Discours sur les prix littéraires
PRONONCÉ PAR
Mme Florence DELAY
Directeur en exercice
le 12 décembre 2019
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Aujourd’hui, la « Défense et illustration de la langue française », que Joachim Du Bellay écrivit presque un siècle avant la fondation de l’Académie française, laquelle prit le relais, ce sont vos travaux qui l’incarnent et l’honorent, Mesdames et Messieurs les lauréats du palmarès à venir. Le mot « défense » supposait un combat, il dure, le mot « illustration » une victoire, vous y contribuez. Nous sommes ici le dernier lycée de France à oser une distribution des prix. Heureux et fiers car vous témoignez d’une richesse intellectuelle qui dément l’appauvrissement prophétisé.
Nos classes ont lieu à la rentrée d’octobre pour le roman, et de janvier à juillet pour tous les autres genres, le jeudi, salle 4, où se réunissent tour à tour et plusieurs fois les commissions dites littéraires (pour ne point être confondues avec celle des œuvres sociales exercée en silence). S’inscrivent à ces commissions de Poésie, Littérature et philosophie, Histoire, Théâtre et cinéma, Francophonie, Grands Prix, ceux qui le veulent bien, ceux qui aiment découvrir et aussi défendre leurs lectures personnelles – qui s’ajoutent aux ouvrages reçus par l’Académie, soit cette année 890 ouvrages.
Les jurys littéraires décernent d’habitude un ou deux prix mais nous ne sommes pas un jury. Aussi cette année avons-nous attribué soixante-cinq prix, publiés par trente-neuf éditeurs différents – précision qui souligne notre indépendance. Nos compétences et nos goûts nous conduisent en maints domaines, parfois peu fréquentés, que nous souhaitons faire découvrir. Mais la joie de saluer chacun d’entre vous se double d’un regret que Maurice Genevoix évoquait déjà au siècle dernier : comment en si peu de temps offrir à chacun, équitablement, ce qui réellement lui est dû ? Il ne m’a été imparti qu’un tour de cadran et je me hâte de commencer.
Les lauréats des Grands Prix voudront bien se lever à l’appel de leur nom et nous les applaudirons chacun à la fin de leur éloge.
Le Grand Prix de la Francophonie couronne « l’œuvre d’une personnalité qui dans son pays ou à l’échelle internationale a contribué de façon éminente au maintien et à l’illustration de la langue française ». Nous l’avons attribué deux fois cette année, à MM. Abdeljalil Lahjomri et Petr Král.
Depuis sa thèse de doctorat de IIIe cycle, L’Image du Maroc dans la littérature française de Loti à Montherlant, soutenue en 1970 à l’université de Paris X-Nanterre, Abdeljalil Lahjomri n’a cessé de contribuer au rayonnement de notre langue. Il a créé un Département de langue et littérature françaises à l’université de Rabat, puis à celle de Fès, et lorsqu’il dirigea l’École normale supérieure de Rabat puis le Collège royal, vivier des futures élites marocaines, il œuvra pour que le français s’y impose, tout en veillant à ce qu’il soit enseigné dans les établissements les plus traditionnellement arabisants. C’est en français qu’il publia des essais, tel Le Maroc des heures françaises, ou des chroniques qualifiées non sans humour d’inutiles, et fit publier nombre de textes de l’association marocaine Rives méditerranéennes dont il est le président fondateur.
Notre confrère Yves Pouliquen, seul Français aujourd’hui après Maurice Druon, Jean Bernard et quelques autres, à occuper un fauteuil à l’Académie du Royaume du Maroc, nous a appris que cette institution, dont M. Abdeljalil Lahjomri est le Secrétaire perpétuel, après avoir longtemps interrompu ses travaux, les a repris. Comme lui, nous nous réjouissons qu’un homme aussi éminent et un ami aussi indéfectible de notre langue soit aux manettes de l’avenir.
Né en 1941 à Prague, où il ne retourna qu’en 2006, Petr Král émigra en France après l’échec du « Printemps de Prague ». Il ne put alors éviter, dit-il avec esprit, d’apprendre le français. La culture française devint culture d’adoption : « j’étais dans l’enthousiasme, écrit-il, de recommencer ma vie ». Son œuvre marquée par l’humeur et l’humour – poèmes, essais, récits, notes de journal, émissions radiophoniques, traductions, anthologies – est doublement enracinée, souligne Danièle Sallenave. Venue du mouvement surréaliste tchèque, passée par la France à une métaphysique piétonnière s’étonnant de tout. L’art de Petr Král ? Selon Milan Kundera, « un art du regard et de l’étonnement », selon l’auteur, un art du « gag » à la Buster Keaton… L’Académie salue l’ami qui entre son pays et le nôtre tressa tant de liens.
Grande Médaille de la Francophonie : M. Jean Pruvost
« Ma tâche, écrit Jean Pruvost, est de traquer ou plutôt de dénicher les mots, tous les mots, d’hier et d’aujourd’hui. Les observer, avec tendresse et réalisme. Puis les cueillir et les offrir dans leur contexte ». Lexicologue et chercheur passionné, collectionneur inlassable, il a combiné les activités d’enseignement et de recherche en sciences du langage à l’exploration du monde des dictionnaires. Embrassant langue classique, langue populaire, et toutes les nouveautés des dictionnaires informatiques. Ce que la langue française doit aux apports d’autres langues, Jean Pruvost l’a illustré en particulier avec l’ouvrage intitulé Nos ancêtres les Arabes, ce que le français doit à la langue arabe. Danièle Sallenave souligne l’importance des perspectives ouvertes par les travaux de ce chercheur généreux.
Grand Prix de Littérature : M. Régis Debray, pour l’ensemble de son œuvre
L’ampleur des travaux philosophiques, médiologiques, critiques de Régis Debray ne doit pas faire oublier que le fil conducteur de sa vie et de son œuvre, sa vocation, sa seule fidélité est la littérature, souligne Pierre Nora. De son premier roman, La neige brûle, prix Femina 1977, à son dernier ouvrage, Du génie français, il en a parcouru tous les genres, l’autobiographie, le portrait – mémorables ceux qu’il trace de Fidel Castro et de François Mitterrand dans Loués soient nos seigneurs –, l’épistolaire, dans ses conseils à son fils pour lui éviter ses propres erreurs, le théâtre… sans compter tous ses essais polémiques, traités en manifestes, qui sont d’un écrivain exceptionnel. On peut ne pas partager ses idées, se méfier du style brillant, on reste ébloui par l’intelligence, la curiosité et la culture d’un des écrivains les plus marquants et nécessaires de notre temps.
Grand Prix de Littérature Henri Gal (Prix de l’Institut de France) : M. Michel Le Bris, pour Pour l’amour des livres et l’ensemble de son œuvre
Michel Le Bris, dont la production est considérable – romans, essais, récits, de L’Homme aux semelles de vent au Dictionnaire amoureux des explorateurs –, n’a curieusement jamais été salué par un prix littéraire d’importance, s’étonne à juste titre Frédéric Vitoux. Voici l’injustice réparée à l’occasion de la sortie de son dernier ouvrage, lyrique et généreux, Pour l’amour des livres, où Le Bris se penche sur sa vie, son enfance difficile, son éducation, où il rend hommage à ses éducateurs, à toutes ces librairies qui ont été pour lui autant de foyers, et aux livres d’abord, aux livres surtout qui l’ont façonné, lui ont permis de s’échapper vers ces horizons lointains où le fondateur et l’animateur du célébrissime festival des « Étonnants Voyageurs » s’est trouvé lui-même.
Prix Jacques de Fouchier : M. Claude Martin, pour La diplomatie n’est pas un dîner de gala. Mémoires d’un ambassadeur
Ce prix, je le rappelle, est décerné à un ouvrage dont l’auteur n’appartient pas à la profession littéraire. Tel est le cas de Claude Martin, ambassadeur de France, dont cet unique livre est dans son genre, nous dit Pierre Nora, un livre unique. Plonger dans ses mille pages, c’est traverser cinquante ans de l’histoire de la Chine pour finir à Berlin, en passant par la Direction des affaires européennes et les désillusions qui l’accompagnent. Passionné d’Asie depuis sa jeunesse, arrivé à Pékin quand la Chine réparait les dégâts de la Révolution culturelle, Claude Martin l’a vue se libérer des carcans et décrit le réveil, après Mao, des artistes et des intellectuels. Après, en train ou à vélo, il a parcouru l’Allemagne. Un témoignage historique de premier plan.
Grand Prix Michel Déon : M. Stéphane Hoffmann
Fondé par des amis de Michel Déon à l’occasion du centenaire de sa naissance, ce prix biennal, destiné à un prosateur ayant du style et l’esprit libre, alterne avec celui que l’Académie royale irlandaise décerne depuis l’an passé et qui est destiné, lui, à un ouvrage de non-fiction. Cette alternance franco-irlandaise entre deux prix complémentaires reflètera les différents aspects de l’œuvre et de la vie de notre confrère.
Stéphane Hoffmann est le premier lauréat de ce prix, pour ses romans incisifs, rapides, d’une férocité souvent cocasse, que Frédéric Vitoux définit comme étant ceux d’un moraliste désabusé, fâché avec son époque. Observateur de loin et de près des travers, conformismes et ridicules de notre bourgeoisie provinciale, plus précisément versaillaise, dans son dernier roman Les Belles Ambitieuses.
Grand Prix du Roman : M. Laurent Binet, pour Civilizations
Il a suffi au romancier de changer le s en z pour dérégler l’histoire du dernier millénaire, imaginer que Christophe Colomb a échoué, que le roi des Incas, Atahualpa, n’a pas été assassiné par les conquistadors mais qu’il est parti guerroyer en Europe, que Charles Quint ou Luther n’étaient pas ce qu’en disent les instruits, pour entraîner et enchanter ses lecteurs. Andreï Makine a été impressionné par cette fresque historique qui renverse l’histoire, change le destin des peuples opprimés, ouvre à des horizons insoupçonnés et pose une question d’ordre philosophique qu’il juge capitale : quelle est la place du hasard aveugle, de la fatalité présumée, dans les soubresauts de la grande Histoire ?
Prix de l’Académie française Maurice Genevoix : M. Jean-Marie Planes, pour Une vie de soleil et l’ensemble de son œuvre
Personne comme Jean-Marie Planes ne s’est promené dans le Sud-Ouest, son pays natal, en nous faisant partager avec autant de charme ses paysages et émotions, hier ses maisons dans Le Chemin de Macau, aujourd’hui ses plages dans Une vie de soleil. Chronique douce-amère, nous dit Jean-Marie Rouart. En effet, dans ce dernier livre, l’écrivain, qui est atteint d’un cancer de la peau, se remémore les plages tant fréquentées et aimées de sa jeunesse sans pressentir les risques que font courir ces moments de bonheur. Dans le Sud-Ouest, et cette fois je parle du journal, le dimanche, Jean-Marie Planes tient depuis des années une des meilleures tribunes de critique littéraire qu’il nous soit donné de lire. Qu’il en soit ici vivement remercié par une fille du Sud-Ouest.
Grand Prix Hervé Deluen : M. Dai Sijie
Dai Sijie est un réalisateur et romancier chinois profondément marqué par la France, rappelle Mme Carrère d’Encausse. Coupable d’être fils de médecin, donc de bourgeois, disait-on du temps de Mao Zedong, il fut envoyé dans un camp de rééducation où il passa trois ans. À la mort de Mao, il fut autorisé à se rendre en France où il fit des études de cinéma à l’IDHEC. Il réalisa plusieurs films avant de s’engager en littérature, et ce, résolument en français. Son premier roman, Balzac et la Petite Tailleuse chinoise, connut un immense succès. Le dernier, L’Évangile selon Yong Sheng, recrée la vie de son grand-père, l’un des premiers pasteurs chrétiens de Chine. Avec ce livre tendre, ironique et bouleversant, Dai Sijie s’impose comme l’une des figures majeures de la littérature chinoise contemporaine. Ce prix le remercie d’avoir choisi notre langue.
Grand Prix de Poésie : Pierre Oster (Vous remarquerez qu’ici je n’ai pas dit Monsieur, René Char m’ayant appris que les poètes n’étaient pas des messieurs.)
Ce prix honore l’œuvre d’un grand discret que l’on pourrait définir par le titre de son second recueil, Solitude de la lumière. À la mi-temps du siècle dernier, Jean Paulhan découvrit et publia ce poète, qui suspend « le règne des antinomies », cherche l’équilibre entre « puissances de la poésie et puissances de la prose », disons cherche L’Ordre du mouvement, et coud ensemble les deux esthétiques qui l’habitent. De Claudel et de Saint-John Perse à Deguy, Pierre Oster a souvent pratiqué l’éloge, « comme une façon d’ascèse gratifiante » écrit-il. « Marcher avec autrui le long de proches domaines » fait partie de son art poétique. Et c’est ainsi que nous marchons avec lui, qui, chose rarissime, n’a pas craint d’adjoindre parfois à son nom celui de son épouse russe, signant Pierre Oster Soussouev.
Grand Prix de Philosophie : M. Jacques Bouveresse, pour l’ensemble de son œuvre
Ce nom s’imposa à Jean-Luc Marion et rencontra le dernier accord de notre regretté Michel Serres.
De l’agrégation – sorti premier en 1965 – au Collège de France (1995-2010) le parcours institutionnel parfait de Jacques Bouveresse repose sur la publication, en quelques années, d’ouvrages qui révolutionnent le paysage philosophique français en faisant surgir la pensée géniale, complexe et alors méconnue de Ludwig Wittgenstein. Ces livres ont abouti à la constitution d’un fort courant de philosophie analytique, opposé à l’autre courant majeur de la philosophie française, la phénoménologie. Bouveresse ferrailla parfois durement avec Derrida, Deleuze ou Foucault, à cause de sa conviction forte et juste que la philosophie ne procède ni par plaidoiries, rhétorique ou intuitions mais par arguments et démonstrations. Grande leçon qui vaut même pour ceux qui ne partagent pas la même école, conclut Jean-Luc Marion.
Grand Prix Moron : Mme Barbara Stiegler, pour « Il faut s’adapter ». Sur un nouvel impératif politique
Spécialiste reconnue de Nietzsche et des doctrines philosophiques de la vie au xixe siècle, Barbara Stiegler ouvre une nouvelle question. « Il faut s’adapter », ce nouvel impératif, la conduit dans les années trente à la fondation du néo-libéralisme par Walter Lippmann, pour qui le développement des sociétés modernes devrait se lire dans le prolongement du darwinisme, transposé de la biologie à l’économie, fondé sur l’impératif de « s’adapter » au progrès des techniques. C’est ce que conteste John Dewey qui, se référant encore à Darwin, montre qu’on ne peut pas distinguer des individus « actifs » et d’autres « passifs », une « masse » passive et des leaders façonnant l’environnement social de chacun. C’est alors que la doctrine nietzschéenne de la vie pourrait devenir une nouvelle voie, suggère ce livre original et fort, conseillé par Jean-Luc Marion.
Grand Prix Gobert : M. Philippe Joutard, pour La Révocation de l’édit de Nantes ou les Faiblesses d’un État, et l’ensemble de son œuvre
Parti du souvenir laissé en France par les conflits religieux du xvie au xviiie siècle, l’auteur s’attache à montrer comment l’énorme poids de la mémoire de Louis XIV a empêché le siècle des Lumières et de la tolérance de revenir sur la funeste révocation de l’édit de Nantes (1685). Et aussi combien cette décision historique aura été, sur le long terme, défavorable au persécuteur et favorable à ses victimes. Excellent ouvrage recommandé par Pierre Nora qui retrace le parcours de Philippe Joutard : il a commencé par explorer la mémoire protestante avec sa thèse sur La Légende des Camisards (1977), puis la mémoire orale, avec Ces voix qui nous viennent du passé (1983). Son intérêt est allé s’élargissant à la place et au rôle de la mémoire dans l’histoire nationale, faisant de lui, avec Histoire et mémoires, au pluriel, un des premiers théoriciens de leur rapport.
Prix de la Biographie littéraire : M. Georges Forestier, pour Molière
Notre xviie siècle doit beaucoup à Georges Forestier. D’abord à sa mise au point d’une méthode d’analyse dite « génétique théâtrale » qui a cerné l’originalité de l’œuvre cornélienne, dans Corneille à l’œuvre. Puis à ses éditions de Racine et de Molière dans la collection de La Pléiade, la dernière avec la collaboration de Claude Bourqui. C’est seulement après avoir été leur éditeur, soit être devenu le plus intime des intimes, qu’il a écrit leur vie. Hier celle de Racine, aujourd’hui celle de Molière que Dany Laferrière a lue comme un roman, admirant que d’un homme sans traces, caché par « une montagne de mythes et de faussetés » – une fois vaincues toutes ces difficultés ou peut-être grâce à elles –, Georges Forestier ait pu écrire une vie si vivante que l’on y croise Molière.
Prix de la Biographie historique : M. Olivier Varlan, pour Caulaincourt
Une biographie exemplaire, nous dit Mme Hélène Carrère d’Encausse. D’abord par la qualité de la recherche : l’historien a rassemblé toutes les sources disponibles, grâce à quoi son livre fourmille de détails oubliés ou inconnus. Il dresse un tableau passionnant de l’épopée russe de Napoléon, dont Caulaincourt fut le compagnon inséparable. Leur fuite en traîneau de Moscou, dans l’hiver russe commençant, est un morceau d’anthologie. Enfin et surtout, Olivier Varlan rend vie à cet Armand de Caulaincourt qui souvent disparaît des récits consacrés à Napoléon alors qu’il lui fut si fidèle. Ce livre savant se lit comme un roman d’aventures, un mérite de plus.
Prix de la Critique : M. Jean Céard, pour l’ensemble de ses travaux critiques
L’esprit de curiosité qui anime Jean Céard, maître des études françaises sur la littérature et l’histoire culturelle du xvie siècle, l’a d’abord conduit vers ce qui relève de la merveille et du prodige, aux frontières entre littérature, philosophie, théologie et médecine. Ses travaux sur Ambroise Paré ont donné naissance au livre devenu un classique des études seiziémistes, La Nature et les Prodiges : l’insolite au xvie siècle en France. Marc Fumaroli apprécie vivement que, loin de s’enfermer dans des études de textes peu connus ou tombés dans l’oubli, Jean Céard les ait conjuguées avec l’analyse et l’édition de grands prosateurs, Montaigne, Rabelais, de grands poètes, Ronsard, Pontus de Tyard, Du Bartas. Croisant toujours textes mineurs et majeurs, attentif au petit genre du rébus comme aux grands genres de la poésie, en passant par toutes les formes de la prose.
Prix de l’Essai : Mme Anne de Lacretelle, pour Tout un monde. Jacques de Lacretelle et ses amis
Anne de Lacretelle a écrit ce brillant essai à partir des archives laissées par son père. Né dans une grande famille parisienne, Jacques de Lacretelle dut sa vocation à la rencontre en 1917 de Marcel Proust, qui le recommanda à Jacques Rivière, lequel le présenta à André Gide. Son premier roman, paru chez Grasset en 1920, La Vie inquiète de Jean Hermelin, fut aussitôt distingué par un prix de notre Académie, où Paul Valéry le fit entrer en 1936. Anne de Lacretelle, qui n’hésite pas à faire connaître la vie privée capricieuse de son père, révèle le terreau littéraire où il a puisé pour entrer dans le grand monde littéraire parisien. Cet hommage rendu à un père qu’elle chérissait est aussi, souligne Marc Fumaroli, un remarquable essai sociologique, portrait de l’aristocratie littéraire française d’avant-guerre.
Prix de la Nouvelle : M. Louis-Antoine Prat, pour Belle encore et autres nouvelles
Louis-Antoine Prat n’est pas seulement le collectionneur de dessins connu de tous les amateurs, l’auteur ou le co-auteur de nombreux catalogues de référence, le spécialiste des dessins de Poussin, d’Ingres ou de Cézanne, il est aussi écrivain. Une des nouvelles les plus frappantes de ce livre est celle d’un jeune garçon photographié à l’improviste avec Hitler alors qu’il se promenait avec sa tante. La photographie fut intitulée par la propagande nazie : « Un petit garçon français accueille le Führer place du Trocadéro ». Elle lui vaudra bien des déboires quatre ans plus tard. Les nouvelles subtiles de Belle encore, nous dit Frédéric Vitoux, sont comme dessinées avec élégance et netteté, dans la pure tradition classique.
Prix d’Académie, au nombre de quatre :
Mme Dominique Schnapper, pour La Citoyenneté à l’épreuve. La démocratie et les juifs, et l’ensemble de son œuvre
Et de sa vie, a-t-on envie d’ajouter, car, comme le souligne Pierre Rosenberg, cette sociologue de réputation internationale, dont les travaux portent sur le chômage, les minorités, l’immigration, l’intégration, la laïcité, la citoyenneté, bref autant de sujets d’une brûlante actualité, ne refuse pas d’assurer d’importantes responsabilités dans notre société.
M. Michel Collot, pour son œuvre poétique et critique
Michel Collot accompagne la poésie de toutes les façons possibles, en l’enseignant, en publiant des essais aussi éclairants que La Poésie moderne et la structure d’horizon, en participant à l’Anthologie de la poésie française de La Pléiade pour le xxe siècle et en écrivant ses propres poèmes, rappelle Michael Edwards, évoquant son dernier livre : Le Parti pris des lieux.
M. René Hénane, pour Aimé Césaire, une poétique
Le hasard d’une affectation dans les Antilles, voici une quarantaine d’années, a rapproché ce médecin militaire d’Aimé Césaire dont il devint l’ami, rapporte Marc Lambron. Avant de se faire le gardien de la mémoire du poète et de l’homme politique. René Hénane honore la tradition des médecins-écrivains que l’Académie a toujours considérée avec faveur.
M. Denis Lalanne, pour Dieu ramasse les copies
Denis Lalanne nous a quittés, hélas, il y a quelques jours. Son premier livre, Le Grand Combat du XV de France, fut porté sur les fonts baptismaux de la littérature en 1959 par Antoine Blondin et Kléber Haedens, mais Lalanne, s’empresse d’ajouter Frédéric Vitoux, allait tôt montrer qu’il était autre chose que le grand journaliste sportif de L’Équipe. Le prouve encore son dernier roman, vaste roman d’éducation, déchirant et tonique.
Prix du cardinal Grente : Père Jean-Yves Lacoste, pour l’ensemble de son œuvre
L’abbé Lacoste (du diocèse de Tarbes-Lourdes) a construit depuis trente ans une œuvre à la croisée entre phénoménologie et théologie spéculative. De Note sur le temps à Thèses sur le vrai, cet ensemble constitue aux yeux de Jean-Luc Marion une des rares avancées de la théologie contemporaine. Solitaire, mais connu et traduit en Europe comme aux États-Unis, l’abbé Lacoste a dirigé et construit un Dictionnaire critique de théologie, parfaitement œcuménique, instrument de travail indispensable pour les universitaires qui, croyants ou non, sont appelés à entrer dans ce champ.
Prix du Théâtre : M. Édouard Baer, pour l’ensemble de son œuvre dramatique
Édouard Baer est un artiste de toutes les couleurs. Dès ses débuts, son style si singulier a fait de lui un personnage populaire, reconnu avant d’être connu. Mais très vite le théâtre s’est emparé de ce fou des mots et des livres. Le cinéma allait suivre et l’enlever mais le théâtre toujours l’a rappelé à lui. Sa dernière pièce, Les Élucubrations d’un homme soudain frappé par la grâce, est un enchantement que Jean-Loup Dabadie résume ainsi : « Une pièce où Édouard Baer fait ressurgir les fantômes des grands auteurs et des grands acteurs dont il est, avec une malicieuse modestie, l’enfant caché ».
Prix du Jeune Théâtre Béatrix Dussane-André Roussin : M. Hervé Bentégeat, pour Meilleurs Alliés
On savait que les relations entre Churchill et le général de Gaulle à Londres, entre 1940 et 1943, avaient été compliquées. Certes Churchill aida le fondateur de la France libre à s’imposer mais il fut gêné par le caractère ombrageux de son protégé et surtout par la volonté des États-Unis de préserver les relations avec le gouvernement de Vichy. Hervé Bentégeat a parfaitement compris cette relation et offre au spectateur des dialogues savoureux, tantôt amicaux, tantôt et le plus souvent, féroces. Un régal pour l’esprit, nous dit Mme Carrère d’Encausse – et une excellente leçon d’histoire, ajoute-t-elle.
Prix du Cinéma René Clair : Mme Valeria Bruni-Tedeschi, pour l’ensemble de son œuvre cinématographique
César du meilleur espoir féminin en 1994 en tant qu’actrice, puis scénariste et réalisatrice, Valeria Bruni-Tedeschi a depuis 2002 réalisé six films dont le remarquable Un château en Italie, en partie autobiographique, dont le caractère nostalgique et poétique a conquis un immense public, rappelle Mme Carrère d’Encausse. Ses films, où la cocasserie et la gravité se répondent avec grâce, témoignent de sa double culture italo-française, de sa sensibilité artistique et de son don pour la direction d’acteurs. Le prix René Clair consacre un talent qui ne cesse de s’affirmer.
Grande Médaille de la Chanson française : M. Vincent Delerm, pour l’ensemble de ses chansons
Vincent Delerm, auteur, compositeur, interprète, occupe une place marquante et singulière dans l’univers de la chanson française. Sa recherche musicale et vocale s’enrichit de l’exploration des ressources poétiques de la langue et de divers arts. Andreï Makine loue son syncrétisme fécond et souligne combien le message de ses chansons, fondé sur une dramaturgie très personnelle (perception tendre et ironique du quotidien fugace, bruits de la modernité dans l’oscillogramme de nos existences individuelles), est partagé, aimé par un très large public en France comme à l’étranger.
Prix du Rayonnement de la Langue et de la Littérature françaises, au nombre de cinq :
Mme Silvia Baron Supervielle
Aussi argentine, du Río de la Plata, précise-t-elle, que française depuis que, venue à Paris dans les années soixante, elle décida d’écrire en français, Silvia Baron Supervielle est la preuve qu’une double appartenance nous grandit. Son œuvre riche et diverse est avant tout celle d’un poète et c’est en poète qu’elle a traduit nombre d’écrivains argentins, de Borges à Ida Vitale. Xavier Darcos admire que dans son dernier livre, Un autre loin, elle fasse parler le silence, menant sa prose vers une douceur profonde que sa langue natale éclatante et sonore n’aurait su faire partager.
Mme Nurith Aviv, cinéaste franco-israélienne
Première chef opératrice en France de nombre de nos meilleurs réalisateurs, aujourd’hui ce sont ses propres réalisations que nous saluons. Ses films, dit Amin Maalouf, allient la pureté de l’image et la clarté de la narration à la profondeur de la réflexion. Son regard est à la fois exigeant, lucide et affectueux sur les rapports qu’établissent les hommes avec leurs langues natives ou adoptives. Ses documentaires constituent un témoignage serein sur une époque tourmentée. Je la remercie quant à moi pour Traduire (2011) et Poétique du cerveau (2015).
M. Tahar Bekri, poète tunisien
Né à Gabès, il vit depuis 1976 à Paris, où il a enseigné à l’université de Nanterre. Ce sont les nuances de la langue française qui lui ont permis de dire son cœur tunisien, pense Dany Laferrière. L’exil est une constante dans son œuvre : rappelons Je te nomme Tunisie ou Le Chant du roi errant. De ce poète qui revendique son identité française et arabe, Laferrière fait un émule du Québécois Gaston Miron auquel Bekri a justement dédié des poèmes. Nous saluons dans son dernier recueil, Désert au crépuscule, le désir de chanter la beauté et la vie contre une culture de la mort.
Mme Marie-Noëlle Craissati, d’origine égyptienne
La fondatrice des éditions Alexandrines, qui publient notamment la collection « Le Paris des écrivains », prolonge avec bonheur la noble tradition d’un Levant pluraliste où la langue française occupait une place de choix, rappelle Amin Maalouf. Ces éditions, fondées en 1997, accordent une attention particulière au regard que portent les écrivains à leur terre natale, aux pays qu’ils chérissent, et à Paris plus particulièrement.
M. Gérald Larose, chef de file du syndicalisme québécois
Gérald Larose, présenté par Dany Laferrière, se bat pour la diffusion d’un français de qualité au Québec depuis près d’un demi-siècle. Enseignant, syndicaliste, journaliste, il y a œuvré dans toutes ses fonctions. Son combat qui l’a mené à présider en 2000 les États généraux sur la situation et l’avenir de la langue française au Québec est loin d’être terminé. Nous le soutenons.
Après les Grands Prix viennent les Prix de fondations. Le temps imparti ne permet hélas qu’un « flash » des ouvrages que nous avons aimés. Les lauréats voudront bien se lever à l’appel de leur nom et accepter d’attendre la fin de la proclamation pour recevoir tous ensemble nos applaudissements.
PRIX DE POÉSIE
Prix Théophile Gautier : M. James Sacré, pour Figures de silences
Ces poèmes, aux vers parfois brefs, comme éclatés, parfois tendant au verset, saisissent la dispersion d’une vie. Les images superposées du présent et du passé arrangent le désordre du monde, en apprivoisent le tragique, la solitude.
Prix Heredia : M. Denis Rigal, pour La Joie peut-être
Fuyant l’usure, l’ordre pair et monotone, les choses sombres, la parole d’hiver, le poète en quête de quiétude fait appel à ses frères de Chine ou du Japon mais avant tout à Virgile, dont il parcourt les paysages et auquel il demande de veiller sur lui.
Prix François Coppée : M. Sébastien Fevry, pour Solitude Europe
Ce premier livre étonne par son sujet, les plaies cachées d’Europe, et l’inventivité de ses angles de vue. Poèmes-récits parfois inachevés parfois incommencés, où la venue surprise d’une image laisse affleurer un sens à chercher.
Prix Paul Verlaine : M. Pascal Riou, pour D’âge en âge
Cette belle méditation sur le passage du temps et de soi dans le temps, du naître au renaître, couronne un travail poétique qui a illustré les années magnifiques de la revue Conférence. Une voix d’âge en âge plus puissante.
Prix Maïse Ploquin-Caunan : M. Gabriel Zimmermann, pour Depuis la cendre
Elliptique et profond, ce recueil veut conjurer la mort d’un être aimé dont on saura peu de choses sinon le jeune âge (dix-neuf ans). Les poèmes d’une page ou de quelques lignes édifient une fragile passerelle entre le vivant et le mort, l’avant et l’après.
PRIX DE LITTÉRATURE ET DE PHILOSOPHIE
Prix Montyon : Mme Olivia de Lamberterie, pour Avec toutes mes sympathies
Récit poignant de la mort d’un jeune frère, beau, aimable, qui brisa lui-même sa vie. Se penchant sur l’énigme de ce suicide, geste incompréhensible, sa sœur médite et conjure la part tragique en elle.
Prix La Bruyère : M. Martin Rueff, pour Foudroyante pitié et pour À coups redoublés
La pitié des poètes se peut-elle comparer à celle des philosophes ? Pourquoi, depuis Lévi-Strauss, peut-on parler d’une « anthropologie des passions » à propos de Jean-Jacques Rousseau ? Autant de questions, et de réponses, dans deux essais passionnants de Martin Rueff, poète et philosophe.
Prix Jules Janin : M. Jean-Claude Schneider, pour sa traduction des Œuvres complètes d’Ossip Mandelstam
Ayant découvert ce grand poète russe en allemand, dans la traduction d’un autre grand poète, Paul Celan, Jean-Claude Schneider décida d’apprendre le russe afin de le traduire. D’où notre gratitude. Un volume pour la prose, un autre pour la poésie.
Prix Émile Faguet : M. Stéphane Zékian, pour son édition critique des éloges de Ronsard, Michelet, Chénier, Gautier, Fontenelle, Vigny et Taine composés par Alfred Thibaudet
Voici publiés et préfacés des textes de jeunesse prouvant déjà quel grand critique était Thibaudet – textes soumis à l’Académie française, autour des années 1900, pour concourir à son prix d’éloquence.
Prix Louis Barthou : M. Michel Bernard, pour Le Bon Cœur
Il faut beaucoup de talent pour redonner fraîcheur, vie et vigueur à une petite paysanne nommée Jeanne d’Arc. Michel Bernard réinvente son histoire en roman, quasi sous nos yeux, avec un grand talent.
Prix Anna de Noailles : Mme Paule Du Bouchet, pour Debout sur le ciel
La fille d’un grand poète, André Du Bouchet, trace le portrait inoubliable d’un homme seul, abandonné par sa femme qu’un autre grand poète a ravie, et qui surmonte sa douleur pour offrir le monde à ses enfants.
Prix François Mauriac : M. Bruno Pellegrino, pour Là-bas, août est un mois d’automne
Là-bas… du pays vaudois dont l’auteur est originaire, ce premier roman fait vivre les paysages et dans leur village des Alpes suisses revivre le poète Gustave Roud et sa sœur, auxquels il donne une présence déchirante et comme murmurée.
Prix Georges Dumézil : M. Alain Boureau, pour Le Feu des manuscrits. Lecteurs et scribes des textes médiévaux
Le feu ? C’est la passion des manuscrits. Cet historien du Moyen Âge fait partager son expérience d’éditeur de textes médiévaux, ses problèmes et ses tribulations. Un ouvrage savant, original et stimulant.
Prix Roland de Jouvenel : M. Florent Couao-Zotti, pour Western tchoukoutou
(Du nom d’un alcool béninois.) Une femme revient dans un village africain pour venger sa propre mort. Elle n’est pas un zombie mais une miraculée qui attend trois hommes au saloon… Un western jubilatoire.
Prix Biguet : M. Florian Michel, pour Étienne Gilson. Une biographie intellectuelle et politique
Première biographie sérieuse de notre illustre confrère, historien de la philosophie médiévale, qui met en lumière son engagement dans les affaires du siècle et reconstitue son immense influence politique et culturelle.
Prix Jacques Lacroix : M. Baptiste Morizot, pour Sur la piste animale
Approche originale et féconde de l’animal sauvage lorsqu’il suit à la piste une proie, ou qu’il est lui-même pisté, et qu’il se crée une sorte « d’intimité sans proximité » qui permet de connaître l’autre.
PRIX D’HISTOIRE
Prix Guizot : M. Marcel Gauchet, pour Robespierre, l’homme qui nous divise le plus
Admirable titre par sa justesse et sa portée. Pourquoi la figure qui incarne les deux faces de la Révolution française, droits de l’homme et Terreur, suscite-t-elle encore la polémique ? La réponse d’un philosophe historien.
Médaille du Prix Guizot : M. Jean-Pierre Cabestan, pour Demain la Chine : démocratie ou dictature ?
Avec clarté, maîtrise, et un esprit libre, ce sinologue fait le point sur une question essentielle. Il corrige notre vision, troublée par les idées reçues selon lesquelles cette grande puissance s’orienterait un jour vers la démocratie.
Prix Thiers : M. Philippe Apeloig, pour Enfants de Paris (1939-1945)
Ici sont photographiées et reproduites toutes les plaques commémoratives de ces années noires, que l’on peut lire sur les murs des rues de Paris. Une page tragique d’histoire de France racontée par l’image.
Prix Eugène Colas : M. François Dosse, pour La Saga des intellectuels français (1944-1989)
Fresque déjà classique en deux volumes, qui va de la fin de la Seconde Guerre mondiale à la chute du mur de Berlin, où l’on retrouve les personnages, les figures et les livres ayant marqué notre histoire tout court.
Médaille du Prix Eugène Colas : M. Gérard Noiriel, pour Une histoire populaire de la France. De la guerre de Cent Ans à nos jours
Où sont éclairés la place et le rôle du peuple dans les grands évènements et les luttes qui scandèrent l’histoire de la France – colonies comprises. À lire aussi pour comprendre la crise que nous traversons.
Prix Eugène Carrière : Mme Sophie Mouquin, pour Versailles en ses marbres. Politique royale et marbriers du roi
L’on croit tout savoir sur Versailles et on oublie, on ne voit pas, ses marbres, le bleu turquin, la brèche violette, le vert d’Égypte, la brocatelle d’Espagne, la brèche d’Alep. On ne lâche pas ce livre qui raconte leur présence et leurs voyages.
Prix du maréchal Foch : M. Jean-Vincent Holeindre, pour La Ruse et la Force. Une autre histoire de la stratégie
Étude savante des deux visages de la guerre telle qu’elle s’est développée depuis la guerre de Troie – Achille incarnant la force, Ulysse la ruse. À la tradition d’Ulysse, l’auteur rattache cette « stratégie du poulpe » par quoi il définit le terrorisme.
Prix Louis Castex : MM. Jean-Arnault Dérens et Laurent Geslin, pour Là où se mêlent les eaux. Des Balkans au Caucase, dans l’Europe des confins
Deux journalistes à bord d’un voilier cabotent sur les rives de l’Adriatique, de la mer Égée, de la mer Noire, longeant des pays qui n’existent plus, des minorités oubliées. Remarquable reportage d’après guerres.
Prix Monseigneur Marcel : Mme Catherine Kikuchi, pour La Venise des livres (1469-1530)
Si l’imprimerie fut inventée à Nuremberg, c’est à Venise qu’elle connut son premier essor. On découvre dans ce livre tout un monde – des imprimeurs aux colporteurs – au service d’une découverte qui bouleversa l’Europe.
Médaille du Prix Monseigneur Marcel : M. Shinichiro Higashi, pour Penser les mathématiques au xvie siècle
Comme ce prix fut le dernier choisi par notre regretté confrère Michel Serres, je lirai sa note : « Le livre de Shin Higashi est formidable : il faut lui donner le prix absolument. Ce livre est d’une érudition universelle, parfaite. L’auteur est le meilleur connaisseur des mathématiques à cette époque. Je suis en admiration devant son travail. »
Prix Diane Potier-Boès : Mme Oissila Saaïdia, pour L’Algérie catholique. Une histoire de l’Église catholique en Algérie (xixe-xxie siècle)
Alors qu’elle se voulait l’héritière de la prestigieuse Église d’Afrique, de Tertullien, de Cyprien, d’Augustin, l’Église catholique a creusé la ségrégation coloniale, marquant l’espace de ses églises et le temps du son de ses cloches.
Prix François Millepierres : Mme Claudia Moatti, pour « Res publica ». Histoire romaine de la chose publique
Cet ouvrage ambitieux étudie l’évolution de la notion de res publica, qui s’éloigne des citoyens et se transforme en « puissance publique », renforçant l’intérêt commun et la continuité de l’État, plus conservatrice donc.
Prix Augustin Thierry : M. Jean-Charles Ducène, pour L’Europe et les géographes arabes du Moyen Âge (ixe-xve siècle)
Où l’on découvre ce qu’est l’Europe sous le regard de l’autre, arabophone musulman ou juif, venant du sud de la Méditerranée ou d’al-Andalus. Une étude savante, précise et fouillée.
PRIX DE SOUTIEN À LA CRÉATION LITTÉRAIRE
Ces prix, au nombre de trois, sont décernés aux auteurs d’un livre prometteur.
Prix Henri de Régnier : Mme Charlotte Hellman, après Glissez, mortels
Où revit l’étrange intimité du trio formé par le peintre Paul Signac, Jeanne sa maîtresse et Berthe son épouse.
Prix Amic : Mme Diane Mazloum, après L’Âge d’or
Où revit un Liban de l’âge d’or, graduellement fendillé par les secousses des années 1970, le destin d’une famille et la dislocation d’une conscience heureuse.
Prix Mottart : M. Guy Boley, après Quand Dieu boxait en amateur
Où un père quasi mythique, prolétaire, forgeron, boxeur amateur, acteur, rejeté par son fils, n’est retrouvé et compris qu’au moment de sa déchéance finale.
Les lauréats des Prix de fondations sont invités à se lever tous ensemble. Nous leur rendrons hommage en les applaudissant.