Discours de M. Flourens
Directeur de l’Académie française
Sur les prix de vertu
Lu en séance le 20 juillet 1843
MESSIEURS,
En instituant des prix de vertu, il semble que M. de Montyon ait voulu fonder l’enseignement pratique de la morale.
Observateur aussi éclairé que bienveillant, il vit les instincts généreux du peuple former partout les premières bases des sociétés humaines ; il vit partout des malheurs, mais à côté du malheur il vit partout la compassion ; et l’inépuisable charité lui parut établie de Dieu pour servir de contre-poids éternel au mal éternel qui est sur la terre.
La Providence est le dernier mot de toutes les études sérieuses. Newton la découvrait dans l’ordre, admirable et un, qui régit les mondes Descartes la prouvait par l’intelligence M. de Montyon la trouva dans le cœur de l’homme.
En effet, toutes ces vertus qu’une pieuse fondation nous a révélées, ces dévouements, ces courages, ces abnégations sublimes, toutes ces vertus sont de Dieu, et la Providence est partout où est la bonté.
Cette année, comme toutes les autres, l’Académie a reçu de nombreux rapports sur les faits les plus méritoires et, cette année comme toutes les autres, elle regrette de ne pouvoir présenter à la reconnaissance publique tout ce qui lui a paru digne d’estime.
Une pensée, du moins, la console : c’est que le petit nombre de belles actions auxquelles elle s’est arrêtée suffirait seul pour prouver que M. de Montyon ne s’est point trompé, que l’homme tel qu’il l’a vu est bien le véritable homme, que l’héroïsme anime toujours cette terre, et que la charité fait toujours des miracles.
Il est, au sein de nos grandes populations, des êtres privilégiés, inconnus de tous, excepté des malheureux qu’ils soulagent, et qui semblent ne vouloir que Dieu pour témoin de leurs bonnes actions.
Près de l’enceinte même où je parle, à l’étage le plus élevé d’une maison modeste, est une petite chambre où l’on ne voit qu’un fauteuil, qu’un lit, qui n’a pour ornement qu’un crucifix : c’est là que demeure mademoiselle Pierrette Linet ; c’est là qu’une femme de soixante et seize ans travaille dix-huit heures par jour, s’impose les privations les plus dures, vend ses meubles, ses effets, se cache à tous, et accomplit, dans le silence, un de ces beaux et rares dévouements qui, une fois connus, deviennent un titre d’honneur pour l’humanité entière.
Mademoiselle Linet comptait déjà soixante années, remplies de bonnes œuvres, lorsque près d’elle, dans une mansarde voisine de celle qu’elle occupe, vint se réfugier une pauvre et vieille femme, madame Billy, veuve d’un ancien employé des postes.
Madame Billy n’avait, pour tout moyen d’existence, qu’une pension viagère de 30 francs par mois. Mais le dénûment, la misère, n’étaient pas ce qui l’affligeait. Tristement parvenue au terme de la vie, une douleur profonde accablait son âme : sa fille était infirme, idiote, sourde, muette. Où lui trouver un appui, et comment supporter l’idée de la laisser seule ?
Chaque jour ajoutait au désespoir de la pauvre mère, lorsque mademoiselle Linet, émue de compassion sur tant d’infortunes, vint doucement s’initier aux chagrins de la mère, aux besoins de la fille, et se placer, comme une seconde Providence, entre ces deux êtres.
Alors madame Billy put mourir ; et, à sa dernière heure, confiant sa fille à son amie, elle entendit celle-ci répéter : « Jamais, non jamais je ne la quitterai. »
Ne songeant plus qu’à remplir cet engagement sacré, mademoiselle Linet a commencé, à soixante-cinq ans, une tâche de dévouement pour laquelle elle s’est inspirée de toute une tendresse de mère.
À peine madame Billy eut-elle fermé les yeux, que mademoiselle Linet fit transporter la pauvre orpheline dans son petit réduit. Là il n’y avait qu’un lit, ce lit fut pour la malade. Mademoiselle Linet travaillait déjà dix heures par jour ; elle en travailla quinze, elle en travailla dix-huit ; quand le travail ne suffit plus, elle vendit ses meubles.
Que ne peut la passion de la charité ? Jusqu’alors un seul être au monde avait pu comprendre les gestes et les sons inarticulés de la malheureuse infirme : l’ingénieuse vertu de mademoiselle Linet lui donna la clef de ce langage.
Depuis onze ans, elle cache sa charité de tous les instants. Elle a toutes les inquiétudes, tout l’amour troublé d’une mère, sans en avoir jamais eu les joies ni les espérances : jamais un sourire, jamais une marque d’affection ne la payent des soins qu’elle prodigue ; et quand on lui parle de l’impossibilité de continuer à son âge cette vie de perpétuels sacrifices et d’une résignation surhumaine, elle lève les yeux au ciel, et de là les portant sur sa fille adoptive, elle répond avec confiance : « Je l’ai reçue de sa mère, et je ne la rendrai qu’à Dieu. »
L’Académie décerne à mademoiselle Linet un prix de 3,000 francs.
Nous venons de voir, Messieurs, tout ce que peut la charité, inspirée par la sensibilité douce et patiente d’une femme. La charité de l’homme est surtout dans le courage uni à l’humanité, dans le dévouement intrépide.
Cette année, l’Académie est assez heureuse pour avoir à proclamer les noms de deux hommes dont la vie entière n’est qu’une suite des plus beaux faits : l’un de ces hommes est Jean Prévot, l’autre est Gilbert Bellard.
Jean Prévot est un ancien marin, attaché depuis seize ans, comme surveillant, au port de Libourne.
Placé sur le bord de la mer et au confluent de deux fleuves, les occasions de dévouement ne devaient pas lui manquer, et il n’a manqué à aucune. Pour lui, l’héroïsme est une vertu de chaque jour. Il vit au milieu de la tempête. Si un vent d’orage s’élève, si une tourmente s’annonce, Prévot est là, toujours là, toujours prêt à disputer aux flots leurs victimes.
Jeune encore, les périls qu’il a tant de fois bravés ont usé sa vie, dont chaque année peut être comptée par un père rendu à sa famille, par un citoyen rendu à la patrie. Aucune infortune ne le trouve insensible. Père de cinq enfants, il partage souvent le fruit de son travail avec les malheureux qu’il sauve.
La population de Libourne est fière de Jean Prévot. Elle proclame avec orgueil son dévouement, son désintéressement, son intrépidité secourable. Un danger survient-il, tous les yeux le cherchent. L’aperçoit-on, un cri d’espérance se fait entendre.
Ses forces, son habileté, son courage sont le patrimoine de tous ceux qu’un péril menace. Vingt-sept familles lui doivent un père, ou un fils ou un frère ; et vingt-sept voix reconnaissantes répondront à Dieu interrogeant une si belle vie.
L’Académie décerne à Jean Prévot un prix de 3,000 francs.
Gilbert Bellard est un de ces vieux soldats de l’empire qui ont puisé sous les drapeaux de nobles inspirations. Licencié en 1815, le département du Puy-de-Dôme, son pays natal, devint son asile. La commune d’Artonne le choisit pour garde champêtre ; et, dès ce moment, Bellard sembla ne plus vivre que pour ses concitoyens.
Bientôt, un violent incendie est arrêté par les secours qu’il organise.
Plus tard, un jour d’une terrible inondation, il apprend qu’un village voisin, le village de Combronde, est presque entièrement submergé. Il y vole, arrache plusieurs habitants à la fureur des flots ; et, concevant tout à coup un moyen de donner de l’écoulement aux eaux, il entreprend un périlleux travail de mineur, et réussit ; les eaux disparaissent.
Bellard se retire, mais le génie du bien l’accompagne. Un habitant d’Artonne, traversant la rivière qui a débordé, est entraîné dans le courant avec sa monture. Bellard accourt et le sauve un peu plus loin, il tire de ce même courant deux vaches qui faisaient toute la fortune d’une pauvre famille.
À quelques jours de là, un métayer lui doit encore la vie.
Toujours Bellard brave les dangers ; et cependant il est père, il chérit une nombreuse famille. Depuis quinze ans il a recueilli dans sa chaumière une vieille parente infirme, que son humeur difficile a fait abandonner par les siens. Compatissant autant que courageux, il associe les soins d’un fils qu’il donne à cette pauvre femme à ses devoirs de père. Quatre petits enfants attendent de son travail le pain de chaque jour, et s’acquittent par des caresses qui font tout le bonheur du vieux soldat. Un fils aîné, sa plus chère espérance, et dont le secours commençait à lui être si nécessaire, lui est enlevé par la conscription : Bellard, qui n’a pas oublié son vieil amour pour la patrie, se résigne ; ce fils succombe sous les drapeaux, et pour la première fois l’âme forte de Bellard paraît abattue. Mais le ciel lui devait une consolation, c’est-à-dire une occasion nouvelle de dévouement, et bientôt le ciel la lui donne.
Le 25 juillet dernier, tandis que les cultivateurs d’Artonne et de Saint-Myon sont retenus au dehors par les travaux de la moisson, un orage épouvantable les surprend ; une énorme trombe d’eau, s’abattant subitement, leur coupe toute retraite : la pluie, la grêle, poussées par un vent furieux, font déborder la rivière de Morge, torrent impétueux qui se précipite des montagnes voisines. Les propriétaires des usines établies sur cette rivière paraissent d’abord les plus menacés, et déjà Bellard est au milieu d’eux.
Mais il leur est bientôt enlevé : de plus grands dangers le réclament. Toutes les populations voisines sont accourues, et la terreur les glace. Sur un très-petit espace que les eaux vont infailliblement envahir, cinq malheureux se sont réfugiés, et attendent une mort contre laquelle tout secours humain semble impossible, car d’énormes troncs d’arbres, roulés par les eaux, se pressent, se heurtent, et rendent au plus habile nageur l’abord impraticable. Les cris de détresse de ces infortunés, les déchirantes supplications de leurs familles, portent la consternation à son comble. Leur pasteur désolé prie et gémit en les bénissant.
Enfin Bellard arrive ; il voit, il comprend : au milieu du groupe de ces malheureux il distingue un père qui élève son jeune enfant et prie pour lui. Alors Bellard, le noble Bellard, s’adressant à ses concitoyens : « Je sais, leur dit-il, à quoi je m’expose ; si je péris, je vous lègue ma femme et mes quatre enfants. »
Aussitôt il plonge et commence une lutte affreuse, car il ne peut ramener chacun de ces infortunés que l’un après l’autre, et n’arrive, prêt à succomber sous le poids de celui qu’il sauve, que pour songer à ceux qui restent, renouvelant pour chacun d’eux tout ce que le plus intrépide courage peut inspirer de plus héroïque.
Les cris d’admiration des populations entières, les larmes de reconnaissance des mères et des enfants le soutinrent sans doute, car, après six heures d’affreux périls, tous furent sauvés, tous furent rendus à leurs familles.
L’Académie offre à Gilbert Bellard un prix de 2,000 francs.
Il est aussi, Messieurs, d’autres dévouements. Il est des serviteurs, généreux et fidèles, qui ne se comptent pour rien, qui comptent leur maître, tombé dans le malheur, pour tout, et qui ennoblissent leur état par leur vertu. Telle est Marie Girard. Née de parents pauvres, elle fut, dès l’âge de onze ans, l’unique soutien d’un père infirme et d’une mère épuisée. Devenue orpheline, le besoin qu’elle avait de s’oublier pour les autres lui imposa de nouveaux devoirs.
Elle servait, depuis trente-neuf ans, à Étampes, une famille aisée, lorsque des événements imprévus ruinèrent ses maîtres. Marie, qui leur avait confié une somme de 3,200 francs, fruit d’une vie entière de travail et d’économie, vit son petit trésor emporté dans une faillite. Elle crut alors n’avoir qu’à consoler et à soulager le produit d’un labeur forcé fut, chaque jour, apporté par elle dans la maison de ses maîtres.
Après quelques années de cette vie de privations, la fortune des époux Ménault parut, un moment, se relever. Marie, en partageant cette aisance temporaire, ne se permit rien pour elle : rigoureusement économe, elle songeait à un avenir, et ce n’était pas au sien.
Le jeune Ménault, arrivé à l’âge de s’établir, prit une maison de commerce à Rouen. En lui faisant ses adieux, Marie, qui avait amassé 1,200 francs, lui remit sa bourse. « Voilà tout ce que je possède, lui dit-elle ; mais ne songe qu’à tes parents, car je peux leur manquer. »
Le désir d’améliorer le sort de ces bons vieillards pousse le jeune homme à trop entreprendre ; ses espérances sont trompées ; il tombe malade. Marie quitte pour la première fois ses maîtres, vole à Rouen, et là tout ce que la tendresse d’une mère peut apporter de consolations est prodigué par elle. Cinq mois de soins et de veilles ne peuvent sauver les jours de son enfant d’adoption ; il succombe, et laisse des créanciers qui viennent arracher à ses parents jusqu’à la maison qu’ils habitent. Ces derniers coups sont au-dessus des forces de la pauvre mère, que le chagrin réunit bientôt à son fils. Marie reste seule alors avec un vieillard complètement infirme : ne voulant pas lui laisser le temps de connaître toute l’étendue de sa misère, elle loue une petite chambre, y rassemble quelques objets échappés au naufrage, y conduit M. Ménault. Là, son premier soin est de cacher à lui et aux autres que c’est du travail le plus rude qu’elle tire les ressources qui sauvent le maître qu’elle vénère, des secours de la pitié publique ; elle le respecte trop pour ne pas imposer à tous le respect. La sérénité de son visage, le doux contentement qui lui vient du cœur, peuvent même laisser encore au vieillard quelque illusion de bonheur. Il est, dans ces âmes privilégiées, d’exquises délicatesses. Marie, qui, pour elle, oublie le nécessaire, se souvient que M. Ménault aime à lire son journal ; il le trouve chaque matin à son réveil, et sa tabatière a toujours été scrupuleusement remplie. Alliant ainsi le respect à un dévouement si persévérant, à une abnégation si pure, Marie Girard, à soixante et seize ans, après cinquante ans d’une vie consacrée à un maître qui, aujourd’hui, en a quatre-vingt-deux, paraîtra sans doute avoir bien mérité un prix de 2,000 francs.
Catherine Augé, de Neufchâteau, dans le département des Vosges, est encore un modèle admirable de dévouement.
Elle est, depuis trente-deux ans, l’unique soutien de l’être infortune auquel elle s’est attachée. Vainement sa maîtresse elle-même l’a-t-elle conjurée plusieurs fois de ne pas associer sa vie, encore pleine d’espérances, à une existence brisée par le malheur. Le malheur n’a fait que redoubler la délicatesse, la fidélité, le courage de cette généreuse fille.
Veuve d’un capitaine de cavalerie, et conservant dans la position la plus rigoureuse toute sa noblesse d’âme, puisse aujourd’hui la respectable maîtresse de Catherine Augé, qui n’a pu s’acquitter elle-même d’une dette du cœur, apprendre, à quatre-vingts ans, avec quelque bonheur, que l’Académie décerne à sa vertueuse domestique un prix de 2,000 francs.
Deux médailles de 1,000 francs sont décernées l’une à Anne Catton, pauvre journalière de Jussey (Haute-Saône), pour les soins gratuits qu’elle prodigue, depuis dix-neuf ans, à une famille d’idiots infirmes ; l’autre au sieur Laury de Fontainebleau, qui, après avoir conquis sur nos champs de bataille la croix des braves par son courage, mérite d’y voir associé aujourd’hui, pour ses actes d’humanité, l’un des prix destinés à la vertu.
Neuf médailles de 500 francs chacune sont accordées pour des actions qui, toutes, mériteraient d’être racontées ; car on verrait des êtres pauvres, qui n’ont rien et qui donnent ; on verrait de bonnes femmes dont l’industrieuse charité a des secours pour toutes les infortunes, et qui font douter qu’il puisse exister des malheureux dans les lieux qu’elles habitent.
Enfin une médaille particulière de 1,000 francs a été votée pour un fait que je crois devoir citer, parce qu’il nous montre jusqu’où peuvent aller, dans une classe pauvre, la délicatesse de l’honneur et la distinction exquise des sentiments.
Il y a quelques années que, dans la petite ville de Provins, une famille honnête fut complètement ruinée par des entreprises hasardeuses. Après avoir donné tout ce qu’il possédait, le malheureux père, âgé et incapable de travail, devait encore près de 4,000 francs.
Déclaré insolvable, et n’ayant que des enfants mineurs, ses créanciers l’abandonnèrent. L’un de ces enfants était une jeune ouvrière de quatorze ans, qui travaillait depuis plusieurs années pour s’amasser une dot qui lui permît d’entrer dans la vie religieuse. C’était là l’unique objet de ses vœux.
Aussitôt que le désastre de sa famille lui fut connu, abandonner son petit trésor pour suffire aux premiers besoins, devenir par son travail l’unique appui d’un père infirme, d’un frère enfant, d’une grand’mère octogénaire, tout cela ne fut pas assez pour la jeune fille.
Sa mère, sa pauvre mère, est là mourante, et ce n’est pas la misère qui la tue. L’ange qui veille auprès d’elle comprend des vœux que le cœur d’une mère ne laisse pas échapper, et toute sa vie y sera consacrée. Le travail du jour, celui des nuits, joints aux plus rudes privations, lui permettront d’acquitter les dettes de la famille, et un jour le nom de son père sera réhabilité.
La malheureuse mère ferme les yeux, en bénissant sa fille. Peu après, celle-ci va trouver les créanciers, leur demande du temps, beaucoup de temps, et les supplie de laisser quelques effets à son vieux père.
On est ému à la vue de cette enfant, mais son projet étonne : elle n’a que son travail, trois personnes sont à sa charge, et elle entreprend de payer des dettes qui ne sont pas les siennes. Une résolution aussi forte, dans un âge aussi tendre, trouve des incrédules.
Il y a aujourd’hui vingt ans que Mlle Josserand a pris ce noble engagement dont elle a rempli toutes les obligations ; et elle semble croire que sa conduite n’a rien que de très-ordinaire. Son courage n’ayant jamais failli, une vie, qui n’a été que la mise en œuvre d’une bonne pensée, lui a laissé toute sa délicatesse et toute sa modestie.
Elle a reçu les derniers vœux de sa grand’mère ; la vieillesse de son père a été honorée par elle et pour elle ; son frère lui doit une bonne éducation et un état ; il lui doit surtout un nom sans tache, car toutes les dettes ont été acquittées et ce sont des créanciers payés, ce sont des voisins qui ont admiré en silence, qui viennent aujourd’hui, et à son insu, divulguer le secret d’une vertu qui s’ignore.
En terminant ce rapport sur des faits qui honorent à un si haut degré la nature humaine, il serait difficile de ne pas rappeler une fois encore le nom de M. de Montyon.
Après avoir admiré les belles actions que nous proclamons ici chaque année, notre admiration remonte naturellement au génie heureux qui a mis cette suite, cette grandeur, cet ensemble dans l’art de faire du bien aux hommes.
Je dis cet ensemble. En effet, les institutions diverses qu’il a fondées tiennent les unes aux autres, et ne forment toutes qu’une institution immense en faveur du pauvre.
Le pauvre est malade, M. de Montyon lui a préparé des secours pour ses maladies ; le pauvre se livre à des arts souvent insalubres, M. de Montyon a chargé une autre Académie d’assainir ces arts, de rendre l’art de guérir plus constamment utile, de jeter les bases solides de la science du bien public ; enfin, il vous a confié, Messieurs, le soin plus doux, et sans doute non moins important, d’améliorer les mœurs par les lettres, et les lettres elles-mêmes par l’exemple, toujours présent, des vertus du pauvre.
M. de Montyon a reculé toutes les limites connues de la bienfaisance.
Il avait vu le peuple, sous l’influence d’une religion toute d’amour, faire, de l’humanité, la charité ; et cela seul lui avait tout appris, car la charité est tout.
Bossuet a dit : « La pitié est le tout de l’homme » ; et Newton termine l’un des plus beaux ouvrages qui soient sortis de la main des hommes, par ces paroles : « Sans la charité, la vertu n’est qu’un vain nom. »