Le nom confins est emprunté du latin confinis, adjectif signifiant proprement « qui a une limite, une frontière (finis) en commun (cum) ». Jadis, les confins désignaient, ainsi qu’on le lit dans la première édition du Dictionnaire de l’Académie française, « les limites, les extremités d’un pays. Sur les confins du royaume, de la province. Borner, regler les confins ». À ces sens on ajouta, dans la sixième édition, l’expression les confins de la terre, pour désigner « les lieux de la terre les plus éloignés de celui où l’on se trouve ». Quelques années plus tôt, Pierre-Simon de Laplace en avait repoussé plus loin les limites, lui qui écrivait dans son Exposition du système du Monde : « Si l’on juge de la distance d’Uranus par la lenteur de son mouvement, il doit être aux confins du système planétaire. » Mais confins s’employait aussi figurément, comme en témoignent ces lignes des Précieuses ridicules (acte I, scène xi) :
– Jodelet : « Il est juste de venir vous rendre ce qu’on vous doit et vos attraits exigent leurs droits seigneuriaux sur toutes sortes de personnes. »
– Magdelon : « C’est pousser vos civilités jusqu’aux derniers confins de la flatterie. »
De confins on tira le verbe confiner, d’abord avec une construction indirecte et le sens d’« être limitrophe, être situé sur les confins » ; on lisait donc dans notre Dictionnaire : « La France confine avec l’Espagne ». Mais ce verbe a aussi une construction directe ; il signifie alors « reléguer dans un certain lieu, exiler ». Et si l’on veillait ordinairement à ce que ces lieux fussent le plus éloignés et le plus sauvages possible, il arrivait que cet exil soit volontaire. On lit ainsi dans L’Homme et son image, de La Fontaine : « Il va se confiner / Aux lieux les plus cachés qu’il peut s’imaginer », ou dans ce monologue de Titus dans Bérénice, de Racine (acte IV, scène iv) : « Au bout de l’univers va, cours te confiner ».
Depuis longtemps l’augmentation des vitesses de déplacement semble diminuer la taille de notre monde. L’aurions-nous tellement rétréci que, aujourd’hui, ses limites confinent au chez soi de tout un chacun qui, de ce fait, est prié d’aller se confiner non plus aux extrémités de la terre, mais simplement à son domicile ?
C’est de confiner qu’est tiré le nom confinement. Il fit une première apparition dans la septième édition de notre Dictionnaire avec cet exemple : Le confinement d’un prisonnier dans un lieu déterminé. Sorti par la porte de la huitième édition, il revint par la fenêtre de celle d’aujourd’hui, mais désormais le confinement du prisonnier se fait dans sa cellule, et à cet exemple s’est ajouté celui du confinement d’un malade dans sa chambre.
Depuis peu, les termes déconfiner et déconfinement sont très fréquemment employés mais ils ont la triste réputation d’être des néologismes mal venus, alors qu’ils sont bien formés, avec ce préfixe dé-, particulièrement productif. De plus, ceux qui leur jettent ainsi la pierre oublient que déconfinement se lit depuis une quarantaine d’années. On trouve ainsi, dans les très sérieux Comptes rendus de l’Académie des sciences (volume 292, 1981) : « Un réacteur thermonucléaire à confinement magnétique doit fonctionner à l’équilibre. Les gains dus à la réaction compensent exactement les pertes par rayonnement et déconfinement. » Quant à déconfiner, il est antérieur à la première édition de notre Dictionnaire, pourtant parue en 1694. Il n’est pour s’en convaincre que d’ouvrir le malheureusement trop peu lu Dictionnaire orateur François-Latin-Aleman, édité par Johann-David Zunners en 1688, et dont il est précisé qu’il contient tous les mots et toutes les belles phrases françoises et alemandes tirées des meilleurs auteurs de nôtre siècle. On y trouve en effet l’exemple Déconfiner les ennemis. Certes en pareil cas, déconfiner les ennemis signifie les repousser au-delà des frontières, mais de même que, on l’a vu plus haut, il arrivait jadis que l’on se confinât, tout un chacun sera ravi aujourd’hui de franchir les frontières qui l’enclosent.