Hommage prononcé à l’occasion du décès de M. Jacques-Yves Cousteau

Le 26 juin 1997

Jean BERNARD

HOMMAGE

à

M. Jacques-Yves COUSTEAU[1]

PRONONCÉ PAR

M. Jean BERNARD
Directeur de l’Académie

séance du 26 juin 1997

 

Jai gardé un souvenir émouvant et fort de mes rencontres avec le Commandant Jacques-Yves Cousteau quand il préparait l’éloge de Jean Delay.

Je découvrais un homme de haut rang constamment inspiré par sa volonté d’accroître la connaissance, de transmettre la connaissance.

Il forme d’abord, il invente les instruments, les appareils indispensables, le fameux scaphandre Cousteau-Gagnan, qui va permettre la conquête visuelle de la troisième dimension des mers, les chères Calypso, les caméras étanches, les propulseurs sous-marins, les soucoupes plongeantes, la turbo-voile.

Puis il forme les équipes ; il prépare ses expéditions ; il explore. Il fera peut-être soixante fois le tour de la terre, du cap Horn à la mer Rouge, de l’Amazonie à l’Asie du Sud-Est. Comme l’a si bien écrit Bertrand Poirot-Delpech, en recevant le Commandant Cousteau, c’est d’une véritable révolution dans la connaissance des océans qu’il s’agit.

Le dessous des mers, jusqu’au milieu de ce siècle, est resté inconnu, mystérieux, chargé de mythes tels ceux que nous transmettent la pieuvre de Victor Hugo, la baleine de Melville.

Jacques-Yves Cousteau va découvrir un monde ignoré. Il va éclairer des domaines longtemps restés obscurs. Des domaines très divers. De la physiologie de la plongée aux mœurs des poissons, de la santé des fleuves et des mers à l’archéologie des épaves, des réserves nutritives des océans à la survie des espèces.

Tout cela avec une extrême discrétion.

« Il n’y a pas de hasard, ni de sorts exceptionnels, ni de vocations. Il n’est que de travailler dur, en s’amusant, en étant bien dans sa peau », dit-il un jour à son ami.

Il est bon de découvrir. Il est bon aussi de transmettre la connaissance.

Jacques-Yves Cousteau fut à la fois explorateur, homme de science, écrivain et artiste. Il a été un pionnier du cinéma scientifique, de la télévision scientifique. La liste publiée par l’Annuaire de notre Compagnie donne une première idée de l’importance, de la diversité de cette œuvre, depuis Par dix-huit mètres de fond en 1946, jusqu’à À travers la Chine avec le fleuve Jaune en 1996. Mais il faut avoir vu les films pour comprendre l’alliance de hautes vertus qui définit l’action, la personne de Jacques-Yves Cousteau, pour s’émerveiller avec lui devant les formes et les couleurs rencontrées, devant les nageoires bariolées des poissons, pour admirer les inventions, les intrigues qui laissent les auditeurs impatients puis comblés.

La question de la connaissance est aussi ancienne que l’homme ou plus exactement que la femme. Mais elle a été renouvelée, transformée par les progrès de la science, par l’accélération récente de ces progrès.

La plongée libre suscite une éthique. Là encore, Jacques-Yves Cousteau a été un pionnier. Il a, l’un des premiers, perçu certains périls. Il a défendu non seulement les droits des hommes vivants mais aussi les droits des générations futures. Il a souhaité faire réfléchir les peuples eux-mêmes. Il a constamment été habité par son amour de la vie.

L’Académie est douloureusement frappée par sa disparition. Elle s’associe avec émotion à la peine de Mme Cousteau et de tous les siens.

 

 

[1] Mort le 25 juin 1997, à Paris.