En 1521 paraissait à Rouen Le grant et vray art de pleine rhetorique utille, profitable et nécessaire à toutes gens qui désirent a bien elegantement parler et escrire, de Pierre Fabri. Cet auteur y condamnait les latinismes inutiles. Il y voyait un « vice d’innovation commis par les ignorans », qui « barbarisaient les termes latins ». Il expliquait combien il est ridicule de dire « Se ludez a la pille vous amitterez », une phrase formée à l’aide du latin ludere, « jouer », pilla, « balle » (ou, plus précisément, « esteuf »), et amittere, « perdre », quand on peut dire « Si vous jouez à la balle, vous perdrez ». Quelque cinq siècles plus tard, le texte de Fabri est toujours d’actualité, car ce qu’il écrit des latinismes de son temps peut s’appliquer aux anglicismes du nôtre. Si, en effet, on n’emploie plus luder pour « jouer », amitter pour « perdre », ni pille pour « balle », on doit constater aujourd’hui que « jeu » et « joueur » sont parfois remplacés par game et gamer, « perdant », par loser (quand ce n’est pas looser), et « balle », par ball. Et pourtant, comme l’écrivait notre auteur, « L’on doit toujours prendre les termes et les mots les plus communs que l’on puisse trouver et les mettre à leur signification à tous intelligible ».