« Toute sa vie l’une de mes arrière-grand-mères, laveuse sur un bateau-lavoir, conserva sur sa cheminée une gravure des obsèques nationales de Victor Hugo. Symbole de la confiance en la république du peuple d’en bas, qui en attend la justice, le progrès, l’instruction. D’où, après
L’églantine et le muguet, ce retour sur ma terre d’origine, l’Anjou, pour réveiller la mémoire de ces gens d’avant, de leurs difficiles existences de travail, du poids sur leurs vies de l’église et des châteaux, de leurs modestes et farouches espoirs. Autour d’eux, les figures fraternelles de Victor Hugo, de Louise Michel, des républicains et républicaines d’une province qui l’était si peu. Ces espoirs, qu’en reste-t-il aujourd’hui ? La république, entièrement soumise à des intérêts économiques et financiers, est de tous côtés mise en doute, rongée par la défiance et le désintérêt. Mais rien n’est perdu. En 2018, sur les ronds-points des gilets jaunes, j’ai entendu la demande de justice et de reconnaissance qu’exprimaient confusément mes ancêtres anonymes des bords de Loire, journaliers agricoles, vignerons, artisans, tous ceux que Gracchus Babeuf nommait les impropriétaires. Au long de cette traversée d’une époque qui attendait tout de la république, je me suis sentie animée d’une conviction tenace : il y a de l’avenir dans ce passé-là. »
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