À l’ombre de Maurice Barrès
d'Antoine Compagnon (dir.)
paru le 2 novembre aux éditions Gallimard
Le centenaire de la mort de Marcel Proust — « notre jeune homme », disait Maurice Barrès — a été célébré avec majesté en 2022. Et celui de Barrès, disparu en décembre 1923 ? Le « prince de la jeunesse » à la fin des années 1880, devenu durant la Grande Guerre le « rossignol du carnage », comme l’appelait Romain Rolland, ne s’est pas remis de son engagement antidreyfusard et nationaliste, de son appartenance à la Ligue de la patrie française en 1899 et de sa présidence de la Ligue des patriotes en 1914.
Comment le jeune individualiste insolent et vaguement anarchiste, zélateur du Culte du Moi, est-il devenu le chantre de « La Terre et les Morts » et le propagandiste de la tradition française ? « Barrès s’éloigne », observait Montherlant dès 1925. Plus tard, Zeev Sternhell le rendra responsable de l’invention du fascisme, sentence excessive mais raison suffisante de ne pas l’oublier.
Et le styliste n’aura cessé d’exercer une influence certaine sur les écrivains de l’entre-deux-guerres, Malraux, Drieu la Rochelle, Mauriac, Montherlant, et surtout Aragon, qui n’a jamais renié sa dette. L’Ennemi des lois, Les Déracinés, La Colline inspirée, avec lesquels grandirent plusieurs générations d’adolescents, sont peu disponibles en librairie aujourd’hui. Mais les historiens de l’art n’ignorent pas cet homme de lettres exceptionnel qui a tant parcouru l’Italie et l’Espagne et fait connaître leurs trésors.
Un siècle après sa mort, la place de Barrès dans la littérature française ne peut pas être ignorée.