Discours sur les prix littéraires 2011

Le 1 décembre 2011

Angelo RINALDI

Discours sur les prix littéraires

 

 

Mesdames, Messieurs,

Au seuil d’une liste de noms qui pourrait à la fois sembler riche et longuette, comment ne pas penser à Oscar Wilde, notre voisin à deux rues d’ici, où, à l’hôtel d’Alsace, dans son exil il soupirait : « L’Angleterre a eu ma peau ; la France aura mes os. » Il avait effectué une tournée de conférences aux États-Unis. Son sujet ? Sa propre personne et son œuvre. Mais on se lasse de tout, même de soi, bien que notre vie ne soit, au fond, qu’une rumination intérieure sans fin.

Assez vite, Oscar Wilde substitua à son thème d’élection un inventaire de l’histoire des lettres dans son pays, indifférent à la chronologie, sautant sans le dire d’une époque à l’autre, les écrivains surtout saisis par l’aspect aventureux de leur vie ou par d’exemplaires malheurs. Car, vous le savez, souvent l’artiste ressemble au kamikaze qui saute avec sa bombe. Il n’était pas rare que dans quelque grange de l’Idaho ou du New-Jersey, devant un parterre de vachers – en français des coves-bois – un Lucky Luke de la localité, les pieds sur le dossier de la chaise de son voisin de devant, s’écriât avec transport : « Celui-là, pourquoi ne l’avez-vous pas emmené avec vous ? »

Emmener Byron fauché par la maladie quand il était en route vers la bataille de Missolonghi, par laquelle commence peut-être la dette grecque à l’égard de l’Europe ?

« Désolé, il est mort », répondait Wilde. Aussitôt, d’un autre coin de la salle, fusait la question : « Qui l’a descendu ? »

Par bonheur, ici aujourd’hui, nous n’avons à citer que des vivants, bien vivants et pleins de talent, qui, chacun dans son domaine et parcourant tout le clavier de l’écriture et de la pensée, témoignent, contre le pessimisme à la mode, de la vitalité de la langue française. On m’excusera si, tel un moine effectuant pour ses frères une lecture au réfectoire, j’adopte et ennuie par un ton monocorde. C’est le souci que ressortent mieux les louanges de mes confrères qui consacrèrent à la rédaction des rapports et à l’assouvissement de leur curiosité maintes séances de travail. Nous les en remercions, avant de rappeler le conseil de Bernanos si cher au cœur de Mgr Dagens : « Ne vous mettez pas trop en avant ; c’est au premier chrétien que l’on envoie le plus gros des lions. » Avant aussi de rappeler la courtoisie de Wilde déclarant toujours en préambule : « Que ceux qui ronflent veuillent bien ne pas réveiller ceux qui dorment. » Commençons. Selon le rituel, les Grands Prix, qui voudront bien se lever à l’appel de leur nom, ne seront applaudis qu’à la fin de leur éloge.

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Grand Prix de la Francophonie : Abdellatif Laâbi

Pour ce grand écrivain et poète marocain que nous présente Hélène Carrère d’Encausse, le français n’a pas seulement été une langue d’étude puis la discipline qu’il a enseignée à l’université de Rabat avant d’être arrêté et emprisonné de 1972 à 1980 – et dans quelles conditions ! C’est surtout la langue par laquelle peut à la fois s’exprimer une parole libre et s’inventer, au Maroc, une nouvelle identité culturelle dont la modernité va de pair avec la transmission d’une culture. Cette ambition a été à l’origine de la revue Souffles, qui a réuni peintres et jeunes poètes et a joué à partir de 1966 un rôle important dans le renouvellement culturel au Maghreb. Elle se déploie aussi dans une œuvre poétique aujourd’hui reconnue comme majeure. Le souci d’un renouveau intellectuel préside encore au projet qu’Abdellatif Laâbi soutient d’un Institut de la mémoire culturelle contemporaine au Maroc. Toute son œuvre et son action témoignent ainsi d’un engagement inlassable dans ce qui est bien, selon le titre de son dernier livre, un « combat pour la culture ».

 

Grande médaille de la Francophonie : Daryush Shayegan

Qui mieux que Daryush Shayegan méritait la médaille de la Francophonie ? Non seulement l’œuvre de ce grand philosophe iranien est souvent écrite dans notre langue, remarque Jean-Marie Rouart, mais il a des sympathies si profondes avec notre culture qu’on pourrait le prendre pour un écrivain français. Cette attirance pour notre civilisation de la part d’un homme très attaché à son identité et à sa culture est d’ailleurs un des thèmes de sa réflexion. Ses livres traitent souvent de cette « schizophrénie culturelle » que représente pour les Orientaux l’existence de la pensée occidentale. Comment accepter son influence, s’enrichir à son contact sans pour autant perdre l’âme de sa culture d’origine ? On admire, dans un monde débordé par les fanatismes, le talent d’un philosophe qui allie dans une si belle langue l’intelligence et la tolérance.

 

Grand Prix de Littérature : Jean-Bertrand Pontalis, pour l’ensemble de son œuvre

Avant d’être reconnu comme un écrivain, Jean-Bertrand Pontalis a d’abord été célèbre comme psychanalyste. En vérité, chez lui, psychanalyse et littérature sont si proches qu’elles finissent par se confondre. Jean d’Ormesson retrace son parcours : à l’origine, il est philosophe, proche de Sartre et de Merleau-Ponty. Mais bientôt la psychanalyse, avec Lacan, le saisit. Il se consacre notamment au célèbre Vocabulaire de la psychanalyse, qui a servi depuis d’instrument de travail à d’innombrables étudiants. Autre évènement dans sa vie : l’entrée au comité de lecture des éditions Gallimard en 1979. Il y crée la collection L’Un et l’Autre puis, pénétrant pour son propre compte dans la carrière littéraire, il écrit et publie en trente ans une bonne quinzaine de livres à la fois délicieux et savants. C’est désormais à un grand public cultivé, de plus en plus séduit par sa modestie et son talent, qu’il s’adresse. Sans cesser d’être psychanalyste, il est devenu cet écrivain en renom auquel notre compagnie est heureuse de décerner son Grand Prix de littérature.

 

Grand Prix de Littérature Henri Gal (Prix de l’Institut de France) : Yasmina Khadra, pour l’ensemble de son œuvre

Romancier algérien de langue française, traduit dans une quarantaine de pays et salué dans le monde entier, Yasmina Khadra est l’auteur d’une œuvre importante. Parmi elle, Jean d’Ormesson distingue Ce que le jour doit à la nuit, une saga qui se déroule de 1930 à nos jours et présente une courageuse défense de la double culture franco-algérienne, ainsi qu’une ambitieuse trilogie politique autour des conflits du Moyen-Orient : Les Hirondelles de Kaboul, L’Attentat, Les Sirènes de Bagdad. Yasmina Khadra est un moraliste de notre temps. Dans un style vif et efficace, il explore depuis une douzaine d’années l’histoire contemporaine et l’affrontement meurtrier entre Orient et Occident. Il se bat sans trêve en faveur d’un dialogue entre les peuples et entre les cultures. Il milite sans répit pour le triomphe de l’intelligence et de l’humanisme.

 

Prix Jacques de Fouchier : Francis Hallé, botaniste, pour ses essais

À d’excellents développements sur sa spécialité, l’auteur ajoute des analyses proprement philosophiques, en particulier sur les caractéristiques de la Plante par rapport à celles de l’Animal. La comparaison, vue de manière générale et théorique, permet de remettre en question la grande polémique entre Lamarck et Darwin, généralement tranchée par des zoologistes peu au fait de botanique. Informés de manière complète, intelligemment documentés et admirablement écrits, parfois avec un humour joyeux, ses livres ont enchanté Michel Serres, qui les recommande à toute personne cherchant à comprendre les questions touchant la vie et la biologie.

 

Grand Prix du Roman : Sorj Chalandon, pour Retour à Killybegs

Le grand reporter qui a couvert le conflit en Irlande du Nord l’explore de nouveau dans un diptyque romanesque. Dans Mon traître, rappelle Florence Delay, un jeune luthier parisien évoquait son vif attachement à un combattant de l’IRA, un héros à ses yeux, et son déchirement en apprenant que l’ami admiré était en réalité une taupe au service des Britanniques. Retour à Killybegs revient sur cette histoire. Le narrateur est passé de l’autre côté du miroir, c’est lui le traître. La force du roman est d’imaginer comment l’enfant misérable, devenu jeune homme épris de la république, militant pour l’indépendance, passe de la figure de héros à celle de traître. Par quelle erreur, qui se retourne en piège ? Le vieil homme qui à travers l’histoire de l’Irlande voit défiler sa vie nous fait entrer dans sa douleur et sa perplexité. Il y eut un grand genre, au xixe siècle, le roman historique, qui donna le goût de l’histoire à bien des générations. Sorj Chalandon y adjoint le roman d’une conscience.

 

Prix de l’Académie française Maurice Genevoix : Alain Borer, Le Ciel et la Carte. Carnet de voyage dans les mers du Sud à bord de La Boudeuse

Le projet de ce livre est né d’une réalité on ne peut plus rimbaldienne, celle de La Boudeuse et de son capitaine, Patrice Franceschi, qui fait le tour du monde en deux ans sur un fameux trois-mâts. Alain Borer est monté à bord et c’est son carnet de voyage, qui embarque navigateurs, marins d’eau douce, auteurs, stars hollywoodiennes ou philosophes antiques, avant d’embarquer à son tour le lecteur, dans la virée d’un bateau qui a traversé le Pacifique dans le sillage des explorations de Bougainville. Mais, comme le souligne Gabriel de Broglie, loin de reprendre le même projet de créolisation, de métissage, Le Ciel et la Carte cherche plutôt à rabouter l’imaginaire de l’écrivain à l’imaginaire de chacun des peuples visités. L’ouvrage qui surgit de cette tournée est un collage poétique, un alliage chatoyant d’érudition cosmopolite, tout en contrastes entre ciel tragique et mer devenue enfer comique, légèreté et profondeur, soif et terreur d’aventure.

Prix Hervé Deluen : Moussa Konaté, qui œuvre, par ses ouvrages et son travail d’éditeur, à la diffusion de la littérature francophone au Mali

Jean-Christophe Rufin l’affirme, Moussa Konaté est le plus universel des écrivains africains contemporains, par sa connaissance de la littérature française comme de la littérature mondiale, par sa langue classique influencée par la phrase grecque, par son éclectisme qui lui a fait écrire du théâtre, des essais et aborder divers genres romanesques. C’est aussi un homme engagé. Il s’est battu pour la diffusion du savoir dans les langues nationales de son pays, le Mali, et après avoir quitté la fonction publique pour se consacrer à l’écriture, il a fondé à Bamako les éditions du Figuier, une des très rares maisons d’édition africaines indépendantes. Co-directeur du festival Étonnants voyageurs de Bamako, il lutte contre la marginalisation culturelle du continent africain.

 

Grand Prix de Poésie : Franck Venaille, pour l’ensemble de son œuvre poétique

Le poète, selon la légende imaginée par Florence Delay, est né sur la plage d’Ostende, de la fusion entre la mer du Nord et le sable, et non à Paris. Question de géographie personnelle. Comme si ce paysage, l’horizontalité de ses lignes, son peu de couleurs, lui correspondait. Il a accompagné le fleuve Escaut et de ce voyage initiatique, son Voyage d’hiver en somme, il a tiré un livre essentiel, La Descente de l’Escaut. Question d’histoire collective aussi car la blessure ouverte dans le bled algérien ne s’est pas refermée. En témoignent Caballero Hôtel, La Guerre d’Algérie, Jack-to-Jack, trilogie reprise dans Algeria. Les engagements ultérieurs ont toujours été suivis de ruptures : le P.C. quitté après l’invasion de Prague, la revue Action poétique quittée pour la direction de la revue Chorus, liée à des artistes dont le travail l’inspire et elle-même abandonnée pour un travail solitaire. Il participe ensuite à la création de cette fameuse revue poétique sonore que sont les Nuits magnétiques de France Culture. Interroger toutes les formes du réel, telle est la quête de Franck Venaille. Son œuvre est une des plus sincères, intenses, innocentes et violentes que nous offre la poésie contemporaine.

Grand Prix de Philosophie : François Jullien, pour l’ensemble de son œuvre

La variété des sujets auxquels s’est attaché ce philosophe sinologue pourrait faire croire à une œuvre dispersée. Il y a au contraire, chez François Jullien, une forte unité de pensée et de parcours. Pierre Nora la résume d’une formule : penser entre la Chine et la Grèce. Il s’agit en effet de réfléchir à l’impensé de notre pensée, dont la Grèce a posé les fondements. Et, pour ce faire, la Chine offre les moyens d’une prise oblique, une possibilité de nous retourner sur nous-mêmes et de nous considérer du dehors. C’est à la constitution de cette extériorité que s’attache d’abord François Jullien, l’autre versant de son travail étant de revenir aux fondamentaux de la pensée européenne. À l’horizon de ces chemins l’attendent des questions générales qui nous intéressent tous directement : y a-t-il un universel, que peut-on avoir en commun, quelle signification ont l’unité, la différence et la conformité ? En définitive, c’est ce que l’on appelle aujourd’hui le « dialogue des cultures » qui est au centre des préoccupations de ce philosophe, et c’est ce thème, constamment présent, qui lui donne son actualité.

 

Grand Prix Gobert : Michel Winock, pour Madame de Staël et l’ensemble de son œuvre

La riche biographie de Madame de Staël s’ajoute à une œuvre importante que présente Pierre Nora encore. Consacrée à la vie politique et intellectuelle de la France contemporaine, elle se compose d’études sur les mouvements de droite et d’extrême droite, sur le nationalisme et l’antisémitisme, aussi bien que de livres sur la gauche ou sur les débuts de la Révolution. Elle s’intéresse aussi aux intellectuels, retraçant tantôt la fresque de leurs rapports avec la politique au xxe ou au xixe siècle, tantôt traitant de sujets ponctuels. Plusieurs livres de chroniques et d’essais font par ailleurs voir à quel point Michel Winock entretient un rapport personnel avec l’histoire et l’identité nationales. N’est-il pas un des historiens généralistes les plus féconds et talentueux depuis René Rémond, dont il a hérité le sens de la synthèse, le jugement pondéré et le bonheur du style.

 

Prix de la Biographie littéraire : Jean-Luc Barré, pour François Mauriac. Biographie intime

 

L’auteur ayant eu accès aux archives de la famille, le livre s’impose d’abord par la richesse de sa documentation, nous dit Hélène Carrère d’Encausse. Il rend compte des tensions qui habitent l’homme tiraillé entre ses désirs et les préventions religieuses et sociales de son époque, le journaliste engagé tiraillé entre ses choix politiques et les options de son milieu. Si Jean-Luc Barré souligne les rapprochements que l’on peut faire entre le malaise de l’auteur et les déchirements qu’éprouvent ses personnages, il se garde de faire de ce parallèle une grille de lecture simpliste de l’œuvre romanesque. Comme il maîtrise parfaitement l’art de la citation, il préfère par ce moyen s’effacer et donner la parole à Mauriac, à ses contemporains et à ses personnages. En raison du rôle éminent joué par Mauriac en son temps, cette biographie est aussi un passionnant tableau de l’histoire littéraire et politique de la France du xxe siècle.

 

Prix de la Biographie historique : Philippe Paquet, pour Madame Chiang Kai-shek. Un siècle d’histoire de la Chine

L’intention de l’auteur, qui a accompli une partie de ses études en Chine, comme nous le rappelle Alain Decaux, a été de retracer un « destin chinois d’exception ayant traversé un siècle trop méconnu ». C’est en effet une femme d’exception que Mayling Chiang Kai-shek, fille d’un Chinois américanophile qui l’a envoyée faire ses études aux États-Unis, polyglotte, féministe, qui se fait la voix de l’homme d’action peu éloquent qu’est son mari. Philippe Paquet n’exalte pas pour autant le rôle de l’épouse de Chiang Kai-shek, mais il nous convainc qu’il fut capital et parvient ainsi, loin de l’hagiographie ou de la polémique, à établir le juste portrait d’une grande figure historique tout en retraçant une époque.

 

Prix de la Critique : Tzvetan Todorov, pour l’ensemble de son œuvre critique

Bulgare ayant choisi la France pour seconde patrie intellectuelle et le français pour langue d’expression, Tzvetan Todorov s’est d’abord fait connaître par une anthologie des formalistes russes, théoriciens dont se réclamaient le structuralisme et la nouvelle critique françaises. Vite devenu l’un des chefs de file de cette jeune école, il fonde Poétique avec Gérard Genette, et publie un essai devenu topique sur le genre littéraire fantastique. À partir de 1982, il s’arrache à la fascination de la théorie de la communication et redécouvre le sujet du discours, sa situation, son historicité, son dialogue avec l’étrangeté de l’autre. Rejetant la devise des structuralistes « l’homme est à dépasser », il s’est donné la devise humaniste « l’homme est à délivrer et à éduquer ». C’est la devise des Lumières, relève Marc Fumaroli, mais reprise sur le fond sceptique et tragique de l’expérience du xxe siècle. Dès lors, alternant essais de critique littéraire, d’anthropologie et de critique d’art comme son récent Goya à l’ombre des Lumières, Todorov s’est fait l’interprète d’un « humanisme tempéré ».

 

Prix de l’Essai : Sébastien Allard et Marie-Claude Chaudonneret, pour Le Suicide de Gros. Les peintres de l’Empire et de la génération romantique«Lauréat»

La responsabilité du suicide d’Antoine-Jean Gros fut imputée à la critique qui n’avait pas su comprendre son dernier tableau, Hercule et Diomède. Les auteurs de l’ouvrage dressent à ce propos un tableau très nouveau de la peinture française entre 1815 et 1835, évoquant les stratégies adoptées par Gros, Gérard, Girodet et Guérin pour conquérir le pouvoir. David, Ingres, Géricault et Delacroix jouent en coulisses leur rôle. L’ouvrage, un petit chef-d’œuvre, renouvelle l’interprétation de l’épopée napoléonienne et de la prise de pouvoir du Romantisme. Parfaitement écrit, il s’adresse aussi bien aux spécialistes tel Pierre Rosenberg qu’à un plus large public.

 

Prix de la Nouvelle : Thomas Clerc, pour L’Homme qui tua Roland Barthes

Thomas Clerc déborde de talent, affirme Michel Serres, à qui je laisse la parole : « Deux choses m’empêchent d’en juger avec une parfaite exactitude. Son obsession et son goût délicat de la mort, difficile à supporter pour un pacifiste de ma trempe ; ensuite, son style hyper-original, hyper-moderne, hyper-branché jusqu’à l’hermétisme, pour moi au moins qui ai dépassé d’un demi-siècle l’âge où il dit qu’on est dead. Quoique je craigne qu’il se sente humilié de se voir couronné par une Compagnie qui, à ses yeux, dépasse le comble de la vieillerie sotte, il mérite néanmoins un prix de l’Académie ! »

 

Prix d’Académie : Albert Bensoussan, pour l’ensemble de ses traductions

Éminent spécialiste de l’Espagne, comme le rappelle Pierre Rosenberg, Albert Bensoussan a publié plusieurs romans et études, notamment un essai remarqué, intitulé J’avoue que j’ai trahi et sous-titré Essai libre sur la traduction. C’est le traducteur impeccable, notamment de l’œuvre de Mario Vargas Llosa, que l’Académie française a souhaité couronner.

 

Sue Carrell, pour son édition de la correspondance de la comtesse de Sabran et du chevalier de Boufflers

Correspondance inédite qui s’étend de la fin de l’Ancien Régime à l’Empire, indique Marc Fumaroli. Sue Carrell, qui en a fait l’acquisition et en propose l’étude et l’édition savante, nous a révélé un chef-d’œuvre de notre prose, et appris qu’en dépit de sa légende libertine, le xviiie siècle français a été une époque de grandes passions amoureuses.

 

Alain Lottin, pour son édition de « Chronique mémorial des choses mémorables par moy Pierre-Ignace Chavatte »

Il s’agit du manuscrit d’un tisserand lillois auquel Alain Lottin avait consacré sa thèse, et que ses importantes charges administratives à l’université avaient empêché d’éditer jusque-là. À l’instar d’Alain Decaux, originaire de Lille, nous pouvons désormais nous retrouver avec bonheur au xviie siècle au sein de la vie quotidienne de cette ville.

 

Annette Wieviorka, pour Maurice et Jeannette. Biographie du couple Thorez

À travers le couple, l’ouvrage fait apparaître toute une génération de militants communistes et de dirigeants staliniens. En croisant deux vies, il a le grand mérite, au jugement d’Hélène Carrère d’Encausse, de rétablir le poids historique de Jeannette Vermeersch et de présenter un Thorez inconnu, soucieux d’apprendre, étudiant même le latin, ce qui en définitive l’humanise beaucoup.

 

Prix du Cardinal Grente : P. Bernard Sesboüé, pour l’ensemble de son œuvre

Le père Sesboüé est un grand théologien dont l’œuvre, présentée par Mgr Dagens, est pour l’essentiel consacrée au mystère du Christ et de l’Église. Auteur d’une thèse sur Basile de Césarée, il a mené de pair l’étude patristique et la réflexion approfondie sur le Christ et sur le mystère de la Trinité. Tout en composant une œuvre de théologie fondamentale, le père Sesboüé illustre la grande tradition jésuite en confrontant sans cesse la réflexion catholique aux questions les plus vives de la pensée contemporaine, dans des entretiens aussi bien que dans des essais clairement apologétiques. L’Académie française honore ainsi un véritable penseur chrétien, un théologien infatigable et courageux dont l’œuvre considérable, écrite dans une langue claire et compréhensible, mérite d’être davantage reconnue.

 

Prix du Théâtre : Denise Chalem

Tout ensemble auteur, metteur en scène et comédienne, Denise Chalem, qui fut l’élève d’Antoine Vitez, est aujourd’hui une dramaturge traduite dans de nombreuses langues. Elle s’est fait notamment connaître par des œuvres telles que À cinquante ans, elle découvrait la mer ou Dis à ma fille que je pars en voyage. Sa dernière pièce, Aller chercher demain, qu’elle a jouée avec Michel Aumont, raconte l’histoire d’une femme qui part à la recherche de la mémoire de son père qui lui-même l’a perdue, et l’aide à approcher de sa mort. L’œuvre est d’une humanité bouleversante, note Jean-Loup Dabadie.

 

Prix du Jeune Théâtre Béatrix Dussane-André Roussin : Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte, pour Le Prénom

Chacun disant à l’autre « Prête-moi ta plume pour écrire un mot », les deux auteurs ont écrit ensemble une comédie espiègle et rien moins que vulgaire, selon Jean-Loup Dabadie, du boulevard qui n’est pas boulevardier, et qui contredit pour une fois la devise de Feydeau : « Surprendre le public avec ce qu’il attend. » Dans Le Prénom, un prénom dont le choix fit exploser une famille, le public est surpris par ce qu’il n’espère pas.

 

Prix du Cinéma René Clair : Danièle Thompson

Lorsqu’Yves Pouliquen évoque La Bûche, Décalage horaire, Fauteuils d’orchestre ou Le code a changé, il réveille en nous tous l’agréable souvenir de quatre comédies qui nous enchantèrent par leur ton, le regard sans complaisance porté sur nos contemporains, et qui sont marquées d’un humour que Danièle Thompson, la fille talentueuse de Gérard Oury, a reçu et appris de celui qui sut faire rire la France entière. Aucune surprise donc à la retrouver scénariste de La Grande Vadrouille, de La Folie des grandeurs et d’autres œuvres de son père, mais aussi de Molinaro, Chéreau, Pinoteau et de bien d’autres.

 

La Grande Médaille de la Chanson française : David McNeil

Aux yeux de Jean-Loup Dabadie, David McNeil, né à New York, est depuis longtemps l’un des paroliers les plus féconds de la chanson française. Plusieurs générations d’artistes auront été ou sont ses interprètes, d’Yves Montand à Julien Clerc, Alain Souchon ou Jacques Dutronc. Également auteur de livres, dont Quelques pas dans les pas d’un ange qui raconte son enfance avec son père, le peintre Marc Chagall, David McNeil doit aujourd’hui la Grande Médaille de la Chanson française à ce que Charles Trenet appelait l’âme des poètes.

 

Prix du Rayonnement de la Langue et de la Littérature françaises : Akira Mizubayashi, pour Une langue venue d’ailleurs

L’auteur raconte sa passion pour la langue française, qui l’a ensorcelé dans l’enfance par le biais d’émissions de radio, et l’a habité jusqu’à le dépouiller, en quelque sorte, de tout ce qu’il y avait de japonais en lui, sans, pour autant, le faire français. Nous ne pouvons manquer de saluer avec Michel Déon un livre de si grande importance dans l’histoire de la francophonie.

 

Association Gallica, qui assure en République tchèque la coordination des centres universitaires de formation des enseignants de français, des traducteurs et des chercheurs. Elle distribue également des bourses, organise des colloques et soutient les activités éditoriales en français. L’Académie, avec son Secrétaire perpétuel, est heureuse de lui apporter son appui.

 

Claudette Hould, spécialiste d’histoire de l’art français

… qui a travaillé aussi bien à l’Université du Québec qu’aux musées de Montréal et d’Ottawa. Pierre Rosenberg rappelle que ses travaux, qui font autorité, portent essentiellement sur la gravure et le dessin au temps de la Révolution. Claudette Hould a défendu dans notre langue, dans un pays à majorité anglophone, l’art de notre pays.

 

Isabelle Daunais, professeur de langue et de littérature françaises à l’université McGill de Montréal

Outre sa charge professorale, Isabelle Daunais dirige L’Inconvénient, une brillante revue francophone. Michel Déon et nous tous la remercions de son combat qui maintient des liens indéfectibles entre le Canada et la France.

 

Rokaya Eugénie Aw, directrice du Centre d’études des sciences et techniques de l’information à Dakar

Journaliste et universitaire de nationalité sénégalaise, Eugénie Aw, revenue à Dakar, a mené un inlassable combat pour que le journalisme africain devienne professionnel. Jean-Christophe Rufin souligne combien elle contribue ainsi au rayonnement des valeurs de la francophonie, une presse libre et responsable étant une condition fondamentale pour la démocratisation des pays africains.

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Arrivent désormais les Prix de fondations. Les lauréats voudront bien attendre la fin de la proclamation pour se lever et recevoir nos applaudissements. Le temps qui nous est imparti nous obligera hélas à être bref.

 

PRIX DE POÉSIE

 

 

Prix Théophile Gautier : Jacques Jouet, pour L’Histoire poèmes

Comme certains font feu de tout bois, Jouet fait poème de tout, et ici de l’Histoire. Le livre, qui se met sous le signe de Tristan Corbière, n’est pas « sérieux » mais si l’on se prend au jeu, il devient captivant.

 

Médaille de bronze du Prix Théophile Gautier : Anise Koltz, pour Je renaîtrai

C’est une forme d’auto-poésie de la vie, pourrait-on dire : de strophes en strophes, nous entrons dans la vie du poète, son cœur, son sens de l’observation, une espèce de douleur dans laquelle elle est absorbée.

 

Prix Heredia : Lorand Gaspar, pour Derrière le dos de Dieu

Lorand Gaspar n’est plus à présenter. Son œuvre est une perpétuelle interrogation aux origines du poète, qui se soucie fort peu de prosodie mais s’avance, sensible et lucide, dans le monde étrange qu’il n’a pas fini de découvrir.

 

Prix François Coppée : Jean-François Lopez, pour S’appuyer sur le vent. Poésies marines

Le recueil offre beaucoup d’espace à quelques strophes d’une grande justesse de ton. L’auteur est sobre, il a de l’oreille et un vrai sens poétique.

 

Prix Paul Verlaine : Marie Étienne, pour Le Livre des recels et Haute lice

Le Livre des recels comporte une anthologie des premiers recueils du poète, replacés dans les années où ils furent écrits, du Vietnam et de l’Afrique à la banlieue parisienne, à la colline de Chaillot. Belles sont ses « Lettres d’Idumé » qui accompagnent la Bérénice de Racine. Haute lice est encore plus touchant, traitant d’une enfance resongée, avec un côté Lewis Carroll.

 

Prix Maïse Ploquin-Caunan : Jérôme Leroy, pour Un dernier verre en Atlantide

 

Voici un délicieux recueil de vers très libres qui fait entendre une élégante mélancolie et une voix intérieure. Il est constitué d’images précieuses, fines aquarelles de très justes couleurs.

 

Prix Henri Mondor : Thierry Roger, pour L’Archive du Coup de dés. Étude critique de la réception d’Un coup de dés jamais n’abolira le hasard de Stéphane Mallarmé (1897-2007)

L’ouvrage analyse la réception extrêmement variée de l’ultime œuvre de Mallarmé, qui a suscité l’intérêt des critiques littéraires, des écrivains et poètes, des philosophes, des psychanalystes, des scientifiques même, des artistes de toutes disciplines. Aussi constitue-t-il un outil de référence pour toutes recherches futures.

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PRIX DE LITTÉRATURE ET DE PHILOSOPHIE

 

Prix Montyon : Stéphane Chauvier, pour Le Sens du possible

Tout objet réel demanderait, pour être pleinement compris, qu’on y inclue ce qu’il aurait pu être, voire ce qu’il devrait être. En intégrant le possible au réel au lieu d’en faire son double inaccompli, Stéphane Chauvier rend son sérieux à la logique modale et sa dignité au discours philosophique.

 

Prix La Bruyère : Emmanuel Housset, pour Husserl et l’idée de Dieu

Reprenant les textes dispersés que Husserl a consacré à la question de Dieu, l’ouvrage montre que la tentative paradoxale d’« atteindre Dieu sans Dieu » n’est ni athéisme ni mysticisme dissimulé mais parcours de toutes les voies qui permettent de déployer la notion de rationalité en toutes ses dimensions.

 

Prix Jules Janin : Philippe Brunet, pour sa traduction de l’Iliade

 

… traduction révolutionnaire, dans la mesure où elle rend la rugosité rocailleuse du texte d’Homère. Le rythme est excellent. Sans prétendre reconstituer des vers réguliers, la cadence est telle qu’on est immergé dans le bouillonnement d’une poésie naissante.

 

Prix Émile Faguet : Gilles Philippe, pour Le français, dernière des langues. Histoire d’un procès littéraire

À l’idée que le français s’est imposé à toute l’Europe au xviiisiècle en raison de qualités considérables, l’auteur oppose la thèse inverse, oubliée mais défendue par nombre de témoins, que le français, riche en défauts, est plus imparfait que nombre d’autres langues voisines. Flaubert, La Harpe, Voltaire sont convoqués à ce tribunal. Et pourtant c’est au triomphe du français qu’il conclut grâce à la capacité des écrivains d’en contourner les pièges.

 

Prix Louis Barthou : Marc Weitzmann, pour Quand j’étais normal

Livre qui rend assez bien compte des désespérances et des impasses de la France du début du xxie siècle.

 

Médaille d’argent du Prix Louis Barthou : Marguerite Mutterer, pour Le récit de Margh (1938-1945)

Dans son adolescence, Madame Mutterer, avec un courage qui lui valut la croix de guerre, a bravé mille dangers et fourni des informations qui eurent une importance capitale dans la libération de l’Alsace. Son récit, soixante-dix ans plus tard, est à la fois d’une parfaite vérité et d’une rare modestie.

 

Prix Anna de Noailles : Colombe Schneck, pour Une femme célèbre

Il s’agit de la biographie de Denise Glaser, présentatrice de « Discorama », une ancienne émission de télévision populaire, supposément écrite par Jeanne Rosen, personnage derrière lequel se cache Colombe Schneck, qui s’interroge sur l’oubli après la gloire, la solitude après la popularité et les échéances de la vie.

 

Prix François Mauriac : Thomas B. Reverdy, pour L’Envers du monde

 

Voici un livre un peu risqué pour un Français puisqu’il fait vivre des personnages américains autour d’une enquête policière à Ground Zero, à New York. Mais l’auteur crée des personnages, construit une intrigue et sait se faire lire.

 

Prix Georges Dumézil : Thora Van Male, pour Liaisons généreuses. L’apport du français à la langue anglaise

Un humoriste britannique a pu dire que l’anglais n’était que du français prononcé avec un accent qui le rend méconnaissable. Thora Van Male le prouve avec autant d’humour, en renversant avec science et intelligence le problème qui nous tient à cœur.

 

Prix Roland de Jouvenel : Jérôme Prieur, pour Rendez-vous dans une autre vie

Sorte de vagabondage littéraire, historique ou contemporain, d’une grâce et d’une profondeur remarquables. L’auteur s’y montre flâneur et voyeur dans une langue qui allie grâce et rigueur.

 

Prix Biguet : Françoise Waquet, pour Respublica academica. Rituels universitaires et genres du savoir (xviie – xxie siècle)

Il est ici question de la civilité qui régit la vie savante, des rites qui ordonnent la vie universitaire, de son système d’autorité, ses légendes, son panthéon. L’ouvrage est un véritable manuel ethnologique du monde savant qui offre au lecteur un grand bonheur de lecture.

 

Prix Ève Delacroix : Olivia Rosenthal, pour Que font les rennes après Noël ?

Cet essai fiction très original allie quête de soi et enquête des autres, en mettant en parallèle la vie d’une femme et le sort réservé aux animaux, et engage finalement à se libérer de l’enfermement imposé par la norme sociale.

 

Médaille d’argent du Prix Ève Delacroix : Michel Meulders, pour William James

Biographie instructive d’un philosophe ami de Bergson, frère d’Henry James, scientifique et médecin de formation, religieux d’inspiration, pragmatiste de doctrine, mondialement connu en son temps et un peu oublié aujourd’hui.

 

Prix Jacques Lacroix : Marc Bochet, pour L’Âne, le Job des animaux et Carole Ferret, pour Une civilisation du cheval. Les usages de l’équidé de la steppe à la taïga

Marc Bochet est un spécialiste de la réception des figures bibliques dans la littérature et l’art. De l’âne biblique à l’âne littéraire, il donne ici une étude très fournie en notes et en gravures, dont on ne peut que regretter qu’elle s’arrête un peu tôt dans le xxe siècle. L’essai de Carole Ferret est un bel et brillant historique des relations de serviteur à maître et de maître à serviteur dans la vie quotidienne, pendant les guerres et les rares moments de paix de nos civilisations.

 

Prix Sivet : Christian Signol, pour Une si belle école

Ce prix est attribué tous les cinq ans à un écrivain du terroir. Faulkner, Mauriac et Giono étaient aussi des écrivains du terroir. Christian Signol, qui habite à Brive, a réussi le tour de s’imposer contre le silence de la critique parisienne, ses copinages, son conformisme, ses relations incestueuses. Le bouche à oreille lui a gagné un public fidèle. Il donne ici le portrait de l’une de ces institutrices de l’après-guerre dont nous conservons tous un souvenir attendri. Aucune mièvrerie mais la force de la vérité.

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PRIX D’HISTOIRE

 

Prix Guizot : Charles-Édouard Levillain, pour Vaincre Louis XIV. Angleterre-Hollande-France. Histoire d’une relation triangulaire 1665-1688

Ce jeune spécialiste de l’Angleterre, plongeant dans l’histoire mal connue des actuels Pays-Bas, a appris le néerlandais pour ses recherches. Il donne ici, dans une étude très documentée et agréable à lire, une vision nouvelle de la politique étrangère de Louis XIV dans la première partie de son règne.

 

Médaille d’argent du Prix Guizot : Frank Attar, pour Aux armes citoyens ! Naissance et fonctions du bellicisme révolutionnaire

L’auteur fonde son étude sur l’interprétation des documents et des débats de l’Assemblée législative, qui siège à partir du 1er octobre 1791, pour montrer qu’un véritable « parti de la guerre » s’est constitué en son sein.

 

Prix Thiers : Gérard Jorland, pour Une société à soigner. Hygiène et salubrité publiques en France au xixe siècle

C’est toute une société que veut changer la médecine afin, précisément, de soigner la société. Tel est le propos de ce livre qui insiste sur la singularité française. On est au croisement de la réflexion philosophique, de l’histoire sociale, de l’histoire des sciences et de l’histoire culturelle.

 

Prix Eugène Colas : Johann Chapoutot, pour Le Meurtre de Weimar

Analysant l’assassinat d’un ouvrier communiste par des membres des S.A. dans un bourg de Silésie, l’auteur décrit la dynamique politique qui, dans l’été 1932, scelle la mort de la république de Weimar. Le livre est un modèle d’histoire politique.

 

Prix Eugène Carrière : Patrick Michel, pour Peinture et plaisir. Les goûts picturaux des collectionneurs parisiens au xviiie siècle

Plus qu’un état des lieux, plus qu’un panorama du monde des collectionneurs, plus qu’une enquête archivistique indispensable, Patrick Michel propose ici une véritable étude des goûts picturaux des parisiens du xviiie siècle.

 

Prix Georges Goyau : Ludovic Frobert, pour Les Canuts ou la démocratie turbulente. Lyon 1831-1834

Considérant que l’on s’est égaré sur le sens des révoltes des canuts, comprises comme des révoltes de prolétaires, l’auteur a utilisé la collection de l’hebdomadaire L’Écho de la fabrique pour montrer que les ouvriers de la soie sont en majorité de petits patrons, jaloux de leur indépendance.

 

Prix du maréchal Foch : Xavier Raufer, pour Les Nouveaux Dangers planétaires. Chaos mondial, décèlement précoce

Spécialiste des nouvelles menaces contemporaines, Xavier Raufer fait l’inventaire des défis que rencontrent les États à l’heure de la mondialisation et auxquels les réponses du passé ne sauraient suffire. L’ouvrage, d’abord descriptif, atteint le stade de la somme théorique.

 

Prix Louis Castex : Vincent Debaene, pour L’Adieu au voyage. L’ethnologie française entre science et littérature

et Alix de Saint-André, pour En avant, route !

L’essai de Vincent Debaene retrace l’histoire du savoir anthropologique et de la tentation littéraire de l’ethnologie. C’est une analyse passionnante de ces seconds livres, presque systématiquement rédigés par les ethnologues comme une forme de compensation des insuffisances de leurs premiers travaux scientifiques.

Quant au livre d’Alix de Saint-André, il confirme ses dons bien connus de narratrice pleine d’humour, qui nous révèle entre autres que les pèlerins sont réunis « moins par la foi que par les ampoules aux pieds ».

 

Prix monseigneur Marcel : Anne-Marie Lecoq, pour Le Bouclier d’Achille. Un tableau qui bouge

Le récit de la fabrication du bouclier d’Achille au chant XVII de l’Iliade a fasciné les théoriciens comme les historiens de l’art, depuis l’Antiquité et principalement aux xviie et xviiie siècles. L’érudition de l’auteur, portée par une écriture allègre, fait de l’ouvrage un évènement.

 

Médaille d’argent du Prix monseigneur Marcel : Étienne Vaucheret, pour Brantôme mémorialiste et conteur

L’éditeur du « Recueil des Dames » dans la bibliothèque de la Pléiade réfute ici la stupide légende gauloise d’un Brantôme coureur de filles et rétablit la vérité du gentilhomme, de l’humaniste, de l’homme de cour, du grand voyageur et surtout du grand écrivain, l’un des pairs de Montaigne.

 

Prix Diane Potier-Boès : Henri de Wailly, pour Liban, Syrie. Le mandat 1919-1940

Cette histoire du mandat exercée par la France au Moyen-Orient en embrasse tous les aspects et elle s’impose au lecteur par la rigueur observée dans l’exposé des faits, la richesse de l’information et la clarté du style.

 

Prix François Millepierres : Catherine Baroin, pour Se souvenir à Rome. Formes, représentations et pratiques de la mémoire

Dans le sillage des travaux de Jean-Pierre Vernant et de Frances Yates sur la mémoire comme principe d’éducation et de civilisation, ce livre étudie le lien que les Romains ont noué entre mémoire et imitation sélectives pour faire du passé une puissance fécondante et ordonnatrice du présent.

 

Médaille d’argent du Prix François Millepierres : Nicolas Lyon-Caen, pour La Boîte à Perrette. Le jansénisme parisien au xviiie siècle

Ce chartiste, spécialiste du financement du mouvement janséniste dans le Paris du xviiie siècle, mène une vaste et précise enquête sur le rigorisme religieux dans la bourgeoisie marchande parisienne.

 

Médaille d’argent du Prix François Millepierres : Thierry Sarmant et Mathieu Stoll, pour Régner et gouverner. Louis XIV et ses ministres

Les deux auteurs détaillent l’ajustement entre les décisions royales et l’important dispositif d’information, de conseil aussi bien que d’exécution de ces décisions. Ils révèlent aussi les passe-droits qui en sourdine ont perverti ce beau système, en principe rationnel et efficace.

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PRIX DE SOUTIEN À LA CRÉATION LITTÉRAIRE

 

Prix Henri de Régnier : Guillaume Métayer, après Anatole France et le nationalisme littéraire. Scepticisme et tradition

Prix Amic : Catherine Enjolet, après Sous silence

Prix Mottart : Stéphane Corvisier, après Reine de nuit

 

L’Académie encourage ces trois auteurs dont le premier a écrit une étude neuve, savante et prometteuse sur une question qui touche à l’histoire politique, littéraire et idéologique française. Dans le genre romanesque, nous invitons Catherine Enjolet à continuer à donner la parole aux enfants privés de voix, et Stéphane Corvisier à poursuivre l’œuvre qu’il entame avec un premier roman remarquable.

 

Les lauréats des Prix de fondations voudront bien se lever maintenant pour que nous leur prodiguions nos applaudissements.