Variations et décadence de l’enfer

Le 25 octobre 1973

Roger CAILLOIS

Variations et décadence de l’enfer

Séance publique annuelle des cinq Académies

PAR

M. ROGER CAILLOIS
délégué de l’Académie française

 

Aussi loin que permettent d’y accéder les textes ou les graffiti, les hommes ont imaginé après la mort, dans un  autre monde, un lieu de punition des fautes commises dans celui-ci et, souvent accessoirement (je le remarque sans tarder) un lieu de récompenses pour leurs actions méritoires, surtout les méconnues. Depuis peu de temps, cette croyance aussi vieille que l’histoire est en train de s’effacer et même de s’évanouir, à tel point que, dans une certaine perspective et si l’on s’en tient au monde occidental, je veux dire : en toute région du globe où sont installés des bibliothèques, des universités, des laboratoires, ce siècle peut être considéré comme celui de la disparition, au moins comme celui de l’éclipse ou de la métamorphose de l’Enfer.

Il ne me paraît pas prématuré de proposer à l’examen d’une part les manières différentes dont l’espèce, à peu près partout, a été amenée à se représenter un empire posthume, où les réprouvés subissent des supplices effroyables et précis, et d’avancer ensuite quelques-unes des raisons possibles qui, un peu partout aussi et presque simultanément, ont conduit et continuent de conduire l’humanité à abandonner l’idée pourtant si fortement et généralement ancrée d’un au-delà concret et punitif.

Il est aisé de concevoir l’étrange tentation d’édifier mentalement un univers étanche, d’une part indiscutable, de l’autre invérifiable, plus précisément inexplorable, — sauf au prix de la mort, qui est irréversible. En outre, comme les religions sont communément le support et la garantie des règles qui définissent le bien et le mal, il est normal qu’elles aient d’ordinaire imposé l’idée d’un au-delà double et symétrique. En des enceintes complémentaires et opposées, les méchants expient dans les tourments, les justes jouissent de délices non moins éternelles. Équivalence de principe : en fait, un trompe-l’œil. L’enfer est presque toujours à grand spectacle, paroxystique, personnalisé enfin ; le ciel, à peu près immanquablement monochrome, à la rigueur irisé, monocorde, en tout cas sans discordance ; monotone, par conséquent menacé par l’ennui ; anonyme, c’est-à-dire sans félicités particulières, appropriées aux mérites acquis comme sont les châtiments aux fautes commises. Autre contraste, non moins significatif : la béatitude de confection récompense une vie entière d’irréprochable vertu, tandis que des tortures spécifiques punissent le plus souvent un forfait unique, mais éclatant. Il n’est pour se convaincre de l’ampleur de pareille inégalité, que de se souvenir que l’Enfer est la seule partie du poème de Dante qui soit un peu populaire; et c’est par les images de supplices qu’elle a répandues.

L’autre monde apparaît à l’origine tantôt comme le prolongement, tantôt comme l’antithèse de la contrée où résident les vivants. Ceux-ci, en effet, se contentent d’exagérer, de porter à leur comble les séductions ou les inconvénients de leur habitat ou de leur mode de vie. Ceux qui séjournent au cœur des terres placent dans les hauteurs du firmament le lieu de la récompense et dans les profondeurs du sol celui de la punition. Les peuples des côtes pensent que les voies de la mer conduisent les élus vers les Iles Fortunées et les damnés vers des royaumes sous-marins ou couverts de brumes continuelles. Les nomades des déserts aspirent à un paradis de sources, de vergers et d’ombrages. Ils redoutent un enfer poussiéreux et torride. À l’inverse, un enfer arctique fait frissonner d’avance ceux qui souffrent déjà d’un climat froid et qui espèrent la chaleur et les moissons d’un éternel été.

La nature des joies et des peines souffre de la même disparité fondamentale. Sans doute les unes et les autres ne diffèrent-elles pas essentiellement des voluptés et des souffrances connues. Elles ont seulement acquis l’intensité, la perpétuité, et pour ainsi dire la sécurité qu’elles n’avaient pas sur terre. Les félicités réservées aux élus du paradis musulman se distinguent par une sensualité aimable et de bonne compagnie. Ailleurs, d’autres lieux de délices, plus grossiers, sont calculés pour le bonheur des gloutons ou des brutaux ils offrent les satisfactions des festins plantureux ou l’occasion d’exploits sportifs et guerriers incessants : une table toujours garnie, un gibier qui ressuscite sans fin, des batailles où les têtes des combattants se recollent et où les blessures se referment aussitôt : tous plaisirs qui prolongent et renouvellent, sans amener la satiété, ceux de la vie. De même, les supplices du Tartare, la roue incandescente d’Ixion, le tonneau sans fond des Danaïdes, le rocher de Sisyphe, les branches qui se relèvent hors de portée des lèvres de Tantale, le niveau du lac qui s’en éloigne au dernier moment, mettent en œuvre la soif, la faim, le feu, l’inutilité de l’effort, l’espoir toujours trompé : rien que chacun ne comprenne ou qu’il n’ait au moins une fois éprouvé.

Je ne m’en étonne pas. Je suis davantage surpris qu’à ces mises en scène impressionnantes, rien d’aussi éloquent ne corresponde dans les Champs Elysées. De même, dans la mythologie chrétienne, il n’est aucune mesure entre les chaudières d’huile bouillante, les tenailles rougies au feu, le plomb fondu coulé dans les plaies, la chair crue, mordue par le sel, des écorchés vifs et le contentement d’agiter des palmes et de louer le Seigneur en écoutant les harpes des Séraphins. Je sais bien que la joie ressentie est ineffable. Mais ineffable est l’un des mots dont l’emploi demande le moins d’imagination.

L’humanité s’est avisée d’une autre solution, qui fait la part moins belle aux contrastes. Il arrive en effet que le monde des morts soit conçu comme celui des ombres ou des reflets. Toute sève s’en est retirée. Il ne subsiste des vivants que leurs enveloppes vides, transparentes, sans poids, sans couleurs, sans matière, sans voix. Il reste cependant possible d’identifier ces simulacres aux contours indécis. Eux-mêmes conservent le souvenir de leur nom et de leur existence passée. Ils errent sans but dans un monde crépusculaire, formes flottantes et vacantes auxquelles un peu de sang offert par un visiteur peut rendre pour un instant un semblant de vie.

Je vois là la première étape d’une spiritualisation croissante. Bientôt le corps, et toute émotion dont il est le siège ou qui dépendait de sa nature propre, sont laissés dans le tombeau et ne franchissent pas le seuil fatal avec l’âme ou le double désincarné. Pareille séparation inaugure une évolution qui finira par éliminer complètement aussi bien l’antique cauchemar concret d’un luna-park infernal que la vision prometteuse de charmilles accueillantes : châtiments corporels et voluptés charnelles disparaissent en même temps qu’archanges musiciens, houris enchanteresses, démons tortionnaires.

En Occident, Jérôme Bosch et Dante procurent encore des descriptions méticuleuses, détaillées de la félicité des élus et des souffrances hyperboliques des réprouvés. Mais ce n’est déjà plus que peinture et poésie, c’est-à-dire invention, fantaisie, métaphore. Le jour est proche où la sanction est désormais purement métaphysique : privation insupportable ou contemplation béatifique de la splendeur divine. Aucune comparaison terrestre ne saurait renseigner sur des disgrâces ou des extases aussi abstraites; et on ne se prive guère d’affirmer qu’elles sont tout intimes et subjectives, malgré leur perpétuité : l’enfer est dans l’âme du damné, l’éternité bienheureuse dans celle du juste. En quelque sorte, ils ne sont que révélés à eux-mêmes, mais pour toujours.

En outre, se répand l’idée que la damnation ne s’évite ni le salut ne se gagne en respectant la lettre de quelque code extérieur, au début énumération de préceptes enseignés et définis, qu’ils soient de caractère moral, comme de ne pas tuer, ou culinaire, comme de ne pas cuire le chevreau dans le lait de sa mère, pour citer deux des commandements édictés à Moïse par Yahvé sur le Sinaï. De plus en plus de théologiens estiment que la justice divine, qui perce le secret des intentions et des cœurs, ne peut se trouver liée par un conformisme sans doute inspiré par la crainte ou par l’intérêt. Le souci de la toute-puissance de Dieu, la nécessité de sauvegarder son libre-arbitre amènent des prêtres subtils à imaginer que les voies impénétrables de la divinité se devaient d’apparaître telles à des créatures infiniment dépendantes et, d’autre part, rétives et orgueilleuses. Rien n’empêche en effet de conjecturer les lois divines comme déconcertantes et indéchiffrables, secrètes, inaccessibles, au besoin capricieuses, contradictoires, variables sans avertissement, avec licence d’être appliquées à un cas antérieur par quelque édit rétroactif adopté arbitrairement. Un dieu fantasque ou espiègle n’est pas du tout inconcevable. Mieux, une telle solution est au fond plus respectueuse que celle qui consentirait qu’un fidèle puisse jamais se flatter d’être assuré de sa rédemption, faisant bon marché de l’omniscience de Dieu et du caractère imprévisible de ses verdicts. Aux deux extrémités du parcours, des sectes des bords de l’Euphrate (si j’ai bonne mémoire), plus tard, de façon acharnée et précise, Jansénius, évêque d’Ypres en Flandres, au moyen de quelques axiomes et d’une déduction rigoureuse, poussèrent à l’extrême la doctrine consternante.

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J’indiquerai un dernier triomphe de l’abstraction : la disparition à peu près complète des itinéraires que l’âme doit emprunter pour atteindre le terme de son voyage : les talismans dont il est prudent de se munir, les péages qu’il faudra acquitter, les mots de passe dont il importe de se souvenir, les épreuves dont il est nécessaire de sortir vainqueur, ou encore quelque viatique et extrême-onction. Les ordres de route à l’usage des trépassés étaient jadis dispensés par des groupes fermés dont l’enseignement garantissait ainsi aux adeptes la félicité éternelle. Il pourrait sembler que pareils itinéraires mystiques établissaient l’identité fondamentale des destins humains non seulement devant, mais après la mort. En fait, il ne s’agit nullement d’une eschatologie désabusée et égalitaire, mais de sectes semi-clandestines qui réservent l’immortalité bienheureuse à l’aristocratie des initiés qu’elles ont catéchisés, reçus dans leur sein, et qui suivent strictement leur code d’hygiène et de morale, sinon leurs consignes politiques.

Aussi ne conviendrait-il pas d’estimer qu’en pleine Antiquité classique, une doctrine audacieuse soit parvenue à s’affranchir du besoin, universel et tenace chez les hommes, d’une équité qui les vengeât des injustices dont ils ont été sur terre les victimes ou les témoins, exigence si féroce qu’elle s’est montrée capable de les entraîner à postuler pour les souffrances et les joies de l’autre monde à la fois une pérennité illimitée et une intensité insupportable. L’esprit de charité en fut bientôt offensé et la crédibilité découragée. Il semble qu’il existe dans l’univers du cœur, comme dans la syntaxe de la justice et de la justesse, une entropie analogue à celle que l’on constate dans les phénomènes de la physique : une même tendance à l’égalité des niveaux, des tensions, des températures. Là aussi, tout semble s’amenuiser, s’équilibrer en une tiédeur, qui est indifférence sans retour. Supplices et délices perdent toute véhémence et même toute vivacité. En outre, ce n’est plus la chair, mais l’âme qui doit être comblée ou tourmentée. Le Ciel est désormais le nom de l’union transformante qui dissout l’identité personnelle dans l’unité retrouvée, l’enfer celui de la malédiction intime qui interdit au réprouvé l’extase qu’il brûle pourtant de partager. Nulle imagerie : le premier terme désigne une plénitude, l’autre une frustration. Entre les deux, l’opposition n’est plus qu’une sorte de changement de signe dans une algèbre aussi théorique et lointaine que celle qui exprime les interactions faibles des particules élémentaires. Le Ciel n’est pas si délectable, ni l’enfer si cuisant. Le vide nirvana n’est pas loin. L’âme, qui a quitté le corps, ne souhaite plus que la quiétude, le repos éternel, c’est-à-dire une absence, tout au plus une pâle euphorie. Dante aujourd’hui, devrait peut-être réconcilier Judas et Béatrice dans la même indistinction finale.

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Le seul au-delà imaginé par le monde moderne est, comme il fallait s’y attendre, à sa triste ressemblance : bureaucratique et administratif. Il est dû pour l’essentiel au cinéma américain. Cette image, cependant, n’a pas réussi à convaincre. Elle s’est vite évanouie : elle ne proposait qu’une monotonie bien répartie, en outre fort problématique, ni alléchante ni redoutable.

La science contemporaine, quand elle cherche à se représenter ou à décrire des lieux de merveilleux plaisirs ou de tourments insoutenables, ne les situe pas aux extrémités de l’univers ou derrière la mort. Il lui suffit de regarder autour d’elle et d’extrapoler ce que lui montrent l’histoire ou l’actualité. L’incrédulité a sans doute vidé les Champs Elysées et le Tartare, mais l’histoire récente de la planète n’a pas été en peine de fournir des représentations tout aussi éloquentes. L’écran et la presse à scandale donnent de la « dolce vita » des descriptions qui en font des calques enviables des joies paradisiaques maintenant révoquées en doute. La débauche luxueuse semble ainsi à portée de la main, au prix d’un hasard heureux où l’occasion suppléera peut-être à la fortune, de la même façon qu’à la loterie le gros lot apporte d’un coup l’opulence que le travail d’une vie assure rarement. Symétriquement, l’univers concentrationnaire procure une peinture terrible et immédiate qui ne renvoie ni à une géhenne problématique ni même au cœur versatile de l’homme, dont le pardon ou l’oubli peuvent apaiser le remords. Elle exprime sinon la fatalité, du moins la pente d’une société impersonnelle où des fonctionnaires vétilleux, aussi peu coupables ou innocents que leurs prédécesseurs imaginaires, enlèvent jusqu’à l’espoir — c’est leur rôle — à la multitude des misérables confiés à leurs soins. Comme il est logique, et qui flatte leur rancune, ils relèguent les intraitables au dernier cercle d’une damnation domestique, où la mort cette fois n’introduit pas, mais dont, au contraire, elle affranchit.

Dans ces conditions, il semblerait qu’il ne reste à l’imagination à peu près rien qu’elle puisse ajouter. En fait, elle raffine, elle complique, elle aménage l’installation des tortures du vieil enfer dans le monde quotidien. Elle confie à la science et aux techniques le soin de pourvoir les bourreaux d’une panoplie plus efficace. Ils disposent de l’électricité, des acides, des ultrasons, du laser, de mille engins et venins supposés à tort ou à raison capables d’exacerber la souffrance et de la faire durer. Auprès d’eux, des neurologues, des cardiologues dosent la douleur légèrement en-deçà du seuil de rupture. Des films de série, une littérature de grande consommation, les bandes dessinées alimentent à qui mieux mieux l’opiniâtre complaisance humaine à l’égard de la cruauté. Des complicités insolites se produisent. Dans des buanderies insonores, parfaitement outillées, des tortionnaires artistes et exercés travaillent à la lumière des projecteurs la chair pantelante et les nerfs décapés. Il n’y manque pas, d’ailleurs, comme chez Goya selon Baudelaire :

… d’enfants toutes nues
pour tenter les démons ajustant bien leurs bas.

Elles pimentent le supplice d’un mirage de luxure. Mais ce ne sont plus les bourreaux qu’elles cherchent à faire trébucher. Encore si elles s’en tenaient à la figuration. Bientôt, elles agissent en comparses ou auxiliaires. Houris et apsaras ont abandonné avec les demeures célestes leur douceur originelle. Désormais amazones insensibles et provocantes, elles sont préposées à l’accomplissement d’atroces besognes dans les souterrains aseptiques, qui perpétuent de façon significative l’antique localisation de l’enfer. Connivence, mariage terrestre du ciel et de l’enfer désertés, auquel n’avait pas songé William Blake et qu’il n’eût pas pensé non plus à situer de ce côté-ci de la mort. Décidément, il n’aura servi de rien aux philosophes de dissiper les fantasmagories que la superstition spontanée comme la précautionneuse théologie avaient du moins reléguées outre-tombe. « Chasser l’enfer, il revient au galop. » Et, plus près : dans le siècle, dont il n’avait jamais d’ailleurs été tout à fait absent. Mais il n’y jouait que rarement le rôle d’idéal noir, louche et d’autant plus attirant, abîme sans retour qu’on s’efforçait d’éviter et qu’on haïssait, nullement une promesse quasi romantique, fascinante; réalisable pour peu qu’on y cède et qu’on y mette du sien. Il ne faut qu’acquiescer. Sur cette pente, combien plus que le Ciel pour la remonter : « Aide-toi, l’Enfer t’aidera. »

L’acculturation en ce bas monde du Ciel et de l’Enfer ne s’accompagne pas seulement du mélange des extases convulsives et des tortures désintégrantes. Le contraste consiste aussi dans le fait qu’en ces nouveaux espaces fabuleux les béatitudes ont cessé de récompenser les mérites et les sévices de châtier l’injure : ce sont les superbes, les fourbes, les pervers qui jouissent d’ivresses dilatées et vénéneuses, en tout cas plus spasmodiques que sereines et qui ne prolongent nullement les suaves félicités d’ancien style, tandis que, dans des casemates limitrophes des boudoirs, les humbles et les héros sont livrés à la cruauté de bourreaux psychopathes.

Double bascule de la mythologie qui envahit désormais écrans et littérature populaire : la juxtaposition, sinon l’amalgame, d’un éden superlatif pour une élite opulente ou achetée et d’un pénitencier effroyable où les justes sont suppliciés, presque en punition et à proportion de leur intégrité. De la sorte, l’au-delà halluciné et symétrique que formaient le paradis et l’enfer à la fois est situé dans le siècle et voit ses fonctions inversées. Une imagerie emphatique et insistante représente en un même décor la dépravation exaltée et la fermeté broyée.

Pareil retournement connaît d’ailleurs plus d’un harmonique. Je n’en évoquerai ici qu’un seul exemple. Les utopies antérieures, celles de Platon, de Th. More ou de Campanella, décrivaient des communautés idéales, où toutes les antinomies se trouvaient résolues et où la félicité générale était harmonieusement et durablement aménagée. Les utopies récentes, celles d’un Aldous Huxley et d’un Georges Orwell, conjecturent à l’inverse, comme on l’a plus d’une fois remarqué, des sociétés de cauchemar, monstrueuses et froides, fondées sur une tyrannie sans lacune, sur l’épouvante ou sur l’automatisme.

Je ne suis pas persuadé qu’il convienne de s’émouvoir de pareils symptômes, même si leur convergence a de quoi inquiéter. Ce ne sont peut-être que les vains simulacres de nuées d’un moment, des espèces d’accidents de parcours. Au moins, par leur ampleur et par leur nouveauté, méritaient-ils qu’on leur consacrât une sorte de fiche signalétique. Pour moi, je l’avoue, j’eusse cependant préféré que l’effacement de l’Enfer se fût accompli par les seules voies de la lucidité et de la justice, et, surtout, sans que surgisse en affreuse contrepartie ce revirement, cette demi-abdication de l’imaginaire qui, à l’antique et inaccessible séjour des morts, par bravade, dépit ou désespérance, invente un substitut mixte, proche, plausible, provocateur cette fois et non plus édifiant.