Mesdames, Messieurs,
C’est bien connu, les écrivains ont tendance à ne parler que d’eux. Quand ils s’intéressent aux autres, c’est souvent une manière détournée de revenir à leur personne. D’où le diagnostic d’un auteur médecin qui, devant l’hypertrophie de leur moi, les a qualifiés de « moitrinaires ». Ainsi on a beaucoup ironisé sur Malaparte dont le moi était particulièrement encombrant : on disait que lors des baptêmes il se comportait comme s’il était l’enfant qu’on baptisait, lors des mariages il se prenait pour le marié, et lors des enterrements on avait l’impression que c’était lui le défunt.
Ces préliminaires n’ont pas d’autre but que de faire un aveu personnel, que partagent certainement les membres de la Compagnie que je représente : la jeunesse a beau s’éloigner, les décorations fleurir à la boutonnière, les institutions donner l’impression qu’elles vous enferment dans une cage dorée, il me semble que le temps n’a pas passé. Dans ce moment, je ressens avec la même émotion qu’autrefois ce que chacun des lauréats présents éprouve sans doute aujourd’hui. C’est le pont qui relie les écrivains et les amoureux. Si les pensées mûrissent, les sentiments, eux, ne connaissent pas la sagesse. Chez tout écrivain, cette folle ambition d’exister, d’être compris, d’être aimé, elle commence à vingt ans mais quand s’arrête-t-elle ? Hélas ou heureusement : jamais. Qui ignore ce que c’est que d’espérer une reconnaissance ? Nous avons connu les affres que ressentent ceux qui attendent avec fièvre ce mystérieux décret du destin qui vous choisit. Et cette énigmatique élection du succès, nous savons aussi de combien d’échecs elle est souvent l’aboutissement. Avouons-le sans fausse pudeur : nous avons partagé avec vous ce secret désir des récompenses littéraires ; que ne ferait-on pas pour l’obtenir, ce succès qui donne de la jeunesse et attire l’amour ? Certains pour l’obtenir seraient même prêts à conclure comme Faust un pacte avec le diable ou en venir à invoquer Bernadette Soubirous ou même sainte Rita, la patronne des causes désespérées.
Aussi cette cérémonie sous les ors et les pompes qui la solennisent n’a-t-elle, en dépit des apparences, rien à voir avec une remise de prix d’excellence ou un tableau d’honneur : nous ne sommes pas des professeurs… vous n’êtes pas des élèves. La littérature n’est concevable que sur un pied d’égalité. Le lien qui nous relie s’apparente à ceux qui unissent entre eux les membres d’une fraternité qui de génération en génération fleurit et se renouvelle. Aussi la barrière qui semble nous séparer ici est-elle toute symbolique : nous représentons, vous et nous, la systole et la diastole qui animent un même cœur, nourri par les mêmes ambitions et les mêmes rêves.
Voici maintenant le palmarès. Je commencerai par la présentation des trente et un lauréats des Grands Prix. Je leur demande de bien vouloir se lever à l’appel de leur nom et nous les applaudirons chacun à la fin de leur éloge.
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Grand Prix de la Francophonie : M. Boualem Sansal
Né en Algérie, Boualem Sansal, ingénieur de formation, économiste et haut fonctionnaire, est un des auteurs de langue française les plus talentueux d’aujourd’hui. S’étant décidé à écrire sur l’encouragement de Rachid Mimouni, il est remarqué en 1999 avec son premier livre, Le Serment des Barbares. Polémiste vigoureux – il a entre autres vivement critiqué l’arabisation de l’enseignement en Algérie –, il fait alterner dans son œuvre le genre de l’essai et celui du roman. Il a dit plusieurs fois combien il se sentait proche de Camus, et du sentiment d’amour et de culpabilité qui reliait celui-ci à la terre et à l’histoire algériennes. Comme le souligne Danièle Sallenave, tous ses livres sont un hommage éclatant à la force et à la richesse de la langue française, dont il use avec le talent d’un narrateur et d’un poète. Parmi ses livres, on citera : Dis-moi le paradis, Harraga, Le Village de l’Allemand ou Le Journal des frères Schiller, Rue Darwin. Ou encore, Petit Éloge de la mémoire, récit de l’épopée berbère.
Grande médaille de la Francophonie : M. Dong Qiang
Professeur à l’université de Pékin, conférencier, auteur, éditeur, artiste, Dong Qiang est un ardent promoteur de la traduction : traducteur de Kundera et de Le Clézio, il a participé en France à la création des éditions Bleu de Chine, spécialisées dans la publication d’auteurs chinois contemporains, et préside à Pékin le prix de traduction Fu Lei, initiative exemplaire à encourager ailleurs dans le monde pour la diffusion des lettres françaises. Gabriel de Broglie attire notre attention sur le fait qu’il est le directeur du Centre de recherches sur la francophonie et les littératures françaises de l’université de Pékin et que son implication de tous ordres dans les échanges culturels fait de lui un véritable « passeur » de cultures entre la France et la Chine.
Grand Prix de Littérature : M. Michel Butor, pour l’ensemble de son œuvre,
œuvre protéiforme et sans modèle, comme le rappelle Florence Delay. Avec Michel Butor, la littérature a déménagé du roman pour aller vers la poésie, l’essai, la musique, la peinture, la photographie. C’est pourtant par le nouveau roman qu’il s’est fait connaître. Ouverte en 1954 avec Passage de Milan puis avec La Modification en 1957, la période romanesque s’achève par le premier voyage aux États-Unis. L’espace américain suscite alors une nouvelle forme intitulée Mobile. Michel Butor a voyagé dans le monde entier pour explorer, donner des conférences, enseigner le français. Ce curieux vit dans la quête, l’invention. En témoignent des textes que, faute de mieux, on nommera expérimentaux, comme Le Génie du lieu ou Matière de rêves, nombre d’Improvisations, de Dialogues avec des peintres, de livres d’artiste qu’accompagnent souvent des poèmes. L’auteur dit de lui-même qu’il est « un inconnu célèbre » ou « un monument marginal » ! C’est peut-être pourquoi la maison qu’il habite en Haute-Savoie a pour nom « À l’écart »...
Grand Prix de Littérature Henri Gal (Prix de l’Institut de France) : M. Jérôme Garcin
L’œuvre de Jérôme Garcin, déjà importante puisqu’elle comporte une quinzaine d’ouvrages et de romans, s’organise principalement autour de deux thèmes qui résultent d’une tragédie et d’une passion : la gémellité et le cheval. Le motif des jumeaux apparaît de manière dramatique dans ses romans qui s’inspirent de la disparition accidentelle d’un jeune frère. Fracture irréparable qui est l’argument de son beau roman Olivier… Le thème du cheval, dont la pratique et l’art de la maîtrise semblent avoir eu beaucoup d’influence sur le style de l’auteur, qui évite les emballements, les ruades dans une belle prose classique, a donné naissance à des livres aux titres éloquents : Cavalier seul, Bartabas, roman, La Chute de cheval, L’Écuyer mirobolant. Son dernier roman, Bleus Horizons, échappe au piège de la biographie tout en s’orchestrant autour de la figure d’un jeune poète au destin fracassé par la guerre de 14, Jean de La Ville de Mirmont.
Prix Jacques de Fouchier : M. Patrick Clervoy, pour Dix semaines à Kaboul. Chroniques d’un médecin militaire
Professeur de médecine, titulaire de la chaire de psychiatrie de l’école du Val-de-Grâce, spécialiste des traumatismes psychiques lors des opérations de l’armée française, Patrick Clervoy a été affecté à l’hôpital militaire de Kaboul. Pendant les dix semaines qu’a duré sa mission, il a tenu un journal dans lequel il retranscrit son expérience médicale et humaine dans le cadre particulièrement exposé des urgences. De l’arrivée des blessés, militaires et civils confondus, jusqu’aux soins psychologiques dont bénéficient les rescapés, on suit l’itinéraire d’un peuple pris entre deux feux et de soldats autant atteints dans leur chair que dans leur âme. Un témoignage bouleversant qui évite la grandiloquence et le pathos, en décrivant de manière sobre les lumières du dévouement dans la tragédie de la guerre.
Grand Prix du Roman : M. Christophe Ono-dit-Biot, pour Plonger
Jeune homme brillant, de formation classique mais également soucieux d’être de son temps, Christophe Ono-dit-Biot mène en parallèle, avec un égal succès, une carrière de journaliste et de romancier. De Cuba à la Birmanie, il a signé des romans enrichis de choses vues, de portraits contemporains, d’expériences vécues. Comme le dit Jean-Christophe Rufin, son dernier ouvrage, Plonger, tisse plusieurs fils romanesques qui lui donnent une richesse remarquable. Le héros, César, raconte à son fils Hector l’histoire de sa mère disparue. Paz était une jeune et belle photographe espagnole que sa quête d’absolu allait mener vers la mer et ces requins blancs si fascinants et dangereux. Le monde sous-marin est omniprésent dans le livre et lui confère une partie essentielle de sa beauté. Roman profondément contemporain, magnifique portrait de femme, quête de sens dans un monde qui se croit sans repères parce qu’il tend à oublier sa culture, Plonger est une œuvre originale, puissante et belle.
Prix de l’Académie française Maurice Genevoix : M. Jean-Loup Trassard, pour L’Homme des haies
En taillant les haies, un vieux paysan mayennais qui a cédé la ferme à son fils songe à son passé et nous introduit dans un univers disparu. L’ouvrage concentre les thèmes de l’œuvre entière de Jean-Loup Trassard, qui vit au cœur de la Mayenne et dont cette terre est la matière. Venu de l’agriculture, non de la littérature, l’auteur, selon Florence Delay, fait entrer le monde rural d’autrefois dans les lettres contemporaines. Son personnage, qui se remémore quand et comment on ramasse pommes et pommes de terre, comment on mène la vache au taureau, comment on tue le cochon, revient aux haies comme à un leitmotiv : elles tiennent dans la construction du livre le rôle même de structuration qu’elles ont, ou ont eu, dans le paysage.
Prix Hervé Deluen : Mme Beata de Robien
Originaire de Cracovie, et venue en France pour y terminer ses études de lettres, Beata de Robien s’est installée dans notre pays et y est devenue écrivain de langue française. Selon Hélène Carrère d’Encausse qui la présente, elle ne s’est pas pour autant coupée de son pays natal, qui est au cœur de ses ouvrages : après un roman historique sur Henri III, roi de Pologne avant de devenir roi de France, puis un ouvrage de vulgarisation sur l’histoire de la Pologne, son dernier roman, Fugue polonaise, s’attache au quotidien et aux rêves d’une famille à l’époque communiste. C’est ce même lien qu’elle a entretenu en travaillant à l’adaptation en polonais d’auteurs français.
Grand Prix de Poésie : M. Mathieu Bénézet, pour l’ensemble de son œuvre poétique
Un jour de mai 68, nous raconte Angelo Rinaldi, Mathieu Bénézet, qui vient de disparaître, déposa sur le bureau d’Aragon, en son absence, un manuscrit plus lourd de révolte qu’un pavé de la saison. Le grand écrivain le publia aussitôt, avant d’associer le débutant à l’aventure des Lettres françaises et de la revue Digraphe où se rassemblait la jeune avant-garde. Ainsi commençait une œuvre qui comporte maintenant une vingtaine de volumes. Sous des formes diverses, journal, roman, essai critique, Mathieu Bénézet a inventé la poésie autobiographique. Elle assure son originalité et lui confère l’une des toutes premières places parmi les novateurs de notre époque. Il y a toujours chez lui de l’ironie et de la colère au bout de l’aveu.
Grand Prix de Philosophie : M. Jean-François Courtine, pour l’ensemble de son œuvre
Spécialiste de la seconde scolastique, Jean-François Courtine est aussi l’éditeur, traducteur et commentateur de Hölderlin et de Schelling, ainsi que l’impeccable historien de l’École de Marbourg, de Husserl et de Heidegger (dont il est un des traducteurs de référence), ou encore de Levinas et de Foucault. Comme l’indique Jean-Luc Marion, il a redéfini les méthodes en histoire de la philosophie et est devenu l’un des maîtres de cette discipline. Il a renouvelé le concept et l’histoire de la métaphysique à l’âge classique, et fait apparaître le développement de la phénoménologie comme tradition cohérente, majeure dans le siècle. Il est l’auteur d’une vingtaine de livres, dont certains sont déjà devenus des classiques. C’est l’un des meilleurs représentants du rayonnement international de la pensée française.
Grand Prix Moron : Mme Sylviane Agacinski, pour Femmes entre sexe et genre
Le prix est destiné à un ouvrage d’éthique : à qui pouvait-il mieux revenir qu’à Sylviane Agacinski, dont, nous dit Hélène Carrère d’Encausse, l’œuvre très riche est entièrement consacrée à une réflexion sur la place de la femme dans la société et sur les implications qu’ont la révolution des mœurs et les mutations techniques dans les relations entre les sexes ? Dans un essai d’une parfaite clarté et avec un grand talent d’écriture, elle réfléchit une nouvelle fois à la question des sexes, croisée ici à la question très actuelle du genre. La partition masculin/féminin, rattachée à une distinction biologique du vivant mâle/femelle dans sa puissance spécifique et conjointe d’engendrer, est très clairement distinguée de la différenciation culturelle et sociale de la virilité et de la féminité. On ne peut « dénaturaliser » les genres et abolir les sexes – et c’est sur quoi insiste Sylviane Agacinski.
Grand Prix Gobert : M. Jacques Julliard, pour Les Gauches françaises
Ce travail monumental, fruit d’une longue familiarité avec les idées et les textes, est la première synthèse sur les gauches françaises du xviiie siècle à nos jours. Faisant une sorte de pendant des Droites de René Rémond, il est, de l’avis de Pierre Nora, appelé de même à devenir classique. Aux trois familles légitimiste, orléaniste et bonapartiste que définit René Rémond répondent les quatre que distingue Julliard, gauche libérale, jacobine, collectiviste et libertaire, dont il suit les péripéties sur deux siècles. Non sans s’attacher à ce qui les unit en profondeur, la foi dans le progrès, la recherche de la justice et la philosophie du Bien. Dans l’analyse de la mutation actuelle de la gauche classique sous les poussées d’une démocratie d’opinion, l’historien se double du militant pour transformer son grand bilan du passé en tremplin pour l’avenir.
Prix de la Biographie littéraire : M. Frank Lestringant, pour André Gide l’inquiéteur
Biographie complète dont Yves Pouliquen a admiré la manière exemplaire d’insérer dans l’histoire politique et littéraire du xxe siècle le rôle capital d’André Gide. Ce rôle se précise au cours des ans, voire se transforme au gré des « pulsions » d’un homme au comportement singulier et provocateur, qu’animent des sentiments contradictoires où se mêlent religion, homosexualité, choix politiques, et dont l’œuvre littéraire, si elle marqua une génération, n’eut pas au cours de sa vie le succès qu’il en attendait.
Prix de la Biographie historique : M. Serge Stolf, pour Les Lettres et la Tiare. Enea Silvio Piccolomini, un humaniste au xve siècle
Marc Fumaroli nous rappelle que, peu connu du grand public, Piccolomini, qui deviendra le pape Pie II, est pourtant un personnage très important pour l’histoire de l’humanisme. Il fut à la fois homme de lettres et homme d’action, poète et diplomate. On a souvent opposé son pontificat à la période de ses écrits profanes, dont certains furent même mis à l’Index. Il s’agissait ici de restituer une continuité biographique, sans souscrire au dessein apologétique des mémoires que Pie II écrivit à la fin de sa vie : cette intention est pleinement remplie dans une biographie de fait excellente.
Prix de la Critique : M. Jean-Claude Berchet, pour l’ensemble de son œuvre
Comme l’écrit Marc Fumaroli, Jean-Claude Berchet a consacré sa carrière à étudier les œuvres aussi bien que la vie de Chateaubriand. Il a fait paraître un très grand nombre d’articles, consacrés à presque toutes les facettes de cet auteur. Les plus marquants ont été repris dans un recueil intitulé Chateaubriand ou les aléas du désir qui, dans la diversité des thèmes qu’il parcourt, permet de dessiner une véritable poétique. Il vient également de publier une biographie de Chateaubriand à la fois élégante et savante, où tout son savoir est mis en œuvre sans la moindre pesanteur, avec une très fine analyse tant psychologique qu’historique.
Prix de l’Essai : M. Jacques de Saint Victor, pour Un pouvoir invisible. Les mafias et la société démocratique (xixe – xxie siècle)
Nées au début du xixe siècle à la faveur de la disparition du monde féodal et aristocratique, les mafias ont prospéré à partir de l’Italie sous des noms et des avatars divers. Se contenterait-il d’être une histoire et une sociologie de la mafia, cet ouvrage serait déjà passionnant. Mais il va beaucoup plus loin, défrichant avec brio des territoires inexplorés et balayant bien des idées reçues. Nous vivons en effet dans l’illusion manichéenne qu’il y a un bien et un mal, du blanc et du noir : et si nos sociétés, sous des apparences très convenables, n’étaient pas blanches mais grises, n’hésitant pas à pactiser avec les pires mafias ou à reprendre elles-mêmes les méthodes des mafias, quand leurs intérêts sont en jeu ?
Prix de la Nouvelle : Mme Marie Causse, pour L’Odeur de la ville mouillée
Ce recueil possède un charme prenant mais difficile à définir. Le monde de Marie Causse est peuplé d’êtres si sensibles, si fragiles, aux sentiments si subtils qu’on a presque peur de rompre l’enchantement en le décrivant. Car c’est l’indicible, l’ineffable, l’esquisse fugitive de nos émotions qui est le terrain d’exploration de ce jeune auteur plein de talent et de promesses. Il y a tant d’art et de maîtrise dans la suggestion des recoins secrets de l’âme qu’on pense à son propos au mot de Voltaire sur Marivaux : « Il pèse des œufs de mouche avec des balances en toile d’araignée. » C’est vrai, aucun mot ne peut exprimer l’odeur de la ville mouillée, mais Marie Causse, par son talent, a exploré toutes les sensations qui s’y attachent.
Les Prix d’Académie sont au nombre de quatre.
Le premier récompense M. Pierre Chartier, pour Vies de Diderot – au pluriel et en trois volumes, consacrés respectivement à La Religieuse et aux Bijoux indiscrets, aux Salons et enfin à Jacques le Fataliste et au Neveu de Rameau. Selon Pierre Rosenberg, la somme que nous offre Pierre Chartier, président de la société Diderot et professeur émérite à l’université du même nom, est désormais indispensable pour tout dix-huitièmiste. Elle renouvelle l’image du grand écrivain dont on célèbre cette année le tricentenaire de la naissance.
Autre Prix d’Académie : M. Stéphane Giocanti, pour C’était les Daudet
Ce livre, remarquable aux yeux de Michel Déon, remonte jusqu’au milieu du xixe siècle, avec le premier aïeul célèbre, Alphonse, dont l’œuvre est restée vivante, en particulier dans les études scolaires. L’auteur raconte avec bonheur l’ascension de la famille, grâce à l’action et au caractère du fils Léon, à qui l’on doit d’avoir reconnu d’emblée l’importance des œuvres de Proust et de Céline. Le milieu dans lequel les Daudet rencontrent la gloire et un très large public est fort bien évoqué par Stéphane Giocanti, qui ressuscite avec chaleur une grande aventure littéraire.
Prix d’Académie, encore, à M. Michel Laval, pour Tué à l’ennemi. La dernière guerre de Charles Péguy,
ou plutôt le dernier mois de l’écrivain, mort au combat près de Meaux le 5 septembre 1914. Le livre mêle deux registres de lecture, nous dit Pierre Nora. C’est un récit précis, au jour le jour, de ce tragique mois d’août vécu par Péguy. Mais d’un autre côté, Michel Laval épouse la gravité de son sujet jusqu’à en faire un cantique d’un lyrisme fiévreux, un chant de mort habité par la voix même de Péguy, héros à travers lequel il exalte une France aujourd’hui disparue, celle du patriotisme intériorisé et du courage naturel. Ce mois d’août 1914 devient alors le lieu d’une intense communion entre un homme, un moment, un pays, une histoire.
Prix d’Académie, toujours, à M. Jacques Semelin, pour Persécutions et entraides dans la France occupée
Selon Jacques Semelin, 75 % des Juifs vivant en France sous l’Occupation ont échappé à la déportation grâce à l’entraide de la population. Partant de ce constat et au terme d’une longue enquête, nourrie de témoignages individuels parfois bouleversants et d’archives inédites, l’auteur apporte, nous dit Pierre Nora, une lumière neuve sur la France occupée. Une société où la délation coexiste avec l’entraide, où l’antisémitisme n’empêche pas la solidarité, du petit geste aux grands risques. En conclusion, il analyse les diverses raisons de ce qui apparaît comme une singularité française.
Prix du cardinal Grente : le P. Gustave Martelet, pour l’ensemble de son œuvre
Selon Mgr Dagens, l’œuvre théologique du père Martelet, de la Compagnie de Jésus, se présente comme une méditation ample et passionnée, écrite dans un style constamment animé d’une sorte de frémissement intérieur. Elle se penche sur l’énigme du mal, aborde les problèmes fondamentaux de l’existence humaine et traite la question de la place de l’homme dans le monde à la lumière de la grande Tradition chrétienne, avec la conviction que cette Tradition ne devrait jamais se séparer des découvertes portées par la raison de l’homme. Le prix du cardinal Grente honore à la fois l’auteur d’une grande œuvre théologique et un homme ardemment engagé dans la défense et l’illustration de l’intelligence chrétienne affrontée aux métamorphoses de l’Église et du monde.
Prix du Théâtre : M. Armand Gatti, pour l’ensemble de son œuvre dramatique
Armand Gatti est né en 1924 à Monaco. Il évoquera plus tard son père éboueur dans l’un de ses chefs-d’œuvre : La Vie imaginaire de l’éboueur Auguste Geai. Armand Gatti entra à seize ans dans la Résistance, fut arrêté à dix-sept par la Gestapo et envoyé dans un camp de travail. Un spectacle créé par des Juifs baltes fut à l’origine inoubliable de sa vocation. Ses œuvres théâtrales témoignent d’une exceptionnelle fécondité, d’un enthousiasme constant, d’une critique tantôt diffuse, tantôt explicite de notre société. Ses titres les plus connus sont V comme Vietnam, Chant public devant deux chaises électriques, La Passion du général Franco. Comme le dit François Weyergans, Armand Gatti est l’honneur poétique du théâtre français contemporain.
Prix du Jeune Théâtre Béatrix Dussane-André Roussin : M. Ivan Calbérac, pour L’Étudiante et Monsieur Henri
S’il existait un Prix du jeune cinéma, dit Jean-Loup Dabadie, Ivan Calbérac aurait pu en être le lauréat car c’est par des scénarios et des mises en scène de courts et longs métrages que l’auteur s’est d’abord fait connaître. Mais les feux du théâtre qui couvaient en lui depuis son adolescence se sont soudain rallumés et Ivan Calbérac, d’une plume savante et agile, a écrit L’Étudiante et Monsieur Henri : succès immédiat. C’est l’histoire d’un vieux bougon dont la vie se trouve chahutée par l’arrivée d’une jeune fille en quête d’une chambre à louer. Acteur à ses débuts, Ivan Calbérac pourra prétendre à jouer lui-même le personnage du bougon, mais beaucoup plus tard car il n’a pas d’âge du rôle…
Prix du Cinéma René Clair : M. Philippe Le Guay, pour l’ensemble de son œuvre cinématographique
S’il s’est imposé comme l’un des réalisateurs les plus singuliers et éclectiques du cinéma français, c’est dans le registre de la comédie que Philippe Le Guay a sans doute donné le meilleur de son talent, selon Frédéric Vitoux. Après ses délectables Femmes du 6e étage où le grand bourgeois Fabrice Luchini, dans les années soixante, découvrait l’univers des bonnes espagnoles, on retiendra son dernier film, Alceste à bicyclette. Deux comédiens, un grognon retiré du monde du spectacle et une star de la télévision, s’affrontent autour du projet de monter le chef-d’œuvre de Molière. Intelligence des dialogues, finesse psychologique au service d’une réflexion sur Le Misanthrope…, ce pari de toucher le grand public par une comédie aussi exigeante était un peu fou. Il a été superbement gagné.
La Grande Médaille de la Chanson française : M. Serge Lama, pour l’ensemble de ses chansons
Cette année, la chanson française célèbre Charles Trenet, né il y a cent ans, et Édith Piaf, morte il y a cinquante ans. Aujourd’hui, l’Académie française récompense un auteur et chanteur bien vivant et bon vivant, Serge Lama. Lui, vient de fêter ses cinquante ans de carrière. Comme le souligne Jean-Loup Dabadie, c’est un bien-aimé du public qui chante en chœur avec lui de nombreux succès comme D’aventure en aventure ou Je suis malade. Parolier de l’amour, de la joie et de la douleur de vivre, Serge Lama aura bien mérité, à sa place et à son époque, de la chanson populaire de langue française.
Des cinq Prix du Rayonnement de la Langue et de la Littérature françaises, le premier va à M. Frederik Paulsen
De nationalité suédoise et parfaitement francophone, Frederik Paulsen est un grand chef d’entreprise qui a à cœur de soutenir de nombreuses initiatives culturelles et scientifiques à travers le monde. Il a créé en France une maison d’édition qui se consacre à la conservation et à la diffusion dans le monde francophone de la culture des territoires polaires et de la littérature qui leur est relative.
Autres Prix du Rayonnement : Mme Eun-Ja Kang, pour L’Étrangère
De nationalité coréenne, Eun-Ja Kang a d’abord étudié la langue et la littérature françaises à Séoul. Elle est le premier écrivain coréen à avoir adopté la langue française pour son expression. Son dernier livre, L’Étrangère, décrit son coup de foudre pour le français. Dans des pages inspirées, elle montre à quel point le français est une langue universelle, propre à exprimer tout l’humain.
M. Ayalew Mitku
Professeur de littérature à Addis Abeba, M. Mitku a entrepris de faire mieux connaître la littérature française contemporaine en Éthiopie. Le déficit de traductions l’a conduit à fonder sa propre maison d’édition. Sans aide extérieure et dans un environnement économique peu favorable, il a su éveiller l’intérêt de ses concitoyens pour notre culture, renouant ainsi avec une tradition en péril.
Mme Katrina Kalda,
qui est née en Estonie, vit aujourd’hui en France et écrit en français. Un roman estonien et Arithmétique des dieux inaugurent une œuvre prometteuse qui évoque avec subtilité des thèmes essentiels de notre époque et nous fait découvrir un univers balte que nous connaissons mal.
M. Mohamed Benchekroun,
qui a mené en français depuis fort longtemps des recherches de sociologie culturelle sur le Maroc. Ses travaux, au jugement de Michel Déon, aident à concevoir une entente entre deux civilisations et deux croyances qui se heurtent par ignorance et se découvrent bien plus fraternelles qu’on ne pouvait l’espérer.
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Après les Grands Prix, viennent désormais les Prix de fondations. Les lauréats se lèveront également à l’appel de leur nom mais je leur demanderai d’attendre la fin de la proclamation pour recevoir ensemble nos applaudissements.
PRIX DE POÉSIE
Prix Théophile Gautier : M. François Montmaneix, pour Laisser verdure,
un recueil où domine l’idée de correspondance et d’échange, et où le poète fait appel au pouvoir de la mémoire, qui a le don de relier les souvenirs gardés de l’enfance aux moments présents.
Prix Heredia : M. Jean-Jacques Viton, pour Zama
Dans son recueil, l’auteur donne cours à une grande liberté, celle d’une poétique éclatée par laquelle il entend restituer le cours d’un monde tout aussi éclaté.
Prix François Coppée : M. Gérard Bocholier, pour Psaumes de l’espérance
Auteur apprécié d’une vingtaine de recueils, le poète nous offre ici une centaine de poèmes-prières, de forme régulière, composés chacun de deux quatrains heptasyllabiques. Il s’agit d’un chant très pur tout d’émotion contenue.
Prix Paul Verlaine : Mme Nohad Salameh, pour D’autres annonciations
L’écriture n’est jamais pour notre lauréate une distraction, elle est le reflet de ce qu’elle a vécu – l’amour, la guerre, l’émerveillement, l’éloignement, la douleur. Ses mots sont élégants, ses formulations justes et souvent puissantes.
Prix Henri Mondor : Mme Barbara Bohac, pour Jouir partout ainsi qu’il sied. Mallarmé et l’esthétique du quotidien
Cette étude novatrice s’intéresse aux pièces les plus récentes du poète, négligées comme légères, pour les replacer dans une esthétique générale et mettre en lumière l’érotisme si bien masqué de l’auteur de L’Après-midi d’un faune.
Prix Maïse Ploquin-Caunan : Mme Cécile Mainardi, pour Rose activité mortelle
Du recueil, qui joue des particularités de la langue, se dégage un ton très particulier, qui lui confère une véritable originalité et le distingue. Une poésie très attentive à son époque.
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PRIX DE LITTÉRATURE ET DE PHILOSOPHIE
Prix Montyon : Mme Anca Vasiliu, pour Images de soi dans l’Antiquité tardive
La subjectivité, que l’on suppose moderne, s’esquissait-elle déjà dans la période antique ? Pour l’auteur, l’injonction delphique « se connaître soi-même » ne conduit pas au cogito mais fait plus qu’ébaucher l’ego, comme le dit Jean-Luc Marion.
Prix La Bruyère : M. Jean Greisch, pour Du « non-autre » au « tout autre ». Dieu et l’absolu dans les théologies philosophiques de la modernité
L’auteur poursuit une réflexion engagée depuis longtemps sur la philosophie de la religion, en dégageant six approches emblématiques de la question de Dieu dans l’histoire de la pensée occidentale.
Prix Jules Janin : M. Brice Matthieussent, pour sa traduction des œuvres de Jim Harrison
Passeur irremplaçable de la littérature américaine moderne, Brice Matthieussent s’est imposé comme un excellent traducteur, restituant sa voix à Jim Harrison comme à chacun des auteurs qu’il a servis avec un naturel qui rend presque invisible la présence même de celui qui traduit.
Prix Émile Augier : M. Jean-René Lemoine, pour Iphigénie et In memoriam
Le monologue d’Iphigénie qui anticipe son sacrifice, tout comme le dialogue entre une mère et sa fille morte sous les décombres d’Haïti s’inscrivent dans l’intemporalité et l’universalité d’un tragique qui place le temps de mort au sein même de la durée de vie. L’écriture échappe à la circonstance ou à la pure revisitation du mythe pour s’élever à la hauteur des œuvres classiques.
Prix Émile Faguet : Mme Karine Robinot-Serveau, pour Les Romans de Bernanos. Métamorphoses de la transcendance
Cette pénétrante étude éclaire le tour de force de Bernanos, qui a soumis l’écriture romanesque à une véritable « conversion » et est parvenu à rendre palpable dans chaque page, indéfiniment reprise, conquise sur le doute et le désespoir, l’incandescence des âmes en proie au mystère d’iniquité.
Prix Louis Barthou : M. Erwan Larher, pour L’Abandon du mâle en milieu hostile
Le roman évoque avec une rare intensité le drame vécu par deux jeunes êtres que tout devrait en principe opposer et qui trouvent le temps et les silences pour vivre une brève union anarchique, profonde et vraie.
Prix François Mauriac : M. Cédric Villani, pour Théorème vivant
Qu’importe si l’écrasante majorité des lecteurs ne comprend pas un traître mot des équations qui fleurissent dans ce récit d’une découverte qui valut la médaille Fields à son auteur ! Les doutes et les fulgurances du chercheur, comme ses portraits des grands mathématiciens qu’il admire, composent une chronique pleine de fraîcheur et de vérité.
Médaille du Prix François Mauriac : Mme Joy Sorman, pour Comme une bête,
qui marque une brillante entrée dans le roman, avec une veine naturaliste emportée dans la fantaisie fabuleuse. Passionné par la boucherie et amoureux des bêtes tuées, le héros glisse petit à petit de notre univers à celui des animaux. L’exergue emprunté à Lévi-Strauss prend alors toute sa force : « Le moyen le plus simple d’identifier autrui à soi-même, c’est encore de le manger. »
Prix Georges Dumézil : Mmes Wendy Ayres-Bennett et Magali Seijido, pour Remarques et observations sur la langue française. Histoire et évolution d’un genre,
genre dédaigné par les linguistes, car destiné à un public de non-spécialistes, mais caractéristique de la passion méticuleuse des Français de l’âge classique pour leur langue. Les Remarques qui parurent après Vaugelas n’avaient jamais fait l’objet d’une étude : la voilà faite, et très bien faite, avec méthode et élégance.
Prix Roland de Jouvenel : M. Didier Blonde, pour L’Inconnue de la Seine
Le masque d’une jeune noyée au sourire intérieur, moulé à la morgue, fut populaire parmi les artistes du début du xxe siècle. L’auteur cherche, en vain, à identifier la jeune femme en consultant les archives. Véritable noyée ? La réponse, soigneusement dissimulée, et que nous ne dévoilerons pas, est à la page 104.
Prix Biguet : Mme Laura Bossi, pour Les Frontières de la mort
Ce petit livre, essentiel, pose avec lucidité et courage les questions fondamentales sur lesquelles butent aujourd’hui les divers comités d’éthique. L’auteur considère les nouvelles définitions de la mort à la lumière des exigences du progrès scientifique qui, par le prélèvement d’organes, modifie radicalement le regard sur le corps humain, devenu « gisement de ressources ».
Le prix est partagé avec M. Jean-Pierre Le Goff, pour La Fin du village
Il s’agit d’un petit village du Luberon dont l’auteur étudie minutieusement, de l’intérieur, la vie quotidienne, les traditions, les modes de vie, les cafés, l’école, les pompiers…, en montrant les profondes mutations qui l’agitent, à l’heure du progrès technologique et de la mondialisation.
Prix Ève Delacroix : Mme Michèle Audin, pour Une vie brève,
celle de Maurice Audin, arrêté à vingt-cinq ans en 1957 au cours de la bataille d’Alger, torturé et exécuté. Ce n’est pas la mort, mais la vie de son père dont l’auteur cherche les traces, dans une sobre enquête qui sonde l’histoire de France et celle de l’Algérie, l’histoire des sciences, la géographie, la sociologie.
Prix Pierre Benoit : M. Gérard de Cortanze, pour Pierre Benoit. Le romancier paradoxal
Le biographe, qui a notamment exploité les archives de la maison Albin Michel, nous mène à la découverte d’un homme attachant et contradictoire, journaliste parcourant le monde entier pour ses reportages avant de devenir l’auteur à succès que nous connaissons.
Prix Jacques Lacroix : M. Nicolas Milovanovic, pour La Princesse Palatine protectrice des animaux
Dans un ouvrage qui se lit avec grand plaisir et s’appuie sur des textes anciens savoureux, l’auteur s’est penché sur les chiens, chats, perroquets et autres animaux de compagnie de la Cour, de Louis XIV à Louis XVI.
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PRIX D’HISTOIRE
Prix Guizot : M. Alain Testart, pour Avant l’histoire. L’évolution des sociétés, de Lascaux à Carnac
Ce livre d’un grand ethnologue, décédé cet automne, éclaire les premiers pas de l’humanité, la façon dont les premières sociétés se mettent en place puis évoluent. C’est aussi une réflexion philosophique sur les méthodes d’interprétation en archéologie préhistorique.
Médaille du Prix Guizot : M. Thierry Lentz, pour Napoléon diplomate
Le thème peut surprendre : le premier empereur des Français n’est-il pas surtout un politique et un chef de guerre ? Mais on le voit ici engagé dans une diplomatie active, avec ses règles et ses agents, en Europe, aux Antilles, avec le Maroc ou les États-Unis.
Prix Thiers : M. Pierre Birnbaum, pour Les Deux Maisons. Essai sur la citoyenneté des Juifs (en France et aux États-Unis)
L’auteur dégage deux modèles de rapport au politique et au religieux : l’émancipation à la française, qui a ouvert à la citoyenneté dans un espace public sécularisé en ignorant toute identité autre que nationale, et, d’autre part, l’émancipation à l’américaine, plus propice à l’épanouissement des identités religieuses qu’à l’entière reconnaissance d’une citoyenneté.
Prix Eugène Colas : M. Martin Dumont, pour Le Saint-Siège et l’organisation politique des catholiques français aux lendemains du Ralliement (1890-1902)
Cette étude fouillée montre l’ampleur des divisions entre catholiques français monarchistes et républicains, ainsi que la particulière implication du Saint-Siège, qui encourage les initiatives d’unité politique.
Prix Eugène Carrière : M. Alexandre Cojannot, pour Louis Le Vau et les nouvelles ambitions de l’architecture française (1612-1654)
Consacré à la première partie de la carrière de Le Vau, l’ouvrage, d’un grand savoir, intelligemment illustré et agréable à lire, est indispensable à qui s’intéresse à l’architecture française du début du règne de Louis XIV.
Prix Georges Goyau : M. Étienne Bourdon, pour Le Voyage et la découverte des Alpes. Histoire de la construction d’un savoir (1492-1713)
Voici l’équivalent pour la montagne des sommes qui existent sur la mer. Cette première étude de synthèse, qui tord le cou à quelques idées reçues, est menée dans une perspective à la fois littéraire et historique, avec une très grande ampleur de vue et une parfaite clarté.
Prix du maréchal Foch : M. Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, pour La Guerre au nom de l’humanité. Tuer ou laisser mourir
Qu’est-ce qu’une guerre juste ? L’intervention militaire justifiée par des raisons humanitaires est l’une des questions les plus brûlantes des relations internationales. L’auteur, philosophe et juriste, en élabore ici une théorie réaliste, étayée de nombreux exemples.
Prix Louis Castex : M. Jean-Christophe Galipaud et Mme Valérie Jauneau, pour Au-delà d’un naufrage. Les survivants de l’expédition Lapérouse
L’enquête a été récemment renouvelée par d’importantes campagnes de fouilles sur l’île de Vanikoro. Les deux auteurs, respectivement archéologue responsable des fouilles terrestres et journaliste spécialiste du Pacifique Sud, font le point des découvertes, dans un ouvrage superbement illustré.
Prix Monseigneur Marcel : M. Aldo Gennaï, pour L’Idéal du repos dans la littérature française du xvie siècle
C’est un vaste panorama de l’otium lettré. Si la notion a déjà été abordée ailleurs, aucune étude aussi complète n’avait été consacrée à la Renaissance.
Médaille du Prix Monseigneur Marcel : M. Jean-Louis Fournel, pour La Cité du soleil et les territoires des hommes. Le savoir du monde chez Campanella
Le livre explore la pensée politique de Campanella, qui aspire à l’unité du monde dans l’espace agrandi d’une nouvelle géographie, dont les territoires sont néanmoins considérés dans la diversité de leur histoire.
Prix Diane Potier-Boès : Mme Caroline Hervé-Montel, pour Renaissance littéraire et conscience nationale. Les premiers romans en français au Liban et en Égypte (1908-1933)
Cet ouvrage de référence, élégant et rigoureux dans l’analyse, ressuscite des figures oubliées de la littérature levantine en langue française, qui assumaient leur grande diversité religieuse et ethnique, avec le sentiment d’appartenir à une même « renaissance ».
Le prix est partagé avec M. Jean-Claude Hocquet, pour Venise et le monopole du sel. Production, commerce et finance d’une république marchande
Somme parfaitement documentée, en deux volumes, qui, tout autant qu’une histoire du sel, est une histoire de Venise, car ce monopole permit à la ville de financer son développement et d’asseoir son autorité sur la région entière.
Prix François Millepierres : M. Jean-Louis Brunaux, pour Alésia
Le spécialiste des Gaulois se plie ici aux impératifs de la collection « Les Journées qui ont fait la France » et produit ce faisant un chef-d’œuvre : la bataille d’Alésia est éclairée de son savoir sur l’époque et exposée avec un sens consommé de l’analyse et un vrai talent d’écrivain.
Le Prix Augustin Thierry, qui couronne un livre d’histoire médiévale, peut être de nouveau décerné grâce à un legs de Baptistine Augustin-Thierry, petite-nièce de l’historien. Il va cette année à M. Mathieu Arnoux, pour Le Temps des laboureurs. Travail, ordre social et croissance en Europe (xie-xive siècle).
Analysant les profondes mutations qui ont affecté l’Europe à la période où se forment les paysages qui sont encore ceux de nos campagnes, cette étude les relie au travail des laboureurs et des paysans, dont on n’avait peut-être pas encore mesuré la valeur symbolique autant qu’économique.
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PRIX DE SOUTIEN À LA CRÉATION LITTÉRAIRE
Ce sont trois romanciers talentueux que l’Académie veut encourager :
Prix Henri de Régnier : M. Jean-Baptiste Harang, après la parution de Bordeaux-Vintimille, inspiré d’un fait divers à faire froid dans le dos ;
Prix Amic : M. François-Henri Désérable, après la parution de Tu montreras ma tête au peuple, premier roman au style déjà pleinement maîtrisé ;
Prix Mottart : M. Arthur Dreyfus, après la parution de Belle Famille, deuxième roman d’un jeune auteur qui s’essaie avec bonheur à des genres d’écriture très divers.
Les lauréats des Prix de fondations sont désormais invités à se lever tous ensemble et nous leur rendrons hommage en les applaudissant.