Funérailles de M. Duval-Pineu

Le 12 janvier 1842

Prosper BRUGIÈRE, baron de BARANTE

DISCOURS DE M. LE BARON DE BARANTE.
DIRECTEUR DE L’ACADÉMIE

PRONONCÉ AUX FUNÉRAILLES

DE M. DUVAL-PINEU,

Le 12 janvier 1842.

 

MESSIEURS,

Après avoir assisté aux saintes cérémonies, qui seules ont le pouvoir d’adoucir la triste séparation, en consacrant passage d’une vie à l’autre, nous venons rendre un dernier devoir à un collègue regretté.

Il obtint de nombreux et justes succès dans la carrière des lettres. La renommée a souvent répété son nom ; le public aimait à l’applaudir. — Mais, en face de son cercueil, au bord de cette fosse qui va se refermer, comment pourrais-je parler des plaisirs du théâtre, des amusements d’une foule frivole ? Quel contraste entre les jeux de la scène et cet aspect sévère de la mort !

Une autre fois, dans un autre lieu, nous dirons quel fut le talent de M. Duval ; aujourd’hui, ce que nous avons besoin de répéter, c’est que sa vie fut celle d’un homme de bien. En présence du jugement suprême, un peu de vertu a plus de poids qu’une gloire passagère.

Il fut un ami dévoué de son pays : à deux époques de sa vie il le servit, les armes à la main : sur mer, pendant la guerre d’Amérique; comme soldat dans les armées qui nous sauvèrent de l’Europe coalisée. Ses opinions furent toujours modérées. Le gouvernement de la terreur l’emprisonna ; plus tard, il s’exila pendant quelques années pour avoir déplu au pouvoir, en portant un dramatique intérêt sur le malheur d’un proscrit. Son amour pour les lettres était naturel et désintéressé ; il ne sut jamais en tirer un assez grand profit pour sortir d’une position modeste, pour assurer l’aisance à ses vieux jours.

Loyal dans toutes ses relations, il était un confrère bienveillant, d’un commerce simple et facile. Mais ce qu’il fut surtout, c’est un bon et tendre père de famille. Lorsque, dans la vieillesse, bien avant qu’il succombât, sa vie était comme déjà détruite par les souffrances, ses douleurs furent adoucies par les soins touchants de ses filles ; il reçut aussi quelque allégement par les sentiments que lui conservaient ses amis. Ils viennent, en ce triste moment, dire un dernier adieu à sa terrestre dépouille, non pas à sa mémoire, qui leur sera toujours honorable et chère.