’artillerie, tué le 13 janvier 1915 près de Soissons à 44 ans.
[48] GEORGES FEUILLOY avait de plus traduit une Histoire de Sienne.
[49] CLAUDE CASIMIR-PERIER avait publié des études sur le commerce transatlantique et le port de Brest.
[50] Louis LAFFITTE. Après une mission des Ministères des Travaux publics et du Commerce, une Enquête sur la navigation intérieure en Allemagne, il poursuit ensuite ses nombreuses études sur Enquête sur la Loire navigable, sur La Garonne navigable, Le Rhône et la navigation intérieure, Les Chemins de fer suisses et les ports européens, L’Essor économique de la Lorraine. Secrétaire général de la Chambre de Commerce de Nancy depuis 1907, il prit à la guerre sa place de lieutenant au 37e d’infanterie, tomba, âgé de 41 ans, le 20 août 1914 à Morhange.
[51] SAZERAC DE FORGES a publié Tableaux d’histoire militaire contemporaine, La vie à Saint-Maixent ; s’était consacré aux problèmes de l’aviation avait écrit Le royaume de l’Air, la Conquête de l’air, L’homme s’envole. À la guerre, capitaine, disparu depuis le 20 août 1914.
[52] PIERRE NIVET, avocat, directeur du Journal du Centre, lieutenant de réserve, tué à 30 ans, le 28 février 1915, à Wlamertinghe.
[53] NOËL TROUVÉ, publiciste, directeur du Journal de l’Oise, tué à l’ennemi.
[54] BRUNEL DE PERRARD, directeur de la Revue Imperia, tué à 21 ans. Sa mère a publié son Carnet de route.
[55] FRÉDÉRIC CHARPIN, d’abord attiré par l’érudition romaniste, puis rédacteur du Bulletin de l’Action régionaliste, fondateur et secrétaire de La Bibliothèque régionaliste, et secrétaire de La Réforme sociale, promoteur de l’enquête Sur le sentiment religieux en France, lieutenant de réserve, tué le 25 août 1914 à la défense de Nancy.
[56] DUBREUIL DE SAINT-GERMAIN a publié dans la Revue de L’Action Française de nombreuses études sur le Transvaal, les Noirs, Cordon, Ceci Rhodes, édité des brochures sur la séparation des Églises et de l’État, les Jansénistes, parlé sur les milices, le service de trois ans, le monopole de l’alcool, et surtout combattu pour le suffrage des femmes, lieutenant au 13edragons, tué devant Arras, le 22 février 1915, cité à l’ordre de l’armée.
[57] LÉON DE MONTESQUIOU, professeur à l’Institut d’Action Française, a publié entre autres études La Raison d’État, Les Raisons du Nationalisme, Le Salut public, Le Système politique d’Auguste Comte ; tué à 41 ans.
[58] JEAN-MARC BERNARD a publié Pages politiques des poètes français avec introduction et notes littéraires, des poésies dans diverses revues et deux volumes de vers : Sub tegmine fagi et Les Odelettes printanières. Blessé une première fois et, après son retour sur le front, tué à Carency : il avait 33 ans.
[59] PIERRE-GILBERT CRABOS n’a pas réuni en volume ses œuvres, mais a beaucoup écrit dans le Revue La Critique des idées et des livres.
[60] LÉON BONEFF, journaliste, rédacteur à L’Humanité, a publié, outre Les Marchands de folie, La Vie tragique des travailleurs en collaboration avec son frère, Fine carotte, comédie, et Le Soldat phénomène, dialogue militaire.
[61] GUY DE CASSAGNAC, outre son œuvre de polémiste, laisse L’Idée traditionaliste dans le roman de M. P. Bourget « l’Émigré », L’Agitateur et une pièce de théâtre Tout à coup. Sous-lieutenant de réserve au 344e d’infanterie, mort de trois blessures devant Faxe, cité à l’ordre du jour de l’armée, enterré selon la volonté exprimée dans son testament : « Je veux être enterré avec ceux de mes soldats qui seront tombés autour de moi, au lieu même où je serai tombé. »
[62] PAUL ACKER a écrit des œuvres de critique : Humour et humoristes. Petites confessions, Œuvres sociales des femmes, et des romans Les Deux amours, Une Aïeule contait, Un Amant de cœur, Dispensé de l’article 23, Le Désir de vivre. La Petite madame de Thianges, Le Soldat Bernard, Les Exilés, Les Deux cahiers. Lauréat de l’Académie Française en 1904, 1908 et 1914.
[63] JACQUES NEYRAL a publié, outre Le Miracle de Courteville, La Dentelle des heures et A l’ombre des marbres.
[64] PAUL DROUOT, laisse en outre deux volumes de vers La Chanson d’Elianis, La Grappe de raisin. Il avait presque achevé un roman « Eurydice deux fois perdue ». Petit-neveu du général Drouot, il avait demandé, malgré une santé chancelante, à servir sur le front. Il gagna les galons de sergent, fut tué le 9 juin devant Arras, et mis à l’ordre de l’armée.
[65] ANDRÉ LAFON était aussi poète et a publié des vers, La Maison pauvre. Sa santé débile ne put supporter les fatigues de guerre qu’il avait voulu affronter. Il avait obtenu à l’Académie Française le grand prix de littérature, la première fois que ce prix fut décerné.
[66] JOSEPH LOTTE, agrégé de l’Université, professeur au Lycée de Coutances, sous-lieutenant tué à l’ennemi près d’Arras le 27 décembre 1914.
[67] HENRY DU ROURE fut parmi les principaux ouvriers du groupe Le Sillon et de son organe la Démocratie. Il faudrait posséder les procès-verbaux de la Société et feuilleter le journal pour y prendre sur le fait l’importance, la continuité et la modestie du labeur fourni par Henry du Roure. C’est quand le journal manquait de feuilleton qu’il s’improvisa romancier. La princesse Alice et La petite Lampe furent ainsi écrites.
[68] Max DOUMIC, architecte diplômé de l’École des Beaux-Arts, professeur d’architecture à l’Université de Montréal, a publié sur l’art de nombreuses études dans Le Correspondant, y a donné son enquête sur les Églises de France, a publié un volume, Le Secret de la Franc-Maçonnerie, où il attribue une origine anglaise à une société qu’il tient pour contraire à la liberté des consciences et des États. Ancien lieutenant de réserve, reprend avec son grade du service dans l’armée active, est tué le 11 novembre 1914 dans les tranchées devant Sillery.
[69] Charles PÉGUY créa, soutint de sa plume, remplit de sa renommée, son œuvre continue : Cahiers de la Quinzaine. Au milieu des écrivains formés on ralliés par sa maîtrise, il est là, comme-un chef d’ordre repose dans la chapelle élevée par lui. C’est dans les quinze séries de la Quinzaine que parurent de 1900 à 1915 presque toutes les œuvres dont certaines furent tirées à part en volumes et dont les plus nombreuses se trouvent seulement dans les Cahiers. Lauréat de l’Académie Française en 191l (prix quinquennal Estrade-Delcros de 5 000 francs).
[70] ERNEST PSICHARI, petit-fils par sa mère d’Ernest Renan, licencié de philosophie, après son service militaire s’engage, sergent d’infanterie rend ses galons pour passer dans l’artillerie coloniale, y est nommé sous-lieutenant ; écrit en 1906, Terres de soleil et de sommeil, en 1912, L’appel des armes où il veut « prendre contre son père le parti de ses pères ». Il avait achevé dans l’Illustration, numéro de Noël 1911, sa tâche dans son œuvre posthume Le Voyage de Centurion qui vient d’être publié. Tué le 22 août 1914 dans la retraite de Charleroi, à Saint-Vincent-Rossignol en Belgique. Il avait 30 ans.
[71] LÉON VOUAUX laisse, outre les Actes de Paul, une autre étude sur les Apocryphes, les Actes de Pierre, déjà composée au moment où commença la guerre.